lundi 15 février 2016

Rapport 2016 de la fondation Abbé Pierre sur les mal-logés en France

Le jeudi 28 janvier, la Fondation Abbé Pierre pour le Logement des Défavorisés rendit son Rapport 2016 sur l’état du mal-logement (basé sur l'Enquête nationale du Logement 2013 dont les résultats ne concernent que la France métropolitaine) dans la sixième puissance économique du monde.
Selon Le Monde, avec AFP, la Fondation dresse un tableau sombre :
Hausse du nombre de personnes sans domicile, renonçant à se chauffer ou contraintes de vivre chez des tiers : de nombreux indicateurs sont dans le rouge.
Pour Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre,
(...) cette « aggravation du mal-logement touche avant tout les classes populaires ». Les ménages les plus pauvres consacrent à leur logement 55,9 % de leurs revenus, une part trois fois supérieure à la moyenne (17,5 %). « Le logement est le reflet des inégalités, mais il est aussi accélérateur des inégalités », souligne M. Robert.
... Et de beaucoup d'échecs scolaires, déstructurations familiales, violences sociales, suicides, etc., peut-on ajouter.

Jetons un coup d'œil sur le rapport. On peut y lire, littéralement, ces extraits...
3,8 millions de personnes mal logées.

[44 000] Personnes (...) ne peuvent accéder à une place dans les aires d’accueil aménagées destinées aux "gens du voyages".


12,1 millions de personnes fragilisées par rapport au logement.


(...) la Fondation Abbé Pierre révèle des tendances alarmantes à l’aggravation de la situation pour la plupart des indicateurs disponibles, qu’il s’agisse du nombre de personnes sans domicile, d’hébergés chez des tiers, de personnes subissant un effort financier excessif pour se loger ou de ménages souffrant du froid à domicile.

(...) Parmi les personnes privées de logement personnel apparaissent enfin 643 000 personnes hébergées chez des tiers de manière très contrainte : personnes de 17 à 59 ans n'ayant pas les moyens de décohabiter hébergées par des personnes sans lien de parenté direct (69 000), plus de 25 ans contraints, après une période de logement autonome, de revenir habiter chez leurs parents ou grands-parents faute de logement autonome (339 000), majeurs de plus de 25 ans chez leurs parents incapables de décohabiter pour raisons financières (153 000) et personnes de plus de 60 ans hébergées chez un tiers sans lien de parenté direct (83 000).

Par rapport aux années précédentes, la Fondation Abbé Pierre a décidé d’intégrer à son décompte, parmi les personnes en difficultés, deux nouvelles formes de fragilisation par le logement à mieux appréhender : l’effort financier excessif et le froid à domicile.

Au total, ce sont donc 14 466 000 personnes qui sont victimes de la crise du logement.

Les locataires continuent de payer leur loyer, puisque le nombre d’impayés semble stable. Mais à quel prix... Les Français sont 44 % de plus qu’en 2006 à se priver de chauffage à cause de son coût. 20% plus nombreux à être hébergés chez des tiers. 26% de plus à subir un effort financier excessif pour payer son logement. 6 % de plus à se serrer en surpeuplement accentué.

Entre 2001 et 2012, le nombre de personnes sans domicile a augmenté d’environ 50 %, d’après l’enquête sans-domicile de l’Insee. Les phénomènes de grande exclusion se sont amplifiés. Et encore s’agit-il d’un décompte a minima, basé sur les personnes rencontrées en 24 heures dans les services d’hébergement ou de restauration pour les sans domicile, qui ne prend donc pas en compte les nombreuses personnes qui n’y ont pas recours quotidiennement, par exemple parmi les personnes qui vivent en bidonville.

Entre 2006 et 2013, le surpeuplement a augmenté de manière inédite. Le nombre de ménages en surpeuplement accentué a crû de 185 000 à 218 000 (+ 17 %), tandis que celui des ménages en surpeuplement modéré (hors ménages unipersonnels) est passé de 1 694 000 à 1 789 000 (+ 6 %).

Le pourcentage des ménages déclarant avoir eu froid au cours de l’année est en hausse très marquée depuis des années. Alors que seuls 10,9 % des ménages s’en plaignaient en 1996, ce taux est monté à 14,8 % en 2002 puis 18,8 % en 2013.

En 2013, 4 767 000 millions de ménages, soit 11 026 000 personnes, se sont plaints d’avoir eu froid, la plupart du temps pour des raisons liées à leur situation financière, durement impactée par la montée du prix des énergies et la crise économique (1 070 000 ménages), à la mauvaise isolation de leur logement (2 107 000 ménages) ou à la faible performance de leur chauffage (1 267 000 ménages).

Malgré leur mauvaise isolation, bon nombre de foyers sont comme les trous noirs de l'Univers : aucune matière ni lumière n’en sort.
Où l'on voit où nous mènent les bulles spéculatives, en général, et les glorieuses noces des bétonneurs et de la finance, en particulier.
Où l'on voit bien que l'État d'Urgence non factice ne concerne pas l'inconfort thermique, les surpeuplement des ménages ou la vie à l'abri de rien...

Au sujet de la constante dégradation de la situation du logement en France, le Siné mensuel nº50 (février 2016), pages 4-6, présente un dossier intitulé Des solutions contre la galère, réalisé par Léa Gasquet. Dans son introduction, elle nous rappelle que cette dégradation « ne date pas d'hier : entre 1970 et 2006, le loyer moyen a doublé par rapport aux revenus. (...) À moins d'être en CDI et de gagner trois fois le prix de son loyer, trouver un toit relève de l'exploit. En dépit de la taxe sur les logements vacants créée en 1999, 2,6 millions de logements étaient toujours vides en 2015... Alors que 900 000 personnes ne disposent pas d'un logement autonome ! »

Par ailleurs, dans un autre pays heureusement mondialisé [Note du 26 février 2016 : où il y a 3,4 millions d'habitations vides (30% du total européen)], la fourbe et média-attisée "récupération" (reprise) de l'économie espagnole a entraîné l'aggravation des conditions de vie de 1.181.000 personnes, selon le rapport annuel sur "Vulnérabilité sociale" de la Croix-Rouge espagnole (Bez, le 13 février 2016). Déjà ceux qui ont la joie immense d'être des salariés (fort précaires) doivent tabler sur le refus de l'employeur de payer leurs heures supplémentaires de travail, contrepartie créatrice, innovante, flexible et modérée d'un système basé sur la prise d'otages tous azimuts et la continuation de l'esclavage par d'autres moyens --selon la couleur de la presse, vol ou record (voir tableau ci-dessous tiré du quotidien El País, publié le 15.02.2016, 00h01). En tout cas, c'est le trickle up effect.


"Cada semana de 2015 se trabajaron una media de 3,5 millones de horas fuera de la jornada laboral que no se retribuyeron"  (chaque semaine de 2015 en Espagne... 3,5 millions d'heures sup non rémunérées)

Et puis, au cas où l'on éprouverait une certaine colère, le régime libéral pense à tout : il y a pour l'instant et pour l'exemple 300 travailleurs inculpés en Espagne comme on peut voir ici, ici ou .

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