"J’avais à l’esprit le tressage d’une natte liant ces différents
éléments
qui ne se rencontrent pas physiquement dans la réalité : le
maire qui se bat
pour remplir sa ville fantôme, les gens qui
s’organisent pour se battre
contre les banques afin de faire annuler les
dettes, et bien sûr l’industrie de la brique.
D’où la forme en mosaïque
du film, le point de vue sur la crise se déplace sans cesse,
ce qui
permet de comprendre différentes facettes."
Quentin Ravelli
Avant 2008, l'Espagne construisait 600 000 logements par an. Aujourd'hui, c'est un pays où il y a plus de 3,4 millions de logements vides (dont 491 000 neufs. En Europe, ce sont plus de 11 millions) et où se sont produits presque 700 000 délogements. Depuis 2008, presque la moitié des entreprises de BTP agissant en Espagne ont disparu. Mais notamment depuis fin 2014, on pense à repartir de plus belle...
Du 18 au 27 octobre, le cinéma Les Trois Luxembourg a organisé des rencontres entre le réalisateur et une variété de participants : l'association Españolas en París, Gilles Laferté, sociologue à l’INRA, et Eric Wittersheim, anthropologue à l’EHESS, Marguerite Vappereau, enseignante en cinéma à l’université de Bordeaux, Marion Lary d’Addoc (Association des cinéastes documentaristes), Alberto Amo, co-auteur de Podemos, la politique en mouvement - de l’ascension fulgurante au bras de fer politique, Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL (Droit Au Logement), Ludovic Lamant (Mediapart), auteur de Squatter le pouvoir. Les mairies rebelles d’Espagne (Éd. Lux, novembre, 2016).
Sur Télérama, Frédéric Strauss a écrit, lors de la sortie en salle (17/10/17) d'un film que nous n'avons pas encore vu :
Avec ces portraits de victimes de la crise économique qui a frappé l’Espagne, ce documentaire semble à la traîne de l’actualité. Mais le réalisateur possède un regard spirituel, qui se mêle à la réflexion critique lorsqu’il filme des usines où l’on finit par casser les briques que l’on y a fabriquées, car on ne bâtit plus dans le bâtiment ! Expulsée de son appartement, une femme emporte avec elle une photo qu’elle avait accrochée au mur : Charlot dans l’usine des Temps modernes (1936). La folie productiviste est toujours dans l’air. Et pour poursuivre l’analyse, le réalisateur Quentin Ravelli, chercheur au CNRS, a aussi écrit un ouvrage : Les Briques rouges, dettes, logement et luttes sociales en Espagne (éditions Amsterdam).
Quentin Ravelli : Les Briques rouges. Dettes, Logement et Luttes sociales en Espagne.
En Espagne, la brique (ladrillo) est bien davantage qu’un matériau de construction. Elle est l’un des rouages essentiel du capitalisme. Elle est au cœur de la crise de suraccumulation que connait le pays depuis le début des années 2000. Située dans la région de la Sagra en Castille, l’enquête au long cours de Quentin Ravelli, issue d’un documentaire cinématographique, parvient à reconstituer la biographie d’une marchandise ordinaire sur laquelle repose un système entier de domination économique et politique.
« Pour Angel, la cinquantaine, le choc est ce jour-là violent : il court, nerveux et angoissé, de l’extrudeuse à la “guillotine”, du “piano” au poste de contrôle. Habitué à la tuile, il a dû se reconvertir à la brique en une matinée. Il tremble, il sue, il s’énerve pour un rien. Derrière lui, un enchevêtrement de tapis roulants grincent et crient en acheminant la terre des carrières, tandis que la grosse caisse du mélangeur d’argile, surnommé le “moulin”, pousse des râles graves qui résonnent sous les tôles à chaque passage de la meule. Devant lui, l’extrudeuse ronronne. Sous pression, elle pousse sans fin un gros ruban d’argile chaud et fumant – une brique infinie, un churro géant. »
En Espagne, la brique (ladrillo) est bien davantage qu’un matériau de construction. Elle est l’un des rouages essentiel du capitalisme. Elle est au cœur de la crise de suraccumulation que connait le pays depuis le début des années 2000. Située dans la région de la Sagra en Castille, l’enquête au long cours de Quentin Ravelli, issue d’un documentaire cinématographique, parvient à reconstituer la biographie d’une marchandise ordinaire sur laquelle repose un système entier de domination économique et politique.
« Pour Angel, la cinquantaine, le choc est ce jour-là violent : il court, nerveux et angoissé, de l’extrudeuse à la “guillotine”, du “piano” au poste de contrôle. Habitué à la tuile, il a dû se reconvertir à la brique en une matinée. Il tremble, il sue, il s’énerve pour un rien. Derrière lui, un enchevêtrement de tapis roulants grincent et crient en acheminant la terre des carrières, tandis que la grosse caisse du mélangeur d’argile, surnommé le “moulin”, pousse des râles graves qui résonnent sous les tôles à chaque passage de la meule. Devant lui, l’extrudeuse ronronne. Sous pression, elle pousse sans fin un gros ruban d’argile chaud et fumant – une brique infinie, un churro géant. »
Pour en savoir plus, vous disposez aussi d'un entretien avec Quentin Ravelli sur France Culture (24/10/2017)...
Le film de Ravelli fut présenté en mai 2017 dans le festival international du documentaire Documenta Madrid. À cette occasion, le site Cine Maldito lui consacra un aperçu.
... Et deux semaines après sa sortie, on ne peut plus voir ce film qu'à l'Archipel (75010), pour une seule séance (mardi 14/11/17)! Heureusement que le DVD est déjà annoncé (dans le livre Les Briques rouges, qui y fait plusieurs fois référence). Sinon, je suppose que ça passera un de ces jours sur Arte, à1 h du matin...
RépondreSupprimer(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola