dimanche 8 septembre 2019

RetroNews (sic)

RetroNews est le site de presse de BNF-Partenariats, filiale de la BNF.
Né en mars 2016, ce Web est dédié aux archives de presse issues des collections de la Bibliothèque nationale de France et met en ligne actuellement plus de 400 titres de presse publiés entre 1631, date de fondation de La Gazette (avec l'appui de Richelieu), et 1950. C'est donc un splendide outil de recherche et une excellente manière de découvrir l'histoire de la presse écrite (1), imprimée, depuis l’apparition des publications périodiques au début du XVIIème siècle jusqu'à l'irruption de la télévision, à peu près.
Le site gralon.net nous rappelle que...
Le premier périodique imprimé au monde, un journal de quatre pages intitulé Relation (2), fut lancé à Strasbourg en 1605 par Jean Carolus.
En France, le premier grand périodique fut La Gazette : dans un contexte de censure et de contrôle de la presse par l’Etat, son rédacteur, Théophraste Renaudot, avait obtenu dès 1631 un privilège royal lui garantissant le monopole de l'information.
A la même époque, à Londres, Nathaniel Butler fonda le premier hebdomadaire de l’histoire de la presse, le Weekly news, en 1622.
RetroNews nous précise :
« (...) la publication d’une presse plus contemporaine nécessiterait la mise en place d’un dispositif de gestion des droits d’auteur actuellement à l’étude. » (...)
« Si vous recherchez un titre qui n’est pas publié sur RetroNews, nous vous invitons à consulter le site http://presselocaleancienne.bnf.fr/accueil qui liste tous les titres de presse locale et identifie si une version numérisée est disponible. »
Ces titres disponibles correspondent à des journaux et magazines d'information générale, politique, régionale, littéraire, satirique, économique, coloniale, professionnelle, "féminine", sportive, de loisirs, illustrés ou non.
BnF-Partenariats sélectionne les titres à numériser avec les conservateurs de la BnF, encadre les opérations de numérisation, conçoit les contenus éditoriaux  et pilote le fonctionnement et le développement du site.
ADOC Solutions réalise la numérisation des journaux et la reconnaissance de caractères (OCR, pour permettre la recherche plein texte).
Immanens a développé une visionneuse dédiée à la presse et gère l’outil de recherche et l’indexation des pages.
Syllabs réalise les traitements sémantiques (Thématiques, entités nommées…).
Disons finalement que l'équipe de Retronews propose chaque jour des compléments : des articles, des analyses, des séries documentaires audio et vidéo.
Problème, RetroNews n'est pas complètement un service public et cela se voit à deux signes symptomatiques. Le premier indice concerne le nom, Retronews, sans accent, qui ne saurait être, sans mourir, plus con ou plus cipaye, selon l'analyse. Une institution nationale française baptise en anglais un de ses services en ligne. On aurait pu choisir, rêvons, « presse ancienne ». Au bout du compte, comme il est précisé un peu plus haut, Gallica, la plateforme traditionnelle sur internet de la BNF, qui dispose d'une page web dédiée à Presse et revues et une sous-page à la Presse locale et régionale, consacrait depuis 2016 un site à la presse locale ancienne numérisée. Tant qu'à faire de rêver, on aurait pu choisir « rétrocanards », « rétronouvelles », « éphémérothèque » (de ἐφημερίς, ephêmeris, journal, et θήκη, thêkê, -thèque, boîte ou lieu où l'on garde quelque chose), « hémérocalles" (Plante (liliacées) dont les fleurs très décoratives ne durent chacune qu'un jour, selon Le Robert), « neiges d'antan », « en temps voulu », « presse-purée », « presse sentiments », « feuilles mortes », que sais-je... Mais quand la cuistrerie bat son plein et que les tronches se laissent fièrement coloniser, même les instances nationales de France, pardon, de la Start Up Nation (3), tiennent à des appellations ou enseignes en anglais, censées être suprêmes, ergo plus racoleuses. Car le deuxième indice se montre lorsqu'on veut accéder à certaines possibilités et que l'on se rend compte qu'il faut s'abonner pour s'en servir, y compris dans un but pédagogique :
La BnF a créé en 1998 sa bibliothèque numérique, Gallica, qui propose un accès gratuit aux  collections numérisées de la BnF : livres, périodiques, presse, cartes, estampes, photographies, monnaies ou médailles, et permet des recherches transverses parmi une grande diversité de documents.
La BnF a créé en 2016, dans le cadre de sa politique de numérisation et à travers sa filiale BnF-Partenariats, le site RetroNews. RetroNews propose un accès libre et gratuit à plus de 400 titres de presse publiés entre 1631 et 1950. Les archives de presse sont issues soit des fonds disponibles dans Gallica, soit des fonds numérisés par BnF-Partenariats. Dans tous les cas, les journaux sont indexés dans Gallica : si un résultat est remonté par le moteur de recherche de Gallica, la visualisation du fascicule complet se fait gratuitement sur RetroNews.
RetroNews propose en outre des outils de recherche avancée spécifiques aux collections de presse et des contenus éditoriaux complémentaires (articles, longs formats, vidéo, audio…) pour découvrir l’histoire par la presse : l’accès à ces services supplémentaires se fait sur abonnement.
Il existe plusieurs formules d'abonnement payant, y compris pour les écoliers. Il ne s'agit donc, à proprement parler, d'un service entièrement public, ouvert à tous, garant de l'égalité de chances, facilitant pleinement les fouilles et les consultations de chercheurs, professeurs, étudiants, lycéens ou de tout un chacun. La Start Up Nation des libéraux aux commandes rabaisse ou supprime les impôts de la cour des très grands, privatise et démantèle les Communs (4), enfle la dette souveraine, multiplie les coupes budgétaires (santé —couloirs des urgences toujours bondés—, EHPAD, école, justice, transports en commun, justice, média publics, inspection du travail...), et les organismes de l'État, faute de ressources suffisantes pour accomplir leurs missions, se voient contraints de faire appel à des prestataires privés, se soumettent à une dépendance extérieure et nous apprennent que pour accéder à une partie de leurs services, il nous faut payer :
Le site propose en plus aux abonnés des contenus éditoriaux exclusifs (version audio, longs formats, documentations sur l’histoire de la presse), ainsi que des fonctionnalités avancées et des outils de recherche experts signalés par un code couleur spécifique.
Quelqu'un qui se connaît en matière de politique des biens communs de la connaissance s'est déjà penché sur ce sujet d'une manière très détaillée et nous fournit, malgré —selon moi— quelques mises d'eau dans son vin, des considérations qui prêtent à réflexion. Il s'agit de Lionel Maurel, Directeur Adjoint Scientifique pour l'information scientifique et technique à l'Institut des Sciences Humaines et Sociales du CNRS. Pour lire son analyse, cliquez sur le lien précédent.
Vous pouvez lire également cet article de Thomas Perrono sur le site de l'association bretonne En Envor et de sa revue d'histoire contemporaine en Bretagne.

Voici la vidéo de présentation de la plateforme RetroNews :


01:07 Périodiques et fonctionnalités de la recherche avancée
05:00 La partie éditoriale de RetroNews
05:45 Perspectives de développement
06:21 Indications pratiques sur les abonnements


Comme illustration de ses contenus éditoriaux, cliquez sur le lien pour accéder à un cycle proposé par RetroNews autour des « Lois scélérates ».

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(1) Car il faudrait avoir trop picolé pour confondre l'Histoire et l'histoire de la presse.
(2) Relation était un hebdomadaire publié en allemand.
(...) Contrairement aux news contemporains, il n’y avait pas d’articles de fond avec des commentaires et des prises de position politiques ou religieuses. On est plus près des brèves de toute nature de l’Agence-France-Presse. Des faits, des bruits de toute nature et provenant de l’Europe entière, voire au-delà, le tout sur quatre pages. À l’origine, il n’y avait qu’exceptionnellement des informations locales. Ce n’est qu’au cours de la guerre de Trente Ans qu’elles apparaissent sous la forme d’indications d’ordre militaire. Par contre, le lecteur apprend les actes de piraterie sur les rives de la Méditerranée, l’accueil de la suite fastueuse de l’ambassadeur turc à Vienne, le retour en Espagne des navires en provenance d’Amérique, les conflits religieux en Hongrie, l’invention d’une lunette par un certain « Signor Galileo » de Florence, les audiences du Pape Paul IV, un homme a poignardé à Naples trente personnes dont sa jeune femme, tremblement de terre à Rhodes, trois mosquées ont brûlé à Constantinople…(...)

ELSASS/ALSACE JOURNAL, 16.03.2017
(3) Emmanuel Macron : "I want France to be a “start-up Nation”, meaning both a nation that works with and for the start ups, but also a nation that thinks and moves like a start up." (Discours au Salon Vivatech, 15.06.2017).

(4) Et tout cela dans un seul but : nous contraindre à payer, sans contreparties, de gros impôts qu'on appelle "dividendes", "rémunération du capital" ou "d'excellents résultats financiers" :
Le montant est historique. Les 1 200 plus grandes entreprises cotées mondiales ont versé, pour la période avril-juin, quelque 513,8 milliards de dollars (463 milliards d’euros) de dividendes à leurs actionnaires, soit une progression de 1,1 %, selon l’étude publiée, lundi 19 août, par l’observatoire de la société de gestion Janus Henderson.
Sur l’ensemble de 2019, ces groupes devraient distribuer à leurs actionnaires un montant record, estimé à 1 430 milliards de dollars. Reste que le deuxième trimestre est particulièrement significatif, car sept sociétés sur dix versent leurs dividendes à cette période de l’année. (Le Monde, 20.08.2019)
Sans compter les autres allocations qu'il nous faut satisfaire : les coûts d'une publicité tous azimuts, les faramineux salaires des cadres et hauts dirigeants des grandes sociétés, leurs frais de fonction, représentation et divertissement, leurs primes, bonus, plans d'actions, stock-options ou retraites, leurs indemnités de départ, etc.

1 commentaire:

Michèle a dit…

Excellent commentaire, bien touffu et ironique. Une lecture enseignante et divertissante ! Merci.