mardi 3 mars 2009

L‘Entretien de M. Descartes avec M. Pascal le jeune, de Brisville, par Flotats

Mise en scène de Josep Mª Flotats, traduction de Mauro Armiño.

Flotats nous avait déjà régalés avec sa version d’une autre pièce de Jean-Claude Brisville (Bois-Colombes, 1922), Le Souper : un plat délicat de haute politique. C'était dans le Théâtre du Círculo de Bellas Artes de Madrid. Lui dans le rôle de Talleyrand, Carmelo Gómez dans celui de Fouché. Ce texte fut l'objet d'une adaptation cinématographique par Édouard Molinaro.

À la sortie du théâtre Español, plaza de Santa Ana, Madrid, après avoir vu L’Entretien... (Actes Sud, 1986), je ne pus m’empêcher de songer au court poème, la ligne rédigée par Jacques Prévert sous le titre « LES PARIS STUPIDES », à la page 185 de Paroles (1946) :

Un certain Blaise Pascal
etc... etc...

Le pari de Pascal est une expression qui renvoie à un passage des Pensées (1670), de Blaise Pascal, où il tâche de convaincre les incroyants qu'en pariant pour l'existence de Dieu ils n'ont rien à perdre, mais tout à gagner. Voici sa démonstration :

« Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude; et votre nature a deux choses à fuir : l'erreur et la misère. Votre raison n'est pas plus blessée, en choisissant l'un que l'autre, puisqu'il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant choix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter. »

Franchement, on ne saurait trop blâmer Brisville de donner, dans L‘Entretien..., le beau rôle à Descartes : l’envie de vivre et de savoir face à la mortification janséniste d’un talent hors du commun pour les mathématiques et la physique. La rencontre en question se serait produite en 1647, pendant un bref séjour en France de l'auteur du Discours de la Méthode. Ce serait alors, selon certaines sources, qu’il aurait inspiré à Pascal les expériences du Puy-de-Dôme sur la pression atmosphérique (1648). Eh oui, rappelez-vous que « Pascal » est le nom donné à l’unité de pression. Tout compte fait, nom doublement mérité...
Au demeurant, l’état d’esprit de Descartes à cette époque-là était marqué par sa correspondance avec Élisabeth de Bohême, qu’il avait rencontrée en 1643. Grâce à ces échanges, il avait en tête la rédaction de son futur Traité des Passions de l’âme (1649).

Il est possible aujourd’hui de faire d’un livre trois coups puisque Actes-Sud a publié en 2005, dans sa collection Babel, Le Souper - Suivi de L'entretien de M. Descartes avec M. Pascal le Jeune et de L'Antichambre. Jean-Claude Brisville écrit à propos de cette édition :

« Histoires... histoires aurait pu être le sous-titre de ce recueil. Chacune de ces pièces, en effet, met en scène le conflit de deux personnages de grand format (Talleyrand et Fouché, Descartes et Pascal, Mme du Deffand et Julie de Lespinasse) qui vivent, inscrite dans l'Histoire, une histoire qui leur est propre. Il m'a fallu, pour les faire parler, tenter de retrouver - et sans tomber dans le pastiche - une langue française à son plus haut degré de grâce et d'efficacité. Ce fut, malgré le risque, un plaisir d'écriture. Y a-t-il encore aujourd'hui la possibilité d'un théâtre d'Histoire qui ne soit pas seulement rétrospectif ? A cette question, ces trois pièces essaient de répondre. »

Il y a quelques jours, je vous ai mis dans ce blog le début du Voyage de Baudelaire. Le voyage était bien différent pour Descartes. Dans L’Entretien... Pascal lui demande s’il avait été élève des Jésuites. Voici les répliques qui s'ensuivent immédiatement :

DESCARTES. — Ils m’ont appris à ne point m’en tenir, sur tout ce qui touche à la vie, à un seul point de vue.
PASCAL. — Et sur tout ce qui touche à Dieu ?
DESCARTES. — Dieu est en nous. Chacun lui prête son visage. Et alors que nous acceptons la dissemblance de nos traits, nous sommes toujours prêts à nous entretuer parce que nous ne voyons pas, n’entendons pas le même Dieu.
PASCAL. —Monsieur ! Il y a l’Écriture, et elle parle à tous la même langue. (Un temps.) Je ne peux pas vous suivre.
Un temps.
DESCARTES. — Il vous eût peut-être fallu voyager...
(...)
N’hésitez pas à en lire la suite... et le tout.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire