« Le veau d'or rend vache »
(slogan anarchiste)
(slogan anarchiste)
« Ni Dieu, ni Maître, ni Mari »
(devise de La Voz de la mujer)
N’oublions pas que le premier acte des
anarchistes à Barcelone
a été la prise en main de l’industrie du cinéma
et de la radio pour
tout filmer. Ils disaient, en gros : « À partir de
maintenant,
c’est nous qui faisons, écrivons et racontons notre
histoire. »
Ni Dieu ni Maître est aussi un ouvrage de Daniel Guérin, une anthologie de l'anarchisme éditée en 1970 dans la « Petite collection Maspero » que l'on peut retrouver aujourd'hui chez les Éditions de la Découverte :
Devenu un classique depuis sa première édition dans la « Petite collection Maspero » en 1970, ce livre propose un choix raisonné de textes politiques et théoriques des grands noms de l'anarchisme. En les replaçant en perspective, Daniel Guérin a retracé l'aventure d'un mouvement politique et intellectuel dont la force de contestation n'a jamais faibli depuis sa naissance au XIXe siècle. Il offre un panorama complet, sur deux siècles, de la pensée anarchiste, en restitue la richesse, fait revivre les controverses qui l'animent. Daniel Guérin entend ainsi combattre le discrédit dont fut victime l'anarchisme, souvent réduit par ses détracteurs à une idéologie individualiste « réfractaire à toute forme d'organisation ».Et Ni Dieu ni Maître - Une histoire de l'anarchisme..., c'est le titre d'un documentaire réalisé par Tancrède Ramonet, dont la confection fut assurée par la société de production audiovisuelle indépendante Temps noir (1) et ARTE France en 2016, avec la participation de LCP Assemblée nationale, UR-Swedish Educational Broadcasting Company et la RTS Radio Télévision Suisse.
La première partie de cette anthologie présente le travail théorique des anarchistes du XIXe siècle à travers des textes de Stirner, Proudhon, Bakounine, Guillaume et Kropotkine. La seconde, plus historique, dresse le portrait des grandes figures du mouvement à la fin du XIXe siècle et au XXe siècle : Malatesta, Henry, Pelloutier, Voline, Makhno, Durruti. Elle met en lumière le rôle intellectuel et politique des anarchistes pendant la révolution russe et la guerre d'Espagne.
Cette fresque monumentale fut initialement diffusée en Suède, en Colombie, au Canada et en Suisse, en 2016, puis, mardi 11 avril 2017 à 20 h 50, en France, par ARTE.
Côté financement —Ni Dieu ni Maître a coûté autour de 500 000 euros—, cette œuvre bénéficia du soutien de la Procirep (société civile des Producteurs de Cinéma et de Télévision) et l'Angoa (Agence Nationale de Gestion des Œuvres Audiovisuelles), du Centre National du Cinéma et de l'Image animée, et du Programme Europe Creative–MEDIA de l’Union européenne. On peut l'acheter physiquement [en DVD (2)] en librairie ou sur la boutique d'ARTE. Elle est aussi disponible de manière virtuelle, en VOD ou en téléchargement, sur le site des Mutins de Pangée.
Le film est visible en flux (en ligne et en continu) sur videos-streaming.eu et j'ai trouvé sur internet cette copie insérable :
Narrateur : Redjep Mitrovitsa. Textes dits par Audrey Vernon. Conseillers historiques : Gaetano Manfredonia et Frank Mintz. Musique originale : Julien Deguines. Graphisme et animation : Jean-Baptiste Delorme
Ce documentaire historique commence en 1840, date de publication du manifeste Qu’est-ce que la propriété ? Ou recherches sur le principe du droit et du gouvernement, signé par Pierre Proudhon, et conclut à la Seconde Guerre mondiale. Il a été monté en deux parties, pour l'instant (3), La Volupté de la destruction (1840-1914) et La Mémoire des vaincus (1911-1945). Car ceux-ci, on les a vaincus et écrasés à plusieurs reprises, on les a diabolisés en permanence (y compris dans les dictionnaires) et pourtant, ils existent toujours ; ils sont toujours debout, selon Léo Ferré ou selon Michel Mathurin, par exemple.
Voici la présentation de Ni Dieu ni Maître par son distributeur, la chaîne ARTE France (dont les deux derniers paragraphes reprennent le quatrième de couverture du coffret) :
Son auteur a précisé :"Ni Dieu Ni Maître" revient sur tous les grands événements de l'histoire sociale des deux derniers siècles et dévoile l’origine et le destin de ce courant politique qui combat depuis plus de 150 ans tous les maîtres et les dieux.Né du capitalisme, frère ennemi du communisme d'Etat, l'anarchisme n'a eu de cesse de souffler son vent de justice et de liberté sur le monde. Et si certains libertaires purent se changer en criminels, jouant du revolver ou faisant parler la dynamite, on oublie qu'ils furent nombreux à proposer des alternatives et initier les grandes révolutions du XXe siècle.
A partir d’images d’archives inédites, de document oubliés, d’entretiens exclusifs avec les plus grands spécialistes du mouvement ouvrier, ce film exceptionnel raconte pour la première fois l’histoire de ce mouvement qui combat depuis plus de 150 ans tous les maîtres et les dieux et qui, de Paris à New York et de Tokyo à Buenos Aires, n'en finit pas de faire trembler le monde.
Pendant cinq ans, Tancrède Ramonet a bien pioché son sujet : l'histoire occultée de l'anarchisme. Et la mise au clair de beaucoup d'éléments traditionnellement manipulés de l'histoire, comme le cas de François Claudius Koënigstein dit Ravachol. On imagine l'énormité du travail de recherche, l'embarras des choix et les complexités du montage de cette fresque énorme, vu la quantité de documentation de tout poil et d'entrevues employées qu'il fallut compacter en deux heures et une vingtaine de minutes. Dans le documentaire prennent longuement la parole des spécialistes des mouvements anarchistes : Jean-Christophe Angaut, Éric Aunoble, Normand Baillargeon, Giampietro Berti, Matthew Carr, Alain Doboeuf, David Doillon, Marianne Enckell, Robert Graham, Gaetano Manfredonia (auteur d'Histoire mondiale de l'Anarchie), Frank Mintz, Jean-Yves Mollier, Servando Rocha, Michael Schmidt, Anne Steiner, Mikhail Tsovma, Édouard Waintrop et Kenyon Zimmer. La liste de remerciements, vraiment touffue, prouve également un nombre très considérable de consultations : Ramonet est bien conscient d'avoir monté "une" histoire de l'anarchisme parmi d'autres possibles. La sienne est dense, honnête et pertinente.Je ne voulais pas faire un film « anarchiste » dans les choix graphiques, typographiques, musicaux ou de montage. Je voulais que le film ressemble à un film classique sur la Seconde Guerre mondiale : archives, entretiens sur fond noir, musique orchestrale. En cela, je m’inspire un peu de ce que disait Jean Genet dans un entretien à Bertrand Poirot-Delpech en 1982. Il expliquait en substance qu’il voulait que sa langue soit la plus pure et la plus classique possible, de manière à faire entrer imperceptiblement dans la tête du lecteur des idées défendues.
Le 19 décembre 2016, la revue Ballast publia un entretien avec Tancrède Ramonet sous le titre Faire entendre des voix inaudibles. Extraits :
On peut lire ici le résumé des deux volets proposé par les Mutins de Pangée et ici et là, les deux pages (Et l’anarchie enfin va triompher !) que lui consacra Là-bas, si j'y suis le 4 mars 2017, donc avant sa première, y compris un entretien de Daniel Mermet avec le réalisateur Tancrède Ramonet.« Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier le chasseur. » Nous voulons raconter l’histoire du point de vue des lions. C’est le cas de la série « Afrique(s), une autre histoire du XXe siècle » [cf. ce blog] écrite par Elikia M’Bokolo, directeur à l’EHESS du département de l’histoire de l’Afrique. Il y raconte l’histoire de ce continent du point de vue des Africains, de ceux qui l’ont faite, vécue et pensée. Le film Le Ventre des femmes — qui donne la parole aux 330 000 femmes stérilisées de force au Pérou entre 1995 et 2000 — est un autre exemple de cette ligne éditoriale. Dans Ni Dieu ni Maître, qui est une histoire de l’anarchie par des penseurs et des acteurs de l’histoire libertaire, la démarche est la même. Ma démarche militante — si elle existe — consiste à faire entendre ces autres voix.
(...)
Sa défaite répétée tient largement à l’entente d’un ensemble de pouvoirs que sont le communisme d’État (4), les démocraties bourgeoises et les fascismes, pour l’enterrer au plus vite. La guerre au sein de l’Internationale, le massacre de Haymarket, l’insurrection ukrainienne, la bataille pour la Maison des syndicats en France, les luttes pour faire innocenter Sacco et Vanzetti ou même la révolution libertaire en Catalogne, les grandes heures de l’histoire libertaire, c’est-à-dire toute une part de l’histoire sociale, ont été systématiquement enfouies dans un oubli forcé ou volontaire. Et dans cette entreprise, la censure douce des démocraties bourgeoises n’a rien eu à envier au contrôle de l’information des grandes dictatures.
Le Web fournit plusieurs critiques à l'égard de ce long métrage, dont celle d'Antoine Flandrin (Le Monde).
Le jour de la première diffusion du film sur ARTE, Tancrède Ramonet fut invité par l'émission La grande table, d'Olivia Gesbert (France Culture), à discuter avec Irène Pereira, sociologue, professeure de philosophie, membre du comité de rédaction de la revue anarchiste Réfractions, spécialiste des pratiques militantes et autrice de "L'anarchisme dans les textes" (Ed textuel, 2011) :
"Il existe encore des figures anarchistes, de Tardi à Ovidie en passant par Chomsky"
"Partout les anarchistes ont été les premiers à mener les combats pour les acquis sociaux. On a tendance à l'oublier"
"L'histoire de l'anarchisme a été occulté par l'historiographie stalinienne et l'histoire bourgeoise".
Tancrède Ramonet, La grande table"Les médias ont crée dés le départ les conditions d'une peur de l'anarchiste. Des choix sont faits dans la mémoire"
"C'est parfois une illusion rétrospective de dire que l'anarchisme était nécessairement féministe. Proudhon était misogyne".
Irène Pereira, La grande table
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(1) Extrait d'un entretien de la revue Ballast avec Tancrède Ramonet :
(2) Deux DVD incluant les deux parties du film et quelques compléments : L'affaire Schwartzbard, Mujeres Libres, Anarchie en Mandchourie et un entretien avec Noam Chomsky.Avec Martin Laurent et Axel Ramonet, nous avons déposé les statuts de notre société de production juste après le 21 avril 2002, dans l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, quand Jean-Marie Le Pen accédait au second. Plutôt que d’aller voter, c’était notre réponse à nous. Nous voulions développer des thématiques historiques, culturelles et sociétales avec une visée résolument internationale. Nous voulions donner la parole aux réalisateurs issus des pays ou des mouvements qui sont le sujet de nos films, en racontant les histoires de l’intérieur. Presque tous nos films se font l’écho de ce souci : l’histoire de l’Afrique écrite par Elikia M’Bokolo, Cuba, une odyssée africaine, réalisé par la réalisatrice égyptienne Jihan El-Tahri, ou Colonia Dignidad, par l’ancien combattant chilien José Maldavsky, qui raconte l’existence d’une secte nazie en Amérique latine. Nous voulons donner des points de vue invisibles ou faire entendre des voix inaudibles, car mises sous le boisseau. Ceci est d’autant plus important que cette tradition documentaire s’éteint à mesure que se réduit le nombre de porteurs d’une autre vision du monde et que se normalisent les discours et les histoires. L’industrie audiovisuelle a une responsabilité énorme : de manière paradoxale, alors qu’il n’y a jamais eu autant de chaînes de télévision et que le nombre de documentaires croît de manière exponentielle, il n’y a jamais eu aussi peu de diversité de points de vue. L’uniformisation et la standardisation touchent autant l’agroalimentaire que le discours politique ou le secteur culturel.
Le coffret contient en outre un livret de 60 pages intitulé Ils ne peuvent pas détruire nos idées. Il s'agit d'une petite anthologie de textes libertaires encadrés entre un avant-propos de Tancrède Ramonet et une postface de Frank Mintz. Ces extraits composent une « foule hétéroclite de réflexions, lettres, manifestes, mémoires, qui se contredisent parfois et se complètent souvent », et correspondent à Pierre Sylvain Maréchal (1750-1803), Pierre-Joseph Proudhon (1809-65), Max Stirner (pseudonyme de Johann Kaspar Schmidt, 1806-56), Michel (Mikhaïl Aleksandrovitch) Bakounine (1814-76), Louise Michel (1830-1905), le Manifeste des Anarchistes (déclaration collective de 66 anarchistes au Tribunal de Lyon le 19 janvier 1883), Ravachol (1859-guillotiné en 1892), Errico Malatesta (1853-1932), Pierre (Piotr Alexeïevitch) Kropotkine (1842-1921), Fernand Pelloutier (1867-1901), Léon (Lev Nikolaïevitch) Tolstoï (1828-1910), Élisée Reclus, Francisco Ferrer Guardia (Francesc Ferrer i Guàrdia, 1859-fusillé en 1909), Albert Libertad (pseudonyme de Joseph Albert, 1875-mort empoisonné en 1908), Gustav Landauer (1870-assassiné en 1919), Kōtoku Shūsui, Voltairine de Cleyre (1866-1912), l'Internationale Anarchiste et la Guerre (Manifeste des 35, février 1915), Ricardo Flores Magón (1873-1922 au pénitencier de Leavenworth, Kansas), Emma Goldman (1869 - 1940), l'Union Générale des Anarchistes (Projet du groupe Dielo Trouda —Cause Ouvrière— de 1926), Ba Jin (1904-2005), Nicola Sacco (1891-exécuté en 1927), Nestor Makhno (1889-1934), Mujeres Libres (organisation féminine, autonome et prolétarienne fondée en Catalogne en 1936 qui créa des libératoires de prostitution, car elle s'était donnée pour objectif d'abolir le « triple esclavage des femmes : l'ignorance, le capital et les hommes ».), Rudolf Rocker (1873-1958), Albert Camus (1913-60), Abraham Guillén (1913-1993), Guy Debord (1931-94 ; cité ici, p. e.), Murray Bookchin (1921-2006), Hakim Bey (Peter Lamborn Wilson dit Hakim Bey, 1945), le sous-commandant Marcos (1957), Sam Mbah (1963-2014), le Comité Invisible et Abdullah Öcalan (1949).
(3) Il y aurait, selon Tancrède Ramonet, un troisième épisode déjà tourné et monté, intitulé Les réseaux de la colère. Il couvrirait la période 1945-2001. Le réalisateur expliqua à TéléObs le 9 avril 2017 :
Arte n'a pas voulu du troisième volet, "les Réseaux de la colère", qui porte sur la période de 1945 à nos jours. Nous y expliquons pourtant comment l'anarchisme renaît de ses cendres après la Seconde Guerre mondiale et devient l'inspirateur de toutes les formes de résistance qu'ont été les mouvements hippie, punk, situationniste, Action directe (et le retour à la lutte armée), Black Bloc, ZAD, mouvance anarcho-autonome ou Nuit debout…Encore une fois, le régime libéral nous éclaire de manière pratique la vraie nature de sa liberté d'expression et son amour pour la contestation au présent.
Dans ce même entretien, Ramonet affirma :
On ne prend pas de carte de militant anarchiste : ce qui le définit, c'est sa pratique. Or on retrouve en 2017 cet esprit dans des mouvements contre les violences policières, pour les migrants (No Border), à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, à Nuit debout ou encore dans le féminisme pro-sexe d'Ovidie. Il s'exprime aussi dans l'exigence d'une démocratie directe ou dans l'idée de convergence des luttes : alors que le communisme n'oppose que les travailleurs à la bourgeoisie, l'anarchisme a toujours pointé d'autres formes d'exploitation plus insidieuses : homme/femme, Blanc/ Noir, pays du nord/pays du sud, homme/nature…(4) Cf., par exemple, Rudolph Rocker : La tragedia de España, Melusina, 2009 (traduction de Marc Viaplana à partir de The Tragedy of Spain, 1937), page 85 :
"En lo que a Cataluña se refiere, ya se ha puesto en marcha la limpieza de elementos trotskistas y anarcosindicalistas, y será llevada a cabo con la misma energía que en la URSS." (Pravda, 17 de diciembre de 1936)À propos de l'expérience anarchiste pendant la guerre civile espagnole, La2 de RTVE diffusa en 1997 Vivir la Utopía, film documentaire réalisé par Juan Gamero qui recueillait les témoignages des anarchistes espagnols Miguel Alba, Ramón Álvarez, Federico Arcos, Marcelino Bailo, María Batet, Severino Campos, Francisco Carrasquer, Miguel Celma, Valerio Chiné; José España, José Fortea, Juan Giménez, Antonio Lahuerta, Concha Liaño, Fidel Miró, Aurora Molina, Heleno Molina, Conxa Pérez, Suceso Portales, Dolors Prat, Ximo Queirol, Maravillas Rodríguez, Juan Romero, Manuel Sanz, Liberto Sarrau, José Sauces, Josep Serra Estruch, Antonio Turón, José Urzáiz, Antonio Zapata.
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