lundi 8 juin 2020

Y a-t-il des George Floyd en France ?

"Expliquez-moi pourquoi un policier qui fait son
devoir tire toujours sur un arabe, en tombant, derrière
dans le dos ? Expliquez-moi ce que les policiers foutent
dans le dos des Arabes avec un révolver à la main, et à
chaque fois, ils tombent ! Racontez-moi pourquoi !"
Coluche, le 10 mars 1980, 
Antenne 2 Midi (France 2 aujourd'hui).

Il y aurait (...) une sorte de satisfaction politique
à ce que, comme aux États-Unis, ce soit dans la 
brèche ouverte par la révolte contre l’injustice raciste
que s’engouffrent, à sa suite, toutes les autres révoltes. 


 
 
Bob Dylan chante "Only A Pawn In Their Game" à Washington, le 28 août 1963,
en hommage à Medgar Evers, activiste noir étasunien assassiné le 12 juin 1963.

 
Y a-t-il des George Floyd en France ? Malheureusement, on dirait que oui.
Si l'on réfléchit à la manière, à l'aspect purement technique (le plaquage ventral et le manque d'air qui tuent), deux cas me sont venus rapidement à l'esprit : celui de Lamine Dieng (en 2007) et celui, plus récent, de Cédric Chouviat, un livreur de 42 ans qui a été étranglé en janvier 2020 sur le quai Branly, dans le 7e arrondissement de Paris (1).
Pas de mystère, oui, il y a des George Floyd en France, même si le ministère français de l’Intérieur refuse de fournir des chiffres officiels. On le sait depuis longtemps, depuis toujours (2), malgré certains négationnistes, y compris des récidivistes dans le déni célèbres pour leur amour de la castagne, nomen omen, et du LBD.
Autrement dit, tout le monde le sait, sauf les déclarations de politiciens, keufs au pouvoir et chiens de garde, qui ont néanmoins cette vérité très présente à l'esprit : ce n'est pas par des lois et des professions scélérates qu'on vient à bout d'extirper l'évidence.

Il arrive de surcroît que la liste des Floyd français est trop longue, malgré le silence avenant des grands moyens de la communication de référence et sérieuse (les moyens de fabrication du consentement).
Voilà pourquoi un (vrai) journaliste (David Dufresne) s'est proposé de lancer des signalements à l'adresse de la place Beauvau —pour pas que leur cynisme ne dise au moins qu'ils n'en savent que dalle. 
Voilà pourquoi on déniche tellement de citoyen.ne.s dénonçant ici (3), ici (4) ou (ouuuh là là), par exemple, ces dites bavures —imaginez à quel point les dicos se leurrent quand ils définissent le mot bavure par « erreur grave, voire tragique ». Erreur ? Sauf qu'on admette directement que l'erreur, acte de l'esprit qui tient pour vrai ce qui est faux et inversement, est la substance intellectuelle même de la Maison Poulaga.
Il arrive d'ailleurs qu'à une brutalité disons générale, s'ajoutent trop souvent des positions nettement racistes, connues et sans conséquences. Oui, connues et sans conséquences (5). "Bougnoule, bicot, youpin, négro, c'est rigolo pour eux" (BFMTV). Sans oublier bamboula ; je me rappelle un syndicaliste policier de l’Unité SGP-FO, Luc Poignant, qui avait jugé l’insulte « bamboula » comme « à peu près convenable ». Un suprémaciste comme il faut ne saurait jamais se priver de condescendance.
Pourtant, apparence oblige, il ne faut surtout pas que ça se sache trop ouvertement et, donc, mieux vaut ajouter l'interdiction à la répression. (6)

À cet égard, je vous suggère la lecture complète de l'avant dernier article de Frédéric Lordon (7). Il porte sur les violences policières comparées en France et dans la nation de George Floyd. En voici deux extraits :

Comme toujours, la levée des censures révèle les vraies natures. Même si nous étions déjà très au courant, la police [française] a parfait son autoportrait en deux mois de confinement. Le site Rebellyon tient les comptes que le reste de la presse ne veut pas tenir : 12 morts pendant le confinement, dans des conditions qui sont claires comme du jus de chique, ou plutôt qui ont la seule clarté des rapports de police. Mais il y a aussi toutes les interpellations qui ont montré le vrai visage de la police : celui qu’elle se donne quand elle est laissée à elle-même. Le journal Regards en a fait une compilation et c’est un enchantement républicain.
Comme la police se surpasse elle-même chaque jour, les compilations sont obsolètes au moment même où elles sont publiées. Entre-temps, la police française, qui n’est pas économe de son courage, a décidé de s’en prendre à un môme de 14 ans. En général, les policiers s’y mettent à quatre ou cinq sur un seul homme, ou s’arment jusqu’aux dents pour envoyer à l’hôpital une femme de 70 ans (comme Geneviève Legay).
(...)
Là où la comparaison devient spectaculairement accablante — pour la France — c’est que, si la police américaine est structurellement comme on la voit — casquée, armée, violente, raciste —, des shérifs, des chefs de police, de simples flics, sans doute très minoritaires, peut-être diversement sincères, mais tout de même, sont au moins capables d’oblats symboliques, font connaître publiquement leur sentiment de scandale au meurtre de George Floyd, mettent le genou à terre. Ça ne modifie aucune interprétation, mais ça donne des éléments de comparaison péjorative. Car ça n’est pas en France qu’on verrait des errements pareils. Chez nous la maison est bien tenue, et le front syndical bétonné. Quand un manifestant se fait arracher une main devant l’Assemblée nationale, le secrétaire général de Unité SGP Police commente sobrement que « c’est bien fait pour sa gueule ». On comprend dans ces conditions que poursuivre Camélia Jordana lui soit la moindre des choses.

Pour aller plus loin, en ciné, je vous conseille le visionnement de À nos corps défendants, un film documentaire sorti le 4 avril 2020, réalisé et monté en 2019 par IanB, avec l’aide précieuse de DoraBenderra (montage son).
IanB est membre fondateur d’un collectif qui existe et se bat depuis 2012 contre les violences d’Etat, Désarmons-les ! 
Ce film, il l’a pensé à la fois comme une manière de clore un chapitre dans son combat personnel, une déclaration de guerre et un message sans concession à l’attention de celles et ceux qui oseraient encore nier le caractère systémique des violences policières.

Intervenant.es, par ordre d’apparition :
Zohra, Aziz, Wassil KRAIKER ; des habitants d’Argenteuil ; Amine et Mustapha MANSOURI ; Ali ALEXIS ; Ramata DIENG ; Farid EL YAMNI ; ainsi que Amal BENTOUNSI ; Assa TRAORÉ.
Musique : « Breil », NOOJ.
En hommage à toutes celles et ceux, rencontrés depuis 2012, qui luttent pou leur dignité face aux violences d’État :
Amal Bentounsi, pour Amine (Noisy le Sec),
Farid El Yamni, pour Wissam (Clermont-Ferrand),
Hamid Aït Omghar, pour Lahoucine (Montigny een Gohelle),
Jessica Koumé, pour Amadou (Paris/Saint Quentin),
Abourahmane Camara, pour Abdoulaye (Le Havre),
Awa Gueye, pour Babacar (Rennes),
Le Collectif Vérité et Justice pour Ali Ziri (Argenteuil),
Sylvie, pour Abou (Nantes),
Milfet Redouane, pour Zineb (Marseille),
Aurélie Garand, pour Angélo (Seur),
Isabelle Shaoyao, pour Liu (Paris),
Geoffrey, son père Christian (IDF),
Pierre Douillard, sa mère Emmanuelle (Nantes),
Aymen, son père Lies (Villiers sur Marne),
Bediss, sa mère Wedad (Sartrouville),
Hadi (Saint-Étienne),
Laurent Théron, Florent Castineira, Joachim Gatti, Yann Zoldan, Davy Graziotin, Quentin Torselli, Damien Tessier, Jean-François Martin, Robin Pagès, ainsi que tou.tes les Gilets Jaunes mutilé.es par les armes des forces de l’ordre...
Avec le soutien du « Collectif DÉSARMONS-LES ! » et de l'« Assemblée des blessés ».

Hommage particulier à...
Ali ZIRI, 69 ans. Interpellé et violenté par la police d’Argenteuil le 9 juin 2009. Meurt deux jours plus tard des suites de ces violences.
Zineb Redouane, 80 ans. Blessée au visage par une grenade à Marseille le 1er décembre 2018. Meurt le lendemain des suites des blessures.
Synopsis :
Ce film ne raconte pas une histoire. Il se veut une approche sensible et radicale des violences psychologiques et physiques infligées aux habitant·es des quartiers populaires par la police. Les récits prennent place dans la France des vingt dernières années, celle de l’après Sarkozy, et sont rapportés par les premier·e·s concerné·e·s : pas de sociologue, pas d’historien, pas de journalistes ni de storytelling. Juste la parole de celles et ceux qu’on voudrait voir silencieux·ses : Wassil Kraiker et ses parents Zohra et Abdelaziz, des jeunes d’Argenteuil, Amine Mansouri et son père Moustapha, Ali Alexis et son épouse, Ramata Dieng et Farid El Yamni…
On y aborde la question de la domination, ou comment l’Etat traite les corps étrangers pour mieux les contrôler. Il est question de racisme, de torture et d’un combat vital pour la vérité. Les protagonistes de ce film n’avaient pas choisi de devenir un jour visibles, mais les violences systémiques en ont fait des combattant·e·s, à leurs corps défendants.
Disons que IanB s'est fait interpeller le 25 mars 2019 à la gare Montparnasse pour "port d'arme prohibée de catégorie A". Je vous propose de ne pas louper l'explication de IanB à la suite de cette garde-à-vue (en cliquant ci-contre) pour port d'armes.
Selon le site Désarmons-le !...
Le journaflic du Point Aziz Zemouri, habitué de ce type de papiers puants, s'est empressé de pondre un article diffamatoire à partir d'informations confidentielles fournies par une taupe de la police, se rendant coupable de recel d'informations couvertes par le secret de l'enquête.
Cette vidéo est une réponse à cet article et une clarification concernant le matériel transporté, qui a d'ailleurs été restitué à la fin de la garde-à-vue et l'affaire classée sans suites...
La police, force de frappe du système, a toujours été au service du racisme. Réjouissons-nous donc (même combat) du déboulonnage et du renversement des statues des idoles négrières du libéralisme —sœurs dans la cupidité et la cruauté d'un Saddam Hussein—, dont celle de l'ancien marchand d'esclaves Edward Colston, par exemple, à Bristol, qui vient d'être jetée dans l'eau. Justice fut faite. Jubilons de ce mouvement mondial de dignité, à Madrid aussi.


_________________________
(1) Bastamag, le 22 janvier 2020 :
Le 3 janvier, Cédric Chouviat, livreur de 42 ans, fait l’objet d’un contrôle par des agents de la police nationale, tandis qu’il circule à scooter dans le 7ème arrondissement de Paris. Alors qu’il filme le contrôle avec son téléphone, le livreur est plaqué au sol par plusieurs fonctionnaires puis fait un arrêt cardiaque causé, selon l’autopsie, par une asphyxie avec « fracture du larynx ».
Une base de données de Bastamag, compilé et analysée par Ivan du Roy et Ludo Simbille, recense 676 morts, en 43 ans (de janvier 1977 à décembre 2019), à la suite d'interventions policières ou du fait d'un agent des forces de l'ordre établi en dehors de son service (77 cas ; ces drames surviennent souvent lors de violences familiales).
Parmi ces 676 personnes, 412 ont été tuées par arme à feu (61%). Précisons que parmi ces 412 personnes, 235 n’étaient pas armées, soit 57%. 68 des suspects abattus avaient préalablement attaqué les policiers. Les parties du corps les plus fréquemment touchées par les balles mortelles sont la tête, le cœur et la nuque.
Parmi ces 676 personnes, 77 étaient des enfants ou des adolescents de moins de 18 ans. La moitié des morts recensés avaient moins de 26 ans. 82 personnes sont mortes alors qu’elles étaient en état d’arrestation dans un commissariat ou une gendarmerie, ou lors de leur transfèrement alors qu’elles venaient d’être interpellées. 149 personnes sont mortes dans le cadre d’un contrôle d’identité ou de ses suites.
Près de la moitié de ces affaires se concentrent en région parisienne et au sein des agglomérations lyonnaises et marseillaises. Pourtant, ces territoires n’abritent qu’un quart de la population française.
Concernant la scène de l'asphyxie de Cédric Chouviat, on peut voir aussi le site de l'Obs, par exemple, qui propose une chronique de Lucas Burel du 7 janvier 2020 contenant une vidéo très dure après contextualisation :
L’avis médical de cet homme de 42 ans, donné à la famille, a fait état d’un décès par « hypoxie », causé par « un arrêt cardiaque consécutif à une privation d’oxygène ». Et selon de nouvelles images, obtenues dans le cadre d’un appel à témoins lancé par les avocats de la famille, le décès du livreur pourrait être lié aux conditions violentes dans lesquelles il a été interpellé.
VIDÉO
(...)
Les images diffusées par la défense de la famille, réalisée par des témoins présents quai Branly, le montrent dans un premier temps en train d’essayer de filmer les forces de l’ordre qui procèdent à son contrôle. Puis, sur deux vidéos, on voit Cédric Chouviat au sol, allongé sur le ventre, plusieurs policiers sur lui. Les images permettent de distinguer les jambes du chauffeur, toujours casqué, en train de se débattre quelques secondes.
« La Préfecture de Police n’a jamais évoqué ce plaquage ventral », ont rappelé les avocats de la famille, qui ont dénoncé les nombreuses « incohérences » de « la communication vaseuse de la Préfecture de Police » et « le risque létal de ce type de plaquage ventral » – une technique d’immobilisation dénoncée par Amnesty international.
(2) Site Urgence-notre-police-assassine [NOTE POSTÉRIEURE : créé par Amal Bentounsi, il a été détourné ; il répertoriait des bavures et s’insurgeait contre l’impunité dont bénéficient les policiers assermentés par rapport à un citoyen lambda]. Puis Coluche, en 1980, à propos des violences policières.
(3) Compte Twitter de Sihame Assbague.
(4) Compte Twitter de Taha Bouhafs.
(5) Ronan Maël, sur StreetPress : Des milliers de policiers s'échangent des messages racistes sur un groupe Facebook.
Dans un groupe Facebook privé, réservé aux forces de l’ordre et qui compte plus de 8.000 membres, des policiers surtout et quelques gendarmes postent de nombreux montages, messages et commentaires racistes et sexistes.
(6Didier Lallement interdit deux rassemblements prévus samedi à Paris contre les violences policières.
La Préfecture de police de Paris a mis en avant les risques de troubles à l’ordre public et rappelé les interdictions de rassemblements de plus de 10 personnes dans la ville en raison de la situation sanitaire.
Le Monde avec AFP. Publié le 05 juin 2020 à 12h15 - Mis à jour le 05 juin 2020 à 21h01.
(7) Frédéric Lordon, La pompe à phynance, blog hébergé par Le Monde diplomatique, le 2 juin 2020.
[NOTE POSTÉRIEURE : le dernier est bon aussi, il s'intitule Clusters  et il date du 5 juin 2020 ; il arrive que je n'avais pas eu le temps de le lire au moment de la rédaction de ce billet]

Quant au...
Site de Rebellyon : 
(Je me permets de reproduire ci-dessous cette information dans toute son intégralité à cause de son importance. Cliquez ci-après pour accéder à sa SOURCE)

Meurtres et mensonges d’État : la police française a tué au moins 12 personnes durant le confinement

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Durant ces 2 mois de confinement, si un certain nombre de violences policières ont pu être dénoncées grâce aux images et aux révoltes dans les quartiers populaires et mises en lumière dans les médias, les morts liées aux interventions de la police sont restées dans l’angle mort. Malgré un article publié le 20 avril sur cette situation, largement relayé et suivi de tribune, aucun média national n’a titré sur ces morts. À la fin de ce confinement, ce sont 12 personnes qui sont mortes à cause de la police. À ce rythme, personne ne peut continuer à parler de bavures isolées. Ils s’agit de meurtres systémiques validés par l’État français.

Le macabre bilan

  • 5 personnes mortes dans un commissariat
  • 3 personnes mortes suite à des tirs à balles réelles
  • 2 personnes mortes suite à une poursuite routière
  • 2 personnes mortes en sautant dans le vide

Liste des morts et contre-analyse de leurs traitements par la presse

  • Le 4 avril à Toulouse :
    Jimmy Boyer, 47 ans, est tué par balle dans le quartier Soupetard de Toulouse. La police aurait été appelée pour un différent conjugal. Un premier équipage est arrivé sur place suite à l’appel et aurait enjoint l’homme à quitter le lieu. L’homme, apparemment alcoolisé, aurait fait durer en rassemblant ses affaires. Un deuxième équipage a ensuite été appelé. Les policiers affirment que l’homme se serait précipité sur l’un d’eux avec un couteau, et que ce dernier aurait riposté en lui tirant dessus, le blessant mortellement à l’abdomen. La police parle de légitime défense. Sa femme, elle, affirme que ce n’est pas le policier incriminé qui a tiré mais un autre, et que le couteau ne se trouvait pas dans les mains de son mari mais sur la table. Le Procureur de la république a répondu que les flics étaient formels et que la femme se trompait et vu l’angle n’avait pas pu voir directement la scène, l’enquête est close pour lui. Pour la femme de Jimmy, ce meurtre ne sera jamais clos [1].
  • Le 8 avril à Béziers :
    Mohammed Gabsi, 33 ans, est mort au commissariat de Béziers vers 23h30 le mercredi 8 avril, après son interpellation par la police municipale pour “non respect du couvre-feu”. Ce n’est pas une des armes à feu dont est équipée la police municipale de Béziers qui l’a tué, mais sans doute une “technique d’immobilisation”. Au moins l’un des agents s’est assis sur l’homme allongé à plat ventre et menotté dans la voiture. La presse insiste dès le lendemain sur le caractère instable de l’homme, qui serait un SDF... Bien qu’elle semble difficilement prouvable faute de témoin, la vérité semble simple : les flics l’ont tué par étouffement en s’asseyant sur lui. [2]
  • Le 10 avril à Cambrai :
    Les flics veulent arrêter deux hommes qui, pris de panique - car dehors sans autorisation de sortie - prennent la fuite. Les flics les prennent en chasse, puis en pleine ligne droite la voiture part en tonneau au milieu de la route... pas de caméra, pas de témoin, on ne saura sans doute jamais ce qu’il s’est passé. Pourtant faire un tonneau au milieu d’une ligne droite sans aucun obstacle ne semble que peut probable. [3]
  • Le 10 avril à Angoulême :
    Même scénario : Boris, 28 ans, est intercepté par les flics, sûrement lui aussi sans autorisation de sortie. Il prend la fuite et, pris de panique, stoppe sa voiture au milieu d’un pont et saute dans l’eau. Il n’en ressortira pas vivant. On ne saura là encore sûrement jamais ce qu’il s’est passé, faute de témoin. Entre se soumettre à un contrôle censé être "routinier" et sauter d’un pont, certains font donc le choix de sauter... Ce constat en dit long sur l’état de confiance de la population envers la police [4].
  • Le 10 avril à Sorgues :
    Un homme de 49 ans est arrêté pour une rixe avec son colocataire au cours d’une soirée alcoolisée. Légèrement blessés, les deux hommes sont d’abord transportés à l’hôpital puis emmenés à la brigade de gendarmerie de Sorgues pour y être entendus. Ils auraient ensuite été placés en cellule de dégrisement avec une audition prévue le lendemain. Pendant la nuit, à deux et cinq heures du matin, les deux hommes auraient réagi au passage des gendarmes lorsque ceux-ci ont effectué leur ronde. Les gendarmes affirment qu’ils auraient trouvé l’homme décédé dans sa cellule vers 9 heures, au moment de venir le chercher pour procéder à son audition. La police affirme aussi qu’il serait mort de cause “naturelle”, sans aucun témoin pour confirmer ou infirmer cette version [5].
  • Le 15 avril à Rouen :
    Un homme, âgé de 60 ans, est décédé en garde à vue dans la nuit du mardi au mercredi 15 avril, au commissariat de police de Rouen. Le sexagénaire avait été placé en garde à vue la veille en fin de journée, pour une conduite sous l’emprise de l’alcool. Vers 5h, alors qu’il était extrait de sa cellule pour être entendu, il fait un "malaise". Malgré les tentatives de réanimation, il décède. Selon la police, les causes de sa mort ne sont pas encore connues. Comme bien souvent, avec des policiers comme seuls témoins, il sera bien difficile d’imputer une quelconque responsabilité à ses geôliers ou aux conditions de détention. [6]
  • Le 15 avril à la Courneuve (93) :
    Un jeune de 25 ans est aperçu par des flics à cheval dans le parc de La Courneuve (qui est fermé pour cause de confinement). Ils s’approchent de lui et, selon eux, le voient tenir un couteau. Le jeune aurait alors attaqué un des chevaux, suite à quoi les flics auraient pris la fuite avant de prévenir leurs potes à vélo, qui l’encerclent un peu plus loin. Selon eux, l’individu se serait jeté sur eux et les flics n’auraient eu d’autres choix que de lui tirer 5 balles dont 3 en pleine tête... Comme d’habitude avec les flics, on ne comprend pas comment 3 personnes entraînées et armées avec des lacrymos et taser en viennent à tuer quelqu’un de plusieurs balles... Bien sûr les journaux ont titré sur le fait que le jeune était afghan, tout en précisant à la marge que sa situation était parfaitement en règle. Certains retiendront que les flics ont fait leur boulot... Nous retiendrons que les flics ont encore tué quelqu’un de 5 balles parfaitement ajustées, non pour désarmer mais pour tuer. [7]
  • Le 28 avril à Clermont-Ferrand :
    Après avoir tenté d’esquiver un contrôle de police, un adolescent de 14 ans au volant de la voiture d’une amie aurait perdu le contrôle du véhicule en raison d’un dos-d’âne et se serait encastré dans une devanture de magasin et serait mort sur le coup. Le passager, âgé de 17 ans, a été légèrement blessé. Mais la police est-elle entrée sur le parking ? Surveillait-elle les jeunes depuis longtemps ? A-t-elle mit son gyrophare ? Selon le Proc’ les flics se sont rendu compte dès le départ qu’il s’agissait d’ados au volant. Dans ce cas, le fait d’engager une poursuite était-il vraiment approprié ? Les conducteurs de la voiture étaient-ils en état d’ébriété ? Pourquoi ont-ils tourné en pleine ligne droite ? Le Proc dit que le conducteur aurait paniqué. Mais qu’est-ce qui l’a fait paniquer à cet endroit précis plutôt que 100m avant ? Des questions, il y en a en réalité beaucoup, et il ne fait nul doute que, comme d’habitude, la famille n’aura jamais toutes les réponses. [8]
  • Le 29 avril à Albi :
    Le 28 avril, vers 18h30, un quadragénaire est arrêté par les flics alors qu’il serait complètement ivre. Les flics le conduisent aux urgences où un certificat de non-admission est délivré. Au lieu de le ramener chez lui ou dans un foyer hébergement, les agents le balancent alors en cellule de dégrisement. Dans la nuit, il aurait été découvert « inconscient » dans sa cellule de dégrisement à l’occasion d’une ronde et n’a pas pu être réanimé par les secours. Le Proc du Tarn a indiqué quelques heures plus tard dans un communiqué qu’une enquête a été ouverte visant à la « recherche des causes de la mort », et que les images de vidéosurveillance de la cellule ont été placées sous scellés et qu’une autopsie a été diligentée. Nulle mention par contre de potentielles caméras dans le bureau des policiers pour vérifier s’ils regardaient les caméras ou s’ils étaient en train de regarder une vidéo de chat sur Instagram pendant ce temps-là. Et si les caméras montrent quelque chose, nul doute que comme d’habitude, elles seront en panne... [9]
  • Le 1er mai à Saint-Denis :
    Romain B., 30 ans, a été interpellé en état d’ivresse dans la rue. Il a été conduit dans la foulée au commissariat et admis en cellule de dégrisement, son état ne permettant pas un placement en garde à vue. Ne se sentant pas bien, il aurait été consulté par un médecin, qui aurait délivré à 18h55 un certificat de non-admission. Il serait finalement mort dans la nuit vers 1h30. Les premiers actes de l’enquête sont confiés aux mêmes policiers du commissariat de Saint Denis où la victime est morte. La famille n’a été informée que 48h après sa mort. Les informations transmises ont déjà changé 2 fois depuis le début. Dans quelles circonstances s’est passée l’interpellation de Romain ? Peut-on attester qu’elle s’est déroulée sans altercation ou sans violences de la part des policiers ? Y a-t-il des témoins ? Romain a-t-il été réellement transporté à l’hôpital dans un premier temps ? Le cas échéant, pour quelle raison ? Romain a-t-il été réellement placé en garde-à-vue (ou en dégrisement) ? Le cas échéant, pour quel motif, le “tapage” étant un délit contraventionnel ne justifiant pas un placement en GAV ? Romain est-il mort en cellule sans que personne ne s’en aperçoive ? Le cas échéant, peut-on établir s’il a tenté d’appeler à l’aide alors qu’il se sentait mal en cellule ? Ou était la police à 1h30 ? Toutes ces questions restent pour l’instant sans réponse. [10]
  • Le 7 mai à Grenoble :
    Les policiers de la brigade spécialisée de terrain (BST) interviennent en tout début d’après-midi, au 54 avenue de Constantine à Grenoble à la demande du bailleur social qui gère cet immeuble, pour vérifier qu’un des logements était illégalement occupé. Les deux occupants flippent et tentent de s’échapper en descendant sur le balcon d’en dessous. L’un d’eux chute du treizième étage et meurt sur le coup. Pour rappel, la trêve hivernale qui interdit toutes les expulsions locatives a été prolongée deux fois depuis le début du confinement et court désormais jusqu’au mois de juillet. Le bailleur aurait dû simplement envoyer un huissier de justice pour constater l’occupation puis demander par voie de justice une expulsion locative à la fin de la trêve hivernale. Oui mais voilà : pourquoi payer un huissier de justice quand on peut envoyer des cow-boys gratuitement. Comment s’est déroulée exactement cette intervention ? Nous ne le saurons jamais, par contre le casier judiciaire de la victime fuitait dans la presse avant même toute autopsie. Une seule chose est sûre, sans intervention des flics, personne n’aurait sauté par la fenêtre. [11]
  • Le 10 mai vers Bordeaux :
    Au nord de Bordeaux, dans le petit village de Saint-Christoly-Médoc vers 6h30 un homme de 53 ans, alcoolisé, serait allé sans motif apparent agresser et blesser avec un couteau un voisin. À l’arrivée des gendarmes, l’homme armé d’un fusil a tiré à plusieurs reprises en direction des militaires, blessant « très légèrement » l’un d’entre eux, a-t-on précisé de source proche de l’enquête. Les flics ont riposté et se sont mis à l’abri, avant que le forcené ne se retranche dans sa maison. Le GIGN est appelé. Vers 14 h 15, alors que l’homme apparaissait à sa fenêtre et s’apprêtait à tirer une nouvelle fois, avec un fusil à lunette, un gendarme du GIGN a procédé à un « tir de neutralisation ». L’homme n’a pas pu être ranimé malgré les efforts des secours, et est décédé sur place. Deux enquêtes ont été ouvertes, a indiqué le parquet : l’une pour violence avec arme [sur le voisin] et tentative de meurtre sur personne dépositaire de l’autorité publique, et l’autre sur l’intervention du GIGN, confiée au Bureau des enquêtes judiciaires de la gendarmerie. Oui mais voila, les journaux parlent de "sources concordantes" sauf que les seuls présent était bien les gendarmes et le GIGN. Sachant que ce sont les gendarmes qui vont enquêter sur le GIGN on se demande bien où est la neutralité dans l’enquête. Surtout, se pose cette éternelle question avec concernat la Police Française : comment l’une des polices les mieux formées du monde, avec des tireurs d’élites appuyés par des forces de gendarmerie ayant bouclé tout un village pendant 6h, n’arrive pas à arrêter sans tuer un quinquagénaire alcoolique retranché avec un fusil de chasse ? Pourquoi ne pas attendre qu’il n’ait plus de munitions ? Pourquoi ne pas balancer de tas de lacrymo dans la maison ? Pourquoi faut il toujours que la police tue ? [12]

La question de la preuve

Les 12 affaires évoquées ci-dessus ont un plusieurs points communs : pas de preuve, pas de témoins, pas d’enquête journalistique.
Globalement c’est le cas dans la majorité des affaires de morts liées à la police. Les flics enquêtent sur eux-mêmes avec des preuves qu’ils apportent eux-mêmes et la presse recrache les communiqués de la préfecture ou du procureur comme s’ils étaient irréfutables. Pas même d’enquête de voisinage bidon dans la presse locale en mode "oui c’était un voisin sympathique on ne pensait pas que ça arriverait". Non juste du copier/coller indécent.
Si les familles de victimes ne se mobilisent pas, l’affaire s’arrête là. Si elles se mobilisent, on cherche par tous les moyens à ressortir en toute illégalité des affaires sur la victime qui devient forcément "délinquant·e", donc coupable.
Et même quand, dans de rares cas, des témoins sont présent·es, iels ne sont pas écouté·es. Quand des experts internationaux sont diligentés par les familles [13]et publient des rapports incontestables montrant que les experts de la police se sont trompés, les juges refusent de lire les dossiers.
La preuve quand elle n’est pas apportée par la police elle-même n’a aucune valeur. Dans ce cas comment prouver que la police cache ses meurtres ? Pourquoi les enquêtes et les procès durent-ils toujours 10 ans si les flics sont si innocents ?
Des exaction en Algérie Française à aujourd’hui en passant par le massacre du 17 octobre 1961 à Paris, les violences et meurtres policiers n’ont pas changé. Les violences et meurtres policiers n’ont rien d’accidentel, il n’existe pas de bavure. Il s’agit d’un fonctionnement normal et rationnel produit et régulé par l’État.


Au nom de la lutte contre le covid-19, la police française a déjà tué 5 personnes et fait plus de 10 blessés graves  | 11 mai Dès les premiers jours du confinement d’une grande partie de la population, de nombreuses vidéos montrant des violences policières ont été relayées. Les militant·es des quartiers populaires avaient alors averti du danger (...)

Notes

[1Source : LaDepeche
[2Source : Desarmons les et France bleue
[3Source : LaVoixDuNord
[4Source : Charente Libre
[5Source : FranceBleue
[7Source Le Parisien
[8Source LaMontage et Rebellyon
[9Source FranceBleue et 20minutes
[10Source LeParisien et DesarmonsLes
[11Source LeDauphiné et Cric.info
[13comme dans l’affaire Wissam El Yamni par exemple, lire ici

 

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