mercredi 20 octobre 2010

Nouvelles technologies et indigence intellectuelle : Power Point

En classe, nous parlons souvent des possibilités... et des risques formidables des nouvelles technologies pour l'apprentissage et pour la vie. Sans nier les avantages qu'elles peuvent nous procurer, nous savons bien qu'elles ne sont pas du tout la panacée résolvant tous nos problèmes, loin de là. Elles nécessitent d'un critère développé et évéillé sans désemparer car autrement, elles s'avèrent notre pire ennemi. C'est notre cerveau qu'il nous faut nourrir, entraîner, exploiter, cultiver. À force de n'en rien faire, de laisser calcul et opérations, réflexions, argumentations, discours, jugements critiques, mémoire... aux seuls ordinateurs, agendas, calculettes, bref... machines, on va aboutir à la situation imaginée par Pierre Boulle dans ce roman non lu et trahi par le cinéma qu'est La Planète des Singes (1963) et que je vous conseille vivement.
Parmi les icônes de cette culture machinale de l'image, la puérilité et la cruauté qu'est la nôtre, les présentations Power Point ont acquis un prestige tout conséquent ; elles représentent à la perfection le genre de non discours qu'il faut utiliser de nos jours pour faire paître le cyber-bétail, autrement dit, pour ne pas violenter des cerveaux ne jurant que par la distraction visuelle et la vacuité. Il n'est pas donc étonnant que quelqu'un, alarmé, sonne le tocsin. C'est bien le cas de Franck Frommer (spécialiste en Jean-Patrick Manchette !) qui vient de publier un ouvrage à ce propos et dont le titre est suffisamment explicite : La pensée PowerPoint. Enquête sur ce logiciel qui rend stupide (coll. Cahiers libres, Éd. La Découverte, octobre 2010, p. 264, 17 €). Tout comme la présentation que diffuse la maison d'édition sur son site et que je vous cite ci-dessous :
Qui est aujourd'hui l'ennemi numéro un de l'armée américaine ? Les Talibans ? Al-Qaida ? L'Iran ? Non, l'ennemi, c'est PowerPoint, comme l'a affirmé, en avril 2010, le général des Marines James N. Mattis, selon lequel « PowerPoint nous rend stupides ».
Apparu en 1987, ce logiciel destiné à fabriquer des présentations visuelles pour soutenir des exposés oraux est devenu en quelques années un outil indispensable de communication dans le monde de l’entreprise. Un outil dont le succès a dépassé les espérances de ses créateurs car, de fait, plus aucun domaine d’activité n’est épargné aujourd’hui par le défilement des slides animé et la succession des « bullet points » : du conseil d’administration aux assemblées municipales, de la publicité aux nouvelles technologies, des ministères à l’école ou à l’hôpital.
Franck Frommer présente la première enquête sur ce logiciel devenu incontournable. L’auteur, qui évolue depuis des années dans la « culture ppt », a visionné des centaines de présentations et analysé en profondeur la « pensée » PowerPoint, avec ses listes à puces, ses formules creuses et sa culture du visuel à tout prix. Où il apparaît que PowerPoint se révèle une puissante machine de falsification et de manipulation du discours, transformant souvent la prise de parole en un spectacle total où la raison et la rigueur n’ont plus aucune place. Plus grave, ce logiciel a fini par imposer de véritables modèles de pensée issus du monde de l'informatique, de la gestion et de la communication. Des modèles diffusés par des consultants à l'ensemble des activités sociales, distillant une novlangue particulièrement indigente qui n’a pas d’autre effet que de nous rendre … stupides.
Bref, powerisation n'est que paupérisation des esprits... Si vous cliquez sur le lien ci-contre, vous accéderez à l'interview offerte par Franck Frommer au quotidien Le Monde. Vous n'avez qu'à extrapoler pour réfléchir un petit peu à ce qu'on nous vend sur tous les plans...

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