vendredi 23 octobre 2020

Coup de gueule du Dr. Jean-Jacques Houben contre une déprédation qui tue

Voici une vidéo mise en ligne le 22 octobre 2020. Un ras-le-bol se lâche. Le chirurgien Jean-Jacques Houben décrit la situation de l'hôpital, accuse et pose des questions en Belgique, mais il aurait pu en faire autant dans n'importe quel pays de la globalisation libérale désastreuse, car la situation dénoncée ne concerne pas que tel ou tel pays, mais tout un système criminel.

 


COUP DE GUEULE du Dr. Jean-Jaques Houben, de l'hôpital Erasme en Belgique

« J’accuse, je persiste et je signe.
En Belgique, en 2 000, il y avait assez d’hôpitaux, assez de lits et assez de personnel soignant. En 20 ans, on a non seulement fermé onze hôpitaux bruxellois, mais dans les 17 restants, on a fermé plus de 3 000 lits. Plus de 50 000 lits fermés en Belgique en 20 ans.
La durée de la vie professionnelle d’une infirmière est de 14 ans ; plus de 60% des infirmières belges ne pratiquent plus de clinique. Cessez de mentir aux gens. Il y a suffisamment de lits hospitaliers, mais ils sont fermés ou convertis en bureaux. Il y a des milliers d’infirmières compétentes disponibles, mais vous les avez perdues, parce que vous les avez méprisées, traitées de bonniches et sous-payées.
Après avoir privé la santé publique de moyens, vous avez détruit des stocks stratégiques, démonté des circuits logistiques, vous avez favorisé des monopoles pharmaceutiques scandaleux par une législation des marchés publics qui a tué nos fabricants locaux et engraissé des holdings internationaux.
La pandémie du COVID a démarré il y a près d’un an. Le commun des mortels connaît le COVID depuis 240 jours et 240 nuits. Interdire de travailler, interdire d’apprendre, de soigner, interdire d’opérer, de sortir, de se cultiver, interdire de fêter, de se marier, même d’aimer, interdire de voyager, même mourir dans la dignité et oxygéné est interdit. Mais qu’avez-vous fait à part passer quelques nuits à vociférer, insulter, négocier des accords dont on ignore tout ? Au lieu d’interdire, avez-vous multiplié les sources de matériel ? Avez-vous rouvert des lits hospitaliers ? Avez-vous préparé les laboratoires de dépistage ? Avez-vous recontacté les milliers d’infirmières compétentes en proposant un statut de crise pour qu’elles dépannent ? Avez-vous sollicité les médecins privés d’activité pour aider les généralistes submergés ? Avez-vous achalandé les pharmacies en masques, en vaccins antigrippaux, par exemple ? Avez-vous anticipé ? Avez-vous financé des centres de dépistage de crise pour la seconde ou la troisième vague ? Avez-vous équipé les O pour soigner dignement nos vieux ? Allez-vous instaurer des procédures de vidéo-teaching pour les écoles, pour les professeurs, réengager des centaines de professeurs compétents en pré-retraite ? Que nenni…
Pour défendre un État, il faut réfléchir, écouter, reconnaître ses erreurs et, surtout, les corriger. Il faut agir et non tergiverser. Vous avez le temps de fermer les restaurants et les blocs opératoires, le temps de fermer le Bois de la Cambre [grand poumon vert bruxellois] et de faire des pistes cyclables, le temps de verbaliser et de juger ; le reste, vous n’avez encore rien à prouver : vous n’êtes ni des hommes ni des femmes d’État. »

 

Non, en effet, ils/elles ne sont ni des hommes ni des femmes d'État, loin de là. Ou si, ça dépend ; cela dépend du concept d'État que l'on ait. En tout cas, ils/elles ne sont pas là pour défendre l'intérêt commun (ça se saurait !), mais pour favoriser coûte que coûte les grandes affaires, le Grand Capital pour lequel ils/elles travaillent avec acharnement, donc, contre tout sens commun, contre tout bien commun.

(...) And so ‘the yearning peoples appear, wearied with struggle and way-worn: “I have no liberty, I have no equality, I have no fraternity.”’ But the bourgeois ‘goes on muttering incoherent phrases about progress and liberty’.
[Et ainsi « apparaissent les peuples bouillants d'impatience, fatigués par la lutte et usés par la route : “Je n'ai pas de liberté, je n'ai pas d'égalité, je n'ai pas de fraternité” ». Mais le bourgeois « continue à marmonner des phrases incohérentes sur le progrès et la liberté »]
Pankaj Mishra, At the Helm of the World, London Review of Books, Vol. 39 No. 11 · 1 June 2017, excellente recension de The Discovery of Chance: The Life and Thought of Alexander Herzen, par Aileen Kelly. Les citations correspondent justement à Alexandre Herzen (1812-70).
Il y en avait qui croyaient que cette pandémie exceptionnellement létale serait une belle occasion pour que la donne changeât, n'est-ce pas ? Il n'en fut rien, loin de là. Eh ben, quand dans ce contexte, la tergiversation, l'absence de mesures dans le sens de l'humanité et la suite dans les idées prédatrices sont les réponses permanentes dans tous nos pays développés à vos questions, M. Houben, il faut commencer à surtout ne pas se leurrer là-dessus. Car il ne faut pas être docteur pour saisir la force d'attraction et de production de sociopathes de ce système sans États d'âme, ou pour observer sa flèche. Tout choc —survenu, produit ou mélange des deux— devient pour eux source d'opportunité, c'est-à-dire, l'occasion de se hâter à progresser à fond dans la feuille de route de leur religion définitive.
Nos dirigeants sont des liquidateurs à gages qui commettent certainement des bavures, car ils sont trop médiocres (cf. ici, ici et ), mais ce ne sont certainement pas les erreurs suggérées par la ferme et digne dénonciation du Dr. Houben, pour laquelle néanmoins, je le remercie très sincèrement.

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