mardi 31 décembre 2019

BlackRock ou ces financiers qui dirigent le monde

Le Capitalisme financier a édifié un système, des structures, des mécanismes, des portes tournantes, des virtualités, des prestidigitations linguistiques et des valeurs entraînant une concentration croissante des richesses et du pouvoir concomitant, bref, une oligarchie. Son élan, sa flèche est cause et effet d'une avidité inexorable. Ses vautours les plus hardis et surpuissants planent sur nos existences machinalement, nouvelles technologies à l'appui, sans états d'âme. Leurs succès et leurs échecs —et maths— sont notre ruine et celle de la planète.
Beaucoup de gens dans le monde lisent, regardent, écoutent tous les jours la prédication de ce Capitalisme à travers ses grands média. Il y a néanmoins des pages (saumon), des rubriques, des sections qu'on évite soigneusement. C'est là qu'on peut lire ou écouter des références directes ou indirectes à ces géants à la taille tellement démesurée qu'ils déterminent autrement nos vies, nos emplois, nos salaires, nos pensions... C'est le cas de BlackRock avec ses multiples participations multinationales (1). Voilà pourquoi il y en a qui ont commencé à passer au crible cette entreprise.

Selon le droit financier, un délit d'initié est une infraction commise par une personne qui, disposant d'informations privilégiées, les utilise pour des opérations en Bourse (Le Robert).
Un article du quotidien Público du 2011 illustrait le délit d'initié à travers trois cas "possibles". Sur le premier, on pouvait lire :
En un momento tan crítico como el 28 de abril de 2010 -dos semanas después, la UE emprendería el pacto de ajuste para rescatar Grecia e intentar calmar a los mercados-, Standard &Poor's rebajó la calificación de España y divulgó la noticia tres minutos antes del cierre de la Bolsa, lo que aceleró la caída de la jornada, según describe la querella.
El escrito recuerda que ese día España lideró la caída bursátil de toda la UE (se dejó el 2,99%), acelerada en los últimos minutos, y pide que se investigue por qué S&P decidió difundir su informe en ese preciso momento. Entre los accionistas de la agencia están fondos estadounidenses como Vanguard, Capital Group y BlackRock, algunos de ellos especialistas en apuestas a la baja, que generan ganancias cuando cae la Bolsa. 'Debe aclararse si los beneficiados de dicha situación eran o no clientes de S&P', reza la querella.
En novembre 2016, dans un article du Monde diplo, Jean-Michel Quatrepoint mettait les points sur les i sur le partenariat éducation publique élitiste-business bien privé et sur un pantouflage particulièrement significatif :
Les branches françaises des cinq grandes banques d’investissement [étasuniennes] sont toutes dirigées par un énarque. M. Jean-François Cirelli (2), ex-dirigeant de Gaz de France et d’Engie, ancien membre du cabinet du président Jacques Chirac, vient de rejoindre la filiale pour la France et le Benelux de BlackRock. Peu connu du grand public, ce fonds est le premier gestionnaire d’actifs du monde.
Jean-François Cirelli n'est pas le seul à avoir chaussé ses pantoufles (dans les deux sens) et endossé un bon poste chez BlackRock. Je me rappelle qu'en 2012, Philipp Hildebrand, ancien patron de la Banque Nationale Suisse, disait vouloir utiliser « ce qu’il a[vait] appris, à l’interface entre finances et économie politique, au profit du secteur privé » —pour un salaire qui se montait à 7 millions de francs suisses. George Osborne en sait aussi quelque chose, en raison de £13,000 par jour, un gig plutôt portant. Quand il était ministre des Finances du Royaume-Uni, chancelier de l'Échiquier, il avait bossé dur pour que l'âge de la retraite soit relevé à 68 ans au milieu des années 2030, bonne accélération par rapport à l'objectif initial de 2046, puis à 69 ans vers la fin des années 2040.

L'édition 2019 du rapport CAC40 : Le véritable bilan annuel, de l'Observatoire des Multinationales, rappelait :
Bernard Arnault et sa famille, BlackRock et l’État français : voilà les principaux bénéficiaires de l’inflation des dividendes versés par le CAC40.
Sous le titre BlackRock, la finance au chevet des retraités français, Sylvain Leder, professeur de sciences économiques et sociales, publie un article dans le numéro de janvier du Monde diplomatique, pages 16 et 17, dont le chapeau explique :
Frustrés par la faible part de l’épargne individuelle dans le système de retraite français, les géants de la finance espèrent que, avec la réforme Macron-Philippe, leur heure arrive enfin.
Depuis le début, son texte reprend ou transmet —mis à part d'autres intéressants compléments d'information— l'essentiel de Ces financiers qui dirigent le monde - BlackRock (BlackRock - Die unheimliche Macht eines Finanzkonzerns, 91 min., Allemagne, 2019), un documentaire enquête que j'ai vu il y a trois semaines —tout en survivant à ses effets spéciaux, visuels et sonores, vraiment consternants, voire éprouvants : son réalisateur, Tom Ockers, a fait sien le sensationnalisme formel de la civilisation de l'objet de son étude.
Le film fut émis par ARTE mardi 16 septembre à 20h50, puis à la carte en ligne. Voici, inséré, ce produit critique et touffu de la société du Spectacle et du Grand Pognon :


Sur Vimeo.

Très discret, BlackRock est pourtant le plus puissant gestionnaire d’actifs de la planète. Enquête sur l’omniprésence préoccupante et indécente des grands argentiers de BlackRock dans la vie politique et économique mondiale.
Si l’argent ne fait pas le bonheur, il ouvre sans nul doute les portes du pouvoir. Une maxime que le groupe de gestion d'actifs BlackRock, avec ses 6 000 milliards de dollars américains passés, soit plus de deux fois le PIB de la France, connaît bien. Sociétés, gouvernements et banques centrales : l'entreprise tentaculaire ne cesse d'étendre son influence dans toutes les directions, depuis sa création, en 1988, par Larry Fink. La force de ce géant américain de la gestion réside dans les milliards de dollars que lui confient ses clients, pour la plupart des gros poissons de la finance : multinationales, institutions financières et fonds d’investissement ou de pension. Grâce à cette manne financière, le groupe a mis le grappin sur de nombreuses multinationales. Actuellement, BlackRock est entre autres présent dans le capital d’Apple, de Microsoft, de Facebook, de McDonald’s, de Siemens, ainsi que de nombreuses entreprises du CAC 40. Non content d’investir dans les entreprises les mieux cotées du monde, le gestionnaire d'actifs est aussi dans les petits papiers de gouverneurs de banques centrales, de ministres des finances et même de chefs d’État, à qui il prodigue de précieux conseils. Et pour cause : il dispose non seulement des meilleurs experts financiers, mais aussi d’un algorithme de prévision conjoncturel sans égal, Aladdin. Lors de la crise financière de 2008, de nombreux gouvernements proches du naufrage avaient fait appel au groupe de Larry Fink, ce qui lui a permis de renforcer son emprise sur l’économie mondiale et de présenter à tous le visage d'une entreprise providentielle…
Empire tentaculaire
Dans la société civile, d’aucuns s’inquiètent de la position ultradominante du groupe, désormais capable d’influer sur l’économie mondiale et de souffler à l’oreille des décideurs. Son outil phare, Aladdin, représente également une source d’inquiétude : il pousse à une uniformisation de l’investissement mondial, ce qui pourrait amplifier l’effet domino à la prochaine crise financière. Cette enquête choc de Tom Ockers dénonce l’omniprésence préoccupante et indécente des grands argentiers de BlackRock dans la vie politique et économique mondiale. Menée dans cinq pays différents, elle brosse le portrait fouillé d’un des groupes financiers les plus influents au monde, parfaitement inconnu du grand public.
Ce documentaire a été également bien digéré par Jérémie Younes qui en a livré un résumé glose en rapport avec l'actualité macro(écono)nique, déjà cité ici (Retraites : les compagnies d’assurance en embuscade), comme employé de la semaine du site Là-bas le 16 décembre. Il y rappelle qu'on sait très bien que BlackRock et ses amis (et leurs lois PACTolE) font font font et tiennent à faire dans les retraites...

Mise en ligne le 15 décembre 2019

(...) D’ailleurs, le gouvernement a déjà commencé à inciter les riches à se tourner vers la capitalisation : souvenez-vous de la fameuse Loi Pacte, dans laquelle étaient contenues les privatisations de FDJ, d’ADP, et un tas d’autres énormités. Dans cette loi Pacte, un article stipule que les cotisations à des plans d’épargne retraites privés sont désormais... déductibles à 100% des revenus du contribuable [4] ! Déductibles, comme les dons pour Notre-Dame. Nous subventionnons avec nos impôts la sécession des riches de notre système par répartition. Et l’assurance AG2R la Mondiale jubile sur son site internet : « La loi Pacte vise à rendre ces produits plus attractifs ».
Mais le scandale ne s’arrête pas là : ces dispositions de la loi Pacte et de la réforme par points pourraient avoir été directement soufflées au gouvernement par l’un des plus grands fonds de pension du monde, le géant américain de la finance et de l’assurance BlackRock [5]. En effet, on a appris il y a quelques jours que le PDG de BlackRock, Larry Fink, a été reçu en catimini plusieurs fois à l’Élysée ces derniers mois [6]. On découvre même qu’en juin 2019, quelques jours avant la remise du rapport Delevoye, BlackRock a remis un document de 15 pages avec ses « recommandations » au gouvernement pour la réforme des retraites. Un lobbyisme acharné que BlackRock avait déjà mis en œuvre pour la loi Pacte : on trouve sur leur site un charmant petit dossier intitulé « Loi Pacte, le bon plan retraite » !
Entre ces incitations fiscales, le plafond de cotisations pour les hauts revenus et le lobbyisme intense des fonds de pension, ce n’est plus une question mais une constatation : c’est bien la fin de la répartition que prépare Emmanuel Macron.
...et cite plusieurs sources clarificatrices en la matière, dont Martine Orange (Mediapart, le 9 décembre 2019)...
Premier gestionnaire d’actifs au monde, BlackRock a des vues sur l’épargne française, « une des plus élevées d’Europe ». À la faveur de la loi Pacte, première étape pour dynamiter la retraite par répartition, le fonds américain dispense ses recommandations au gouvernement.
...ou Sébastien Crépel (L'Humanité, le 11 décembre 2019) :
Fonds de pension. Le gigantesque gestionnaire d’actifs BlackRock lorgne l’épargne hexagonale, qu’il voudrait transformer en retraite par capitalisation. Il attend que la loi Pacte votée au printemps et la réforme Delevoye lui ouvrent les portes de ce marché.


Vidéo mise en ligne le 4 décembre 2019.

Le 20 décembre, nez fin, sourire aux lèvres, Tatiana Ventôse (Le Fil d'Actu) s'est soigneusement penchée sur ce sujet afin de nous ouvrir les yeux concernant les intérêts cachés et, donc, les vrais gagnants de cet énième projet de réforme au service de la finance, ergo tellement cher au président aux lapsus éloquents —car éclaircissant à quels râteliers il mange :


Le 21 décembre, l'historienne Mathilde Larrère nous a proposé sur Twitter une histoire du Droit à la retraite. Pour y accéder, cliquez ci-contre.

Quant à ces féroces cipayes des institutions et des média, je le dis, c'est pas pour cafter, mais y font rien qu'à mugir dans nos paysages audiovisuels, nos papiers et nos institutions, dérouter la langue et conchier (s'oublier sur) l'Histoire, le Conseil national de la Résistance (3) et 90% des Français.

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(1) qui ne cessent de croître : Santander, Caixabank, Air Liquide, Vale, UMICORE,... [immédiatement après la rédaction de ce billet AENA et BME]. Ainsi, quand le 17 décembre 2019, nous liions dans plusieurs moyens de communication que...
L'organisation International Rights Advocates a déposé plainte contre cinq géants de la tech, accusés de profiter du travail d'enfants dans les mines de cobalt en République démocratique du Congo. (Capital. Cf. The Guardian-eldiario.es)

Le cobalt est « exploité en RDC selon des conditions dignes de l'Age de pierre, extrêmement dangereuses, par des enfants qui sont payés 1 ou 2 dollars par jour pour fournir le cobalt servant aux onéreux gadgets fabriqués par certaines des plus riches entreprises au monde », dénonce l'association de défense des droits de l'homme. (Les Échos)
...on remarquait que les sociétés concernées, directement ou indirectement, savoir, Apple, Tesla, Microsoft, la maison mère de Google et Dell, d'un côté, Kamoto Copper Company (Katanga Mining Limited), contrôlée à 75% par Glencore (groupe minier anglo-suisse de négoce, courtage et d'extraction de matières premières), ou la compagnie belge de production et recyclage de métaux non ferreux Umicore, de l'autre, ont toutes quelque chose en commun : ce sont des entreprises participées par BlackRock.

(2) Mise à jour du 2 janvier 2020 :
J'apprends par Là-bas que M. Cirelli a été élevé au rang d’officier de la Légion d’honneur le 1er janvier 2020 par décret du 31 décembre 2019 du Président de la République. Vous pouvez consulter la parution au Journal Officiel. Pas mal, comme foutage de gueule.

(3) Voici un exemple de sarcasme pur beurre pour voir à quel point ils se torchent du monde. C'est un extrait du discours d'Édouard Philippe, mercredi 11 décembre 2019, devant le Conseil économique et social, à Paris :
Nous proposons un nouveau pacte entre les générations. Un pacte fidèle, dans son esprit, à celui imaginé par le Conseil national de la Résistance dans l’après-guerre pour créer le système de retraite actuel.
Pouahhhhh. Stéphane Hessel et ses camarades ont dû se retourner dans leur tombe. N'oublions pas l'Appel du 8 mars 2004 qui prônait « une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation de masse, le mépris des plus faibles et de la culture, l'amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous. Nous n’acceptons pas que les principaux médias soient désormais contrôlés par des intérêts privés, contrairement au programme du Conseil national de la Résistance et aux ordonnances sur la presse de 1944. »
Le mot d'Ambroise Croizat, syndicaliste CGT et ministre communiste qui mit en place la Sécurité sociale en 1945, reste toujours pertinent : « Rien n’est jamais acquis définitivement car le patronat ne désarme jamais. » La Sécu s'est bâtie sur un principe ne nécessitant pas de chiffres : «Vivre sans l’angoisse du lendemain, de la maladie ou de l’accident de travail, en cotisant selon ses moyens et en recevant selon ses besoins.»

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Mise à jour du 10 janvier 2020 :

Anaïs Henneguelle, maîtresse de conférences en économie à l’Université de Rennes 2, membre du collectif d’animation des Economistes atterrés, vient de mettre en ligne, le 3 janvier 2020, un guide d'auto-défense contre 12 mensonges reçus en matière de retraites à combattre absolument. Ce texte, clair et détaillé,...
(...) a pour vocation de fournir des arguments à tous ceux et toutes celles qui s’opposent à la réforme des retraites, mais sont souvent démunis face aux éléments de langage (parfois faux, la plupart du temps incomplets ou simplistes) qu’on leur oppose.
Du très bon travail. Pour lire ce guide dans son intégralité, téléchargez le PDF ci-contre. Merci, Anaïs.


Billet à suivre : pour aller plus loin, CLIQUEZ ICI et vous accèderez à un deuxième billet qui décortique le film de Tom Ockers

lundi 16 décembre 2019

(2019-20) 3e Journal des infos dont on parle plutôt peu

...Car loin du psittacisme médiatique, il y a bon nombre d'événements qui nous interpellent autrement dont on ne parle que peu ou sous l'angle de la propagande unique. Nous essayons de repérer et de glaner des faits/sujets/positions en dehors de l'actu ou de l'éditocratie.
Voici notre troisième sommaire de cette année scolaire, pour notre conférence de rédaction médiatrice du mercredi 16 décembre 2019. Merci à mes élèves pour leurs contributions !


Il comprend, entre autres...


Un beau papier de Pierre Tevanian :

Affaire de « l’étoile jaune » : comparer n’est pas un crime











Une émouvante histoire de résistance illustrée par un film :
... INVASION porte sur la résistance du campement Unist’ot’en, du point d’accès Gidimt’en et de l’ensemble de la nation Wet’suwet’en contre la violence coloniale du gouvernement canadien et des grandes entreprises.


Un texte, hélas, très d'actualité de Pierre Bourdieu qui soutenait les grévistes de 1995.


Un sujet sur lequel il faudra revenir, telle est sa gravité : le projet de réforme macroniste (capitaliste ergo insensible, sans état d'âme, maquereauniste) des retraites en France. Ce résumé de Jérémie Younes, pour Là-bas, si j'y suis, constitue un excellent stimulus à la pensée en la matière :


Le gouvernement jure la main sur le cœur que la retraite par points, c’est pour sauver le système par répartition cher aux français ! Pourtant, les compagnies d’assurances se frottent déja les mains.
Comment Macron prépare la fin de la répartition, une chronique de Jérémie Younes.
À ce sujet, nous relayons aussi une « Analyse de la réforme des retraites » par le Comité de mobilisation de la direction générale de l’Insee. Cette analyse conclut, entre autres, que Chaque habitant pourrait disposer d’un meilleur niveau de vie tout en travaillant moins longtemps. À condition, bien entendu, de ne plus continuer à transférer, en quantités faramineuses, de l'argent de la multitude aux drôlement rupins, gratiné trickle up effect.
Le comité présente ainsi sa démarche :
Nous sommes des statisticiennes et statisticiens de l’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques. À ce titre, nous réaffirmons que le rôle de la statistique publique est d’éclairer le débat public et d’apporter aux citoyens des éléments de compréhension des enjeux sociaux et économiques.
Mercredi 11 décembre 2019, le Premier ministre, M. Édouard Philippe, a affirmé : « La responsabilité, c’est tenir compte, comme tous nos voisins, de données économiques et démographiques incontestables. »
Nous le prenons au mot en rappelant quelques chiffres fondamentaux, afin que les citoyens s’en saisissent et comprennent l’enjeu d’un refus collectif de la réforme régressive en cours.
Le comité de mobilisation de la direction générale de l’Insee, soutenu par les sections CGT, FO, SUD.


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Aujourd'hui 16/12/2019, entretien du Monde avec

Myriam Revault d’Allonnes

(...) Derrière les discours officiels qui en appellent à la solidarité et à l’universalité, notamment à travers le projet de réforme des retraites, aucun pouvoir n’a assumé avec autant de clarté l’idée que la politique relevait avant tout d’une gestion calculante venant en lieu et place d’une réflexion à long terme sur les fins ultimes de la société dans laquelle nous voulons vivre. Le processus qui veut que la société soit régie sur le modèle de l’entreprise n’est certes pas nouveau. Il caractérise ce qu’on appelle, faute de mieux, la rationalité « néo-libérale » pour qui la politique doit être soumise aux mêmes critères que ceux du management. Ce sont des constats bien connus et sur lesquels il est inutile de revenir. A cet égard, le macronisme n’est pas une invention politique, mais l’aboutissement d’un processus de longue durée. Le « nouveau monde » n’a rien de nouveau, si ce n’est la proclamation explicite, non dissimulée, d’un certain nombre d’impératifs étroitement associés à une vision utilitariste du social. Et, encore une fois, cette vision utilitariste affecte profondément la manière dont on appréhende les sujets politiques : le nouveau modèle de subjectivation proposé aux individus est celui d’un sujet rationnel, entrepreneur de soi-même, performant, soustrait par le calcul et la prévision aux aléas de la contingence et débarrassé du même coup des déchirements intérieurs, des contradictions et des paradoxes qui font sa richesse. A cet égard, le macronisme est une politique de l’insensible. (...)

mardi 10 décembre 2019

Pour suivre en direct les manifs du 10 décembre 2019

On peut suivre en direct l'actualité des manifestations et grèves en France contre le macronisme-chicaguisme. Eh oui, on a cette possibilité, si ça vous chante. Ainsi, le site d'information Là-bas si j'y suis vous propose un suivi en direct aujourd'hui, en accès libre, tout comme ils l'ont déjà proposé pour la journée du 5 décembre. Vous n'avez qu'à cliquer sur les liens.
Bon mardi d'après-pont !

(Photo : Vladimir Slonska-Malvaud, Clermont-Ferrand/Là-bas si j'y suis)

(Photo : Kévin Accart/Là-bas si j'y suis)

mercredi 20 novembre 2019

Prise de congé du journal qui ne simulait pas

Hélas, c'était presque prévu, il aurait fallu un grand retournement, mais c'est tout de même bien dommage. Siné Madame, le journal qui ne simulait pas, tire sa révérence. Il faut quand même imaginer nos Sisyphes (Catherine Weil Sinet et ses copines d'aventure) heureuses et fières. Il faut imaginer qu'elles n'en démordront jamais. Hommage...



Chères lectrices, chers lecteurs de Siné Madame,
le journal qui ne simulait pas.

     Vous avez bien lu, la phrase est à l’imparfait. La belle aventure de Siné Madame doit, hélas, se terminer. Le numéro 6 est donc le dernier.

     Les ventes du journal ont chuté après le numéro double de l’été. Elles ont un peu remonté en octobre. Pas assez cependant pour continuer de publier un journal qui, comme Siné Mensuel, ne vit que grâce à ses lecteurs, sans mécènes et sans pub.

     Nous nous sommes bien amusés, nous tous, femmes et hommes, qui ont consacré du temps à ce journal. Nous avons aussi appris plein de choses. Nous avons été un peu dingues de lancer un journal papier sans argent, par les temps qui courent. Nous avons beaucoup ri aux dessins de celles qui, pour la plupart, n’avaient jamais fait de dessins de presse.

      Merci du fond du cœur, à toutes et à tous, qui nous avez fait confiance.

      Catherine Weil Sinet et toute l’équipe.


Rire, écrire et lutter, voilà Catherine Weil Sinet, directrice des publications Siné Mensuel et Siné Madame : n'hésitez pas à lire cette chronique que lui consacre Eugénie Costa, le 30 octobre 2019, sur le site du Bondy Blog. On y lit entre autres :
(...) Siné Madame semble avoir une genèse moins imprévue et accidentelle. Elle relève davantage d’une nécessité de transmission car, comme elle le précise, « je voulais qu’on parle aux hommes, on ne s’en sortira jamais si on ne les éduque pas correctement ». Elle développe son propos, « il n’y a pas à tortiller… On élève les gosses. Comment peut-on en faire des machos ? Moi-même j’ai élevé un garçon. Jamais je n’ai pris la peine de lui parler des femmes, de leurs corps, de leurs droits, alors que je lui ai bien appris à faire le ménage, le repassage et à être autonome. On dit quoi aux filles ? Fais attention ? Mais est-ce qu’on dit clairement aux garçons qu’il ne faut pas violenter ? C’est ça qu’il faut inverser ».  Elle soupire, fataliste : « On voulait peut-être en faire un dossier dans le prochain numéro… s’il y a un prochain numéro ».
Puis, voici un entretien où vous pourrez voir Catherine s'exprimer directement. Il s'agit d'un nouvel épisode au titre expressif de Tout Peut Arriver, mis en ligne le 18 novembre, sur Le Média :





L'émission est proposée par le journaliste Denis Robert, l'auteur de Mohicans, un bouquin qui retrace l'histoire de "Charlie Hebdo" et de ses deux époques, tellement différentes, celle de son lancement par Cavanna et Choron et celle de sa reprise par le Philippe Val, un faux-cul dont les crocs rayent le parquet, un Petit, petit qui est allé très loin —et pas exactement sur le chemin de la liberté d'expression.


Thinkerview, le 9 janvier 2016. Interview de Denis Robert.
Thèmes abordés : Cavanna, Charlie Hebdo, Usurpateurs, Philippe Val, Denis Robert, Attentats, Traitement de l'information, Terrorisme, Etat de urgence, Education, Confiance dans l'information, Prédicateur, responsabilité de l'état, Krishnamurti, conseils, Naomi Klein.

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P.-S. - D'autres billets au sujet de Siné sur ce blog : ici, ici, ici, ici et .

jeudi 14 novembre 2019

(2019-20) 2e Journal des infos dont on parle plutôt peu...

...Car loin du psittacisme médiatique, il y a bon nombre d'événements qui nous interpellent autrement dont on ne parle que peu ou sous l'angle de la propagande unique. Nous essayons de repérer et de glaner des faits/sujets/positions en dehors de l'actu ou de l'éditocratie.
Voici notre second sommaire de cette année scolaire, pour notre conférence de rédaction médiatrice du mercredi 13 novembre 2019.

Merci à mes élèves pour leurs contributions !






Il comprend, entre autres...


Vendredi 8 novembre, un étudiant lyonnais de 22 ans, Anas K. s’est immolé par le feu devant un bâtiment du CROUS à Lyon. Des rassemblements étaient organisés ce mardi dans toute la France en solidarité. À Paris, le rassemblement s’est vite transformé en manifestation non-déclarée. 
Un reportage de Taha Bouhafs.

lundi 28 octobre 2019

ALCINE49 - Courts métrages en français

Le mardi 12 novembre, nous nous déplaçons à Alcalá pour assister à la projection des courts métrages francophones de la section "Idiomas en corto" d'ALCINE, le Festival de Cine de Alcalá de Henares, dans le cadre de sa 49e édition.
Ce sera, comme d'habitude, dans le Teatro Salón Cervantes, à 17h00. Au programme, cinq courts métrages dont quatre plutôt bouleversants, partageant un fil conducteur passablement inquiétant...


1) Roberto le canari - France, 10:15 Productions, 2017. Couleur, Fiction ; durée : 18' 20''. Réalisation et scénario de Nathalie Saugeon, avec Élodie Bouchez, David Kammenos et Keanu Peyran.

SYNOPSIS :
Un père voit l'équilibre de sa famille se fragiliser à la suite d'un accident dont est témoin son fils.



Ou comment une famille fait face à l'enterrement d'un oiseau mort qui exhume d'autres enterrements, d'autres fantasmes.


2) My Body -France, 2018. Couleur, animation sans dialogues, 2 min. Court métrage 2D réalisé par Sandralee Zinzen et Nicolas Nivesse, étudiants de 3ème année à PÔLE 3D.

SYNOPSIS :
Une adolescente se regarde dans un miroir. Elle n’aime pas ce qu’elle voit : grasse, maigre, moche, elle ressemble à un monstre. Peut-être qu’elle devrait juste faire un pas en arrière et se rendre compte qu’elle n’est pas aussi monstrueuse.


À réfléchir sur les déséquilibres et contorsions mentales déclenchant cette orgie de distorsions...


3) FORFAIT - Belgique. 2018. Couleur, fiction (drame), 16 min. Réalisation et scénario: Rémi Quodbach (Paris, 1995).

SYNOPSIS :
David, un jeune garçon de 17 ans qui vit dans un environnement difficile, a une chance de réaliser son rêve.

Il s'agit d'un film très dur où l'on réfléchit au racisme, aux familles déstructurées et aux conflits de générations. David est un ado qui cherche la reconnaissance dans un double contexte, social, à travers le sport, et familial : sa mère, d'origine africaine, est isolée et alcoolodépendante. Et il ne sait plus comment s'y prendre, comment la regagner.
Le site de "Culture" de TV5Monde lui consacre une vidéo informative et écrit à son propos :
Chaque année depuis 27 ans, le Centre Wallonie-Bruxelles à Paris organise un festival de court métrage qui porte bien son nom, « Le Court qui en dit long ». Pendant cette édition 2019, un film a particulièrement retenu l’attention : « Forfait », de Rémi Quodbach. Le jeune acteur Franck Onana, qui y joue le rôle de David, un jeune garçon de 17 ans, footballeur en devenir qui vit dans un environnement difficile, s’est vu remettre le Grand prix d’interprétation masculine. Pour son premier film, Rémi Quodbach signe une œuvre quasi autobiographique : une mère alcoolique et une passion pour le football, qu'il a récemment troquée pour celle du cinéma. (Cliquez ici pour accéder à la vidéo)


4) Têtard - France, À Perte de Vue, 2019. Couleur, Animation, 13' 39'' min. Réalisation de Jean-Claude Rozec.

SYNOPSIS :
 J’étais toute petite, mais je m’en souviens encore très bien. Papa et Maman n’y ont vu que du feu, mais moi, j’ai tout de suite su. La chose qu’il y avait dans le berceau, c’était pas mon p’tit frère. Non. C’était toi. T’avais déjà cette drôle de tête. Et puis tu puais…Hein, Têtard ?


Onirisme marécageux et sombre, malgré des couleurs bariolées, qui nous évoque Lokis ou le loup-garou...

5) LA LÉGENDE - France, 2018. Couleur, fiction, 11 min. Un Court métrage de Manon Eyriey, produit par 2.4.7. Films (247 Films).

SYNOPSIS :
Depuis l’immeuble d’en face, deux copines observent la Légende, le plus beau garçon du quartier. L'une d'elles se prépare avec soin : ce soir, elle le sait, elle va passer la nuit avec lui. Sa première nuit d'amour.

Morale : une amie vaut mieux que deux tu l'auras (la légende...).

Cliquez ici pour accéder, chez ARTE, à un échange entre Manon Eyriey et Delphine de Vigan autour du film "La légende".
Productrice de plusieurs courts et moyens métrages, Manon Eyriey est désormais réalisatrice. Pour évoquer ce premier court, « La légende », elle a invité la co-scénariste de son premier long métrage à venir, Delphine De Vigan, romancière auteure d’une dizaine de livres dont le dernier « Les Gratitudes » est paru chez Jean-Claude Lattès.

vendredi 25 octobre 2019

Travail, salaire, profit, de Gérard Mordillat et Bertrand Rothé



« La responsabilité sociale du monde des affaires consiste à augmenter ses bénéfices. »
Milton Friedman, The New York Times Magazine, le 13.09.1970


Forbes.fr a tout à fait raison, il faut éviter de se leurrer là-dessus : « Travail, salaire, profit » n'est pas une devise, mais une nouvelle série documentaire que nous devons au romancier, poète et cinéaste Gérard Mordillat et à l'économiste Bertrand Rothé. Ses quatre premiers volets ont été diffusés le 15 octobre à 20h50 sur ARTE, la chaîne publique franco-allemande.
Il s'agit d'une coproduction Archipel 33 et ARTE France de cette année 2019. Pour la réaliser, les auteurs ont interrogé 21 chercheurs d’Europe, des États-Unis, de Chine et d’Afrique sur 6 concepts fondamentaux de l’économie : le travail, l’emploi, le salaire, le capital, le profit et le marché. La série consacre un chapitre d'une cinquantaine de minutes à chaque concept. Ces épisodes seront disponibles en ligne, sur le site d'ARTE, jusqu'au 13 décembre 2019. Pour y accéder, vous n'avez qu'à cliquer sur les liens précédents.
Quant aux intervenants dans la série, en voici la liste :
Richard Arena, professeur d'économie à l'Université Côte d'Azur de Nice et chercheur au centre LATAPSES. C'est un spécialiste de l'école autrichienne et particulièrement de Carl Menger.
Christophe Darmangeat, anthropologue, Université Paris Diderot.
Philippe Askenazy, toulousain, directeur de recherche au CNRS et chercheur à l'École d'économie de Paris.
Dirk Ehnts, économiste, Technische Universität, Chemnitz (Allemagne).
Béatrice Cherrier, historienne de l'économie, Université de Cergy-Pontoise. Ses recherches portent sur l’histoire de l’économie depuis la Seconde Guerre mondiale.
Olivier Favereau, économiste, Université Paris Nanterre.
James K. Galbraith, économiste, University of Texas, Austin (États-Unis).
Armand Hatchuel, professeur et chercheur en sciences de gestion et en théorie de la conception. Ses travaux ont été, le plus souvent, menés avec d’autres chercheurs du Centre de Gestion Scientifique de Mines ParisTech.
Yann Giraud, historien de l'économie, Université de Cergy-Pontoise.
Fritz Helmedag, économiste, Technische Universität, Chemnitz (Allemagne). 
David Graeber, anthropologue et militant anarchiste étasunien, théoricien de la pensée libertaire nord-américaine et figure de proue du mouvement Occupy Wall Street. Évincé de l'université Yale en 2007, il est aujourd'hui professeur à la London School of Economics (Royaume-Uni). J'ai lu une interview où il affirme ce que j'affirme depuis très longtemps : « De plus en plus de personnes estiment que leur boulot ne devrait pas exister ».
Reinhild Kreis, historienne, Universität Mannheim (Allemagne).
Danièle Linhart, sociologue travaillant sur l'évolution du travail et de l'emploi. Elle est directrice de recherche au CNRS et professeure à l'université de Paris X.
Kako Nubukpo, économiste, Université de Lomé (Togo), il est l'auteur de L’Urgence africaine (éd. Odile Jacob).
Frédéric Lordon, philosophe et économiste, CNRS, Paris. Cité plusieurs fois dans ce blog.
Arnaud Orain, historien de l'économie, Université Paris 8, Vincennes - Saint-Denis, il a récemment publié La politique du merveilleux (Fayard, 2018).
Arthur MacEwan, économiste, University of Massachusetts, Boston (États-Unis).
Robert Pollin, économiste, University of Massachusetts, Amherst (États-Unis).
Waltraud Schelke, économiste, London School of Economics (Royaume-Uni).
Alain Supiot, juriste spécialiste du droit du travail, de la sécurité sociale et de philosophie du droit, professeur au Collège de France, Paris.
Andong Zhu, économiste, Tsinghua University, Beijing (Chine).
Bertrand Rothé a expliqué :
« Il y a des avis tranchés sur tout ! Sur l'entreprise, par exemple. Parce que cette entité entre le capital et le travail, ne peut pas faire l'unanimité. Pour Frédéric Lordon, c'est un lieu du politique. Pour d'autres, c'est un lieu de la production, un lieu d'échanges, de savoirs. Mais j'ai l'impression qu'il y a quand même aujourd'hui plus de convergences que de divergences. Dans notre série, personne ne défend la mondialisation, par exemple.
Et la convergence la plus importante - celle qui structure notre travail - , c'est l'idée que nous sommes dans une situation de crise du capitalisme, que sa forme contemporaine, le néo-libéralisme, est contestée par tous. La montée de l'extrême-droite est une des mesures de cette crise. Bien sûr, ce n'en est que la mesure, ce n'est pas la crise elle-même. La crise est celle du système de production, du système dans lequel nous vivons.»



Mordillat et Rothé ont complété leur travail par la publication d'un livre qui représente leur position vis-à-vis de ce sujet à l'amplitude plutôt considérable : Les Lois du capital, Seuil et ARTE éditions, 2019
J'en ai eu vent grâce à Là-bas.org, le site de Daniel Mermet, où —sous le titre Le salariat, cette « gigantesque prise d’otages »— ils ont été interviewés par Jonathan Duong :


« Le moteur de la mise au travail, c’est – comme le disait Marx – l’aiguillon de la faim. Nous avons là affaire à une prise d’otages. Je le dis parce que le mot "prise d’otages" est souvent employé dans le débat ordinaire, dans le commentaire médiatique, politique et éditorialiste. Et les preneurs d’otages sont soit les cheminots, soit les éboueurs, etc. À ceci près que le salariat lui-même n’est qu’une gigantesque prise d’otages. » Frédéric Lordon, qui enfile à nouveau sa casquette d’économiste pour cette série, rappelle en quoi le capitalisme, dans ses structures même, est inégalitaire, violent, destructeur. Et qu’on ne peut pas réformer le capitalisme, il faut l’abattre.
DUONG : L’apparition du salariat au XIXe siècle est concomitante de l’abolition de l’esclavage. Pourquoi on est passés de l’esclavage au salariat ? Est-ce que c’était uniquement pour des raisons morales ?
MORDILLAT : Non, il n’y avait aucune raison morale, c’était beaucoup plus commode et beaucoup plus rentable.
ARTHUR MAC EWAN, Économiste à l’Université du Massachussetts, explique dans la série : La raison est très simple, quand on y pense. Construire un canal, c’est dangereux, si un esclave meurt, vous perdez de la propriété ; perdre un esclave, c’est perdre sa possession ; si un Irlandais est tué, eh bien, on en engage un autre et vous ne perdez rien. Je suis ironique, bien évidemment, quand je dis que ce n’est pas grave de perdre un Irlandais, mais ça montre bien l’avantage du salariat.
[Sans compter que les salariés, notamment les soi-disant auto-entrepreneurs de la gig economy, pourraient ajouter que le patron capitaliste ne doit s’occuper de loger, nourrir et soigner ses salariés, alors que le négrier devait le faire, viols, mutilations et tortures à part, s’il tenait à disposer d’une force de travail vraiment opérative.]

Voici les six volets de la série (visionnables en ligne jusqu'au 13 décembre 2019) :
La série documentaire Travail, salaire, profit nous entraîne dans les arcanes de l'économie mondiale, jugée bien souvent trop opaque pour en saisir tous les tenants et les aboutissants. L'étude de cas, didactique et passionnante, est pourtant salutaire, à l'heure d'une crise massive du capitalisme, notamment via son avatar contemporain, le néolibéralisme, rejeté en bloc par une grande partie de la société. Après Jésus et l'islam, avec Jérôme Prieur, et Mélancolie ouvrière, Gérard Mordillat, accompagné de l'économiste Bertrand Rothé, signe une réflexion creusée et lucide sur cette "nouvelle religion contemporaine", via le témoignage d'économistes renommés, dont Frédéric Lordon et David Graeber.
1)  Travail, Salaire, Profit, Épisode 1 : Travail.
Série documentaire de Bertrand Rothé et Gérard Mordillat (France, 2019, 54mn)

SYNOPSIS : Certains mots sont d’un usage si courant qu’on finit par les utiliser sans en interroger le sens. Comme celui de "travail". Depuis la nuit des temps l’homme travaille : une activité qui n'a pourtant pas cessé d'évoluer depuis le paléolithique. Qu'est-ce que le travail aujourd’hui ? Est-il devenu une marchandise ? Qu'achète-t-on sur le marché du travail ? Pourquoi et comment est apparu le Code du travail ?
📜 Sommaire de l'épisode :
00:34
La notion de travail.
14:15 Le travail une marchandise
22:48 Le marché du travail
30:05 Le droit du travail, l’équilibre entre capital et travail
41:40 Le contrat de travail, une manière de légitimer le lien de subordination
Rappel : « Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné »

2)  Travail, Salaire, Profit, Épisode 2 : Emploi.
Série documentaire de Bertrand Rothé et Gérard Mordillat (France, 2019, 54mn)

SYNOPSIS : Le travail et l’emploi apparaissent souvent comme deux termes interchangeables. De façon ordinaire, aujourd’hui, c’est l’emploi qui est le plus souvent utilisé pour désigner le travail… Seraient-ils de faux jumeaux ? Étude des incroyables transformations du management contemporain, ainsi que de l’invention de l’autoentrepreneuriat comme forme moderne de l’emploi.
📜 Sommaire de l'épisode
00:33 Les différences entre le travail et emploi
11:00 La fin du taylorisme, une diversification des compétences de l’employé ?
26:41 Le passage du salariat à la relation commerciale
36:06 L’avenir de l’emploi face à l’informatisation et la robotisation
3)  Travail, Salaire, Profit, Épisode 3 : Salaire.
Série documentaire de Bertrand Rothé et Gérard Mordillat (France, 2019, 54mn)

SYNOPSIS : "Le salaire est la somme d’argent que le capitaliste paie pour un temps de travail déterminé ou pour la fourniture d’un travail déterminé." Cette citation de Marx est-elle encore valide aujourd’hui ? Après le salaire de subsistance et le salaire différé, l'on voit apparaître les notions de revenu universel ou de salaire à vie. Serait-ce la fin du salariat ?
📜 Sommaire de l'épisode
00:34 La transformation du salaire : de l’enveloppe hebdomadaire à la fiche de paie mensuelle
10:15 Le « salaire de subsistance »
13:59 La productivité marginale des travailleurs
18:28 La disparition du marché du travail
29:03 L’armée de réserve
36:16 La polarisation du marché du travail : l’accroissement des inégalités salariales et la disparition de la classe moyenne
46:58 Vers la disparition du salariat ? 
4)  Travail, Salaire, Profit, Épisode 4 : Marché.
Série documentaire de Bertrand Rothé et Gérard Mordillat (France, 2019, 54mn)

SYNOPSIS : Aujourd’hui, le marché occupe une place hégémonique dans les sciences économiques. D’Adam Smith et sa "main invisible" aux libéraux contemporains, tous y voient le principe central de l’économie. Forts d’un discours théologico-économique, ils en font un dieu incontestable. Pour les libéraux, le marché a toujours raison. Mais de la guerre commerciale à la guerre entre nations, il n’y a qu’un pas…
📜 Sommaire de l'épisode
00 :34 Le marché a toujours raison ?
10 :34Le marché et l’Etat
17 :53 Le déclin de l’interventionnisme étatique, l’hégémonie du libéralisme
28 :23 La notion de crise
38 :10 Le soutien de l’Etat, un rempart du système néo-libéral  
5)  Travail, Salaire, Profit, Épisode 5 : Capital.
Série documentaire de Bertrand Rothé et Gérard Mordillat (France, 2019, 54mn)

SYNOPSIS : Comme tous les concepts économiques, le capital a une histoire ; une histoire singulière que l'on peut raconter de bien des manières. D'autant plus que la signification de ce terme s'est transformée au rythme du changement des modes de production... Plutôt que de faire une théorie du capital, la situation contemporaine de l'économie ne nous invite-t-elle pas à faire une théorie de l'actionnariat ?
6)  Travail, Salaire, Profit, Épisode 6 : Profit.
Série documentaire de Bertrand Rothé et Gérard Mordillat (France, 2019, 54mn)

SYNOPSIS : D'où vient l'argent ? Au cours de l'histoire les thèses se sont succédées sans parvenir à conclure. Le profit est un concept fuyant. Pour Marx il était le produit d'un vol, le capitaliste volait au travailleur une part de son travail ; pour Milton Friedman, Prix Nobel d'économie, accroître les profits était l'unique responsabilité des entreprises. Entre l'enjeu financier et l'enjeu social, la querelle demeure.

mercredi 23 octobre 2019

L'audiovisuel et l'éloquence

On causait rhétorique avec mon frère, prof et balèze en la matière, et je lui demandais s'il avait vu en action un jeune collègue, docteur en Sciences Politiques, qui fait une courte section apparemment à succès sur Canal Plus, en France.
Je lui parlais de qui intervient tous les soirs sur le plateau de Clique TV pour mettre Les points sur les i au sujet d'un fait rhétorique d'actualité. Clique, à son tour, est l'émission que présente, à 19h55, le journaliste et acteur Mouloud Achour —dont l'aspiration explicite est toutefois de ne pas s'intéresser à l'actu, mais au monde actuel, tout comme de ne pas faire la course aux clics, mais aux kiffs, ou de plutôt accueillir de nouveaux visages que des visages connus.

La référence de Clément Viktorovitch me vint spontanément à l'esprit car je venais de le découvrir quelques jours avant, à travers une poignée de vidéos, et qu'il m'avait semblé particulièrement déluré : en fait, il décortique et analyse les sales coups discursifs que certains faux-culs répandent sous couleur d'expertise. Voilà, c'est exactement le sens de décrypter : traduire en clair, restituer le sens d'une parole tripatouillée. Où l'on voit bien que le prestige est nu.
C'étaient des vidéos comme celle dévoilant un tour de passe du grand captieux et très arabophobe chef de l'éducation systémique Michel Blanquer : ah, ce recours à des proverbes s'auto-accomplissant pour bétonner ses salades, cette volonté de ne pas affaiblir par des mots ce que certains bourre-mous peuvent avoir de dur ou de choquant :



...ou comme celle consacrée à une habituée des grands plateaux, honneur qu'elle doit sans aucun doute aux énormités de faf caractérisée qu'elle a toujours proférées :



C'est alors que mon frère me fit remarquer que la rhétorique semblait un tant soit peu en vogue actuellement en France et m'évoqua, tour à tour, d'abord un film d'Yvan Attal, Le brio (2017), aux critiques divisées, avec Daniel Auteuil et Camélia Jordana, puis un documentaire tourné à Saint-Denis et qu'il trouvait impressionnant, malgré la crétine traduction du titre du film en castillan ("A viva voz") et bien que lui et moi, nous n'appréciions guère ni les concours ni la téléréalité.

Camélia Jordana obtint le César du meilleur espoir féminin en 2018 pour son rôle dans Le brio. Voici la bande-annonce de ce film :

 
En ce qui concerne le documentaire cité ci-dessus, il s'agissait d'A voix haute, la force de la parole, tourné en effet à l'université Paris-VIII à Saint-Denis. La réalisation et le scénario ont été signés par Stéphane de Freitas, qui a compté sur Ladj Ly dans la coréalisation. La musique est due à Superpoze.
Quant aux dates de sortie en France, après une première diffusion sur YouTube : le 15 novembre 2016, première télévisuelle sur France 2 ; puis projection le 14 mars 2017, dans une version plus longue, au Festival de Valenciennes ; le 12 avril 2017, sortie définitive en salles.

Voici une présentation du film sur Télérama, Un puissant cri de rage, dont un extrait :
A voix haute, la force de la parole raconte l'aventure d'Eddy, Leïla, Franck, Elhadj et d'autres. Pendant six mois, ces derniers ont pris part au concours Eloquentia organisé chaque année afin d'élire « le meilleur orateur de Seine-Saint-Denis ». Une expérience où les participants, en cherchant la meilleure réplique sur des sujets sensibles, apprennent aussi sur eux-mêmes. Le documentaire invite à porter un autre regard, plus subtil, sur la jeunesse des banlieues. — Raoul Mbog
En voici la bande-annonce :

Synopsis : Chaque année à l’Université de Saint-Denis se déroule le concours “Eloquentia”, qui vise à élire « le meilleur orateur du 93 ».
Des étudiants de cette université issus de tout cursus, décident d’y participer et s’y préparent grâce à des professionnels (avocats, slameurs, metteurs en scène…) qui leur enseignent le difficile exercice de la prise de parole en public. Au fil des semaines, ils vont apprendre les ressorts subtils de la rhétorique, et vont s’affirmer, se révéler aux autres, et surtout à eux-mêmes.
Munis de ces armes, Leïla, Elhadj, Eddy et les autres, s’affrontent et tentent de remporter ce concours pour devenir « le meilleur orateur du 93 ».

mercredi 16 octobre 2019

Le premier âge du capitalisme (1415-1763), par Alain Bihr

Je viens d'acheter un gros pavé de presque 700 pages publié en septembre 2018 et signé par le sociologue français Alain Bihr. Il s'agit de Le premier âge du capitalisme (1415-1763), tome 1 : L'expansion européenne. Co-éditions Page 2 (Lausanne)-Syllepse (rue des Rigoles, 75020 Paris), impression d'août 2018. 697 pages.

 

L'auteur est professeur de sociologie à l’Université de Franche-Comté et se revendique du communisme libertaire.
Disons que Page 2 et Syllepse avaient déjà coproduit, par exemple, en 2 017, la 2e édition revue et augmentée de son essai La novlangue néolibérale. La rhétorique du fétichisme capitaliste, ouvrage aux ambitions heureusement Klempereriennes (1) dont la première édition, datée de 2007, avait paru dans les Éditions Page 2.

Le premier âge du capitalisme (1415-1763) est un ouvrage publié en trois volets qui poursuit un projet éditorial entamé par La préhistoire du capital (2006), d'après l'explication que nous fournit Alain Bihr dans son introduction générale.

Voici la présentation éditoriale de ce premier tome :
La montée en puissance contemporaine des « pays émergents », au premier rang desquels la Chine, venant après celle du Japon et des « dragons » sud-est-asiatiques (Corée, Taïwan…), oblige à réinterroger voire à réviser l’histoire du capitalisme. Et de se demander si le premier rôle, longtemps tenu par l’Europe occidentale, au sein de cette dernière n’avait été qu’un accident dont les conséquences seraient en train de s’épuiser et une parenthèse en train de se refermer.
Cet ouvrage soutient que, si l’Europe occidentale a été le berceau du capitalisme et a pu, des siècles durant, en constituer l’élément moteur et dirigeant, c’est à son emprise sur le restant du monde qu’elle l’a d’abord dû. Ce premier tome revient sur l’acte inaugural de ce processus : l’expansion dans laquelle elle s’est lancée en direction des continents américain, africain et asiatique à partir du 15e siècle et qui se poursuivra au cours des trois siècles suivants. Cet ouvrage décrit et analyse les deux formes fondamentales de cette expansion : commerciale et coloniale. Il en précise les principaux acteurs : les États et leurs agents, les compagnies commerciales, les diasporas marchandes, la foule des migrants anonymes, etc. Il en donne le résultat global : la constitution d’un premier monde centré sur l’Europe occidentale dans l’exacte mesure où c’est par elle et pour elle que les autres continents vont se trouver interconnectés et progressivement extravertis.
L’ouvrage s’attache à montrer qu’à travers les comptoirs commerciaux ouverts sur leurs côtes autant que par le biais des territoires occupés et colonisés dans leurs arrière-pays, des régions entières de ces continents ont commencé à être soumises à un processus d’exploitation et de domination. Ce processus opère par le biais du commerce forcé et déloyal, par l’échange inégal ou, plus directement encore, par la réduction au servage ou à l’esclavage de leurs populations.
Il explique ainsi comment les sociétés locales ont vu leurs propres circuits d’échange perturbés, leurs structures productives altérées, leurs pouvoirs politiques traditionnels instrumentalisés ou détruits. De la sorte, elles furent subordonnées aux exigences de la dynamique de formation du capitalisme en Europe même.
Mais, loin de verser dans une sorte de misérabilisme à l’égard des pays et populations en proie à l’expansion européenne, l’ouvrage insiste au contraire sur la résistance qu’ils ont su lui opposer, en la tenant souvent en échec. Résistance cependant inégale, fonction de leur développement historique antérieur et des structures sociales toujours singulières auxquelles il avait abouti.
C’est pourquoi l’ouvrage consacre également une grande attention à l’état de chacune des sociétés que les Européens vont aborder au cours de leur expansion. Il fournit de la sorte un panorama du monde à l’aube de cette dernière.
En dernier lieu, cette analyse de l’expansion européenne tente d’expliquer les divergences qui vont surgir entre les États européens quant au calendrier selon lequel ils vont se lancer dans cette aventure et les formes qu’ils vont y privilégier. Elle se penche également sur les rivalités et conflits qui vont les opposer et redistribuer les cartes entre eux à différentes reprises.
Enfin elle souligne les bénéfices fort inégaux que les divers États européens vont retirer de leur expansion outre-mer, dont la pleine explication est cependant renvoyée aux deux tomes suivants de l’ouvrage.
Le tome 2, paru en mars 2019, est consacré à La marche de l'Europe occidentale vers le capitalisme (808 pages) :
Dans ce deuxième tome, l’auteur analyse les voies par lesquelles se poursuit et se parachève, du 15e au 18e siècle, la transition de l’Europe occidentale du féodalisme au capitalisme, sous l’impulsion de son expansion commerciale et coloniale outre-mer. Il souligne les formes nouvelles prises par l’activité commerciale et la circulation monétaire, la formation d’un protoprolétariat, le déploiement multiforme de la manufacture, les prodromes de l’industrie automatique, l’émergence des premiers marchés proprement capitalistes, la mise en œuvre des politiques mercantilistes qui encadrent et dynamisent l’ensemble des processus précédents.
Mais loin de s’en tenir aux seuls aspects économiques de ce processus pluriséculaire, il en scrute tout aussi bien les facettes sociales, politiques et culturelles. L’ouvrage comprend donc aussi des développements consacrés à la transition d’une société d’ordres à une société de classes, à la contractualisation inégale des rapports sociaux, aux premiers pas de l’État de droit, le tout dans le cadre de monarchies qui se veulent absolues tout en étant déjà en proie, pour certaines, aux préludes des révolutions bourgeoises.
L’auteur examine donc, dans la foulée, ces révolutions culturelles majeures qu’ont été la Réforme, la Renaissance et les Lumières. Pour terminer, il relève l’importance de la formation d’un nouveau type d’individualité cultivant son autonomie, appelé à un bel avenir dans les âges ultérieurs du capitalisme.
Finalement, le tome 3, en librairies ce mois d'octobre 2019, comporte 1 500 pages et explore Un premier monde capitaliste :
Concluant sa somme sur le premier âge du capitalisme, Alain Bihr explore dans les deux volumes du troisième tome la constitution d’un premier monde capitaliste. Il en traverse les différents cercles, en partant de son centre et en progressant vers ses marges. Ainsi sont examinées les différentes puissances d’Europe occidentale qui ont été, tour à tour, motrices de l’expansion outre-mer.
Saisir les avantages respectifs dont ces puissances ont successivement tiré parti renvoie à leurs relations conflictuelles et aux rapports de force entre les ordres et classes qui les constituent. La Grande-Bretagne, s’appuyant sur les Provinces-Unies et les acquis de sa révolution bourgeoise, finit par en sortir victorieuse, au détriment de la France.
L’auteur revient également sur le statut semi-périphérique et la forte hétérogénéité des États d’Europe baltique, centrale, orientale et méditerranéenne qui, cause et effet à la fois, ne peuvent prendre part à l’expansion européenne. Toutefois, certaines d’entre elles (la Savoie, la Prusse, la Russie) pourront réunir des conditions leur permettant, par la suite, de jouer dans la «cour des grands».
L’ouvrage examine enfin les principales forces sociales marginales, affectées par l’expansion européenne mais encore capables d’y résister et, dès lors, de se développer selon leur logique propre. Ce qui explique à la fois pourquoi le capitalisme n’a pas pu naître dans la Chine des Ming et des Qing, en dépit de ses atouts évidents, et pourquoi, en se fermant, le Japon féodal a au contraire préparé les conditions de son rapide rattrapage capitaliste à l’époque Meiji.
Alain Bihr renouvelle et enrichit, grâce aux acquis historiographiques les plus récents, les intuitions et les analyses qui ont jalonné l’histoire du développement capitaliste.
La dimension narrative et descriptive n’est pas le moindre atout de ce travail.
Voici une conférence récente d'Alain Bihr sur La naissance du mode de production capitaliste à l'occasion de la sortie du deuxième volet de cet ouvrage monumental :



Conférence organisée par les Amis du Monde diplomatique de Montpellier le 9 avril 2019 à Montpellier sur La naissance du mode de production capitaliste avec Alain BIHR, professeur émérite de sociologie à l'Université de Franche-Comté.
Le deuxième volume de son histoire du capitalisme vient de paraître (Le premier âge du capitalisme (1415-1763), tome 2 : La marche de l'Europe occidentale vers le capitalisme. Co-éditions Page 2 (Lausanne)-Syllepse. 803 p.).
Le mode de production capitaliste, défini par Karl Marx dans plusieurs ouvrages, s'est développé lentement pendant la féodalité en Europe occidentale grâce aux caractéristiques particulières du mode de production féodal. Pendant l'expansion de quelques pays d'Europe occidentale, l'accroissement du capital des marchands en Asie et des propriétaires latifundiaires et esclavagistes en Amérique latine, ce proto-capitalisme européen s'est développé parallèlement par l'expropriation d'une grande masse de paysans grâce aux guerres, impôts et crédits publics organisés par les États. Avant la prise du pouvoir d'État par les capitalistes et la voie du capital industriel qu'ils vont privilégier. La thèse est confirmée par le développement du capitalisme à partir du féodalisme japonais. Pendant l'élargissement du mode de production capitaliste à des zones géographiques nouvelles et à tous les aspects de la vie, un mode de production socialiste émerge de plusieurs expériences et tâtonnements notamment l'expérience de la cotisation sociale plutôt que l'impôt et la subvention plutôt que le crédit. Il y a urgence car le mode de production capitaliste est dangereux pour l'avenir des écosystèmes de la planète et pour l'espèce humaine.
Film réalisé par Serge Tostain des AMD34. Avril 2019

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(1) Cf. Victor klemperer : LTI - Lingua Tertii Imperii: Notizbuch eines Philologen (Langue du Troisième Reich : carnet d'un philologue), 1947.

LTI (Langue du 3e Reich). La langue ne ment pas. .
Un film documentaire de Stan Neumann,
d’après les journaux de Victor Klemperer (Dresde 1933- 1945).
Coproduction : ARTE France, Les Films d’Ici (2004 - 80’).
Victor Klemperer (universitaire romaniste obligé de quitter son poste à l'université après l'arrivée d'Hitler en Allemagne) a tenu un journal tout au long de sa vie. La partie qui couvre la période nazie a été publiée en Allemagne en 1995 avant d'être traduite en 2000 en français. Dans son Journal, il mêle les détails de la vie quotidienne, les observations politiques et sociales, les réflexions sur la nature humaine et sur la nature de la langue, toutes deux perverties par le IIIe Reich. Klemperer décrit les privations, les humiliations, l'asphyxie progressive de celui qui mène une existence de paria, les disparitions successives des amis et surtout de la très grande majorité des Juifs de Dresde. Marié à une "aryenne", il lui devra la vie, les juifs allemands mariés avec des "aryens" ne devant pas être déportés. Ce documentaire raconte sa vie, son combat pour écrire son livre "LTI", une résistance intime pour survivre à cette période.