jeudi 18 août 2016

Affaires et biocide : les abeilles

Signée par Martine Valo et sous le titre Les pesticides triplent la mortalité des abeilles sauvages, le quotidien Le Monde glosait avant hier une étude prouvant encore une fois les ravages causés à la biodiversité, à la vie sur terre, par l'anthropisation et ses affaires, car les poisons rapportent ... au point que ʺBayer fabrique et vend dans le monde des produits interdits en Europeʺ, par exemple.
Voici les premiers paragraphes de cette information du Monde mise à jour hier :
Les insecticides de la famille des néonicotinoïdes, les plus efficaces jamais synthétisés, tuent massivement abeilles et bourdons. Il n’y a plus désormais que les firmes agrochimiques pour le nier. Ou du moins pour sous-évaluer le rôle de ces pesticides dans le déclin catastrophique des colonies d’insectes butineurs. Ces sociétés préfèrent le réduire à un facteur pathogène parmi d’autres : virus, monocultures réduisant et fragmentant leurs habitats, champignons, invasion de frelons, réchauffement climatique…
Il semble, au contraire, que les néonicotinoïdes multiplient par trois cette mortalité accélérée. C’est ce que défend une étude britannique publiée mardi 16 août par la revue Nature Communications et signée par sept chercheurs du centre pour l’écologie et l’hydrologie de Wallingford et de Fera Science Limited, un centre de recherche semi-privé sur l’environnement et l’alimentation sis à York (nord de l’Angleterre).
Voilà des années que les apiculteurs alertent sur l’impact des néonicotinoïdes, qu’ils lient à l’effondrement du nombre de leurs colonies d’abeilles, depuis que l’usage de ces produits chimiques s’est généralisé dans les campagnes occidentales, à partir de 1995.
De précédentes études scientifiques ont évalué leurs effets sublétaux et neurotoxiques sur les abeilles domestiques, en particulier. Elles ont montré notamment que celles-ci perdent leur sens de l’orientation, ou que les bourdons donnent naissance à 80 % de femelles en moins…
Si vous souhaitez accéder directement au rapport de Nature Communications, cliquez ici (en anglais, bien entendu).

Comme aide à la compréhension de ce très sérieux enjeu, qui nous étouffe, Le Monde fournit une vidéo explicative, dans un moment où le taux de mortalité des abeilles aux États-Unis atteint souvent, ou dépasse, les 30% par an et les colonies d'abeilles s'effondrent partout dans le monde en général. Attention, ce phénomène biocide —découlant notamment de l'usage des néonicotinoïdes— concerne aussi d'autres pollinisateurs comme bourdons et papillons. S'il est essentiel d'en connaître les causes, il faut penser aussi aux conséquences pernicieuses de cette biodestruction.

Le déclin des abeilles expliqué en 3 minutes



Pour accéder à une approche plus spécialisée, on peut lire un article d'une équipe belge qui mettait dans le mille déjà en 2006 :  Le dépérissement de l’abeille domestique, Apis mellifera L., 1758 (Hymenoptera : Apidae) : faits et causes probables, par Eric Haubruge(1), Bach Kim Nguyen(1), Joëlle Widart(2), Jean-Pierre Thomé(3), Pascal Fickers(1) et Edwin Depauw(2). En voici un extrait de l'introduction :
Les abeilles domestiques et sauvages tiennent un rôle-clef dans les écosystèmes terrestres. En effet, la majorité des phanérogames ne pourrait accomplir leur cycle de développement sans l’intervention de pollinisateurs, qui participent de manière prépondérante à la reproduction de nombreux végétaux (Allen-Wardell et al., 1998 ; Michener, 2000). L’incidence de la pollinisation par les insectes est difficile à évaluer. Toutefois, dans nos régions, 84% des espèces cultivées sont directement ou indirectement tributaires de l’activité des insectes pollinisateurs (Williams, 1996). La contribution économique de ces insectes à l’agriculture mondiale est estimée à 117 milliards de dollars US (Costanza et al., 1997). Outre l’amélioration de la fécondation des plantes cultivées, l’abeille domestique, parmi les hyménoptères pollinisateurs, revêt d’autres intérêts dont : la production de miel, de propolis et de gelée royale, le maintien de la diversité génétique et le rôle de bioindicateur (Free, 1993 ; Kevan, 1999). En tant qu’espèce animale à comportement sociétal, elle constitue un modèle biologique d’intérêt majeur (von Frisch, 1967).
Pour la bibliographie ou en lire plus, cliquez ici.

(1) Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux, Unité d’Entomologie fonctionnelle et évolutive. Gembloux (Belgique).
(2) Université de Liège (Belgique), LSM – Laboratoire de spectrométrie de masse ; CART–Centre d’analyse de résidus en trace.
(3) Université de Liège (Belgique), LEAE – Laboratoire d’Ecologie animale et d’Ecotoxicologie ; CART – Centre d’analyse de résidus en trace.

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