samedi 23 octobre 2010

Retraites en France : l'amendement 249 rejeté par les députés !

Au lendemain du vote ultrahâtif de la Réforme des Retraites au Sénat français —la loi fut adoptée par 177 voix contre 153 et doit désormais être examinée lundi par la commission mixte paritaire, composée par 7 députés et 7 sénateurs nommés par les présidents des deux chambres—, je fais passer une information bien pertinente que j'ignorais et qui date de septembre. Elle illustre parfaitement le culot insondable de cette majorité de politiciens qui sont censés représenter le peuple alors qu'il travaillent vraiment et visiblement pour d'autres intérêts.
Par un vote du 3 septembre 2010, les députés français ont rejeté à la quasi-unanimité l'amendement n°249 Rect. à la Réforme. Présenté par quatre députés des Verts, à savoir François de Rugy (de Loire-Atlantique), Yves Cochet (de Paris et président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine à l'Assemblée nationale française), Noël Mamère (Girondin) et Anny Poursinoff (des Yvelines), cet amendement proposait d'aligner les régimes spécifiques de retraite des membres du Gouvernement et des parlementaires sur le régime général des salariés. Autrement dit, la majorité des parlementaires et tous les ministres français prônent les bienfaits d'un régime de retraite auquel ils refusent d'être soumis : les législateurs ne veulent pas suivre le régime (très strict) qu'ils ordonnent au corps de la nation et préfèrent demeurer hors la loi ! Quel aplomb dévergondé !
Voici l'acte de rejet de cet amendement :

APRÈS L'ART. PREMIER
Nº 249 Rect.


ASSEMBLÉE NATIONALE
3 septembre 2010
RÉFORME DES RETRAITES - (n° 2770)

REJETÉ
AMENDEMENT N° 249 Rect.

présenté par

M. de Rugy, M. Yves Cochet, M. Mamère et Mme Poursinoff

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE PREMIER, insérer l'article suivant :

Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 31 décembre 2010, un rapport établissant la situation des régimes spécifiques de retraite des membres du Gouvernement et des parlementaires et définissant les conditions d'un alignement rapide et effectif de la situation de leurs régimes spécifiques sur le régime général, visant notamment à un encadrement strict des pensions reversées, tant dans leurs possibilités de cumuls que dans leurs montants.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Nos concitoyens supportent de plus en plus difficilement l'idée selon laquelle leurs élus et représentants bénéficieraient, dans leurs rémunérations comme dans la gestion de leurs droits sociaux, de dispositions dérogatoires du droit commun. Les différents systèmes mis en place pour sécuriser l'exercice de responsabilités politiques demandent à être harmonisés, afin que l'ambition légitime de permettre à chacune et chacun de s'investir dans les affaires publiques ne soit plus perçue comme une tentative de créer ou laisser perdurer des privilèges indus.

D'autre part, le tribunal administratif de Melun a suspendu l'arrêté préfectoral (donc, gouvernemental) de réquisition du personnel en grève de la raffinerie du Grandpuits, près de Paris, car il "portait une atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève" en réquisitionnant "la quasi-totalité du personnel de la raffinerie". Quelle horreur orwellienne.
Voici une vidéo filmée le vendredi 22 Octobre 2010 illustrant et cette réquisition gouvernementale qui bafoue le droit constitutionnel de grève et la probité doublée de conscience du piquet de grève de la raffinerie Total de Grandpuits.


Grandpuits 1 : La réquisition from mutins on Vimeo.

NOTE postérieure : Grâce au commentaire ci-joint de Lebreton (merci beaucoup de votre contribution), je peux vous montrer la vidéo de la séance du rejet définitif de l'amendement 249. Vous n'avez qu'à cliquer sur le lien.

vendredi 22 octobre 2010

ALCINE 40 et ses courts métrages en français

ALCINE, le festival international de cinéma d'Alcalá de Henares-Communauté autonome de Madrid, va se dérouler du 5 au 13 novembre. Il fête cette édition ses 40 ans.
Le festival reste un diffuseur de courts métrages en plusieurs langues grâce à sa section "Idiomas en corto", destinée notamment aux apprenants de plusieurs langues étrangères de la Communauté de Madrid. Si tout se passe bien, nous comptons y aller le mercredi 10 novembre afin de voir, pour la troisième fois consécutive, la projection des courts métrages francophones sélectionnés. Cette année, il y en a six au menu et la séance commence à 17h30 dans les Multicines Cisneros (Plaza de los Santos Niños 5, Alcalá de Henares).
En voici la liste :

1. Le Baiser, de Stéfan Le Lay. France 2005.

2. Le Couloir, de Jean-Loup Felicioli. France, 2005.

3. Kitchen, d'Alice Winocour. France, 2005.



4. Marottes, de Benoît Razy. France, 2005.

5. 00H17, de Xavier de Choudens. France, 2005.



6. Clik Clak, de Thomas Wagner. France, 2005.

mercredi 20 octobre 2010

6 Français sur 10 pour la poursuite des grèves et des manifestations

La plupart de la population française ne fléchit pas et se déclare pour la poursuite du mouvement de révolte contre les réformes du régime Sarkozy, selon un sondage. Il s'agit du baromètre BVA pour « Les Echos », France Info et Absoluce. Cliquez dessus pour accéder à cette information, où l'on peut lire aussi :
Nicolas Sarkozy atteint un nouveau record d'impopularité. Seulement 30 % des personnes interrogées disent avoir une « bonne opinion » de lui en tant que président de la République. Un niveau jamais atteint par un locataire de l'Elysée depuis que BVA réalise ce type d'enquête voilà maintenant une trentaine d'années.
[Dans le jargon friedmanite, le mot "réformes" est un euphémisme signifiant en fait privatisations, dérégulations, baisse d'impôts pour les plus riches ou instauration d'un impôt à taux unique, démantèlement du service public et des prestations sociales, etc.]

Nouvelles technologies et indigence intellectuelle : Power Point

En classe, nous parlons souvent des possibilités... et des risques formidables des nouvelles technologies pour l'apprentissage et pour la vie. Sans nier les avantages qu'elles peuvent nous procurer, nous savons bien qu'elles ne sont pas du tout la panacée résolvant tous nos problèmes, loin de là. Elles nécessitent d'un critère développé et évéillé sans désemparer car autrement, elles s'avèrent notre pire ennemi. C'est notre cerveau qu'il nous faut nourrir, entraîner, exploiter, cultiver. À force de n'en rien faire, de laisser calcul et opérations, réflexions, argumentations, discours, jugements critiques, mémoire... aux seuls ordinateurs, agendas, calculettes, bref... machines, on va aboutir à la situation imaginée par Pierre Boulle dans ce roman non lu et trahi par le cinéma qu'est La Planète des Singes (1963) et que je vous conseille vivement.
Parmi les icônes de cette culture machinale de l'image, la puérilité et la cruauté qu'est la nôtre, les présentations Power Point ont acquis un prestige tout conséquent ; elles représentent à la perfection le genre de non discours qu'il faut utiliser de nos jours pour faire paître le cyber-bétail, autrement dit, pour ne pas violenter des cerveaux ne jurant que par la distraction visuelle et la vacuité. Il n'est pas donc étonnant que quelqu'un, alarmé, sonne le tocsin. C'est bien le cas de Franck Frommer (spécialiste en Jean-Patrick Manchette !) qui vient de publier un ouvrage à ce propos et dont le titre est suffisamment explicite : La pensée PowerPoint. Enquête sur ce logiciel qui rend stupide (coll. Cahiers libres, Éd. La Découverte, octobre 2010, p. 264, 17 €). Tout comme la présentation que diffuse la maison d'édition sur son site et que je vous cite ci-dessous :
Qui est aujourd'hui l'ennemi numéro un de l'armée américaine ? Les Talibans ? Al-Qaida ? L'Iran ? Non, l'ennemi, c'est PowerPoint, comme l'a affirmé, en avril 2010, le général des Marines James N. Mattis, selon lequel « PowerPoint nous rend stupides ».
Apparu en 1987, ce logiciel destiné à fabriquer des présentations visuelles pour soutenir des exposés oraux est devenu en quelques années un outil indispensable de communication dans le monde de l’entreprise. Un outil dont le succès a dépassé les espérances de ses créateurs car, de fait, plus aucun domaine d’activité n’est épargné aujourd’hui par le défilement des slides animé et la succession des « bullet points » : du conseil d’administration aux assemblées municipales, de la publicité aux nouvelles technologies, des ministères à l’école ou à l’hôpital.
Franck Frommer présente la première enquête sur ce logiciel devenu incontournable. L’auteur, qui évolue depuis des années dans la « culture ppt », a visionné des centaines de présentations et analysé en profondeur la « pensée » PowerPoint, avec ses listes à puces, ses formules creuses et sa culture du visuel à tout prix. Où il apparaît que PowerPoint se révèle une puissante machine de falsification et de manipulation du discours, transformant souvent la prise de parole en un spectacle total où la raison et la rigueur n’ont plus aucune place. Plus grave, ce logiciel a fini par imposer de véritables modèles de pensée issus du monde de l'informatique, de la gestion et de la communication. Des modèles diffusés par des consultants à l'ensemble des activités sociales, distillant une novlangue particulièrement indigente qui n’a pas d’autre effet que de nous rendre … stupides.
Bref, powerisation n'est que paupérisation des esprits... Si vous cliquez sur le lien ci-contre, vous accéderez à l'interview offerte par Franck Frommer au quotidien Le Monde. Vous n'avez qu'à extrapoler pour réfléchir un petit peu à ce qu'on nous vend sur tous les plans...

lundi 18 octobre 2010

Colette Renard, la première Irma la douce, est morte

C'est un vieil ami qui me l'a annoncé aujourd'hui : Colette Renard est morte le 6 octobre. Elle avait 86 ans. Je vous renvoie à l'information publiée à ce propos par Rue89 que signe Isabelle Poiraudeau.
Colette Renard (Ermont, 1924) se fit connaître en 1956 en jouant le premier rôle d'une comédie musicale qui deviendrait mondialement connue : Irma la douce, montage basé sur une pièce d'Alexandre Breffort, Les Harengs terribles, et mis en musique par Marguerite Monnot. Peter Brook et Billy Wilder, parmi d'autres, proposèrent ensuite leurs versions théâtre et ciné, celle-ci avec Shirley MacLaine.
Comme chanteuse, elle écrivit et interpréta des textes foncièrement libertins, polissons, gaillards, galants et érotiques, pour reprendre les adjectifs qu'elle utilisait dans les titres des albums qu'elle enregistrait et que Rabelais aurait adorés. Que ces choses-là étaient bien dites dans les années 50, selon la formule d'Isabelle Poiraudeau. D'ailleurs, Clotilde Courau chante encore et volontiers le répertoire de Colette Renard.
Le swing de sa suggestive voix et sa diction nonchalante, son esprit libertaire et la clarté de son message la vouèrent —forcément !— à une collaboration avec Georges Brassens en 1976.
Voici la chanson qui la rendit particulièrement célèbre : « Les Nuits d'une demoiselle » :

mardi 12 octobre 2010

Manifs en hausse contre la réforme des retraites en France

Je viens de recevoir une alerte du quotidien Le Monde. Voici la dépêche :

Manifestations en nette hausse contre la réforme des retraites

Entre 1,23 million (selon le ministère de l'intérieur) et 3,5 millions de personnes (syndicats) ont manifesté mardi contre le projet de réforme des retraites, des chiffres en nette hausse par rapport aux précédentes journées de mobilisation. (AFP, Reuters)
Le Jura libertaire précise :
Les entrants dans le salariat sont ceux qui, parce qu’ils risquent plus que les autres d’atteindre 95 ans vont payer le plus cher la «réforme» des retraites, tout au long de leur vie (emplois de merde, chômage non indemnisé, retraite inaccessible). Nul hasard alors à ce que la mobilisation en cours touche désormais des centaines de lycées et collèges.
Nous sommes en 2010 après Jésus-Christ ; toute la planète est occupée par les Grands Actionnaires de l'Empire friedmanite… Toute ? Non ! Car quelques territoires récalcitrants éparpillés par-ci par-là, dont un pays partiellement peuplé d'irréductibles Gaulois, résistent encore et toujours à l'envahisseur. Et la vie n'est pas facile ces jours-ci pour la Cotation Alimentée en Continu et ses garnisons de légionnaires friedmanites des camps retranchés de l'Élyséum (55 Rue Fbg St Honoré, Lutetia), Matignum (57 de la rue de Varenne, Paris), Bercyum (districtus XII, Lutetia) et Cacquarantum…
Ces Gaulois qui rouspètent et résistent, qui se refusent absolument à se laisser faire par les forces proconsulaires du laissez faire, laissez passer —et font rêver quand ils écrivent ou scandent En grève, en grève, en grève, jusqu'à la retraite !— nous rappellent que la défaite n'est pas encore totale et que la convergence vers l'état de bouillie n'est peut-être pas inexorable (cf. Gilles Châtelet : Les Animaux malades du consensus, édition établie par Catherine Paoletti, Nouvelles Éditions Ligne, 2010).
Sur la planète, les promoteurs de la saignée persistent et signent : ce 12 octobre con patriote, une étude du Wall Street Journal nous apprend que le montant des indemnités et avantages à Wall Street atteint les 144 milliards de dollars en 2010 et constitue un record pour la deuxième année consécutive...
Et hier, dans le site de l'Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires, nous avions la possibilité de lire...
Au cours des trente dernières années, d’impressionnants progrès en sciences agricoles et production alimentaire ont permis de nourrir de manière significative une population mondiale croissante. Pourtant, de grands défis demeurent. Sur les 5,1 milliards d’individus vivant dans les pays en développement, 1,2 milliard doivent encore affronter quotidiennement les ravages de la pauvreté. Près de 800 millions d’entre eux sont en situation d’insécurité alimentaire tandis que 170 millions d’enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition. Les ressources naturelles sur lesquelles repose la production alimentaire se dégradent. (...)
À chacun d'analyser les rapports qu'il y a entre trois informations et deux adjectifs apparemment disparates et décalés, et de répondre à des simples questions : Qui provoque la crise ? Qui en profite ? Qui la subit ?
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Après la lettre : les manifs en images, par Rue89.

mardi 5 octobre 2010

La France de Raymond Depardon

Le photographe Raymond Depardon, de Magnum Photos, inaugure exposition à la Bibliothèque nationale de France à Paris. Il s'agit de trente-six tirages argentiques en couleur qui sont le résultat d'un tour de France en fourgon pendant quatre ans. On peut les contempler du 30 septembre 2010 au 9 janvier 2011. Pour accéder à la page web contenant tous les détails, ainsi que les activités proposées par les services pédagogiques de la Bibliothèque, cliquez sur le lien ci-dessus.

Je relaie ici le début de l'information fournie à ce propos par la BNF :
Célèbre pour ses reportages sur des lieux sensibles, pour les nombreux livres où il tisse étroitement texte et image, pour les films où il s’attache au quotidien d’une société en pleine évolution, Raymond Depardon est décidément un auteur sans limites. Cinéaste autant que photographe, il s’interroge toujours avec acuité sur les liens entre l’image et l’éthique.
Il a consacré maintes fois des reportages au territoire français, mais il a voulu concrétiser une idée folle qui le travaillait depuis longtemps : photographier seul à la chambre 20x25 le territoire français, ses régions, ses pays.
Nomade dans l’âme, il se fixe alors à lui-même la mission qui, depuis 2004, le mènera sur les routes au gré des saisons et de la lumière afin de montrer à égalité les régions que chacun rêve de visiter ou celles qui se dérobent à tout romantisme.
Il montre les conséquences de l’explosion des villes françaises durant la seconde moitié du XXe siècle qui a créé des usines à vendre en périphérie des villes entourées d’un océan de parkings, des zones périurbaines qui engloutissent les petites villes et les villages, la surexploitation immobilière du littoral et de la haute montagne…
« J’ai visité des lieux très différents, où parfois l’histoire n’a rien de commun d’un “pays” à un autre. Cette distance que je me suis imposée, techniquement et formellement, m’a permis de passer au-dessus des spécificités régionalistes et d’essayer de dégager une unité : celle de notre histoire quotidienne commune. »
Au noir et blanc contrasté, à la profondeur de champ vibrante d’humanisme de ses œuvres antérieures, il préfère ici la frontalité à la chambre, la couleur, la lumière unique, neutre, délicate et sensible. Les humains s’éclipsent parfois, mais il photographie en premier le paysage et poursuit sa recherche : « observer les traces de la présence de l’homme qui par son intervention au fur et à mesure de l’histoire a modifié le territoire. »
L’exposition présente dans une immense salle, une installation de trente six tirages argentiques couleurs lumineux, de très grand format. En orfèvre de l’image, Raymond Depardon les a façonnés et ajustés pendant quatre ans d’après les meilleurs “scan” numériques possibles à ce jour. (...)
Note de janvier 2011 - Notre photographe a publié un ouvrage pour colporter son expérience : La France de Raymond Depardon, BNF Seuil, 2010, 59€.
J'ai lu dans Le Français dans le Monde nº 373 (Janvier-février 2011) un dossier à ce sujet. J'en extraie deux propos de Depardon qui me semblent significatifs pour mieux comprendre son dessein :
« Je suis heureux de m'être confronté à la France d'aujourd'hui. J'ai pu rassembler toute mon expérience du regard pour photographier l'état de notre territoire dans un panorama très personnel. J'ai pris le risque de déplaire à ceux qui ne reconnaîtront pas leur France et de réjouir ceux qui apprécient une perception intuitive, irréductible à une définition figée de l'identité française. »
S'il n'y a pas de gens dans ses clichés, c'est « par envie de revenir au silence de la photographie ».

Note du 22 novembre 2013 - Le Monde publie aujourd'hui...
En 2004, le photographe Raymond Depardon décide de sillonner dans sa camionnette les routes de France. De ce périple à travers l'Hexagone qui durera jusqu'en 2010, il en rapportera de saisissantes photos de lieux ordinaires : vieilles boutiques, bars-PMU de village, carrefours désertiques, etc. Son travail fit l'objet d'une grande exposition à la BNF, d'un documentaire et de deux ouvrages, dont l'un intitulé La France de Raymond Depardon (Seuil). C'est l'édition poche de ce dernier qui a inspiré Deux visions.net. La photographe Caroline Delieutraz, à l'origine du site, a ainsi eu l'idée de suivre sa trace par le biais de Google Street View. La page Web compare ces clichés de la fameuse série de Depardon avec les vues des mêmes lieux, capturés par le service de cartographie en ligne. Le résultat ne prétend à aucune analyse artistique, mais entend plutôt montrer un modeste témoignage, une intéressante vision "sans filtre". Caroline Delieutraz s'en défend sur son site : "Mettre en parallèle les images prises à la chambre avec des captures d'écran, c'est mettre en perspective deux types d'image, deux intentions opposées, deux visions du monde." Et d'ajouter qu'"il n'est d'ailleurs pas impossible que le fourgon de Depardon et la voiture de Google se soient un jour croisés". Un nouvel éclairage alors que le Grand Palais consacre en ce moment même une rétrospective au grand photographe et à son travail avec la couleur.  

lundi 4 octobre 2010

Saez, télé et radio

Il y a quelques mois, en mars 2010, un jeune artiste français d'origine hispanoalgérienne fut l'objet d'une prodigieuse censure. La régie publicitaire du métro parisien tout comme plusieurs sociétés spécialisées dans le matraquage urbain —dont Decaux et Clear Channel— refusèrent d'exhiber l'affiche qui annonçait ses concerts, figurant une jeune femme nue dans un chariot de supermarché, c'est-à-dire, l'image de la pochette de son dernier album, sorti le 29/03/10, et dont le titre, J'accuse, renvoie visiblement à la lettre ouverte qu'Émile Zola adressa le 13 janvier 1898 à Félix Faure, président de la République, sur la Une du journal L'Aurore suite à l'affaire Dreyfuss. Cependant, selon le quotidien Le Parisien, l'Autorité de Régularisation Professionnelle de la Publicité fut de l'avis,
(...) que l'affiche «présente un caractère dégradant pour l'image de la femme dans la mesure où elle apparaît nue, et qui plus est dans un chariot de supermarché, donc comme une marchandise (...) La publicité ne peut réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à une fonction d'objet». Les recommandations de l'autorité sont généralement suivies par les afficheurs dont Média Transports, régie du métro et des bus parisiens. (...) Selon le chanteur, une deuxième affiche sans la photo de la jeune femme, mais soulignant en gros caractères l'interdiction d'affichage, a été également refusée. «Une femme nue dans un caddie, outrage aux moeurs du commerce ? Remise en question du système ? Droit d'informer ?». «Cette interdiction aurait pour but de protéger l'image de la nature humaine, j'en doute. Mais protéger l'image du caddie ? (...) Une chose est sûre, les caddies valent plus que les hommes dans nos pays», écrit-il dans une lettre mise en ligne. «J'ai honte pour ces gens, honte pour mon pays, honte pour ce qu'il est devenu, honte pour cette auto-censure que la société s'inflige à chaque fois qu'elle ouvre sa bouche», poursuit le chanteur qui a indiqué son intention de porter l'affaire en justice.
Quand on voit tous les jours ce qu'annoncent lesdites compagnies publicitaires, on a de quoi se pâmer. Et concernant l'Autorité de Régularisation Professionnelle de la Publicité, sa drôle d'analyse prouve une incompétence ahurissante, ou une honteuse mauvaise foi tartuffe, car notre jeune homme, Damien Saez, n'est pas précisément de la trempe de ceux qui utilisent les femmes (et les hommes) à longueur de journée et d'existence dans des buts purement marchands, loin de là ! Faut-il vraiment expliquer que c'est plutôt le contraire?
Je vous propose de connaître le message de Saez à travers deux vidéos afin que vous puissiez mieux en juger. Dans la première, il lit les paroles de sa chanson Les Anarchitectures dans l'émission de télévision "Ce soir ou jamais", sur France 3, où il avait été invité pour s'exprimer au sujet de la censure de ses deux affiches de concert. Parmi les invités de l'émission, soit dit en passant, on voit notamment Belinda Cannone, auteure de La Tentation de Pénélope (Stock, Coll. L'autre pensée, 2010, p. 62).



Dans la deuxième vidéo, on entend Damien Saez interviewé sur France Inter le 5/03/10 à propos de son album J'Accuse ainsi que sur cette histoire de censure.