Pour mieux nous repérer tous en la matière, je vous suggère de réfléchir à ce qui se passe en Afrique du Sud, un pays où le parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC en anglais), décida un jour de trahir sa célèbre Freedom Charter (Charte de la Liberté), adoptée en 1955 et oubliée au pouvoir pour des raisons économiques. Si vous voulez savoir où sont passées les revendications sociales après la fin de l'apartheid, formellement aboli en 1991, sachez par exemple que 60 000 Blancs possèdent toujours 80 % des surfaces cultivables du pays, que le nombre de personnes vivant en dessous du seuil d'extrême pauvreté a doublé en dix ans et que la séropositivité au VIH ne cesse d'augmenter, parmi les plus pauvres essentiellement.
Mais, bien entendu, l'Afrique du Sud a été enchantée d'organiser la coupe du monde de football 2010, celle d'Andrés Iniesta et compagnie, vous savez. Un spectacle très joli, ravissant de couleurs, exaltant et fort bien organisé dont les retombées sont décrites dans un article que Laura-Julie Perreault a publié le 12 juillet dans La Presse, où l'on constate les factures des fractures sociales et que c'est le parti pognoniste, celui qui lave plus blanc, qui en fait toujours et partout son beurre :
Il y a un an, presque jour pour jour, les Sud-Africains célébraient le succès de la Coupe du monde de soccer qu'ils ont accueillie du 11 juin au 11 juillet 2010. Un an plus tard, cependant, la fête a laissé la place à une gueule de bois économique et sociale, estime un sociologue.
Les one-night stands. En français, les «coups d'un soir». C'est ainsi que beaucoup de cyniques ont surnommé l'an dernier la dizaine de stades ultramodernes construits pour la Coupe du monde de soccer d'Afrique du Sud.
«Et vous savez quoi? Nous avions raison! Ces stades sont devenus des éléphants blancs qui drainent nos ressources», s'exclame aujourd'hui un de ces cyniques.
Professeur à l'Université de Johannesburg et militant des droits de la personne, Salim Vally avait accordé une entrevue à La Presse l'an dernier, six mois avant la tenue de l'événement sportif le plus suivi de la planète.
Il avait prédit que l'événement se déroulerait sans heurts et que les oiseaux de malheur qui prédisaient des centaines d'assassinats de touristes allaient s'en mordre les doigts. Sur ce point, Salim Vally est heureux d'avoir vu juste. «Il y avait un bon fond de racisme sous ces prédictions», croit-il.
N'ont pas eu lieu non plus les pogroms appréhendés par les médias. Plusieurs s'attendaient à ce qu'au lendemain du Mondial, les Sud-Africains les plus pauvres s'en prennent aux immigrants originaires des autres pays d'Afrique. «Ce n'est pas arrivé. En partie parce que le mouvement social sud-africain a travaillé très fort avec les communautés immigrantes pour prévenir le pire», estime à ce sujet Salim Vally, rencontré récemment lors de son passage à Montréal.
Que le pays n'ait pas basculé dans la violence ne veut pas dire pour autant que tout roule rondement dans l'Afrique du Sud post-Coupe du monde, met cependant en garde M. Vally. «Très clairement, cette Coupe du monde était pour montrer à tout le monde que tout va bien en Afrique du Sud et que nous sommes capables d'organiser le plus important événement sportif du monde. Mais pour ce qui est des promesses faites aux gens de créer de nouveaux emplois, de stimuler l'économie, tout ça, c'était faux», affirme-t-il.
Selon lui, les dépenses colossales de 4 milliards de dollars pour la Coupe du monde coûtent aujourd'hui cher à la société sud-africaine, qui doit maintenant payer la facture. Les hausses de salaire promises ne se sont jamais matérialisées. Les emplois créés pour l'événement ont presque tous disparu. Le taux de chômage réel frôle les 40%.
«Les infrastructures qui ont été construites pour la Coupe desservent surtout les stades et profitent surtout à la classe moyenne», ajoute M. Vally.
Résultat: l'Afrique du Sud a connu au cours de la dernière année les plus grandes grèves de son histoire post-apartheid. «Pour la première fois depuis le retour de la démocratie, le Congrès national africain, les leaders de l'ANC (anciennement dirigé par Nelson Mandela) font face à de dures critiques. Il y a de plus en plus de manifestations», souligne Salim Vally.
Que devrait faire le gouvernement pour redresser la situation? Pour répondre à cette question, Salim Vally se tourne vers la Coupe du monde. «Si le gouvernement a été capable d'organiser un événement aussi grandiose que la Coupe du monde, il devrait aujourd'hui utiliser les mêmes moyens pour combattre la pauvreté et la corruption.»
P.-S. : Nelson Mandela est mort le 5 décembre 2013.
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(1) Les professeurs indignés sont priés de se rendre à une assemblée qui aura lieu le mercredi 20 juillet dans le IES BEATRIZ GALINDO à 11h30. Je vous préviens que la défense de l'école publique à Madrid relève aujourd'hui de l'héroïsme, attendu qu'elle est dirigée par ses ennemis, qui la bousillent et la mettent à l'index sans ménagement : êtes-vous au courant du cas Carmen Robles ? Cliquez ici et là (sous la mini-image de la Liberté guidant le Peuple) pour vous mettre au courant. Les affaires sont les affaires : il faut lésiner sur l'instruction publique mais non sur la répression.
On dirait que nous vivons, à la manière espagnole, un cas qui renvoie aux arômes des activités de John Snobelen en tant que ministre de l'Éducation nationale du Canada en 1995. En voici une description en anglais extraite de Wikipédia :
The Progressive Conservatives won a majority government in the 1995 election, and Snobelen was appointed as Minister of Education and Training in Mike Harris's government on June 26, 1995. Shortly after his appointment, Snobelen was filmed arguing that the PC government needs to "bankrupt" and to create a "useful crisis" in the education system so as to initiate significant reforms. This controversy provoked several calls for his resignation, and further unsettled the relationship between the government and the teaching community, which were already tense after the previous NDP administration unilaterally imposed a Social Contract.
In 1997, Snobelen introduced Bill 160, which gave the province control of municipal education taxes, introduced standardized testing, cut teaching preparation time, allowed the government to determine class sizes and granted early retirement initiatives to older, more experienced teachers. Critics argue that the purpose of this bill was to cut education spending, and reduce the power of the teachers' unions in order to privatize Ontario's public education system (Klein, Naomi, The Shock Doctrine). The education restructuring, along with other cuts to government spending, was expected to significantly reduce the province's deficit. Community organizations, teachers and leaders of the provincial unions criticized the bill not only as an attack on local control of public schools and on union bargaining influence, but also as unnecessarily confrontational and as threatening the quality of Ontario's education system.
NOTE POSTÉRIEURE :
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