Le 14 octobre 2015, donc mercredi dernier, la ministre française de la Culture, Fleur Pellerin, inaugura Images d'art à la Cité des sciences, à Paris. Elle ne manqua pas de s'en gargariser : « Je veux que chacun puisse se constituer son propre musée imaginaire. Images d'art est un projet qui répond pleinement à cette préoccupation ». « Il est une belle manière de faire progresser l'accès de tous à la culture, grâce au numérique. »
Il s'agirait d'un site web proposant au public des photographies —à découvrir, collectionner et partager gratuitement— de plus de 500 000 œuvres que l'on peut contempler dans les musées français. Le quotidien Le Monde informait à ce propos :
Beaucoup d'œuvres sont en effet disponibles, c'est-à-dire, visibles, comme La contre-attaque décisive de Micheletto Attendolo da Cotignola (circa 1456), le deuxième panneau de La Bataille de San Romano, du peintre Paolo Uccello, qui se trouve au Louvre de Paris.
Il s'agirait d'un site web proposant au public des photographies —à découvrir, collectionner et partager gratuitement— de plus de 500 000 œuvres que l'on peut contempler dans les musées français. Le quotidien Le Monde informait à ce propos :
Conçue par la Réunion des musées nationaux-Grand Palais à partir de son fonds photographique, cette plate-forme numérique se présente sur sa page d'accueil sous la forme d'un mur d'images actualisé en permanence (voir la démonstration sur YouTube). En cliquant sur chacune d'elle, le visiteur se voit proposer d'autres œuvres du même artiste et de la même période et peut voir plus précisément qui utilise la même technique ou les mêmes couleurs dominantes. Un second niveau de lecture affiche les détails de l'œuvre, son auteur, son titre, l'année de sa création et le musée où elle est exposée. En outre, une fonctionnalité permet de partager n'importe quelle image par le biais d'une messagerie électronique ou des réseaux sociaux. Appelé à évoluer, le site va peu à peu s'enrichir de toutes les ressources disponibles sur le Web pour chaque œuvre : le site est interconnecté avec des musées en ligne et l'encyclopédie en ligne Wikipédia, et envisage des liens renvoyant vers l'Institut national de l'audiovisuel (INA) pour permettre d'accéder à des vidéos des œuvres. L'ensemble des données du site est accessible pour un usage privé ou scolaire, grâce à une interface, le but étant de favoriser les usages pédagogiques. Un bel outil documentaire et de découverte mis à disposition des élèves et des étudiants.D'autres sites, tel Culturebox, ont également couvert cette information.
Beaucoup d'œuvres sont en effet disponibles, c'est-à-dire, visibles, comme La contre-attaque décisive de Micheletto Attendolo da Cotignola (circa 1456), le deuxième panneau de La Bataille de San Romano, du peintre Paolo Uccello, qui se trouve au Louvre de Paris.
Source : Images d'Art
Il arrive néanmoins que Didier Rykner se demande, dans un article hébergé par La Tribune de l'Art, où réside la nouveauté ou le caractère « innovant » de ce site, et fait des remarques, lance des questions et donne des conseils absolument pertinents « puisqu’à de rares exceptions, plusieurs articles sur le web reprennent
les éléments de langage d’auto-promotion du ministère de la Culture ». Voilà pourquoi je me permets de copier-coller son texte dans son intégralité, car il illustre et ce cas et les pompes habituelles du système en place...
Lancement du site Images-art : mais où est la nouveauté ?
Chapeau l’artiste ! Lancer un site internet qui existe déjà, sous une forme un peu différente mais moins riche, et communiquer sur sa nouveauté, son caractère « innovant », « universel », et sa contribution éminente au « rayonnement de la France dans le monde », c’est l’exploit que vient de réussir Fleur Pellerin, avec une certaine réussite, il faut l’avouer, puisqu’à de rares exceptions, plusieurs articles sur le web reprennent les éléments de langage d’auto-promotion du ministère de la Culture.
Le site, c’est celui de la base photographique de la Réunion des Musées Nationaux. Il y a longtemps que celui-ci existe et propose aux internautes un nombre impressionnant de photographies d’œuvres d’art des musées français et parfois aussi de musées étrangers. Il y a plus d’un an, ce portail avait subi une refonte comportant quelques bugs, mais ceux-ci semblent réparés, avec des fonctionnalités plutôt ergonomiques.
Pourquoi, alors, créer un nouveau site (« Images-art ») comprenant à peu près les mêmes fonctionnalités ? On peut, légitimement, se poser la question lorsque l’on compare les deux…
Chaque site permet de faire une recherche sur un terme générique mais le site Photo RMN propose également une recherche avancée, ce que n’autorise pas Images-art.
Chaque site donne les résultats sous la forme d’une mosaïque d’images (ill. 1 et 2), la seule différence entre les deux étant la taille des vignettes, plus grande pour Images-art que pour Photo RMN (ce qui n’est pas forcément plus pratique car on voit moins d’images sur l’écran et le choix est donc moins facile).
Sur chaque site, les résultats d’une recherche peuvent être affinés en cliquant, à gauche de l’écran, sur des critères classés par catégorie : auteur, période, localisation, technique. Le site Photo RMN rajoute un critère format (horizontal, vertical, carré) pas forcément indispensable, tandis qu’Images-art propose un critère « couleur » dont nous ne voyons pas l’utilité et qui ne fonctionne d’ailleurs pas.
Sur chaque site, on peut créer un ou plusieurs albums qui permettent de retrouver, lors d’une consultation ultérieure, les images que l’on a choisies.
Sur le site Images-art, des images sont proposées de manière qui semble aléatoire, avant toute recherche, ce qui constitue une porte d’entrée pour l’amateur qui veut simplement se promener sans savoir ce qu’il cherche. Ceci est également possible sur le site Photo RMN, mais à partir d’albums déterminés par sujet et à l’arborescence simple.
On voit donc qu’en réalité il s’agit à peu près de la même chose ! Mieux encore, le site Photo RMN offre de nombreux avantages par rapport à l’autre :
il est beaucoup plus riche (850 000 images contre 500 000),
il est plus précis ; un seul exemple, en tapant « Ingres » :
* outre que pour Photo RMN on compte 980 images, et pour Images-art seulement 560, le premier permet immédiatement de trouver les photographies concernant uniquement des œuvres d’Ingres (lorsque l’on clique la première image marquée « Jean-Dominique Ingres », on obtient toutes les œuvres créées par Ingres), ce qui n’est pas possible avec le second,
* les critères permettant d’affiner la recherche à gauche de l’écran proposent, pour Images-art, « 17e siècle » ! Et si l’on clique dessus, les trois images retenues sont : Le bain turc, dessin anonyme daté de 1862 et sans aucun rapport avec Ingres, sinon le titre, L’Allégorie de l’Espérance chrétienne, tableau attribué à Bartolomeo Schedone mais conservé… au Musée Ingres de Montauban, et Audience aux ambassadeurs de Siam, almanach édité chez François Jollain…
il permet, grâce à des mots clés, de rebondir d’une image à l’autre. Ainsi, si l’on choisit la Grande Odalisque d’Ingres, le site Images d’art propose des « œuvres suggérées » selon des critères pas toujours clairs, tandis que Photo RMN propose les mots clés suivants : dos, éventail, nu féminin, odalisque, Orientalisme (art), sensualité, turban, ce qui nous semble beaucoup plus pertinent.
Le seul véritable avantage du site Images-art par rapport à Photo RMN relève du gadget : le partage de l’image sur Facebook et Twitter. Pourquoi seulement Facebook et Twitter, et pas les autres réseaux sociaux ? C’est la (bonne) question que pose un article que vient de publier un contributeur Wikipedia. L’auteur de celui-ci, Sylvain Machefert, souligne par ailleurs à raison que le site – il partage en cela le défaut de Photo RMN - ne propose qu’une basse définition des images (bien moins bonne que Wikipedia). Si celles-ci restent suffisantes pour un écran, il est impossible de zoomer dans les détails. On comprend d’ailleurs pourquoi : comme pour la base Photo RMN, qui a au départ pour objectif de commercialiser les photos, le site Images-art, pourtant vanté par Fleur Pellerin, se prévaut lui aussi d’un droit d’auteur sur des photos dont une grande partie représente pourtant des œuvres du domaine public ! Une pratique qu’un récent rapport parlementaire qualifiait de « copyfraud » (voir l’article) et qui est donc vantée par la ministre de la Culture !
Signalons enfin que le site propose une API, c’est-à-dire qu’il met à disposition des informaticiens l’ensemble des images et données qu’il contient. Sauf que cette interface de programmation est en réalité celle de la base Photo RMN et qu’elle ne peut donc être mise au crédit du nouveau site. Plus gênant encore : Sylvain Machefert cite ici Lionel Maurel, un spécialisé du droit d’auteur très actif sur internet1, qui fait remarquer que les conditions générales d’utilisation de cette API sont tellement drastiques qu’elles interdisent les extractions substantielles des données et métadonnées, alors que c’est pourtant justement leur but !
Il est donc évidemment préférable de consulter le site Photo RMN plutôt qu’Images-art. Mais aux lecteurs de La Tribune de l’Art, nous donnerons surtout le conseil suivant : utilisez le moteur de recherche « Collections », du site Culture.fr, qui est en réalité ce qu’on appelle un « méta-moteur » qui va rechercher les images dans plusieurs bases de données du ministère de la Culture, notamment Photo RMN, mais aussi la base Atlas du Louvre, la base Joconde, la base Palissy, la base Mérimée, la base MNR, etc., etc. Preuve que le ministère de la Culture peut également produire d’excellents outils, ce moteur « Collection » permet depuis de nombreuses années de trouver facilement beaucoup plus d’informations et d’images que ce que le site Images-art propose aujourd’hui. Il est curieux que Fleur Pellerin, qui se pique de numérique, ne le sache pas.
, samedi 17 octobre 2015
Notes
Disons pour conclure que la Tribune de l'Art aborde l’actualité du patrimoine et de l’art occidental du moyen-âge aux années 30.
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