mercredi 29 août 2012

La Valls des Roms en quête de vie

Antonio Torres Heredia,
hijo y nieto de Camborios,
viene sin vara de mimbre
entre los cinco tricornios.

(Federico García Lorca, Romancero Gitano)


Suite aux vicissitudes électorales (présidentielle et législatives) de cette année 2012, la France a changé a deux reprises de pouvoir exécutif ; nous avons connu ainsi les 35e et 36e gouvernements de la Ve République française.
Dans les deux cas, par les décrets du 15 mai et du 18 juin 2012 respectivement, le nouveau président de droite de la République, François Hollande, a nommé le même Premier ministre de droite, Jean-Marc Ayrault. Oui, "de droite", car dans la démocratie libérale, plus ça alterne, plus c'est la même chose.
Dans ce genre de situations, il y a néanmoins des gens admirables qui choisissent d'employer plaisamment l'expression "gauche de droite" ; désolé, je la trouve un peu inutilement longue : on risque d'avoir à dire des énormités du type « le Premier ministre de gauche de droite de cette République d'extrême centre... », et je préfère toujours la voie la plus directe entre le mot et le concept, mis à part les vertus de la langue métaphorique.
Au demeurant, comme dans les fermes orwelliennes, il est vrai que dans tout gouvernement de droite, tous les ministres sont de droite, mais certains ministres sont plus de droite que d'autres. C'est ainsi qu'il ne fallait pas être Einstein pour savoir au préalable que Manuel Valls (maire d'Évry très blanc jusqu'au 24 mai), qui avait obtenu 5,69 % dans la primaire de son parti (le soi-disant Parti Socialiste), serait beaucoup plus à droite que d'autres, raison pour laquelle François Hollande, qui l'avait déjà nommé directeur de la communication pour sa campagne présidentielle de 2012, l'a élu ministre de l'Intérieur.
Manuel Valls est connu pour son « refus de l'assistanat » —rengaine des libéraux et des fondamentalistes chrétiens qu'il ne faut surtout pas appliquer aux instances vraiment raflantes, autrement dit les grandes fortunes et les grandes entreprises. En fait, peu après son arrivée au ministère, il déclara 
 "Etre de gauche, ce n'est pas régulariser tous les sans-papiers" (Manuel Valls).
, expression qui lui valut ce billet d'Hervé Le Tellier (Le Monde, 20/06/2012) :
Pour donner son ton, on ne dira pas que Valls a mis l'temps (c'est beaucoup moins charmant, ça ressemble à Guéant, chanterait Brel).
Il naquit à Barcelone et se naturalisa français en 1982.
Comme il souhaite « concilier la gauche avec la pensée libérale », dès qu'il devint ministre de l'Intérieur et qu'il en eut les moyens, il entama tout naturellement une croisade contre les Roms, une vraie, comme d'habitude, qui nous a permis de lire dans la presse ces derniers jours :
  1. « On expulse des Roms sans savoir où les mettre, c'est scandaleux. Si on les expulse, il faut savoir où les mettre. Ce n'est pas le cas, c'est une honte. »
    Réaction, lundi, de Mgr Gaillot à l'expulsion d'un campement rom d'Evry [Essonne, Île-de-France ; rappelez-vous : l’ancienne mairie de Manuel Valls !], dont une quarantaine d'occupants restaient regroupés dans l'après-midi devant la mairie de la commune.
    Le Monde, 28 août 2012.
  2. Un campement de Roms évacué par la police près de Lyon
    Le Monde.fr | 28.08.2012 à 10h02 • Mis à jour le 28.08.2012 à 13h47

    La police est intervenue mardi 28 août dans la matinée sur un terrain de Saint-Priest, dans le Rhône, pour en expulser environ cent quatre-vingts Roms qui y étaient installés depuis plusieurs mois à la suite d'une décision de justice. Selon la préfecture du Rhône, il y avait mardi matin seulement cent vingt et une personnes dont quarante-sept mineurs. Le terrain appartient à une société privée et, selon une source proche du dossier, la mairie de Saint-Priest était favorable à cette expulsion. La police a procédé à des contrôles d'identité sur ce vaste terrain de la banlieue lyonnaise, proche de l'usine Renault Trucks et du parc de Parilly, selon Gilberte Renard, une militante d'un collectif de soutien aux enfants des squats et membre de la Ligue des droits de l'homme (LDH).

    "ILS SONT CACHÉS ET NE GÊNENT PERSONNE"
    "Ces Roms se sont regroupés là depuis plusieurs mois, après avoir déjà été expulsés de droite et gauche, il y a plein d'enfants et de nouveau-nés", a ajouté Mme Renard, avant de préciser que "les policiers contrôlent les papiers et visitent toutes les tentes".
    Selon un autre militant associatif, "il s'agit du plus gros campement" de la région. "C'est aussi un terrain privé frappé d'une mesure d'expulsion. La mairie de Saint-Priest voudrait y construire des immeubles", a-t-il ajouté, se disant "scandalisé", car ces Roms "sont cachés et ne gênent personne". "Ce qui se passe en ce moment, c'est pire que sous la droite et Sarkozy, ils ne respectent pas les promesses du candidat Hollande alors qu'ils viennent de faire une réunion interministérielle", a-t-il encore déploré.
    La préfecture a confirmé l'opération, mais le préfet n'a pas souhaité s'exprimer sur le sujet.
  3. Réunion inter-ministérielle sur les Roms, un seul mot d’ordre: DEGAGE !

    Mediapart, le 25 août 2012. Par Philippe Alain
    Alors que Bruxelles vient de remettre la France sous surveillance en raison de sa politique d’expulsion des Roms, le gouvernement a organisé une réunion interministérielle sur les « opérations de démantèlement des campements illicites et leur accompagnement».

    Enfants Roms: l'autre tweet de Valérie

    Mediapart, 11 août 2012. Par Philippe Alain
    @Valtrier

    Je m’appelle Marcel et j’ai 7 ans. Je fais partie des 900 Roms de Lyon que monsieur Valls a décidé de jeter à la rue en application de décisions de justice dont je ne conteste nullement la légalité mais dont je voudrais porter à votre connaissance l’inhumanité.
    Je pensais tout d’abord vous envoyer moi aussi un tweet, mais devant tout ce que le gouvernement et la police nous font subir en ce moment, je n’ai pas pu me limiter à 140 caractères et je vous prie de m’en excuser. J’ai donc décidé de vous écrire une lettre. Si tout cela continue, c’est un livre que je vous enverrai.
    Il y a quelques mois, j’ai lu un de vos tweets, ou plutôt deux. Je ne veux pas vous parler de celui qui a fait les premières pages alors qu’il aurait dû être oublié mais plutôt de celui qui a été oublié alors qu’il aurait dû faire les premières pages. Vous avez écrit : « Rapport de l'Unicef: 10% d'enfants pauvres en France. Une information qui mériterait l'indignation et la Une. Pas la banalisation. »
    Tout d’abord, je voulais vous remercier pour l’attention que vous portez aux plus démunis et particulièrement aux enfants pauvres. Je voulais aussi vous signaler que selon ce même rapport de l’Unicef, le taux de pauvreté qui frappe les enfants en Roumanie n’est pas de 10%, mais de … 76%. (1) Vous comprenez sans doute pourquoi mes parents ont décidé un jour de tout quitter pour venir s’installer en France. Qu’auriez-vous fait à leur place ? Vous seriez restée en Roumanie ou vous auriez décidé de partir dans l’espoir de donner une vie meilleure à vos enfants ?
    Une vie meilleure… Quelle utopie… Depuis quelques jours, c’est un véritable enfer que je vis avec ma famille.
    Mardi matin, j’ai été expulsé « d’un campement insalubre » en application d’une décision de justice. Je ne sais pas pourquoi cette expulsion a eu lieu au mois d’août. Le jugement et le commandement de quitter les lieux ont été notifiés au mois de mai. De mauvaises langues disent que monsieur Valls a attendu le milieu de l’été pour expulser tout le monde en même temps dans l’espoir que cela passerait inaperçu.
    Toute la journée, nous avons dû marcher parce que la police nous empêchait de nous reposer et de poser nos affaires. « Ce sont les ordres » disait le chef de la police. Une voiture de policiers en civil nous a suivis partout. On s’est sentis traqués comme des bêtes. Le soir, nous avons trouvé un endroit au milieu de nulle part. Il y avait déjà des Roms qui venaient d’un autre campement expulsé. Nous avons construit des abris de fortune avec des bouts de bois et des branches. La nuit je n’ai pas dormi. J’avais peur. Il y avait beaucoup de bruits étranges. Avant nous, il y avait d’autres animaux qui occupaient cet endroit. Ils ne devaient pas être très contents que nous soyons ici. Plus personne ne veut de nous.
    (...)

    "Tuez les tous, ça ira plus vite"

    Mediapart, 10 juillet 2012. Par Philippe Alain
    A 7h30, lundi 9 juillet, la police encercle le campement situé au niveau de l’esplanade des taxis de la gare de Lyon Perrache. Plus personne n’est autorisé à rentrer ou à sortir du périmètre de sécurité.

    La Valls des charters continue

    Mediapart, 07 juillet 2012. Par Philippe Alain
    La France socialiste continue à expulser massivement par charters des roms en détournant des fonds publics de leur usage initial. Ces opérations permettent également de contourner des procédures judiciaires et de vider les campements de leurs occupants.

    Recensements, expulsions, charters: Valls marche à pas de Guéant

    Mediapart, 15 juin 2012. Par Philippe Alain
    Alors que tous les dirigeants socialistes poussent des cris d’orfraie contre Nadine Morano qui déclare publiquement qu’elle partage les mêmes valeurs que les électeurs du Front National, à Grenoble, Toulouse et Lyon, Manuel Valls, lui, applique scrupuleusement la même politique que Claude Guéant à l’égard des roms.

Et ce n'est pas tout, en la matière, car les amis de la Liberté prolifèrent. Au Canada aussi, où le gouvernement (Parti Conservateur) est prêt à considérer la détention des demandeurs d'asile roms, ces gens qui adorent souvent les marchés... Au nom du libre marché, j'imagine.

Quelle vague à Bonds, quelle Valls à mille temps sans solution, sans jugeote pour la roulotte —qui ne saurait acquérir le statut du camping-car.
Bref, retenons l'essentiel : il faut réserver l'assistanat aux nantis, aux ingenui modernes, les hommes libres de l'empire de la Finance ; quant aux autres groupes sociaux, esclaves ou affranchis (liberti), parias ou classes moyennes, qu'ils s'arrachent les miettes du festin des assistés !
Sartre disait « Quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent ». À cet égard, même Warren Buffett pourrait accepter que « Quand les riches font la guerre aux pauvres, ce sont les pauvres qui meurent ». Et l'on remarque aussi que « Quand les pauvres se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent ».

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Note du 2/09/2012 : Rue89 publie une carte qui prouve le déplacement forcé de près de 3.000 Roms depuis l'arrivée au pouvoir de François Hollande en mai 2012.

D'autre part, sachez qu'une liste de 150 métiers est définie à l’intention des ressortissants bulgares et roumains qui restent soumis à l’autorisation de travail pendant la période transitoire qui a débuté le 1er janvier 2007. Pour Consulter la liste des 150 métiers (arrêté du 18 janvier 2008 – JO du 20/01/2008), cliquez ci-contre. Pour mieux connaître les dispositions gouvernementales françaises sur les métiers en tension (sic), cliquez sur le lien. On remarquera que les gadjos sont en quête, entre autres, de géomètres qui sont souvent arpenteurs...
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Mise à jour du 25/09/2013 :

"C'est illusoire de penser qu'on règlera le problème des populations roms à travers uniquement l'insertion", a déclaré ce mardi le ministre de l'Intérieur Manuel Valls sur France Inter, assurant qu'une minorité de Roms veulent s'intégrer en France.


mercredi 15 août 2012

Témoignages. Ces Marocain(e)s qui disent non

Le 12 juillet 2012, le magazine marocain TelQuel donnait la parole à des Marocains pas comme les autres du fait qu'ils acceptent d'exprimer, à visage découvert, des pensées et des sentiments passablement hérétiques ; leur vie est résistance :

Témoignages. Ces Marocain(e)s qui disent non

Si tout ce qui horripile les tribus, toutes les tribus, est bien votre violon d'Ingres, cliquez ici pour lire.