vendredi 27 avril 2012

Monolingüismo imperial y papanatismos proconsulares

Retour au Palacio de Anaya de la Faculté de Philologie de l'Université de Salamanque, invité par les très courageux membres du Seminario de Discurso, Legitimación y Memoria. Charla à propos d'un sujet actuel et éternel : Monolingüismo imperial y papanatismos proconsulares.


Ce sera à 19h00, dans la Sala de Juntas du Palais d'Anaya. Merci beaucoup à Fabio, Amelia, Fernando, Manuel Ambrosio, Patricia, Pedro... pour l'invitation.

vendredi 13 avril 2012

Annick Stevens démissionne de l’Université après dix ans d’enseignement

Je cède volontiers la parole à Annick Stevens, dont le geste relance un débat essentiel. Je colle également, un peu plus bas, la réaction du recteur de l'Université de Liège, ainsi que les amendements postérieurs et la nouvelle réponse d'Annick Stevens, le tout accessible en cliquant ici (site de "Sauvons l'Université"). À nous tous d'y réfléchir.

Les raisons d’une démission.
Lettre d’Annick Stevens, philosophe, universitaire belge, janvier 2012, et réponse de Bernard Rentier, recteur de l’université de Liège, février 2012

mardi 7 février 2012
, par Sylvie


Chères et chers Collègues,


Vous serez peut-être intéressés par ce texte explicatif que j’ai joint à ma lettre de démission de l’Université, qui prendra acte à la fin de cette année académique. En effet, il ne s’agit en rien de questions personnelles, mais d’une réflexion générale sur la dégradation de l’institution universitaire, non seulement belge mais européenne. Sachant que je ne suis pas la seule à faire ce constat, je propose cette contribution au débat, qui peut être diffusée et transmise à des collègues d’autres universités. Toutes mes excuses aux personnes que cela n’intéresserait pas.


Bien cordialement, Annick Stevens, Chargée de cours en philosophie.



Pourquoi je démissionne de l’Université
après dix ans d’enseignement


Plus que jamais il est nécessaire de réfléchir au rôle que doivent jouer les universités dans des sociétés en profond bouleversement, sommées de choisir dans l’urgence le type de civilisation dans lequel elles veulent engager l’humanité. L’université est, jusqu’à présent, la seule institution capable de préserver et de transmettre l’ensemble des savoirs humains de tous les temps et de tous les lieux, de produire de nouveaux savoirs en les inscrivant dans les acquis du passé, et de mettre à la disposition des sociétés cette synthèse d’expériences, de méthodes, de connaissances dans tous les domaines, pour les éclairer dans les choix de ce qu’elles veulent faire de la vie humaine. Qu’à chaque époque l’université ait manqué dans une certaine mesure à son projet fondateur, nous le lisons dans les critiques qui lui ont constamment été adressées à juste titre, et il ne s’agit pas de s’accrocher par nostalgie à l’une de ses formes anciennes. Mais jamais elle n’a été aussi complaisante envers la tendance dominante, jamais elle n’a renoncé à ce point à utiliser son potentiel intellectuel pour penser les valeurs et les orientations que cette tendance impose à l’ensemble des populations, y compris aux universités elles mêmes.

D’abord contraintes par les autorités politiques, comme on l’a vu de manière exemplaire avec le processus de Bologne, il semble que ce soit volontairement maintenant que les directions universitaires (à quelques rares exceptions près) imposent la même fuite en avant, aveugle et irréfléchie, vers des savoirs étroitement utilitaristes dominés par l’économisme et le technologisme.

Si ce phénomène repose très clairement sur l’adhésion idéologique de ceux qui exercent le pouvoir institutionnel, il ne se serait pas imposé à l’ensemble des acteurs universitaires si l’on n’avait pas instauré en même temps une série de contraintes destinées à paralyser toute opposition, par la menace de disparition des entités qui ne suivraient pas la course folle de la concurrence mondiale: il faut attirer le «client», le faire réussir quelles que soient ses capacités («l’université de la réussite»!), lui donner un diplôme qui lui assure une bonne place bien rémunérée, former en le moins de temps possible des chercheurs qui seront hyper productifs selon les standards éditoriaux et entrepreneuriaux, excellents gestionnaires et toujours prêts à siéger dans les multiples commissions et conseils où se prennent les simulacres de décisions — simulacres, puisque tant les budgets que les critères d’attribution et de sélection sont décidés ailleurs. De qualité, de distance critique, de réflexion sur la civilisation, il n’est plus jamais question. La nouvelle notion d’«excellence» ne désigne en rien la meilleure qualité de l’enseignement et de la connaissance, mais la meilleure capacité à engranger de gros budgets, de grosses équipes de fonctionnaires de laboratoire, de gros titres dans des revues de plus en plus sensationnalistes et de moins en moins fiables. La frénésie d’évaluations qui se déploie à tous les niveaux, depuis les commissions internes jusqu’au classement de Shanghaï, ne fait que renforcer l’absurdité de ces critères.

Il en résulte tout le contraire de ce qu’on prétend promouvoir : en une dizaine d’années d’enseignement, j’ai vu la majorité des meilleurs étudiants abandonner l’université avant, pendant ou juste après la thèse, lorsqu’ils ont pris conscience de l’attitude qu’il leur faudrait adopter pour continuer cette carrière ; j’ai vu les autres renoncer à leur profondeur et à leur véritable intérêt intellectuel pour s’adapter aux domaines et aux manières d’agir qui leur offriraient des perspectives. Et bien sûr j’ai vu arriver les arrivistes, à la pensée médiocre et à l’habileté productive, qui savent d’emblée où et avec qui il faut se placer, qui n’ont aucun mal à formater leur écriture pour répondre aux exigences éditoriales, qui peuvent faire vite puisqu’ils ne font rien d’exigeant. Hormis quelques exceptions, quelques personnes qui ont eu la chance d’arriver au bon moment avec la bonne qualification, ce sont ceux-là, les habiles médiocres, qui sont en train de s’installer — et la récente réforme du FNRS vient de supprimer les dernières chances des étudiants qui n’ont que leurs qualités intellectuelles à offrir, par la prépondérance que prend l’évaluation du service d’accueil sur celle de l’individu. Ces dérives présentent des variantes et des degrés divers selon les disciplines et les pays, mais partout des collègues confirment les tendances générales: concurrence fondée sur la seule quantité; choix des thèmes de recherche déterminé par les organismes financeurs, eux-mêmes au service d’un modèle de société selon lequel le progrès humain se trouve exclusivement dans la croissance économique et dans le développement technique; inflation des tâches administratives et managériales aux dépens du temps consacré à l’enseignement et à l’amélioration des connaissances. Pour l’illustrer par un exemple, un Darwin, un Einstein, un Kant n’auraient aucune chance d’être sélectionnés par l’application des critères actuels. Quelles conséquences pense-t-on que donnera une telle sélection sur la recherche et les enseignements futurs? Pense-t-on pouvoir encore longtemps contenter le «client» en lui proposant des enseignants d’envergure aussi étroite ? Même par rapport à sa propre définition de l’excellence, la politique des autorités scientifiques et académiques est tout simplement suicidaire.

Certains diront peut-être que j’exagère, qu’il est toujours possible de concilier quantité et qualité, de produire du bon travail tout en se soumettant aux impératifs de la concurrence. L’expérience dément cet optimisme. Je ne dis pas que tout est mauvais dans l’université actuelle, mais que ce qui s’y fait de bon vient plutôt de la résistance aux nouvelles mesures imposées que de leur application, résistance qui ne pourra que s’affaiblir avec le temps. On constate, en effet, que toutes les disciplines sont en train de s’appauvrir parce que les individus les plus «efficaces» qu’elles sélectionnent sont aussi les moins profonds, les plus étroitement spécialisés c’est-à-dire les plus ignorants, les plus incapables de comprendre les enjeux de leurs propres résultats.

Même les disciplines à fort potentiel critique, comme la philosophie ou les sciences sociales, s’accommodent des exigences médiatiques et conservent toujours suffisamment de conformisme pour ne pas être exclues de la bataille productiviste, — sans compter leur incapacité à affronter l’incohérence entre leurs théories critiques et les pratiques que doivent individuellement adopter leurs représentants pour obtenir le poste d’où ils pourront se faire entendre.

Je sais que beaucoup de collègues partagent ce jugement global et tentent héroïquement de sauver quelques meubles, sur un fond de résignation et d’impuissance. On pourrait par conséquent me reprocher de quitter l’université au moment où il faudrait lutter de l’intérieur pour inverser la tendance. Pour avoir fait quelques essais dans ce sens, et malgré mon estime pour ceux qui s’efforcent encore de limiter les dégâts, je pense que la lutte est vaine dans l’état actuel des choses, tant est puissante la convergence entre les intérêts individuels de certains et l’idéologie générale à laquelle adhère l’institution universitaire.

Plutôt que de s’épuiser à nager contre le courant, il est temps d’en sortir pour créer autre chose, pour fonder une tout autre institution capable de reprendre le rôle crucial de transmettre la multiplicité des aspects des civilisations humaines et de stimuler la réflexion indispensable sur les savoirs et les actes qui font grandir l’humanité. Tout est à construire, mais il y a de par le monde de plus en plus de gens qui ont l’intelligence, la culture et la volonté pour le faire. En tous cas, il n’est plus temps de perdre ses forces à lutter contre la décadence annoncée d’une institution qui se saborde en se trompant d’excellence.

Annick Stevens,
Docteur en Philosophie,
Chargée de cours à l’Universitéde Liège depuis 2001.
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Réponse du recteur de L’université de Liège

NDLA : Ce document a fait l’objet d’amendements signalés en italique dans le texte.

Madame,

jeudi 12 avril 2012

Dans les rues de la casbah d'Alger, par France24

Si vous avez aimé l'exposition de photos de Pierre Bourdieu (pour en faire une visite virtuelle, cliquez ci-contre) que nous avons pu voir dans le Círculo de Bellas Artes de Madrid, il y a presque trois mois, vous pouvez continuer sur internet votre découverte de l'Algérie à travers "Dans les rues de la casbah", un webdocumentaire réalisé par Céline Dréan, écrit avec la participation de Réda Sébih sous la direction scientifique de Thierry Bulot et Assia Lounici, chercheurs de l'université d'Alger et de Rennes, et produit par Vivement lundi !
Cette production audiovisuelle nous entraîne dans le dédale d'escaliers de la vieille citadelle d'Alger, la capitale algérienne. Quartier fascinant, ce vieil Alger est pourtant menacé par la ruine : l'écroulement de certaines habitations est une réalité visible.
Présenté par France24 et co-diffusé en partenariat avec l'Université ouverte des Humanités, ce film a été mis en ligne le 3 avril en français et en arabe. En fonction du débit de votre connexion, on peut le visionner en trois qualités, basse, moyenne et haute.
Voici le résumé des producteurs :
La Casbah d’Alger porte dans ses murs autant l’Histoire du pays que les problématiques urbaines de l’Algérie moderne. Symbolique de l’identité algérienne, elle se meurt peu à peu entre une rénovation complexe et une urgence sociale criante.
La Casbah ne se livre pas d’emblée. Mais au coeur de ses ruelles se racontent des histoires. Derrière ses murs épais, elle cherche son avenir, entre une mémoire vivante et des rêves esquissés.
Une immersion dans le mythique quartier d’Alger.
Après une introduction de presque deux minutes, le documentaire vous rappelle que vous pouvez vous connecter sur votre compte Facebook pour mémoriser les parcours empruntés dans les murs de la casbah. Vous pouvez entrer aussi, bien entendu, sans connexion Facebook. Ensuite, ce montage interactif s'ouvre sur trois grandes possibilités: au café, avec les femmes et à l'école.
Pour mieux aborder votre visionnement, vous disposez d'un plan. D'autre part, les différents témoignages s'organisent autour de cinq grands sujets comportant plusieurs sous-rubriques :
  1. Les langues, 
  2. L'histoire, 
  3. Le patrimoine et l'urbanisme, 
  4. L'identité
  5. La place des femmes.
Côté langues, on analyse les aspects suivants, extrêmement intéressants :
  1. Qu'est-ce que la sociolinguistique urbaine ?
  2. La casbah, référence symbolique des parlers d'Alger.
  3. Partout, les parlers bougent.
  4. Quelles langues parlent les algériens
  5. L'alternance des langues chez les filles et les garçons.
N'hésitez pas à consacrer un peu de votre temps à cette proposition captivante.
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NOTE du 4 juillet 2012 :
A l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie, TV5 Monde a lancé Un été à Alger, un webdocumentaire sur la capitale algérienne.
Quatre jeunes cinéastes du coin ont filmé leur regard sur leur ville : c'est ainsi que nous pouvons voir "50 contre 1", par Lamine Ammar-Khodja, "En remontant Cervantes", par Hassen Ferhani, "Prends ta place", par Amina Zoubir, et "La Nuit", par Yanis Koussim.


D'autre part, Curiosphere.tv propose une frise chronologique interactive illustrant la colonisation, la guerre et l'indépendance d'Algérie : 132 années d'occupation française qui vont de la conquête du pays en 1830 aux accords d'Evian du 18 mars 1962. De nombreuses archives vidéo de l'INA font partie du dossier.
A l'occasion du 50e anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie, curiosphere.tv propose différentes approches pour essayer de comprendre ce conflit et ses dérives. Des ressources d'éducation aux médias et une série de vidéos sur la pratique de la torture pendant la guerre viennent compléter cette frise chronologique. Pour une utilisation en classe, lesite.tv propose deux collections de vidéos.
Voici les vidéos à voir sur lesite.tv :
  1. Guerre d'Algérie, la déchirure
  2. La guerre d'Algérie filmée par René Vautier
  3. 1958 : la Ve République
  4. Le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958

Repas et boissons. Lexique de base en français

Dans des conditions de vie normale, pour un adulte en bonne santé, les besoins hydriques sont estimés à environ 2,5 litres par jour. Ils sont apportés tout à la fois par la boisson et les aliments qui contiennent de l’eau.
En quelques minutes, vous allez évaluer le volume d’eau contenu dans vos repas pendant 24 heures. Vous pourrez savoir si vos apports quotidiens en eau sont suffisants. S’ils sont insuffisants, rien de plus simple que de compléter avec de grands verres d’eau du robinet ! 
Voilà ce que vous dit le Centre d'information sur l'eau pour vous inciter à réaliser sur son site le bilan hydratation du Dr. Jean-Michel Leclerf, chef du service de nutrition de l'institut Pasteur de Lille. Il s'agit d'un questionnaire concernant vos habitudes alimentaires. En parcourant ses quatre étapes —petit déjeuner, déjeuner, goûter, dîner—, vous pourrez déterminer en un tournemain si vous satisfaites ou non vos besoins hydriques. Et puis, participer à ce jeu vous permettra de réviser l'état de votre lexique de base en matière alimentaire.
Au demeurant, le site du Centre d'information sur l'eau apporte d'autres soutiens pédagogiques, fiches et outils, pour découvrir l'eau dans tous ses états et savoir répondre à des questions comme celles-ci :  
Quel est son parcours dans la nature ? Comment arrive-t-elle jusqu’à nos robinets 24h/24 ? Quels sont les circuits de distribution ? Vos élèves savent-ils qui s’occupe de l’eau et pourquoi on la paie ? Que devient l’eau que l’on utilise ? L’eau, l’hygiène et la santé, quel rapport ?
Revenons à nos moutons ; voici une petite liste de sites qui s'occupent de la bouffe à l'intention des élèves de FLE (sauf celui des recettes, bien entendu) :
- Lexique basal de la nourriture, les repas, la cuisine (outils, parties, couverts) et un petit répertoire d'expressions clés pour le restaurant, avec des illustrations en couleur et des précisions sur le genre des mots à travers un bon usage des déterminants.
- Voie Expresse : site finlandais consacré a l'apprentissage du français, c'est une trousse à tout où foisonnent les vidéos. Vous y trouverez, parmi beaucoup d'autres, des pages dédiées au vocabulaire des boissons et de la nourriture en français ; vous pouvez y apprendre, par exemple, par l'intermédiaire de netprof.fr (1), comment lire l'étiquette d'une bouteille de vin.
- Recettes de la cuisine française (sans publicité).
- Le Point du FLE :

Finalement, je vous relaie une info qui montre le rapport qu'il y a entre nutrition et ressources économiques / instruction. Une étude de l'Inserm (Institut national de la Santé et de la Recherche médicale) publiée dans la revue PLoS One met en évidence la relation existante entre la fréquentation de certains hypermarchés et enseignes "hard discount", ces magasins libre-service où les prix sont au-dessous de la moyenne, et le surpoids ou tour de taille élevé des clients. Liens de cause à effet ? Il ne faut pas être Einstein pour comprendre que quand on remplit mal son frigo, faute d'argent ou de connaissances, on se nourrit mal.
_________________________
(1) Site de partage des connaissances fondé par Loïc Ader.

dimanche 8 avril 2012

Le flux des liquidités selon Antoine Peillon

"The few who understand the system, will either be so interested in its profits, 
or so dependent on its favors that there will be no opposition from that class, 
while on the other hand, the great body of people, mentally incapable of comprehending 
the tremendous advantages (... that we gain), will bear its burden without complaint, 
and perhaps without suspecting that the system is inimical to their best interests."
Rothschild Brothers of London,
Communiqué aux associés, New York le 25 juin 1863

« Le capitalisme a déclaré la guerre à la classe ouvrière, et il l'a gagnée. »
Lester Thurow : The Future of Capitalism, William Morrow, New York, 1995.


"There's class warfare, all right, but it's my class, the rich class, that's making war, and we're winning."
(« Il y a une guerre des classes, d'accord, mais c’est ma classe, la classe des riches,
qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner. »)
Warren Buffett, sur CNN, le 25 mai 2005.
(Il trouvait scandaleux de payer moins d'impôts que ses employés.)



Le 3 avril, grâce au blog du sociologue Laurent Mucchielli, j'ai eu vent de la publication d'un livre qui devrait en délurer plus d'un : Ces 600 milliards qui manquent à la France, par Antoine Peillon, et dont l'introduction est téléchargeable sur le site de l'éditeur, Le Seuil (1) ; allez-y gaiement : ça vaut le clic.
Le bouquin, un roman d'évasion très vérité, permet de réfléchir à certains termes plus ou moins à la mode, genre crise, coupes, boucliers, contrôle au faciès (comme les enquêtes fiscales vraiment intéressantes n'aboutissent pas —les bureaux du siège d’UBS France, boulevard Haussmann, à Paris, n’ont toujours pas été perquisitionnés, par exemple—, il faut faire du chiffre autrement. C'est ainsi que, du beurre dans les épinards, coup monté génial, la dite sale gueule —l'allure erronée, non plausible— devient le portrait du délit dans l'imaginaire collectif et policier), liberté et droit de réponse, logements sociaux (parce qu'il y a un rapport entre abondance de sans-abri et bombance du fric à l'abri des taxes), amnistie fiscale oui, amnistie fiscale non (7.06.2010), (non) impôt sur les grandes fortunes, tolérance zéro (ah, Pécresse et ses rodomontades d'évasion !), privilèges et contreparties sociales, etc.
En effet, même les plus grands gogos de la Terre risquent de comprendre que la croissance des nababs est fonction de l'augmentation des pénuries sociales, que l'intensité des coupes en aval doit être égale au poids du volume des liquidités déplacées en amont —dont il est prudent d'immerger le plus possible. D'où l'existence de paradis de tout poil dans le meilleur des mondes démocratiques : les uns ("qui ne se sont jamais aussi bien portés") destinés à l'immersion (y compris les patries sans mer et les possibilités des îles, Vierges ou Caïmans : que personne ne s'atolle), les autres à la prestidigitation.
C'est comme cela qu'une oligarchie sans états d'âme de presque 200.000 personnes peut tenir en échec toute une société de 65.000.000 millions d'habitants, et la culpabiliser par-dessus le marché ! On dirait du vrai laisser-faire ! Dans Mars attacks, on laissait faire les Martiens, des Extraterrestres ; dans la démocratie formelle, on laisse faire les entités offshore, c'est-à-dire, la finance extraterritoriale paradisiaque dont la bonhomie est comparable à celle des Martiens de Tim Burton.
En voici le début du billet de Mucchielli :

Une évasion fiscale massive continue malgré les promesses gouvernementales



Le journaliste Antoine Peillon, grand reporter au journal La Croix,  vient de publier Ces 600 milliards qui manquent à la France (Seuil), un livre choc dans lequel il montre comment la banque suisse UBS organise, depuis la France, un système massif d’évasion et de fraude fiscale vers les paradis fiscaux. Et elle n'est pas la seule.
600 milliards d’euros : c’est la vertigineuse somme cachée depuis des décennies dans les paradis fiscaux, soit près de 10% du patrimoine des Français. Au terme d’un important travail de recoupement des sources, l’auteur affirme que depuis 2000, UBS France aurait soustrait en moyenne 85 millions d’euros au fisc français chaque année. Il estime ainsi à 590 milliards d’euros l’ensemble des avoirs français dissimulés dans les paradis fiscaux dont une partie en Suisse. Il conclut aussi que « chaque année, plus d’un tiers de l’impôt potentiel sur les revenus français – soit près de 30 milliards d’euros – n’est pas perçu, rien que par la dissimulation de ces avoirs et des produits financiers dans les paradis fiscaux ».
Comment cette évasion fiscale massive a-t-elle été rendue possible ? Pourquoi l’évasion de ce patrimoine fait-elle l’objet d’une telle omerta judiciaire, alors que les institutions de contrôle, la police, la justice, la douane, les services de renseignements, en possèdent l’essentiel des preuves ?
En lire la suite.

Écoutez ces explications d'Antoine Peillon sur France Info le 4 avril 2012. Il évoque des fuites représentant un sixième du budget français, c'est-à-dire, elles pourraient couvrir le coût total de l'Éducation nationale. L'arnaque est double car à ces avoirs non fiscalisés, il faudrait ajouter les croustillants profits qui en découlent et qui ne cotisent pas non plus.



Antoine Peillon, au coeur de l'évasion fiscale par FranceInfo


On ne peut donc pas s'étonner que l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale nous rappelle dans son rapport annuel, présenté le 29 mars, qu'en 2009, 8,2 millions d'êtres humains vivaient en dessous du seuil de pauvreté en France (13,5 % de la population !). On en tient près de deux millions pour très pauvres : leur revenu serait inférieur à 640 euros par mois.
___________________________________
(1) Cette introduction est déjà très concluante. L'auteur y affirme, entre autres, :
— (...) cette masse considérable d’avoirs et de dividendes non déclarés, qui avoisine 10 % de la richesse privée des nations européennes, fausse lourdement les comptes internationaux de toute la zone euro. Selon le Boston Consulting Group et Gabriel Zucman, en 2010, pas moins de 2 275 milliards d’euros n’entrent pas ainsi dans les comptes de l’Europe*, ce qui génère des distorsions importantes dans les statistiques mondiales et dégrade gravement la qualité des politiques économiques de l’Union européenne et des États. Le jeune économiste [Zucman] dénonce : « Pour l’Europe, cela produit l’idée absurde que cette région du monde est pauvre, endettée vis-à-vis de pays émergents comme la Chine, alors qu’elle est encore la plus riche de la planète ! Si la richesse manquante, masquée, revenait à sa source, on améliorerait beaucoup l’impôt et cela contribuerait à résoudre de façon substantielle les problèmes de financements publics. Cela ferait partie des solutions à la fameuse dette publique ! »
* La seule part de la fortune privée européenne placée sous le secret bancaire suisse est, selon le Boston Consulting Group, de 743 milliards d’euros en 2010 !
— (...) le 10 février 2012, le procureur de Nice, Éric de Montgolfier, a révélé qu’à l’époque où le ministre du Budget se lançait dans une communication bruyante sur sa liste HSBC de 3 000 noms lui-même travaillait judiciairement sur la même liste, mais qu’elle comportait en réalité 8 000 identités, dont celle de Patrice de Maistre qui était alors le gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt et, à ce titre, l’employeur de Florence Woerth, l’épouse du ministre…  Le procureur de Nice a aussi dévoilé que le ministère de la Justice lui avait donné l’ordre, toujours à la même époque, de restituer les données du dossier HSBC aux autorités suisses afin de mettre fin à ses investigations.
— (...) Les chapitres qui suivent proposent une exploration totalement inédite des mécanismes concrets de l’évasion fiscale organisée en France à très grande échelle, au vu et au su de nombreux services d’enquête et de contrôle (renseignement, police, douanes, fisc, etc.), mais jusqu’ici en toute impunité judiciaire. Certaines pages pourront paraître parfois un peu techniques, de même que de nombreux documents cités en exclusivité sembleront relativement opaques à celles et ceux qui ne connaissent pas grand-chose à la finance ni aux techniques bancaires. Mais surmonter ces légères difficultés de lecture est sans doute le prix à payer pour s’assurer de l’exactitude et de l’authenticité des informations produites, ce qui, en matière d’investigation journalistique, est une double exigence nécessaire, surtout lorsque le sujet abordé est manifestement si politiquement sensible qu’il produit toutes les tentatives possibles et imaginables d’occultation, voire d’intimidation.

Mise à jour du 18/02/2016 : À propos de UBS...


Chez UBS, l’art maîtrisé de bien chasser le riche

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