53 pays Africains viennent de dire Adieu au système Swift, système financier occidental, pour la Chine. 53 des 54 pays Africains ont signé un accord historique avec Pékin.
Le mois dernier la Chine a réussi à rallier 53 pays Africains derrière une vision commerciale révolutionnaire. Résultat les exportations Africaines bénéficient désormais d’un accès totalement exempt de droit de douane au marché Chinois. Il s’agit d’une révolution monétaire de grande ampleur: la conséquence sera l’abandon du dollar Américain dans les transactions et de l’euro. Désormais tout se fait en Yuan Chinois.
Pourquoi ce changement est-il si crucial ? Actuellement lorsqu’un entreprise Africaine veut vendre un produit en Europe elle ne peut pas utiliser sa monnaie locale. Elle doit d’abord convertir en dollars, puis en euros. Ces deux conversions monétaires entrainent donc deux fois plus de frais, des délais allongés et une dépendance totale aux banques étrangères. Ces conversions s’effectuent via le système SWIFT prônés par les États-Unis et l’Europe. C’est eux qui décident quel pays peut accéder ou pas au système financier mondial.
Quel a été l’événement décisif pour l’Afrique? 2022: l’intervention militaire spéciale Russe en Ukraine. Les pays occidentaux ont gelé près de 300 milliards de dollars de réserves Russes. Ce gel d’actif a créé un précédent inquiétant pour les économies émergentes. Si les États-Unis peuvent bloquer les avoirs d’une puissance comme la Russie qu’est-ce qui les empêche d’en faire autant avec n’importe quel pays Africain ?
La Chine propose le CIPS: le Cross border Interbank Système Chinois. Le CIPS est utilisé par plus de 4900 institutions financières dans 187 pays.
Voici la vidéo de Saïd Bouamama, CIPS : le "SWIFT" chinois que l'Afrique du Sud adopte - Le Monde vu d'en Bas - n°205, 4 déc. 2025 :
TRANSCRIPTION [Les gloses entre crochets et les liens sont de mon cru] :
Saïd Bouamama : Bonjour et bienvenue pour cette nouvelle édition du Monde vu d’en Bas qui, comme son nom l'indique, tente de lire l'actualité du point de vue des classes populaires.
Notre chronique sera consacrée à l'annonce faite le 1er décembre par la banque standard d'Afrique du Sud de sa décision d'adhérer au Système de Paiement Interbancaire Transfrontalier Chinois, CIPS, et à sa signification politique mondiale en termes de dédollarisation.
L’effet boomerang chinois
Dans une chronique antérieure, nous avons abordé la création par la Chine de ce nouveau système de paiement interbancaire en 2015, puis son développement rapide après le début de la guerre en Ukraine. L'entrée, en vigueur désormais effective du CIPS chinois pour les clients africains de la banque sud-africaine permet désormais de commercer sans passer par le dollar.
Pendant que Donald Trump soutient des génocidaires en Palestine, cautionne des bombardements sionistes au Liban, en Syrie, au Yémen et cetera, menace d'intervenir militairement en Afrique du Sud, au Nigéria, au Venezuela, maintient un embargo meurtrier contre Cuba, la Corée, l'Iran, la Russie, impose des droits de douane à tous les pays, y compris ses alliés, bref, pendant que Washington revendique une politique impérialiste ouverte, le gouvernement chinois poursuit, pas à pas, un objectif de long terme visant à détricoter la suprématie du dollar dans les échanges mondiaux.
Saisir l'enjeu systémique mondial de la décision de la principale banque sud-africaine suppose de prendre en compte le fonctionnement actuel du système de paiement international, la place centrale qui occupe le dollar et les conséquences politiques qui en découlent.
Le système de paiement international jusqu'à présent quasi totalement incontournable est le système Swift [Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications] qui signifie Société de Télécommunications Financières Interbancaires Mondiales, entièrement contrôlée par les États occidentaux et plus particulièrement par les États-Unis.
Concrètement, cela signifie qu'un pays ou une entreprise qui veut vendre une production sur le marché mondial est contraint de le faire en dollar. Si la vente se déroule par exemple dans un pays européen, une seconde conversion est nécessaire du dollar à l'euro. Bien entendu, à chaque conversion, des frais sont facturés et ceci constitue une véritable rente pour les États-Unis.
Outre cet enjeu économique, le système Swift actuel est une arme de pression politique entièrement sous les mains de Washington.
La décision de restreindre ou d'interdire l'accès d'une entreprise ou d'un pays à Swift a des effets économiques désastreux immédiats. Non seulement celle-ci ou celui-ci peut se voir brusquement empêché d'utiliser ses actifs, comme c'est le cas pour la Russie ou le Venezuela, qui ont vu leurs actifs gelés, mais il peut quasiment être mis en quarantaine sur le plan commercial en étant interdit d'utiliser Swift.
La première utilisation de Swift comme arme de guerre massive eut lieu en 2012 contre l'Iran.
Sur injonction des États-Unis, les banques iraniennes ont été déconnectées de Swift, entraînant une baisse de revenu d'exportation du pétrole de plus de 50 % et une chute de son commerce extérieur de 30 %.
Une mesure d'exclusion de Swift similaire est prise contre la Russie en 2022 avec l'espoir de voir des conséquences similaires. Ces conséquences dramatiques n'ont pas eu lieu en raison de la riposte économique russe consistant à réorienter son commerce vers d'autres pays, d'une part, à multiplier les accords de troc, d'autre part, et à instituer progressivement des accords bilatéraux de paiement en une autre monnaie que le dollar ou l'euro, pour une troisième part.
Le projet de système de paiement international chinois apparaît donc comme une réponse pragmatique de protection d'économie pouvant être déstabilisé par une décision arbitraire états-unienne. S'il réussissait à s'imposer, il constituerait une remise en cause totale du système financier international inégal actuel et du dollar comme monnaie internationale.
L’effet domino mondial
L'expérience dramatique iranienne a été une véritable leçon pour le gouvernement chinois. 3 ans à peine après celle-ci est initié le projet de système de paiement international alternatif non libellé en dollars et ne dépendant pas de Washington.
L'exclusion de la Russie de Swift a eu pour effet une adhésion accélérée au système de paiements chinois.
En 2020, 980 institutions financières, situées dans 96 pays, étaient devenues membres du système de paiement chinois.
En juin 2025, elles sont 4 900 situées dans 189 pays.
L'entrée de la principale banque sud-africaine dans cette dynamique souligne une accélération du basculement africain.
Les menaces grandissantes de sanctions contre des pays africains ne sont pas sans lien avec ce basculement africain. Rappelons que le 26 novembre, Trump a réitéré ses critiques ubuesques contre l'Afrique du Sud en l'accusant une nouvelle fois de, je cite, « commettre des génocides des Afrikaners ». En ajoutant, je cite, que « l'Afrique du Sud a montré au monde qu'elle n'était pas un pays digne d'être membre de quoi que ce soit ». Fin de citation. [Cf. aussi, dans une date précédente, BFMTV, le 21.05.2025 :
"En général, ce sont des fermiers blancs qui fuient l'Afrique du Sud, et c'est une chose très triste à voir. J'espère que nous pourrons avoir une explication à ce sujet, car je sais que vous ne le souhaitez pas", a déclaré le président américain, assis aux côtés de son homologue sud-africain dans le Bureau ovale.]Il annonçait, par la même occasion, sa décision de ne pas inviter ce pays au sommet du G20 qui doit se tenir cette année à Miami et de mettre fin à toute aide à Prétoria.
Rappelons également ses accusations contre le Nigéria du 30 octobre dernier.
Il menaçait d'intervenir militairement dans ce pays dans lequel, selon lui, avait lieu un génocide des Chrétiens.
Je cite : « Il tue des chrétiens et il les tue en très grand nombre. Nous n'allons pas laisser ça se produire. J'ai demandé au Pentagone d'élaborer un plan d'attaque possible. » Fin de citation.
La hausse des droits de douane États-Unis n'est également pas sans lien avec cette accélération de l'histoire du système financier international. Plus de 20 pays africains sont concernés par ces droits de douane supplémentaires. Certains héritent de cette nouvelle taxe à un taux de 10 %, d'autres de 15 % et d'autres enfin, comme l'Afrique du Sud, la Libye ou l'Algérie, de 30 %. Les conséquences attendues sont bien sûr importantes. Le gouverneur de la Banque centrale sud-africaine [South African Reserve Bank, SARB], Lesetja Kganyago, prévoit, je cite [interview à la radio locale 702], « 100 000 emplois sont menacés en Afrique du Sud par les surtaxes douanières américaines. Au total, 4 % des exportations agricoles sud-africaines ont été à destination des États-Unis l'an passé, soit près de 600 millions de dollars selon le fisc ». Fin de citation.
« L’impact pourrait être assez significatif, surtout pour des secteurs comme l’automobile et l’agriculture », a-t-il affirmé. Il a précisé que les exportations de voitures vers les États-Unis ont déjà chuté de plus de 80 % sur les mois d’avril et mai 2025, un signal inquiétant pour un secteur qui emploie des milliers de personnes. L’agriculture, autre pilier de l’économie sud-africaine, est également en danger. « Ce secteur emploie une main-d’œuvre peu qualifiée et très exposée. Les filières des agrumes, du raisin de table et du vin sont particulièrement vulnérables », a précisé Kganyago.Pendant que Trump déploie cette politique de prédation, la Chine annonce la suppression des droits de douane pour quasiment tous les pays africains. Sur 54 pays africains reconnus par l'ONU, 53 sont concernés par l'initiative dite zéro tarif annoncée en juin 2025 [les 53 pays africains ayant des relations diplomatiques avec la Chine].
Seul Eswatini [Le terme Eswatini signifie « pays des Swazis » dans la langue swati], l'ancien Swaziland allié de Taïwan, est exclu de ce projet prévoyant selon le président chinois Xi Jinping, je cite, « un traitement de tarif zéro pour 100 % des lignes budgétaires ». Fin de citation.
La multiplication des ingérences et menaces militaires de Trump en Amérique latine ne peut qu'accélérer le développement de ce nouveau système de paiement international qui supprime un des outils essentiels de la politique des sanctions états-uniennes. L'effet boomerang chinois a ainsi de fortes chances de se transformer en effet domino mondial.
Pour conclure
Le savoir est une arme et il commence par le savoir s'informer. Nous espérons que notre émission a apporté sa contribution à cette information citoyenne nécessaire et urgente.
N'hésitez pas à nous transmettre des sujets d'actualité que vous souhaitez voir traités dans notre émission. Ils seront traités dès qu'un fait d'actualité en lien avec eux permettra d'y revenir. Nous vous donnons rendez-vous dans quelques jours pour une nouvelle séance du Monde vu d'en Bas.

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