Ce qui m'a beaucoup intéressé dans cette aventure, c'est
que Cédric, que je connaissais au début, qui s'occupait
de ses poules et de ses oliviers, d'un seul coup s'est
retrouvé investi d'une puissance politique énorme.
Simplement parce qu'il réagit à ce qui se passe.
(Michel Toesca,
entretien avec Sophie Torlotin, le 18.05.18, sur RFI)
Libre (Français) par Outside the Box sur Vimeo.
La Roya, vallée du sud de la France frontalière avec l’Italie. Cédric Herrou, agriculteur, y cultive ses oliviers. Le jour où il croise la route des exilés, il décide, avec d’autres habitants de la vallée, de les accueillir, de leur offrir un refuge et de les aider à déposer leur demande d’asile.
Mais en agissant ainsi, il est considéré hors la loi… Michel Toesca, ami de longue date de Cédric et habitant aussi de la Roya, l’a suivi durant trois ans. Témoin concerné et sensibilisé, caméra en main, il a participé et filmé au jour le jour cette résistance citoyenne. Ce film est l’histoire du combat de Cédric et de tant d’autres.
Libre est un documentaire politique français qui vient de sortir sur les écrans mercredi 26 septembre 2018. Il dure 1h40mn.
Réalisé par Michel Toesca, produit par Jean-Marie Gigon et SaNoSi Productions, distribué par Jour2fête, il avait été présenté l'après-midi du 2.05.18 au
festival de Cannes 2018, hors compétition, et y avait reçu la mention
Œil d’or. Puis, en août, il avait été projeté en avant-première à la 41e édition du
festival de Douarnenez. Nous devons la bande-son originale à
Magic Malik.
Voici l'argument du film, selon SaNoSi :
La Roya, vallée du sud de la France frontalière avec l'Italie. Cédric Herrou, agriculteur, y cultive ses oliviers. Le jour où il croise la route des réfugiés, il décide, avec d’autres habitants de la vallée, de les accueillir. De leur offrir un refuge et de les aider à déposer leur demande d'asile. Mais en agissant ainsi, il est considéré hors la loi...
Michel Toesca, ami de longue date de Cédric et habitant aussi de la Roya, l’a suivi durant trois ans. Témoin concerné et sensibilisé, caméra en main, il a participé et filmé au jour le jour cette résistance citoyenne. Ce film est l'histoire du combat de Cédric et de tant d’autres.
Désolé, je ne l'ai pas encore vu, mais il m'intéresse (cf.
ici,
ici,
ici et
là).
Le site
À voir, à lire en a fait et publié la critique le 3 septembre. Ils disent (et c'est moi qui y mets du rouge) :
Michel Toesca est un réalisateur indépendant ayant tourné des courts,
moyens et longs métrages engagés pour la télévision et le cinéma (Démocratie Zéro6). On cherchera en vain dans Libre
une tentative de renouveler le documentaire en proposant un travail
formel qui se démarque de la production courante. À l’instar de Davis
Guggenheim s’effaçant derrière Al Gore dans Une vérité qui dérange, Michel Toesca cerne avant tout le portrait de Cédric Herrou, même si la complicité entre les deux hommes est manifeste, le cinéaste se permettant même des interventions hors-champ. Ainsi, Libre intéressera davantage le juriste et le citoyen que le cinéphile. Cette remarque étant précisée, le documentaire est passionnant dans sa capacité à présenter les aberrations de la machine bureaucratique et
force le respect par sa sincérité humaniste. (...)
Le film ne se focalise pas seulement sur Cédric Herrou et donne aussi la
parole à des militants et bénévoles, telle cette infirmière libérale
dispensant des soins aux migrants mais ne l’évoquant pas dans son
entourage professionnel de peur d’entendre des remarques désobligeantes.
Libre est aussi intéressant dans son traitement de la
problématique des contradictions et ambiguïtés : flou juridique du
territoire de la vallée de la Roya partagée entre la France et l’Italie,
expulsion de clandestins dans un train vers le sud de l’Italie, avant
qu’ils ne refassent à pied le trajet inverse, volonté de refouler des
enfants du territoire français sachant que la loi impose leur
protection, mise en exergue de l’idée de frontière, alors que l’espace
Schengen l’a supprimée entre la France et l’Italie. Surtout, le documentaire pose la question du libre arbitre face à la nécessité d’aider des personnes en souffrance, tout en respectant la loi et les réglementations, les dispositions de l’État de droit ne permettant pas toujours de trancher ce dilemme.
(...)
Notons que le 6 juillet 2018, le Conseil constitutionnel a décrété que
le principe de fraternité était désormais constitutionnel, et pouvait
donc être invoqué dans un tribunal. Cette décision laisse augurer une
relaxe de Cédric Herrou en cassation, ce dont nous nous réjouissons (1).
En lire plus.
RFI s'est penché sur le sujet au moins à deux reprises : le 18 mai 2018, à l'occasion du 71e festival de Cannes,
Sophie Torlotin recevait Michel Toesca et Cédric Herrou (6'37''). Il y a quelques jours, le 26 septembre 2018, à l'occasion de la sortie du film en salles, Isabelle Le Gonidec a publié une chronique intitulée
Réfugiés de la Roya: «Libre» de Michel Toesca, une caméra solidaire. Ce même jour,
Daniel Mermet, de Là-bas si j'y suis, s'est entretenu avec Cédric Herrou (
Cédric Herrou : « Ciotti est amoureux de moi ! ») :
Agriculteur, éleveur de poulets, citoyen pour certains, délinquant pour d’autres. Lui se dit aussi « anarchiste ».
Un anarchiste qui s’efforce de faire appliquer la loi : celle qui
assure aux migrants de pouvoir déposer une demande d’asile à la
frontière franco-italienne, dans la vallée de la Roya où se trouve sa
ferme. Un droit que leur dénient le préfet des Alpes-Maritimes et les
forces de l’ordre, en préférant les repousser à la frontière italienne.
Parce qu’il accueille, héberge, encadre, accompagne juridiquement ces
centaines d’Érythréens et de Sud-Soudanais, il est devenu la bête noire
d’Éric Ciotti, président du Conseil départemental des Alpes-Maritimes :
« qui peut dire avec certitude que dans les centaines de migrants
que M. Herrou se targue d’avoir fait passer ne se dissimule pas un futur
terroriste ? [1] ». Cédric Herrou, lui, rappelle que c’est justement la fermeture des frontières aux migrants qui est plus meurtrière que jamais. Un récent rapport de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés déplore l’augmentation du nombre de morts en Méditerranée :
au premier semestre 2017, une personne qui tentait la traversée de la
Méditerranée sur 42 en mourrait. Cette année, ce chiffre est monté à une
personne sur 18 sur la même période [2].
Même certains policiers et gendarmes ont confié à Cédric Herrou
désapprouver la gestion policière et militaire de la question
migratoire : ils ont préféré mettre en place avec lui un « protocole » pour garantir le dépôt des demandes d’asile.
Michel Toesca a filmé pendant trois ans Cédric Herrou,
ainsi que tous les citoyens de la vallée de la Roya qui sont toujours
menacés de poursuites judiciaires pour leur action : après le succès de
la projection au dernier festival de Cannes, le film Libre sort aujourd’hui en salles.
Un entretien de Daniel Mermet avec Cédric Herrou.
Dans son entretien avec Daniel Mermet, Cédric Herrou affirme, entre autres :
"Il y a 50 gardes mobiles autour de ma ferme, une ferme qui fait deux hectares, qui tentent d'empêcher les gens d'arriver chez moi. (...) En fait, il y a plus de gendarmes autour de ma ferme que sur l'axe autoroutier entre Ventimiglia [Vintimille] et Nice."
"Les personnes en migration, [nous], on leur donne accès à leurs droits et on les protège juridiquement pour qu'ils puissent demander l'asile [en France]. On a un protocole avec la gendarmerie locale et on nous ouvre tous les barrages policiers qui sont entre Breil-sur-Roya et Nice, ce qui est schizophrène, cette gestion, parce qu'en fait [enregistrer] la demande d'asile, c'est un devoir (2), ces personnes pourraient très bien faire une demande d'asile à la frontière, [mais] c'est une demande qui est entravée, on oblige les gens à passer la frontière clandestinement."
Et puis le préfet les "dégage" en Italie sans respecter leurs droits, faisant fi des procédures légales. Au bout du compte, le pouvoir peut compter sur "les média, la communication, la Justice".
Herrou explique qu'il accueille les réfugiés qui arrivent dans sa ferme comme des "individus à part entière". Comme le rappelle la page web de Là-bas, il évoque, effectivement, quelques chiffres apportés par le rapport «
Voyage du désespoir » (
Desperate Journeys) du Haut-commissariat aux réfugiés des Nations Unies, préfacé par Khaled Hosseini et publié le 3 septembre 2018.
Ce rapport signale que plus de 1500 migrants sont morts ou
portés disparus en mer Méditerranée entre janvier et juillet en tentant de rejoindre l'Europe. Concrètement, 318 en Espagne, 1.095 en Italie, 99 en Grèce. Et, en effet, il affiche un paradoxe terrible qui prouve le caractère criminel de la politique européenne en la matière : il y a, en même temps, une baisse des tentatives de traversée de la Méditerranée (121.100 dans les 7 premiers mois de 2017 contre 72.100 en 2018) et une forte augmentation proportionnelle des disparitions au double sens : «pour chaque groupe de 18
personnes ayant entrepris la traversée entre janvier et juillet 2018,
une personne est décédée ou portée disparue, contre une sur 42 au cours
de la même période en 2017 ».
L'Agence des Nations Unies pour les Réfugiés en France publie en français un communiqué à cet égard où elle alerte :
La traversée de la Méditerranée est plus meurtrière que jamais. Pascale Moreau, la Directrice du bureau du HCR pour l’Europe, y déclare : « Alors
même que le nombre d’arrivants sur les côtes européennes diminue, il ne
s’agit plus de tester la capacité de l’Europe à gérer les chiffres mais à
faire preuve de l’humanité nécessaire pour sauver des vies. » Ce communiqué ajoute :
Le HCR exhorte également l’Europe à accroître les possibilités de
voies d’accès légales et sûres pour les réfugiés, notamment en
augmentant le nombre de places de réinstallation et en éliminant les
obstacles au regroupement familial – ce qui permettrait de fournir
d’autres options à des périples dont l’issue risque d’être fatale.
Le rapport souligne également les dangers auxquels sont confrontés
les réfugiés lorsqu’ils voyagent le long des routes terrestres vers
l’Europe ou lorsqu’ils traversent celle-ci. Notant les mesures prises
par certains pour empêcher les réfugiés et les migrants d’accéder à leur
territoire, le rapport exhorte les États à faire en sorte que les
personnes cherchant la protection internationale puissent facilement
accéder aux procédures d’asile. Il lance également un appel aux États
afin que ceux-ci renforcent les mécanismes de protection des enfants qui
voyagent seuls et demandent l’asile.
Au demeurant, justement ce matin même, nous avons appris que
Domenico (dit « Mimmo ») Lucano, le maire de Riace (Calabre), a été arrêté, puis placé aux arrêts domiciliaires. « Bête noire » du ministre de l’intérieur italien d’extrême droite Matteo Salvini,
il avait fait renaître Riace grâce à l'arrivée de centaines de réfugiés.
Son initiative a permis de rénover les maisons abandonnées de sa petite commune et de stimuler son économie. Et ce qui était alors un bled fantôme est redevenu une bourgade pleine de vie. L'école qui avait fermé en 2000 a pu rouvrir.
Solidarité à double sens, donc, comme d'hab.
À l’entrée du village, on peut lire maintenant sur une pancarte, «
Riace, cité de l’accueil » (
paese dell'accoglienza).
_________________________
(1) Oui, en réponse à Cédric Herrou, le Conseil Constitutionnel a tranché là-dessus le 6 juillet 2018 et reconnu le « principe de fraternité » et, donc, « la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ».
(2) Cf. Service-public.fr : « Si vous venez en France pour obtenir le statut de réfugié, vous devez
vous adresser aux autorités de police aux frontières pour leur signaler
votre souhait puis effectuer des démarches en préfecture pour faire
enregistrer votre demande d'asile. Vous ne pouvez pas directement saisir
l'Ofpra. Une fois votre demande enregistrée par la préfecture, vous pouvez le saisir. »