mercredi 29 novembre 2017

Le suprémacisme a son jargon...

... qui est employé à longueur de journée par toutes les instances du pouvoir dans le but qu'il soit ensuite intériorisé et réutilisé par le peuple souverain, éduqué donc comme il faut. Bien entendu, les individus souverains peuvent aussi être des journalistes à la candeur émouvante (« L’orthodoxie, c’est l’inconscience », disait George Orwell dans 1984).
Voyons, exercice d'acuité lectrice (et ce jeu ne concerne pas Trump dont le suprémacisme saute aux yeux) appliquée à la langue innocente et très légitime (aurait dit Bourdieu) d'un journal de référence :
Trump gâche par une blague douteuse un hommage à la Maison Blanche

Alors qu’il recevait des anciens combattants amérindiens, le président américain a fait lundi une surprenante allusion à « Pocahontas », surnom dont il a affublé la sénatrice démocrate Elizabeth Warren.
LE MONDE | 28.11.2017 à 02h02 • Mis à jour le 28.11.2017 à 07h26 | Par Gilles Paris (Washington, correspondant)

Le président Donald Trump aux côtés de Navajos, lors d’une cérémonie d’hommage à la Maison Blanche le 27 novembre.

La réception devait être consensuelle. Donald Trump recevait à la Maison Blanche, lundi 27 novembre, trois des treize Navajos encore vivants qui avaient mis leur dialecte au service de l’armée américaine pendant la seconde guerre mondiale. Un code de communication que les ennemis des Etats-Unis n’avaient pas été en mesure de déchiffrer. Le président des Etats-Unis est pourtant parvenu à gâcher l’hommage en ravivant les critiques qu’il nourrit de longue date contre la sénatrice démocrate du Massachusetts, Elizabeth Warren. (...)
Voilà, maintenant vous savez ce que "dialecte" veut dire. C'est cela : c'est le parler des losers (même s'il-s contribue-nt à gagner une guerre mondiale).
D'ailleurs, les images sont parfois significatives : le tableau que l'on aperçoit entre Donald Trump et les deux héros Navajos de la photo est bel et bien celui d'Andrew Jackson, président —revendiqué par Trump— qui signa en 1830 l'Indian Removal Act, la brutale loi démocrato-coloniale à l'origine de la Piste des Larmes... Encore un détail de doigté du régime aux values...
Et qu'est-ce que c'est que cette piste des larmes ? Encore un massacre de la civilisation et du progrès, encore un broyage de la machine coloniale : "les soldats à cheval forcèrent à marcher, pendant 1750 kilomètres jusqu'à l'épuisement. 15 000 Indiens, femmes et enfants : 4 000 d'entre eux devaient mourir en route."

Daniel Coté (1) a fait le 26 août 2017 la recension d'un ouvrage (2) à ce sujet que nous devons à l'autrice canadienne Russel-Aurore Bouchard (chantre, par ailleurs, des armes à feu, armurière pendant 25 ans et fondatrice du Club de tir «Le Faucon»). Coté nous explique que l'essentiel du texte est formé du témoignage d'Eugène Roy, soldat qui participa au génocide des Indiens, "dont le manuscrit repose à la Société historique du Saguenay depuis 1937".

«C'est un texte extraordinaire, sans filtre, qui nous fait entrer dans la légende du Far-West, dans l'univers de la Frontière. On assiste au plus grand génocide de l'histoire de l'Humanité, alors que des millions d'Indiens ont été massacrés de façon méthodique afin qu'on puisse céder leurs terres à des Blancs. La Piste des Larmes est un sentier qui partait de Fort Smith et se rendait jusqu'à Santa Fe. On y a créé des réserves qui, en fait, étaient des mouroirs. Les gens étaient abandonnés en plein désert. Plusieurs souffraient de la dysenterie», a décrit Russel-Aurore Bouchard, mardi, lors d'une entrevue accordée au Progrès.
(Le Quotidien - Le Soleil,
26 août 2017)

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(1) Daniel Coté est journaliste et responsable de la section des arts dans les journaux Le Quotidien et Progrès-Dimanche
(2) La Piste des Larmes - Un Canadien français témoin du génocide des Indiens des Grandes Plaines - Journal du soldat Eugène Roy (1857-1860), Chicoutimi, 2017, 532 pages.

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