Je viens d'acheter un gros pavé de presque 700 pages publié en septembre 2018 et signé par le sociologue français Alain Bihr. Il s'agit de Le premier âge du capitalisme (1415-1763), tome 1 : L'expansion européenne. Co-éditions Page 2 (Lausanne)-Syllepse (rue des Rigoles, 75020 Paris), impression d'août 2018. 697 pages.
L'auteur est professeur de sociologie à l’Université de Franche-Comté et se revendique du communisme libertaire.
Disons que Page 2 et Syllepse avaient déjà coproduit, par exemple, en 2 017, la 2e édition revue et augmentée de son essai La novlangue néolibérale. La rhétorique du fétichisme capitaliste, ouvrage aux ambitions heureusement Klempereriennes (1) dont la première édition, datée de 2007, avait paru dans les Éditions Page 2.
Le premier âge du capitalisme (1415-1763) est un ouvrage publié en trois volets qui poursuit un projet éditorial entamé par La préhistoire du capital (2006), d'après l'explication que nous fournit Alain Bihr dans son introduction générale.
Voici la présentation éditoriale de ce premier tome :
Le tome 2, paru en mars 2019, est consacré à La marche de l'Europe occidentale vers le capitalisme (808 pages) :
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(1) Cf. Victor klemperer : LTI - Lingua Tertii Imperii: Notizbuch eines Philologen (Langue du Troisième Reich : carnet d'un philologue), 1947.
Disons que Page 2 et Syllepse avaient déjà coproduit, par exemple, en 2 017, la 2e édition revue et augmentée de son essai La novlangue néolibérale. La rhétorique du fétichisme capitaliste, ouvrage aux ambitions heureusement Klempereriennes (1) dont la première édition, datée de 2007, avait paru dans les Éditions Page 2.
Le premier âge du capitalisme (1415-1763) est un ouvrage publié en trois volets qui poursuit un projet éditorial entamé par La préhistoire du capital (2006), d'après l'explication que nous fournit Alain Bihr dans son introduction générale.
Voici la présentation éditoriale de ce premier tome :
La montée en puissance contemporaine des « pays émergents », au premier rang desquels la Chine, venant après celle du Japon et des « dragons » sud-est-asiatiques (Corée, Taïwan…), oblige à réinterroger voire à réviser l’histoire du capitalisme. Et de se demander si le premier rôle, longtemps tenu par l’Europe occidentale, au sein de cette dernière n’avait été qu’un accident dont les conséquences seraient en train de s’épuiser et une parenthèse en train de se refermer.
Cet ouvrage soutient que, si l’Europe occidentale a été le berceau du capitalisme et a pu, des siècles durant, en constituer l’élément moteur et dirigeant, c’est à son emprise sur le restant du monde qu’elle l’a d’abord dû. Ce premier tome revient sur l’acte inaugural de ce processus : l’expansion dans laquelle elle s’est lancée en direction des continents américain, africain et asiatique à partir du 15e siècle et qui se poursuivra au cours des trois siècles suivants. Cet ouvrage décrit et analyse les deux formes fondamentales de cette expansion : commerciale et coloniale. Il en précise les principaux acteurs : les États et leurs agents, les compagnies commerciales, les diasporas marchandes, la foule des migrants anonymes, etc. Il en donne le résultat global : la constitution d’un premier monde centré sur l’Europe occidentale dans l’exacte mesure où c’est par elle et pour elle que les autres continents vont se trouver interconnectés et progressivement extravertis.
L’ouvrage s’attache à montrer qu’à travers les comptoirs commerciaux ouverts sur leurs côtes autant que par le biais des territoires occupés et colonisés dans leurs arrière-pays, des régions entières de ces continents ont commencé à être soumises à un processus d’exploitation et de domination. Ce processus opère par le biais du commerce forcé et déloyal, par l’échange inégal ou, plus directement encore, par la réduction au servage ou à l’esclavage de leurs populations.
Il explique ainsi comment les sociétés locales ont vu leurs propres circuits d’échange perturbés, leurs structures productives altérées, leurs pouvoirs politiques traditionnels instrumentalisés ou détruits. De la sorte, elles furent subordonnées aux exigences de la dynamique de formation du capitalisme en Europe même.
Mais, loin de verser dans une sorte de misérabilisme à l’égard des pays et populations en proie à l’expansion européenne, l’ouvrage insiste au contraire sur la résistance qu’ils ont su lui opposer, en la tenant souvent en échec. Résistance cependant inégale, fonction de leur développement historique antérieur et des structures sociales toujours singulières auxquelles il avait abouti.
C’est pourquoi l’ouvrage consacre également une grande attention à l’état de chacune des sociétés que les Européens vont aborder au cours de leur expansion. Il fournit de la sorte un panorama du monde à l’aube de cette dernière.
En dernier lieu, cette analyse de l’expansion européenne tente d’expliquer les divergences qui vont surgir entre les États européens quant au calendrier selon lequel ils vont se lancer dans cette aventure et les formes qu’ils vont y privilégier. Elle se penche également sur les rivalités et conflits qui vont les opposer et redistribuer les cartes entre eux à différentes reprises.Enfin elle souligne les bénéfices fort inégaux que les divers États européens vont retirer de leur expansion outre-mer, dont la pleine explication est cependant renvoyée aux deux tomes suivants de l’ouvrage.
Dans ce deuxième tome, l’auteur analyse les voies par lesquelles se poursuit et se parachève, du 15e au 18e siècle, la transition de l’Europe occidentale du féodalisme au capitalisme, sous l’impulsion de son expansion commerciale et coloniale outre-mer. Il souligne les formes nouvelles prises par l’activité commerciale et la circulation monétaire, la formation d’un protoprolétariat, le déploiement multiforme de la manufacture, les prodromes de l’industrie automatique, l’émergence des premiers marchés proprement capitalistes, la mise en œuvre des politiques mercantilistes qui encadrent et dynamisent l’ensemble des processus précédents.
Mais loin de s’en tenir aux seuls aspects économiques de ce processus pluriséculaire, il en scrute tout aussi bien les facettes sociales, politiques et culturelles. L’ouvrage comprend donc aussi des développements consacrés à la transition d’une société d’ordres à une société de classes, à la contractualisation inégale des rapports sociaux, aux premiers pas de l’État de droit, le tout dans le cadre de monarchies qui se veulent absolues tout en étant déjà en proie, pour certaines, aux préludes des révolutions bourgeoises.L’auteur examine donc, dans la foulée, ces révolutions culturelles majeures qu’ont été la Réforme, la Renaissance et les Lumières. Pour terminer, il relève l’importance de la formation d’un nouveau type d’individualité cultivant son autonomie, appelé à un bel avenir dans les âges ultérieurs du capitalisme.
Finalement, le tome 3, en librairies ce mois d'octobre 2019, comporte 1 500 pages et explore Un premier monde capitaliste :
Concluant sa somme sur le premier âge du capitalisme, Alain Bihr explore dans les deux volumes du troisième tome la constitution d’un premier monde capitaliste. Il en traverse les différents cercles, en partant de son centre et en progressant vers ses marges. Ainsi sont examinées les différentes puissances d’Europe occidentale qui ont été, tour à tour, motrices de l’expansion outre-mer.
Saisir les avantages respectifs dont ces puissances ont successivement tiré parti renvoie à leurs relations conflictuelles et aux rapports de force entre les ordres et classes qui les constituent. La Grande-Bretagne, s’appuyant sur les Provinces-Unies et les acquis de sa révolution bourgeoise, finit par en sortir victorieuse, au détriment de la France.
L’auteur revient également sur le statut semi-périphérique et la forte hétérogénéité des États d’Europe baltique, centrale, orientale et méditerranéenne qui, cause et effet à la fois, ne peuvent prendre part à l’expansion européenne. Toutefois, certaines d’entre elles (la Savoie, la Prusse, la Russie) pourront réunir des conditions leur permettant, par la suite, de jouer dans la «cour des grands».
L’ouvrage examine enfin les principales forces sociales marginales, affectées par l’expansion européenne mais encore capables d’y résister et, dès lors, de se développer selon leur logique propre. Ce qui explique à la fois pourquoi le capitalisme n’a pas pu naître dans la Chine des Ming et des Qing, en dépit de ses atouts évidents, et pourquoi, en se fermant, le Japon féodal a au contraire préparé les conditions de son rapide rattrapage capitaliste à l’époque Meiji.
Alain Bihr renouvelle et enrichit, grâce aux acquis historiographiques les plus récents, les intuitions et les analyses qui ont jalonné l’histoire du développement capitaliste.La dimension narrative et descriptive n’est pas le moindre atout de ce travail.
Voici une conférence récente d'Alain Bihr sur La naissance du mode de production capitaliste à l'occasion de la sortie du deuxième volet de cet ouvrage monumental :
Conférence organisée par les Amis du Monde diplomatique de Montpellier le 9 avril 2019 à Montpellier sur La naissance du mode de production capitaliste avec Alain BIHR, professeur émérite de sociologie à l'Université de Franche-Comté.
Le deuxième volume de son histoire du capitalisme vient de paraître (Le premier âge du capitalisme (1415-1763), tome 2 : La marche de l'Europe occidentale vers le capitalisme. Co-éditions Page 2 (Lausanne)-Syllepse. 803 p.).
Le mode de production capitaliste, défini par Karl Marx dans plusieurs ouvrages, s'est développé lentement pendant la féodalité en Europe occidentale grâce aux caractéristiques particulières du mode de production féodal. Pendant l'expansion de quelques pays d'Europe occidentale, l'accroissement du capital des marchands en Asie et des propriétaires latifundiaires et esclavagistes en Amérique latine, ce proto-capitalisme européen s'est développé parallèlement par l'expropriation d'une grande masse de paysans grâce aux guerres, impôts et crédits publics organisés par les États. Avant la prise du pouvoir d'État par les capitalistes et la voie du capital industriel qu'ils vont privilégier. La thèse est confirmée par le développement du capitalisme à partir du féodalisme japonais. Pendant l'élargissement du mode de production capitaliste à des zones géographiques nouvelles et à tous les aspects de la vie, un mode de production socialiste émerge de plusieurs expériences et tâtonnements notamment l'expérience de la cotisation sociale plutôt que l'impôt et la subvention plutôt que le crédit. Il y a urgence car le mode de production capitaliste est dangereux pour l'avenir des écosystèmes de la planète et pour l'espèce humaine.
Film réalisé par Serge Tostain des AMD34. Avril 2019
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(1) Cf. Victor klemperer : LTI - Lingua Tertii Imperii: Notizbuch eines Philologen (Langue du Troisième Reich : carnet d'un philologue), 1947.
LTI (Langue du 3e Reich). La langue ne ment pas. .
Un film documentaire de Stan Neumann,
Un film documentaire de Stan Neumann,
d’après les journaux de Victor Klemperer (Dresde 1933- 1945).
Coproduction : ARTE France, Les Films d’Ici (2004 - 80’).
Coproduction : ARTE France, Les Films d’Ici (2004 - 80’).
Victor Klemperer (universitaire romaniste obligé de quitter son poste à l'université après l'arrivée d'Hitler en Allemagne) a tenu un journal tout au long de sa vie. La partie qui couvre la période nazie a été publiée en Allemagne en 1995 avant d'être traduite en 2000 en français. Dans son Journal, il mêle les détails de la vie quotidienne, les observations politiques et sociales, les réflexions sur la nature humaine et sur la nature de la langue, toutes deux perverties par le IIIe Reich. Klemperer décrit les privations, les humiliations, l'asphyxie progressive de celui qui mène une existence de paria, les disparitions successives des amis et surtout de la très grande majorité des Juifs de Dresde. Marié à une "aryenne", il lui devra la vie, les juifs allemands mariés avec des "aryens" ne devant pas être déportés. Ce documentaire raconte sa vie, son combat pour écrire son livre "LTI", une résistance intime pour survivre à cette période.
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