samedi 23 avril 2016

Nada contre la vacuité et la novlangue des chiens de garde

Qu'est-ce que Nada-info.fr ? Ce n'est pas rien... Dans la lignée de l'observatoire des médias ACRIMED, par exemple, un groupe d'activistes intelligents, informés et sensibles ont pris la décision d'autoproduire des documentaires et de les mettre en ligne pour contrecarrer cette narrative triomphante des chiens de garde attitrés qui nous assomme, nous écœure et nous fait tour à tour râler ou nous esclaffer —tellement c'est con— à longueur de journée, sur les média dominants, c'est-à-dire, sur presque tous les journaux, toutes les toiles, tous les écrans, toutes les radios...
Voici le Qui sommes-nous ? de Nada-info :
Depuis des décennies, des mouvements sociaux luttent contre la violence des politiques capitalistes et leur dociles auxiliaires : les médias serviles. Les chiens de garde aboient lorsque les salariés protestent, mordent lorsque la contestation descend dans la rue.
Mais, face à la meute, nous pouvons nous battre.
NADA est une association de loi 1901 qui a pour but d’auto-produire une information alternative à cette propagande parée de neutralité et d’objectivité. Pour mener à bien son projet, tout en assurant son équilibre et son autonomie, NADA recherche des moyens financiers et développe un système de financement participatif par le pré-achat de ses productions.


Nos membres sont :

Marianne Khalili Roméo, programmatrice cinéma, présidente de Nada, Gianni Cappelletti, enseignant en arts appliqués, vice-président, Patrick Caspar, expert-comptable, trésorier.
Gilles Balbastre, réalisateur, David Costenaro, monteur, Samuel Desmoulin, enseignant en histoire et géographie, Clotilde Dozier, enseignante en lettres modernes, Philippe Fabbri, ingénieur du son, Jean Gadrey, universitaire, Alain Goguey, journaliste, David Jean-Louis, programmeur, Georges Tillard, chef opérateur images et monteur.
Le 13 mars 2014, les membres de Nada-info ont inauguré leur série Épandage médiatique avec un documentaire court et génial qui se posait une question très simple : Faut-il avoir peur des médias ?
Ils en sont aujourd'hui aux quatorzième et quinzième vidéos de cette série. Elles ont pour titre « Les temps modernes (1⁄2) et (2/2) », car ils viennent de nous servir en deux volets un entretien réunissant, le 17 mars 2016, le réalisateur Gilles Balbastre et l'économiste et philosophe Frédéric Lordon. Méthode : ils visionnent des séquences extraites des télévisions et ils les commentent joignant le geste à la parole ; c'est ainsi qu'ils discutent à propos de la loi El Khomri, du travail et du salariat.

Voici la première partie, postée le 6 avril, où l'on analyse les représentations des riches, des pauvres et du travail dans les médias et comment on ne montre vraiment pas l'inégalité politique du rapport salarial en tant qu'il est un rapport de domination et de chantage (Le capitalisme prend en otage nos vies mêmes, ni plus ni moins, et la loi « travail » d'El Khomri y est pour renforcer ce partenariat, pour travailler à cœur ce rapport de domination, ce rapport de force qui ne cesse de basculer en faveur du capital). Le système organise l'invisibilité de ses tares.
Mais tout le monde n'en est pas dupe, il y a un nombre non négligeable de réfractaires. Il y en a, par exemple, qui pensent qu'on vaut mieux que ça... Qu'ils prolongent leurs réflexions car « Le capitalisme est une puissance qui avancera jusqu'à ce qu'elle rencontre une puissance de même intensité et de sens contraire ».



Suite de cet entretien avec Frédéric Lordon, voici le deuxième volet de ce documentaire posté le 14 avril 2016. Où il est question de certains expressions totems du moderne et très ancien (oxymore inévitable) régime en place : modernité, agilité (face à rigidité), flexibilité/souplesse, adaptabilité, déréglementation, réalisme, pragmatisme, y'a-plus-d'idées-à-gauche…, stéréotypie lexicale —lourde de fausseté— avec laquelle nous matraquent sans relâche les représentants du système de la dépossession qui nous gouverne et qu'il est urgent de démasquer. Bon moment pour découvrir l'essai de Sébastien Fontenelle (1) Les Briseurs de tabous (Éd. La Découverte, Coll. Cahiers Libres, octobre 2012)

Bon moment aussi pour apprendre ce qu'est le retournement du stigmate, voire la paradiastole, car les mâchoires en effet se décrochent à entendre des paléolibéraux se targuer de modernité, des fanatiques nous taxer de radicaux ou des accapareurs des grands médias —qui privent le reste de l'humanité de s'y exprimer— nous débiter que nous n'avons rien à proposer. Il faut commencer à dire ce que nous voulons, donc à vraiment y réfléchir. Pensons-y...




P.-S. — Voici deux liens en rapport avec certaines remarques précédentes : il faut se méfier des mots et il faut se rebiffer contre cette race de menteurs qui ont recours, entre autres, à une langue interlope, constituée notamment de grands mots et d'oxymores, qui nous accable et parvient à leurrer tant d'esprits, affreuse arnaque.
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(1) Journaliste, Fontenelle a également publié Les Éditocrates. Ou comment parler de (presque) tout en racontant (vraiment) n'importe quoi (en collaboration avec Olivier Cyran, Mona Chollet et Mathias Reymond, La Découverte, 2009) et Vive la crise ! ou l'art de répéter (inlassablement) dans les médias qu'il est urgent de réformer (enfin) ce pays de feignants et d'assistés qui vit (vraiment) au-dessus de ses moyens (Seuil, 2012).
Dans la vidéo ci-dessous, il s'explique à propos de son ouvrage Les briseurs de tabous. Intellectuels et journalistes anticonformistes au service de l'ordre dominant (éditions La Découverte, octobre, 2012), où il dénonce les jérémiades de ces rois omniprésents et omniscients de la com qui se font passer pour de pauvres victimes muselées —alors qu'ils savent très bien que les bâillons concernent d'autres, dis-je. Fontenelle sait qu'« on invente des tabous pour mieux les briser ».
Par ailleurs, le sarcasme de l'adjectif "anticonformistes" me rappelle illico l'expression utilisée pour de bon —devant une audience insurgée d'anciens présidents (Felipe González, José María Aznar, Álvaro Uribe, Sebastián Piñera !), banquiers, PDG et autres ouragans d'insoumission— par Álvaro Vargas à l'égard de son père Mario Vargas Llosa : il eut l'insurmontable toupet de l'appeler "un terremoto de la disidencia" (une secousse, un séisme de la dissidence) !!!!

vendredi 15 avril 2016

Mesdames&Messieurs, sur la lutte des femmes pour l'égalité des droits

Le site Francetvéducation a mis en ligne Mesdames&Messieurs, un webdocumentaire réalisé par Valérie Ganne, conçu par elle et par Virginie Berthemet, produit par Félicie Roblin.
Sur la page d'accueil du film, on nous précise sa nature ; il s'agirait d'un mouvement vers l'égalité raconté en images et décrypté sur quatre générations (dont les points de départ seraient les années : 1940 - 1960 - 1980 - 2000).
Cinq sont les axes de l'analyse ; autant de portes ou boutons sur lesquels cliquer pour accéder aux contenus : vie intime, vie publique, vie professionnelle, vie familiale, vie à l'école. Chaque rubrique propose ensuite une chronologie de faits marquants illustrés souvent par des vidéos ou des audios. Voici la présentation textuelle de ces cinq thèmes :

Vie intime : « Liberté sexuelle, contrôle des naissances, mobilisation contre les violences faites aux femmes : y'a du boulot ! »
Vie publique :  « Dans la politique, les arts ou les médias, les femmes prennent leur place... »
Vie professionnelle :  « En 70 ans, toutes les professions, même les plus masculines, s'ouvrent aux femmes. Mais le plafond de verre reste solide (1). »
Vie familiale :  « Transformée, recomposée, la famille change et pas seulement dans le partage des tâches ménagères. »
Vie à l'école :  « Les classes deviennent mixtes, l'éducation sexuelle arrive en cours de biologie, les grandes écoles s'ouvrent aux filles, qui s'aventurent dans les filières scientifiques. »


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(1) Dommage, il est difficile, paraît-il, de penser la réalité sans avoir recours aux calques ou reproductions directes de l'anglais, la langue de l'empire, la langue de toutes les dominations qui comptent pour de bon aujourd'hui. L'expression « plafond de verre » est la traduction littérale de glass ceiling, donc un emprunt métaphorique de l'anglais étasunien, voire wallstreetien. Elle désigne les « freins invisibles » à la promotion des femmes dans les structures hiérarchiques. Profitons-en pour rappeler que nous voulons les femmes partout et à côté de nous (masculin), et que nous ne souhaitons personne sur nous (inclusif, épicène), ni homme ni femme. La hiérarchie est une sorte de verticalité qui fout encore plus le vertige que toutes les autres. Elle comporte toujours une subordination et des supérieurs, bref une inégalité foncière et insupportable.

dimanche 10 avril 2016

Douze heures aux Halles parisiennes en 1952

C'étaient les vacances de Noël de 1979 et mon premier voyage à Paris. C'est alors que j'aperçus pour la première fois les Halles, ou plutôt la surface, le toit du complexe Forum des Halles-Gare RER-D'autres loisirs (avant de visiter leurs tripes), ce monstre cruel de laideur prétentieuse et dépourvu de sens ou de vie sur l'espace qu'occupèrent jadis les Halles centrales de Paris (1). Disons que le transfert de cet énorme marché de grossistes vers Rungis et La Villette eut lieu entre le 27 février et le 1er mars 1969. Georges Pompidou (1911-74) ordonna la destruction des vieilles Halles, ce qui fut fait entre 1971 et 1973 après beaucoup de critiques et bon nombre de manifestations (2).
Le hasard a voulu que j'en aie parlé jeudi et aujourd'hui avec plusieurs personnes pour des raisons différentes. Voilà pourquoi je me suis tourné vers la vidéo que j'insère un peu plus bas, fournie par l'INA, qui nous permet de (re)voir cet espace en 1952. C'était encore le très zolien ventre de Paris (3)...

En tout cas, ce reportage fut émis le 3 janvier 1952. À minuit commençait à arriver une armada de milliers de camions et se déclenchait une activité frénétique. À quatre heures, deux mondes complémentaires coïncidaient fatalement (suivant les règles inéluctables de leurs rôles) : l'infanterie marchande des Halles et les noceurs noctambules, issus notamment de la classe de loisir, Veblen dixit, selon ce témoignage. En 1968, soit dit en passant, Jacques Dutronc et Jacques Lanzmann, inspirés de la chanson Tableau de Paris à cinq heures du matin (1802), de Marc-Antoine-Madeleine Désaugiers, évoqueraient cette brève convergence matinale de travailleurs et de fêtards quand il est cinq heures et que Paris s'éveille...
Avant l'aube [s'animait] tout le peuple des manutentionnaires avec leurs diables... Que personne ne s'affole : les diables sont de petits chariots à deux roues servant à transporter caisses, sacs et autres lourdeurs exigées par toute intendance. Puis se donnaient rendez-vous les différents acteurs et actrices de la course à la nourriture —au total, à l'époque, 30 000 tonnes de marchandises dont Paris se nourrissait tout un jour— : troupiers, petites sœurs, ménagères... jusqu'à l'arrivée du service de nettoiement afin que tout fût net à midi.



L'INA nous rappelle :
Après 5 ans de travaux, Anne Hidalgo a inauguré cette semaine la Canopée du Forum des Halles, un espace de 6 000 m2 de commerces. À quoi ressemblait le "ventre de Paris" en 1952 ? De minuit à midi, immersion dans ce quartier disparu.
Pour ceux qui en veulent plus, voici Je me souviens des Halles (1971), un documentaire "qui retrace l'histoire du quartier des Halles à Paris des origines jusqu'à la destruction des célèbres pavillons de Baltard" :




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(1) Sur le site urbain-trop-urbain.fr, sous la rubrique "Le Paris des Situationnistes", on peut lire :
(...) Dans son Essai de description psychogéographique des Halles, publié dans L’Internationale Situationniste de 1958, Abdelhafid Khatib défend les Halles Centrales en tant que « plaque tournante » des unités d’ambiance du Paris populaire, et dont on pourrait tirer modèle pour un « urbanisme mouvant » au service de « l’éducation ludique des travailleurs », qui édifierait « des labyrinthes perpétuellement changeants à l’aide d’objets plus adéquats que les cageots de fruits et légumes qui sont la matière des seules barricades d’aujourd’hui ».
(2) Libération propose une histoire du réaménagement des Halles parisiennes. On y lit à propos du projet de démolition des pavillons Baltard :
(...) Une partie de la presse s’engage pour défendre les pavillons, comme d’éminents critiques d’architecture tels qu’André Chastel ou André Fermigier. Mais l’époque n’est décidément pas à la préservation de l’architecture du XIXe siècle. Et pas non plus à la concertation. Rien ne fait plier le pouvoir : en 1971, les démolitions commencent. Elles s’achèvent deux ans plus tard. 
 (3) "Le Ventre de Paris" est un roman d'Émile Zola, troisième volet de la vingtaine qui constitue sa monumentale série des Rougon-Macquart, ensemble qui se voulait une Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire, ou une personnification de cette époque, selon Zola lui-même. Le ventre... présente un jeune républicain, Florent ; arrêté lors du coup d’État du féroce Louis-Napoléon Bonaparte en 1851, Florent s’évade après sept ans de bagne et, arrivé à Paris, il a du mal à reconnaître le vieux quartier médiéval des Halles, transformé par ordre du baron Haussmann —disons que ce furent Victor Baltard et Félix-Emmanuel Callet qui réaménagèrent les Halles à partir d'un projet qui avait été lancé par Rambouteau, préfet de la Seine (1833-1848) sous Louis-Philippe. Mais on sait bien que tout réaménagement peut en cacher un autre encore plus "moderne".
Voici le début du roman :
Au milieu du grand silence, et dans le désert de l’avenue, les voitures de maraîchers montaient vers Paris, avec les cahots rythmés de leurs roues, dont les échos battaient les façades des maisons, endormies aux deux bords, derrière les lignes confuses des ormes. Un tombereau de choux et un tombereau de pois, au pont de Neuilly, s’étaient joints aux huit voitures de navets et de carottes qui descendaient de Nanterre ; et les chevaux allaient tout seuls, la tête basse, de leur allure continue et paresseuse, que la montée ralentissait encore. En haut, sur la charge des légumes, allongés à plat ventre, couverts de leur limousine à petites raies noires et grises, les charretiers sommeillaient, les guides aux poignets. Un bec de gaz, au sortir d’une nappe d’ombre, éclairait les clous d’un soulier, la manche bleue d’une blouse, le bout d’une casquette, entrevus dans cette floraison énorme des bouquets rouges des carottes, des bouquets blancs des navets, des verdures débordantes des pois et des choux. Et, sur la route, sur les routes voisines, en avant et en arrière, des ronflements lointains de charrois annonçaient des convois pareils, tout un arrivage traversant les ténèbres et le gros sommeil de deux heures du matin, berçant la ville noire du bruit de cette nourriture qui passait. (...)

lundi 4 avril 2016

La Nuit Debout

En France, après Toujours debout, "résurrection" de Renaud (qui aime Fillon à la zombie), il y en a qui ont proclamé, après Pâques, la NUIT DEBOUT, et pas exactement pour dormir debout, mais pour contrer des khomries qui ne tiennent pas debout. Serait-ce une résurrection à l'envergure d'une insurrection ? « Apportons-leur la catastrophe » (καταστροφή : bouleversement, renversement, retournement...), Lordon dixit...
Voici ce qu'en racontent les sites de Là-bas, si j'y suis et de Reporterre :

La Nuit Debout à Paris, place de la République

Frédéric LORDON : « Il est possible qu’on soit en train de faire quelque chose »

Le
Le 31 mars au soir, après la manif, Frédéric LORDON était place de la République à Paris devant le public réuni pour la NUIT DEBOUT.
Voici son intervention filmée par Là-bas, si j'y suis :

images : Jonathan DUONG
son : Jérôme CHELIUS et Anaëlle VERZAUX
Télécharger la vidéo au format .mp3 :
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La Nuit debout : de plus en plus de monde pour inventer la démocratie

4 avril 2016 / Marie Astier et Hervé Kempf (Reporterre)
« Dimanche 34 mars », place de la République à Paris. Ici, depuis le jeudi 31 mars, un nouveau temps a commencé. Depuis trois nuits, et trois jours, quelques milliers d’utopistes dorment, débattent, s’organisent et se relaient pour penser et porter un autre monde.

L’occupation de la place a été lancée à la suite de la manifestation contre la loi Travail-la loi El Khomri. Malgré la pluie, ce soir là, près de 4.000 manifestants sont restés réunis pour la première « Nuit Debout ». Certains dorment sur place. Chaque matin à l’aube, les policiers viennent évacuer les lieux. Chaque après-midi, les tentes sont remontées, les scènes reconstruites, le matériel réinstallé, les bâches retendues. Et chaque jour, les participants sont un peu plus nombreux.
Ce dimanche 3 avril, le soleil a enfin montré ses rayons, rappelant que le printemps est là, prêt à accompagner ce mouvement de renouveau. Au dessus de quelques palettes qui ont permis de monter un guichet, une banderole « Accueil » appelle le visiteur. Ici, chacun fait la queue pour proposer de participer à la commission Démocratie, Restauration (pour les repas), Sérénité (pour assurer la sûreté des lieux), Logistique ou encore Communication. L’organisation s’inspire notamment de celle des Indignés espagnols. (...)