jeudi 28 juillet 2011

Oslo vu de France

Plutôt peinard, au bord du Douro -le Durius portugais-, loin du bruit, en vacances, je peine à penser cette nouvelle atrocité qui a eu lieu cette fois-ci en Norvège. Vu la mouvance triomphante et le bouillon de culture qu'elle promeut, on n'a de quoi franchement s'étonner.
Voici quelques réflexions pertinentes là-dessus, si toujours est-il qu'il vous en faut. Les liens qui suivent vous renvoient aux sites...

du MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples)
(...) Le MRAP réaffirme que si l’acte du déséquilibré est un acte purement individuel, il s’est nourri idéologiquement d’un terreau alimenté par tous ceux qui, en Europe, stigmatisent les immigrés, les étrangers, les musulmans.
Le MRAP affirme que les déclarations de la présidente du Front National théorisant sur l’occupation musulmane ainsi que l’obsession de la "Droite populaire" contre les bi-nationaux font souffler un vent mauvais sur la démocratie.
Le Front National et la "Droite populaire", si proches idéologiquement, tentent de gommer la dimension raciste du drame norvégien pour la réduire à un acte de déséquilibré apolitique, mais les faits sont têtus.
Il suffit de consulter la vidéo ayant précédé le drame pour constater que Anders Behring Breivik a largement fait appel à des ressources visuelles disponibles dans le marigot internet de l’extrême-droite, notamment française. Ses thèmes et obsessions anti-immigrés ou musulmanophobes sont communs à toute l’extrême-droite. (...)

d'Agoravox, le média citoyen
Le FN et l’attentat d’Oslo : curieuse réaction
Curieusement, sur le site Internet du FN, le lendemain du drame norvégien, c'était après un laconique communiqué de presse qu'avait échu à Bruno Gollnish, désormais simple député européen, le rôle de commenter les attentats en Norvège, sous le titre "vers un nouveau Carpentras". Depuis, la leadeuse du FN a touché son clavier pour condamner le MRAP, organisation antiraciste ayant publié un texte pour appeler à "plus de vigueur et de responsabilité contre la xénophobie et le rejet de l’« Autre »".
Avant de revenir sur le communiqué embrouillé de Gollnish, il convient de dénoncer l'habituel retournement de situation dont sait si bien user Marine Le Pen. Elle accuse le MRAP de récupèrer "un événement terriblement douloureux pour tenter de créer la confusion dans les esprits", sans " [la] décence de respecter la douleur des familles des victimes". Combien de faits divers le FN a scabreusement exploité pour nourrir sa propagande islamophobe et sécuritaire ? Il s'agit là d'un drame national ayant fait des dizaines de victimes.
Gollnish, lui, fait l'amalgame avec Carpentras. En 1990, la profanation scabreuse du cimetière juif de Carpentras avait effectivement suscité un vif émoi auprès d'une population française beaucoup plus antiraciste qu'aujourd'hui (désormais les profanation de cimetières juifs ou musulmans sont classées comme des faits divers). Les idées d'extrême droite étaient dénoncées dans un contexte de montée électorale du FN. Ce dernier avait alors crié à la manipulation, soulignant d'ailleurs ses liens avec une partie de la communauté juive. Des rumeurs faisant passer de jeunes bourgeois amateurs de jeux de rôle comme les auteurs ont été relayées dans les émissions tv à sensation, puis jusque dans les palais de justice par maître Collard (hé oui déjà lui !!). Bien plus tard, les auteurs ont été démasqués, jugés, puis condamnés ; il s'agissait en fait de membres d'un groupe d'extrême droite. Pendant un moment, le FN avait alors fait profil bas.
Aussi, feignant de ne pas comprendre que ce sont les idées haineuses diffusées par les partis d'extrême droite, plutôt qu'une étiquette, qui ont été et sont encore mises en cause, Gollnish écrit "selon un procédé d’amalgame bien connu, on tentera d’assimiler des mouvements politiques nationaux qui n’ont rien à voir, ni de près ni de loin, avec cet horrible massacre.". Toutefois, il affirme plus loin "De l’attentat de la synagogue de la rue Copernic à la profanation de Carpentras, il ne manque pas de manipulations contre la droite nationale et les défenseurs des valeurs traditionnelles", reconnaissant ainsi paradoxalement le lien qui unit son parti aux idées qu'il propage. Evidemment, quand Gollnish parle "défense des valeurs traditionnelles", il faut entendre préference nationale, ordre social, société hiérarchisée et baillonnée, chrétienne intégriste, bref la France d'avant 1789, voire celle de la Gaule ou de la préhistoire tant le concept moteur du FN "français de souche" est complétement arriéré. (...)
de SOS Racisme
Le drame sanglant qui s’est abattu sur la Norvège pose à l’évidence la responsabilité morale des forces politiques et intellectuelles qui, en Europe et depuis plusieurs années, ont patiemment contribué à hystériser le débat sur les musulmans et sur l’immigration. Jouant des procédés intellectuels les plus sordides, alliant le mensonge à la sophistique la plus nauséabonde, ces forces ont contribué à développer un climat de paranoïa des plus inquiétants dans certains secteurs de la société, offrant une vision du monde dans lequel l’invasion migratoire et musulmane devrait pousser les Européens « de souche » à entrer en résistance pour sauver leur espace de vie.
N’est-ce pas d’ailleurs dans cette logique poussée à son point le plus extrême que l’assassin norvégien s’est lancée ?
Face à un tel choc, on aurait pu penser, sans doute naïvement, que le Front national, dans sa prétendue « mue républicaine », se lancerait dans une introspection salutaire sur la responsabilité des discours dans les actes qui se déploient dans nos sociétés.
Au lieu de cela, ce parti a adopté deux attitudes également condamnables : des tentatives d’ « explication » ou de justification exprimées par des cadres du Front National, dont Monsieur Ozon, l’un des principaux conseillers de Marine Le Pen. Et, de façon plus massive, un silence gêné, aussi bien sur la caractérisation du drame norvégien que dans la réaction qu’on aurait été en droit d’entendre d’un parti aux prétentions de respectabilisation face à des sorties, en son sein, fondées sur la haine de l’Autre.
On dit que le FN a changé par le fait que la Seconde Guerre mondiale est de moins en moins une référence pour la nouvelle génération de cadres. Mais, manifestement, Seconde Guerre mondiale ou pas, la haine de l’Autre reste bien le fond de commerce sur lequel l’extrême droite française entend prospérer.
Dans cet ordre de choses, et dans ce même ordinateur portugais, je lis (dans une dépêche du Monde) :
Un an après le déclenchement d'une politique d'expulsion massive, les reconduites de Roms à la frontière se poursuivent et la précarité de ceux qui restent en France s'aggrave, affirme Médecins du monde.
Vous pouvez cliquer sur le lien pour vérifier que certaines habitudes ne nous font jamais de vacances, surtout pas en juillet, justement, car l'estivalitude les rend encore plus praticables : qui s'en soucie ? Et puis les gadjos bien blancs, ça raffole de production, à foison et dans toutes les saisons.


Manuel Alvess, Propreté de Paris, 1997-2007. Museu Serralves, Porto.

vendredi 15 juillet 2011

Le sport, chouchou de l'Économie

À Madrid, les pouvoirs en place suppriment 2.200 postes de professeurs (1) pour la rentrée 2011-2012 et lancent la candidature de la capitale à l'organisation des Jeux Olympiques d'été 2020 -pour la troisième fois d'affilée, après avoir échoué pour ceux de 2012 et 2016. Oui, c'est encore l'Économie, mes chers amis, doublée de bourrage de crâne : du beurre dans les épinards. Ah, la gagne...
Pour mieux nous repérer tous en la matière, je vous suggère de réfléchir à ce qui se passe en Afrique du Sud, un pays où le parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC en anglais), décida un jour de trahir sa célèbre Freedom Charter (Charte de la Liberté), adoptée en 1955 et oubliée au pouvoir pour des raisons économiques. Si vous voulez savoir où sont passées les revendications sociales après la fin de l'apartheid, formellement aboli en 1991, sachez par exemple que 60 000 Blancs possèdent toujours 80 % des surfaces cultivables du pays, que le nombre de personnes vivant en dessous du seuil d'extrême pauvreté a doublé en dix ans et que la séropositivité au VIH ne cesse d'augmenter, parmi les plus pauvres essentiellement.  
Mais, bien entendu, l'Afrique du Sud a été enchantée d'organiser la coupe du monde de football 2010, celle d'Andrés Iniesta et compagnie, vous savez. Un spectacle très joli, ravissant de couleurs, exaltant et fort bien organisé dont les retombées sont décrites dans un article que Laura-Julie Perreault a publié le 12 juillet dans La Presse, où l'on constate les factures des fractures sociales et que c'est le parti pognoniste, celui qui lave plus blanc, qui en fait toujours et partout son beurre :
Il y a un an, presque jour pour jour, les Sud-Africains célébraient le succès de la Coupe du monde de soccer qu'ils ont accueillie du 11 juin au 11 juillet 2010. Un an plus tard, cependant, la fête a laissé la place à une gueule de bois économique et sociale, estime un sociologue.
Les one-night stands. En français, les «coups d'un soir». C'est ainsi que beaucoup de cyniques ont surnommé l'an dernier la dizaine de stades ultramodernes construits pour la Coupe du monde de soccer d'Afrique du Sud.
«Et vous savez quoi? Nous avions raison! Ces stades sont devenus des éléphants blancs qui drainent nos ressources», s'exclame aujourd'hui un de ces cyniques.
Professeur à l'Université de Johannesburg et militant des droits de la personne, Salim Vally avait accordé une entrevue à La Presse l'an dernier, six mois avant la tenue de l'événement sportif le plus suivi de la planète.
Il avait prédit que l'événement se déroulerait sans heurts et que les oiseaux de malheur qui prédisaient des centaines d'assassinats de touristes allaient s'en mordre les doigts. Sur ce point, Salim Vally est heureux d'avoir vu juste. «Il y avait un bon fond de racisme sous ces prédictions», croit-il.
N'ont pas eu lieu non plus les pogroms appréhendés par les médias. Plusieurs s'attendaient à ce qu'au lendemain du Mondial, les Sud-Africains les plus pauvres s'en prennent aux immigrants originaires des autres pays d'Afrique. «Ce n'est pas arrivé. En partie parce que le mouvement social sud-africain a travaillé très fort avec les communautés immigrantes pour prévenir le pire», estime à ce sujet Salim Vally, rencontré récemment lors de son passage à Montréal.
Que le pays n'ait pas basculé dans la violence ne veut pas dire pour autant que tout roule rondement dans l'Afrique du Sud post-Coupe du monde, met cependant en garde M. Vally. «Très clairement, cette Coupe du monde était pour montrer à tout le monde que tout va bien en Afrique du Sud et que nous sommes capables d'organiser le plus important événement sportif du monde. Mais pour ce qui est des promesses faites aux gens de créer de nouveaux emplois, de stimuler l'économie, tout ça, c'était faux», affirme-t-il.
Selon lui, les dépenses colossales de 4 milliards de dollars pour la Coupe du monde coûtent aujourd'hui cher à la société sud-africaine, qui doit maintenant payer la facture. Les hausses de salaire promises ne se sont jamais matérialisées. Les emplois créés pour l'événement ont presque tous disparu. Le taux de chômage réel frôle les 40%.
«Les infrastructures qui ont été construites pour la Coupe desservent surtout les stades et profitent surtout à la classe moyenne», ajoute M. Vally.
Résultat: l'Afrique du Sud a connu au cours de la dernière année les plus grandes grèves de son histoire post-apartheid. «Pour la première fois depuis le retour de la démocratie, le Congrès national africain, les leaders de l'ANC (anciennement dirigé par Nelson Mandela) font face à de dures critiques. Il y a de plus en plus de manifestations», souligne Salim Vally.
Que devrait faire le gouvernement pour redresser la situation? Pour répondre à cette question, Salim Vally se tourne vers la Coupe du monde. «Si le gouvernement a été capable d'organiser un événement aussi grandiose que la Coupe du monde, il devrait aujourd'hui utiliser les mêmes moyens pour combattre la pauvreté et la corruption.»

P.-S. : Nelson Mandela est mort le 5 décembre 2013.
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(1) Les professeurs indignés sont priés de se rendre à une assemblée qui aura lieu le mercredi 20 juillet dans le IES BEATRIZ GALINDO à 11h30. Je vous préviens que la défense de l'école publique à Madrid relève aujourd'hui de l'héroïsme, attendu qu'elle est dirigée par ses ennemis, qui la bousillent et la mettent à l'index sans ménagement : êtes-vous au courant du cas Carmen Robles ? Cliquez ici et (sous la mini-image de la Liberté guidant le Peuple) pour vous mettre au courant. Les affaires sont les affaires : il faut lésiner sur l'instruction publique mais non sur la répression.
On dirait que nous vivons, à la manière espagnole, un cas qui renvoie aux arômes des activités de John Snobelen en tant que ministre de l'Éducation nationale du Canada en 1995. En voici une description en anglais extraite de Wikipédia :
The Progressive Conservatives won a majority government in the 1995 election, and Snobelen was appointed as Minister of Education and Training in Mike Harris's government on June 26, 1995. Shortly after his appointment, Snobelen was filmed arguing that the PC government needs to "bankrupt" and to create a "useful crisis" in the education system so as to initiate significant reforms. This controversy provoked several calls for his resignation, and further unsettled the relationship between the government and the teaching community, which were already tense after the previous NDP administration unilaterally imposed a Social Contract.
In 1997, Snobelen introduced Bill 160, which gave the province control of municipal education taxes, introduced standardized testing, cut teaching preparation time, allowed the government to determine class sizes and granted early retirement initiatives to older, more experienced teachers. Critics argue that the purpose of this bill was to cut education spending, and reduce the power of the teachers' unions in order to privatize Ontario's public education system (Klein, Naomi, The Shock Doctrine). The education restructuring, along with other cuts to government spending, was expected to significantly reduce the province's deficit. Community organizations, teachers and leaders of the provincial unions criticized the bill not only as an attack on local control of public schools and on union bargaining influence, but also as unnecessarily confrontational and as threatening the quality of Ontario's education system.

NOTE POSTÉRIEURE :


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jeudi 14 juillet 2011

Un texte pour le 14 juillet 2011

J'ai déjà cité dans ce blog un livre d'Hervé Kempf intitulé Comment les riches détruisent la planète (Seuil, 2007). Kempf a publié plus tard, Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, Seuil 2009. Il est journaliste engagé, écrit dans Le Monde et a fondé Reporterre (pour en savoir plus, cliquez sur le lien), en bon « objecteur de croissance ».
Comme il a très bien étudié l'empire obèse qui nous fait valser, et au-delà de certaines discrépances, je conseille vivement Comment les riches..., un excellent résumé (150 pages) de ce qui nous arrive socialement et planétairement, donc individuellement. Il se peut au demeurant que cette lecture vous pousse enfin à une découverte plus fine de Thorstein Veblen, dont la Théorie de la classe de loisir est à la base de l'analyse de Kempf.

Voici un extrait du livre de Kempf, tiré de son introduction, qui encadre parfaitement le vrai enjeu de notre temps. Écologie ? Justice sociale ? Pure logique, préciserait certainement le Michel Rio de La Terre Gaste. Écologie, Justice sociale, Logique : même combat.
Bonne lecture.
(...), je fais aujourd'hui deux constats :
- la situation écologique de la planète empire à une allure que les efforts de millions de citoyens du monde conscients du drame mais trop peu nombreux ne parviennent pas à freiner ;
- le système social qui régit actuellement la société humaine, le capitalisme, s'arc-boute de manière aveugle contre les changements qu'il est indispensable d'opérer si l'on veut conserver à l'existence humaine sa dignité et sa promesse.
Ces deux constats me conduisent à jeter mon poids, aussi infime soit-il, dans la balance, en écrivant ce livre court et aussi clair qu'il est possible de l'être sans trop simplifier. On y lira une alarme, mais surtout un double appel, sans le succès duquel rien ne sera possible : aux écologistes, de penser vraiment le social et les rapports de force ; à ceux qui pensent le social, de prendre réellement la mesure de la crise écologique, qui conditionne aujourd'hui la justice.

Le confort dans lequel baignent les sociétés occidentales ne doit pas nous dissimuler la gravité de l'heure. Nous entrons dans un temps de crise durable et de catastrophes possibles. Les signes de la crise écologique sont clairement visibles, et l'hypothèse de la catastrophe devient réaliste.
Pourtant, on prête au fond peu d'attention à ces signes. Ils n'influencent pas la politique ni l'économie. Le système ne sait pas changer de trajectoire. Pourquoi ?
Parce que nous ne parvenons pas à mettre en relation l'écologie et le social.
Mais on ne peut comprendre la concomitance des crises écologique et sociale si on ne les analyse pas comme les deux facettes d'un même désastre. Celui-ci découle d'un système piloté par une couche dominante qui n'a plus aujourd'hui d'autre ressort que l'avidité, d'autre idéal que le conservatisme, d'autre rêve que la technologie.
Cette oligarchie prédatrice est l'agent principal de la crise globale.
Directement par les décisions qu'elle prend. Celles-ci visent à maintenir l'ordre établi à son avantage, et privilégient l'objectif de croissance matérielle, seul moyen selon elle de faire accepter par les classes subordonnées l'injustice des positions. Or la croissance matérielle accroît la dégradation environnementale.
L'oligarchie exerce aussi une influence indirecte puissante du fait de l'attraction culturelle que son mode de consommation exerce sur l'ensemble de la société, et particulièrement sur les classes moyennes. Dans les pays les mieux pourvus comme dans les pays émergents, une large part de la consommation répond à un désir d'ostentation et de distinction. Les gens aspirent à s'élever dans l'échelle sociale, ce qui passe par une imitation de la consommation de la classe supérieure. Celle-ci diffuse ainsi dans toute la société son idéologie du gaspillage.
Le comportement de l'oligarchie ne conduit pas seulement à l'approfondissement des crises. Face à la contestation de ses privilèges, à l'inquiétude écologiste, à la critique du libéralisme économique, il affaiblit les libertés publiques et l'esprit de la démocratie.
Une dérive vers un régime semi-autoritaire s'observe presque partout dans le monde. L'oligarchie qui règne aux États-Unis en est le moteur, s'appuyant sur l'effroi provoqué dans la société américaine par les attentats du 11 septembre 2001.
Dans cette situation, qui pourrait conduire soit au chaos social, soit à la dictature, il importe de savoir ce qu'il convient de maintenir pour nous et pour les générations futures : non pas la « Terre », mais les « possibilités de la vie humaine sur la planète », selon le mot du philosophe Hans Jonas, c'est-à-dire l'humanisme, les valeurs de respect mutuel et de tolérance, une relation sobre et riche de sens avec la nature, la coopération entre les humains.
Pour y parvenir, il ne suffira pas que la société prenne conscience de l'urgence de la crise écologique -et des choix difficiles que sa prévention impose, notamment en termes de consommation matérielle. Il faudra encore que la préoccupation écologique s'articule à une analyse politique radicale des rapports actuels de domination. On ne pourra pas diminuer la consommation matérielle globale si les puissants ne sont pas abaissés et si l'inégalité n'est pas combattue. Au principe écologiste, si utile à l'époque de la prise de conscience - « Penser globalement, agir localement » -, il nous faut ajouter le principe que la situation impose : « Consommer moins, répartir mieux. »