Quelqu'un m'a envoyé cette image à travers le téléphone portable. Elle date minimum d'il y a deux ans et demi, elle est trouvable sur X :
Compliqué ?
LE CŒUR EST CLAIR.
On est pour le Juif et pour l’Arabe (la Palestinienne). Ce sont les persécutés, les dépossédés, les massacrés.
On est contre le Nazi et contre le Sioniste: les serviteurs d’idéologies racistes, criminelles, anti humaines.
Les média faisaient tous les jours courageusement leur travail et trouvaient que cette situation ordinaire, loin d'être un choc en elle-même, n'arrêtait pas de rétablir l'ordre.
La presse libre et plurielle ne nous matraquait pas avec le droit des victimes de se défendre, avait naturalisé la sage cruauté standard, toujours civilisée, proportionnée.
La pitance ordinaire ignorait les pleurs, les frissons et la faim des nourrissons terroristes. Il y avait juste quelques lâches réflexions isolées, appliquées à d'autres héros combattant pour les mêmes valeurs...
Enfin... Quand on veut comprendre, on peut toujours revenir au grand Naji Al-Ali...
J'ai osé jeter un œil à des images de ces derniers jours à Gaza et c'est insupportable. Y'a pire (et je n'ose pas insérer la pâture de certaines vidéos). Cette boucherie se fait avec la complicité narrative et injonctive-exécutive de tous nos vertueux grands média et de tous nos dévoués gouvernements. Depuis belle lurette.
Ce récit hasbara inhumain n'a pas réussi à être définitivement efficiente, philosophiquement parlant, sur certains esprits capables de comprendre l'équation ou identité que reflète le miroir vérité contenu dans la vignette colportée par Sebas1 (voir l'amorce de ce billet).
Si l'on lance un regard sur les vingt dernières années, je me rappelle, par exemple, la lettre des combattants de Tsahal de 2002, les refuzniks, qui exprimait leur refus de "servir" dans les territoires palestiniens, refus qui se répète sans désemparer et dont on parle plutôt peu, mais de temps à autre par ci, par ci, par ci ou par là. Bien sûr, mini-digression, l'expression "territoires palestiniens" ne saurait nous divertir du fait que toute la Palestine historique est pour de bon palestinienne, et que c'est là qu'il faudrait construire un seul État palestinien multiculturel et soucieux des réparations dues à tous les Palestiniens en général, à la population survivante réfugiée plus en concret. Le Royaume Uni, l'Allemagne, Israël et les États-Unis (et, par complicité, l'UE dans son ensemble) devraient commencer à y réfléchir. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'expliquer maintenant le choix de ces 4 (5) entités en la matière.
Il y a d'autres Juifs israélien.nes qui ont fait cet exercice de circonspection et d'intériorisation éthiques et politiques, et qui se sont engagés de mille manières (en voici quelques contributions remarquables). Cette attitude vient souvent du cœur, est une position surtout humaniste, morale. Elle devient parfois politique. Et parfois, elle va plus loin et se transforme en antisionisme (critique foncière du Sionisme idéologique et vraiment pratiqué), voire critique raisonnée du Judaïsme. C'est bien le cas de Gilad Atzmon, Juif israélien qui est devenu saxophoniste palestinien hébréophone à nationalité britannique et à l'humour nourrissant : il faut tenir bon.
Atzmon a expliqué son évolution personnelle, intellectuel et politique dans un ouvrage important (sincère, pétillant, sagace, personnel et, en même temps, très fouillé) qui s'intitule The Wandering Who? A Sutdy of Jewish Identity Politics (Zero Books, Winchester, RU; Washington, États-Unis, 2011) —très important même quand on peut être, pas trop souvent, en désaccord—, où il fait son analyse et sa psychanalyse des identités juives, de l'Histoire juive, de sa culture et de ses faits. C'est aussi un essai très en rapport avec cette grande psyché qui nous glace de notre première vignette ; déjà, sa première page met en exergue une citation d'Israel Shahak :
The Nazis made me afraid to be a Jew, and the Israelis make me ashamed to be a Jew.
Dans sa préface, Atzmon nous laisse un témoignage qu'on aurait tort à négliger. En voici un extrait (en anglais, langue originale de publication) qui nous convient particulièrement dans ce billet :
In June 1982, when the first Israel–Lebanon war broke, I had been a soldier for a year. It didn’t take a genius to figure out the truth. I knew our leaders were lying, in fact, every Israeli soldier understood that this was a war of Israeli aggression. Personally, I no longer felt any attachment to the Zionist cause, Israel or the Jewish people. Dying on the Jewish altar didn’t appeal to me anymore. . Yet, it still wasn’t politics or ethics that moved me, but rather my craving to be alone with my new Selmer Paris Mark IV saxophone. Playing scales at the speed of light seemed to me far more important than killing Arabs in the name of Jewish suffering. Thus, instead of becoming a qualified killer I spent every possible effort trying to join one of the military bands. It took a few months, but I eventually landed safely in the Israeli Air Force Orchestra (IAFO). (…)Version en castillan de mon édition (Gilad Atzmon, La identidad errante. La identidad judía a examen, trad. de l'anglais par Beatriz Morales Bastos, Ed. de Oriente y del Mediterráneo, Disenso, 30.10.2012) :
In the summer of 1984, just three weeks before I shed my military uniform, we were sent to Lebanon for a concert tour. At the time it was a very dangerous place to be. The Israeli army was dug deep in bunkers and trenches, avoiding any confrontations with the local population. On the second day we set out for Ansar, a notorious Israeli internment camp in South Lebanon. This experience was to change my life completely.
At the end of a dusty dirt track, on a boiling hot day in early July, we arrived at hell on earth. The huge detention centre was enclosed with barbed wire. As we drove to the camp headquarters, we had a view of thousands of inmates in the open air being scorched by the sun.
As difficult as it might be to believe, military bands are always treated as VIPs, and once we landed at the officers’ barracks we were taken on a guided tour of the camp. We walked along the endless barbed wire and guard towers. I couldn’t believe my eyes.
‘Who are these people?’ I asked the officer.
‘Palestinians,’ he said. ‘On the left are PLO [Palestine Liberation Organisation], and on the right are Ahmed Jibril’s boys [Popular Front for the Liberation of Palestine – General Command] – they are far more dangerous, so we keep them isolated.’
I studied the detainees. They looked very different to the Palestinians in Jerusalem. The ones I saw in Ansar were angry. They were not defeated, they were freedom fighters and they were numerous. As we continued past the barbed wire I continued gazing at the inmates, and arrived at an unbearable truth: I was walking on the other side, in Israeli military uniform. The place was a concentration camp. The inmates were the ‘Jews’, and I was nothing but a ‘Nazi’. It took me years to admit to myself that even the binary opposition Jew/Nazi was in itself a result of my Judeo-centric indoctrination.
While I contemplated the resonance of my uniform, trying to deal with the great sense of shame growing in me, we came to a large, flat ground at the centre of the camp. The officer guiding us offered more platitudes about the current war to defend our Jewish haven. While he was boring us to death with these irrelevant Hasbara (propaganda) lies, I noticed that we were surrounded by two dozen concrete blocks each around 1m in area and 1.3m high, with small metal doors as entrances. I was horrified at the thought that my army was locking guard dogs into these boxes for the night. Putting my Israeli chutzpah into action, I confronted the officer about these horrible concrete dog cubes. He was quick to reply: ‘These are our solitary confinement blocks; after two days in one of these, you become a devoted Zionist!’
This was enough for me. I realised that my affair with the Israeli state and with Zionism was over. Yet I still knew very little about Palestine, about the Nakba or even about Judaism and Jewish-ness, for that matter. I only saw then that, as far as I was concerned, Israel was bad news, and I didn’t want to have anything further to do with it. Two weeks later I returned my uniform, grabbed my alto sax, took the bus to Ben-Gurion Airport and left for Europe for a few months, to busk in the street. At the age of twenty-one, I was free for the first time. However, December proved too cold for me, and I returned home – but with the clear intention to make it back to Europe. I somehow already yearned to become a Goy or at least to be surrounded by Goyim.
En junio de 1982, cuando estalló la primera guerra entre Israel y el Líbano, llevaba un año de soldado. No hacía falta ser un genio para darse cuenta de la verdad. Sabía que nuestros dirigentes mentían; de hecho, todos los soldados israelíes sabían que aquella era una guerra de agresión por parte de Israel. Yo, personalmente, ya no me sentía en absoluto vinculado a la causa sionista, a Israel o al pueblo judío. Ya no me atraía sacrificarme en el altar judío. Pero lo que me impulsaba no era todavía la política o la ética, sino mis deseos de estar a solas con mi nuevo saxofón Selmer Paris Mark IV. Hacer escalas a la velocidad de la luz me parecía mucho más importante que matar árabes en nombre del sufrimiento judío. Así, en vez de convertirme en un asesino cualificado, empleé todas mis energías en entrar en una de las bandas militares. Me llevó varios meses, pero finalmente aterricé sano y salvo en la Orquesta de la Fuerza Aérea Israelí (IAFO, por sus siglas en inglés). (...)Parmi les témoignages d'écrivains qui ont servi une puissance coloniale au XX siècle, il y en a un autre de très remarquable, anti-impérialiste mais aux ingrédients bien différents et qui contient, de surcroît, dans son deuxième paraphrase, une petite digression porteuse de triste vaticination. C'est un court essai de George Orwell intitulé Shooting an Elephant, basé sur son expérience à Moulmein, en Basse-Birmanie (Mawlamyine ou Mawlamyaing, /mɔ̀ləmjàiN mjo̰/, capitale de l'État Môn, au Myanmar), comme officier de police sous-divisionnaire de la ville, où il décrit son agonie intérieure déclenchée par l'affrontement raison au-dessus de la mêlée vs sensations et affects sur le terrain (en général et dans un moment de forte contrainte en tant qu'Homme-Blanc-Impressionnant, position glosée plus tard par Edward Said dans Orientalisme). En voici l'extrait en question (où je mets en rouge la petite alerte prémonitoire) :
En el verano de 1984, justo tres semanas antes de librarme del uniforme militar, nos enviaron al Líbano para una gira de conciertos. En aquel momento era un lugar muy peligroso. El ejército israelí estaba completamente enterrado en búnkers y trincheras, para evitar enfrentamientos con la población local. El segundo día salimos hacia Ansar, un conocido campo de internamiento en el sur de Líbano. Esa experiencia iba a cambiar completamente mi vida.
Al final de un sucio y polvoriento camino en un día de calor espantoso, a primeros de julio, llegamos al infierno en la tierra. El inmenso centro de detención estaba rodeado por una alambrada. Mientras nos dirigíamos en coche hacia la comandancia del campo, vimos a miles de presos al aire libre abrasados por el sol.
Por difícil que resulte de creer, las bandas militares siempre reciben tratamiento de VIPs en sus desplazamientos, de modo que, en cuanto llegamos a los barracones de los oficiales, nos llevaron a hacer una visita guiada del campo. Caminamos a lo largo de la interminable alambrada y de las torres de vigilancia. No podía creer lo que veían mis ojos.
"¿Quién es esta gente?", pregunté al oficial.
"Palestinos", respondió. "A la izquierda están los de la OLP (Organización para la Liberación de Palestina), y, a la derecha, los chicos de Ahmed Jibril (Frente Popular para la Liberación de Palestina-Comando General), esos son mucho más peligrosos, así que los mantenemos aislados".
Observé a los presos. Parecían muy diferentes a los palestinos de Jerusalén. Los que vi en Ansar estaban llenos de ira. No estaban derrotados, eran luchadores por la libertad y eran muchos. Mientras continuábamos avanzando a lo largo de la alambrada seguí mirando a los presos y llegué a una verdad insoportable: yo estaba caminando por el otro lado, vestido con un uniforme israelí. El lugar era un campo de concentración. Los presos eran los "judíos", y yo, un "nazi". Me costaría años admitir que incluso la oposición binaria judío/nazi era en sí misma consecuencia de mi adoctrinamiento judeocéntrico.
Mientras cavilaba sobre la resonancia de mi uniforme, tratando de lidiar con la enorme sensación de vergüenza que iba creciendo en mí, llegamos a una enorme explanada en el centro del campo. El oficial que hacía de guía para nosotros nos regaló unos cuantos tópicos más acerca de la guerra que se estaba librando para defender nuestro paraíso judío. Mientras nos aburría mortalmente con sus irrelevantes mentiras hasbará (propaganda), observé que estábamos rodeados de dos docenas de bloques de cemento de aproximadamente un metro cuadrado de superficie por 1,3 metros de altura cada uno, con una pequeña puerta de metal como entrada. Me horrorizó la idea de que mi ejército pudiera encerrar por la noche a los perros guardianes en aquellas cajas. Poniendo en práctica mi desfachatez israelí, me encaré con el oficial acerca de aquellos horribles cubos de cemento para perros. Rápidamente me respondió: "Son nuestros bloques de aislamiento; ¡al cabo de dos días en uno de esos, te vuelves un sionista convencido!"
Aquello fue suficiente para mí. Comprendí que se había terminado mi romance con el Estado israelí y con el sionismo. Aunque, en realidad, todavía sabía muy poco de Palestina, de la Nakba o incluso del judaísmo y la judeidad. Lo único que vi entonces fue que, por lo que a mí respectaba, Israel era un mal asunto, y no quería tener nada más que ver con él. Dos semanas después devolví mi uniforme, agarré mi saxo alto, tomé el autobús al aeropuerto Ben-Gurion y me fui a Europa por unos meses a tocar en las calles. A los veintiún años era libre por primera vez. A pesar de todo, diciembre me resultó demasiado frío, y volví a casa, aunque con la clara intención de volver a Europa. En cierto modo ya anhelaba convertirme en un goy o, al menos, estar rodeado de goyim.
All this was perplexing and upsetting. For at that time I had already made up my mind that imperialism was an evil thing and the sooner I chucked up my job and got out of it the better. Theoretically – and secretly, of course – I was all for the Burmese and all against their oppressors, the British. As for the job I was doing, I hated it more bitterly than I can perhaps make clear. In a job like that you see the dirty work of Empire at close quarters. The wretched prisoners huddling in the stinking cages of the lock-ups, the grey, cowed faces of the long-term convicts, the scarred buttocks of the men who had been Bogged with bamboos – all these oppressed me with an intolerable sense of guilt. But I could get nothing into perspective. I was young and ill-educated and I had had to think out my problems in the utter silence that is imposed on every Englishman in the East. I did not even know that the British Empire is dying, still less did I know that it is a great deal better than the younger empires that are going to supplant it. All I knew was that I was stuck between my hatred of the empire I served and my rage against the evil-spirited little beasts who tried to make my job impossible. With one part of my mind I thought of the British Raj as an unbreakable tyranny, as something clamped down, in saecula saeculorum, upon the will of prostrate peoples; with another part I thought that the greatest joy in the world would be to drive a bayonet into a Buddhist priest’s guts. Feelings like these are the normal by-products of imperialism; ask any Anglo-Indian official, if you can catch him off duty.
Bravo, todo esto es valiente y necesario. Y es necesario precisamente porque hace falta ser valiente para publicarlo y enfrentarse a la nueva Inquisición
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