mercredi 8 juin 2016

Wer bezahlt diese Spesen?

Marrant, positivement marrant. C'est justement la presse poppérienne qui fait le plus fi de la réfutabilité et de son corollaire journalistique : si un titre est réfuté, il cesse d'être valide. Et l'analyse la plus élémentaire invalide constamment leurs titres, des falsifications au sens large.
La presse, de presser, "au sens de tourmenter", dit Le Robert ; du latin pressō, ās, āre, fréquentatif de prĕmō, ĭs, ĕre ; ubera pressare serait presser le pis, traire, nous rappelle Félix Gaffiot. Et pour presser le pis, on hâte le pis et on trahit.
J'y pensais ce matin lorsqu'un bon ami m'envoya, ahuri, un titre aussi exorbitant et exubérant que le chiffre auquel il faisait référence. Il est encore lisible en ligne et en papier :

Una operación urbanística fallida de Arpegio le cuesta a Cifuentes 42 millones

El Pais, Madrid
Arpegio est une entreprise publique de la Communauté de Madrid, région dont la présidente est Mme Cifuentes. Cette société, "spécialisée dans le développement de projets urbanistiques et l'exploitation d'équipements et d'infrastructures", a été mise en examen dans le cadre des enquêtes de l'Opération Púnica...
Une affaire de marchés publics truqués implique de nombreux élus locaux dont l’ex-secrétaire général du PP à Madrid, Francisco Granados. L’« opération Punica » a conduit à l’interpellation d’une cinquantaine de personnes, parmi lesquelles nombre de responsables du PP, à Madrid et dans plusieurs mairies et régions autonomes. Ils auraient perçu des pots-de-vin en échange de l’attribution de contrats d’une valeur d’environ 250 millions d’euros. (Source : Le Monde,  • Mis à jour le )
Voyons, cet arpège sonne faux... "Le cuesta a Cifuentes" ? Est-ce la tournée de la patronne ? Qui paie ces frais ? Quousque tandem abutere, pressa, patientia nostra ? Wer bezahlt diese Spesen? Ainsi tant de chroniques, maladie chronique. So viele Berichte... Bertold Brecht dixit.

Bertolt Brecht : Fragen eines lesenden Arbeiters

Wer baute das siebentorige Theben?
In den Büchern stehen die Namen von Königen.
Haben die Könige die Felsbrocken herbeigeschleppt?
Und das mehrmals zerstörte Babylon
Wer baute es so viele Male auf? In welchen Häusern
Des goldstrahlenden Lima wohnten die Bauleute?
Wohin gingen an dem Abend, wo die Chinesische Mauer fertig war
Die Maurer? Das große Rom
Ist voll von Triumphbögen. Wer errichtete sie? Über wen
Triumphierten die Cäsaren? Hatte das vielbesungene Byzanz
Nur Paläste für seine Bewohner? Selbst in dem sagenhaften Atlantis
Brüllten in der Nacht, wo das Meer es verschlang
Die Ersaufenden nach ihren Sklaven.

Der junge Alexander eroberte Indien.
Er allein?
Cäsar schlug die Gallier.
Hatte er nicht wenigstens einen Koch bei sich?
Philipp von Spanien weinte, als seine Flotte
Untergegangen war. Weinte sonst niemand?
Friedrich der Zweite siegte im Siebenjährigen Krieg. Wer
Siegte außer ihm?

Jede Seite ein Sieg.
Wer kochte den Siegesschmaus?
Alle zehn Jahre ein großer Mann.
Wer bezahlte die Spesen?

So viele Berichte.
So viele Fragen. 
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Questions que pose un ouvrier qui lit
Qui a construit Thèbes aux sept portes ?
Dans les livres, on donne les noms des Rois.
Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ?
Babylone, plusieurs fois détruite,
Qui tant de fois l’a reconstruite ? Dans quelles maisons
De Lima la dorée logèrent les ouvriers du bâtiment ?
Quand la Muraille de Chine fut terminée,
Où allèrent, ce soir-là les maçons ? Rome la grande
Est pleine d’arcs de triomphe. Qui les érigea ? De qui
Les Césars ont-ils triomphé ? Byzance la tant chantée.
N’avait-elle que des palais
Pour les habitants ? Même en la légendaire Atlantide
Hurlant dans cette nuit où la mer l’engloutit,
Ceux qui se noyaient voulaient leurs esclaves.
Le jeune Alexandre conquit les Indes.
Tout seul ?
César vainquit les Gaulois.
N’avait-il pas à ses côtés au moins un cuisinier ?
Quand sa flotte fut coulée, Philippe d’Espagne
Pleura. Personne d’autre ne pleurait ?
Frédéric II gagna la Guerre de sept ans.
Qui, à part lui, était gagnant ?
À chaque page une victoire.
Qui cuisinait les festins ?
Tous les dix ans un grand homme.
Les frais, qui les payait ?
Autant de récits,
Autant de questions.

Bertolt Brecht, traduction de Maurice Regnaut 

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