dimanche 15 août 2010

Voyage dans les Alpes 4

Dimanche 9 mai 2010.




Départ d'Annecy pour Chamonix Mont-Blanc (101 km à l'Est). Nous empruntâmes l'A-40, l’Autoroute Blanche, escortée un bon moment à droite par la chaîne des Aravis. Et puis, un peu plus tard, juste devant nous, le spectacle du massif du Mont-Blanc était toute une promesse...
Comme apéro, cliquez ici pour lire le Récit d'une Ascension du Mont Blanc.






Près de notre but, il était vraiment inquiétant de voir les langues de neige, disons des mini glaciers, qui étaient presque à même la route et menaçaient celle-ci et les maisons avoisinantes (1).
Arrivés à Chamonix, nous marchâmes vers les guichets de la Gare du Montenvers afin de retirer les forfaits qu'avait réservés Maite. Nous allions tous découvrir ensemble la Mer de Glace.
Ensuite le gros du groupe monterait à l'Aiguille du Midi en utilisant son téléphérique, une prouesse technique composée de deux bennes et une station intermédiaire située au Plan de l'Aiguille. Cette ascension risque de déclencher chez d'aucuns des maux de tête à cause du changement vertigineux d'altitude qu'on opère en moins de vingt minutes. C'est pour cela qu'une petite représentation de notre bande resta à Chamonix... et mangea très bien.
En tout cas, nous eûmes la chance de visiter Chamonix et le massif du Mont-Blanc en toute tranquillité, compte tenu du nombre impressionnant de touristes que peuvent rassembler ces lieux dans d'autres saisons. Nos calmes compères touristes étaient d'ailleurs, pour la plupart, asiatiques.


La Mer de Glace est un glacier situé sur la face nord du massif du Mont-Blanc (Alpes), formé de la jonction de trois glaciers plus petits : le glacier de Leschaux, le glacier du Tacul, qui réunit la vallée Blanche et le glacier du Géant, et le glacier du Talèfre. Il mesure au total 7 kilomètres de long et son épaisseur est d'environ deux cents mètres. Pour avoir le plaisir de le connaître, mieux vaut prendre le train à crémaillère du Montenvers qui vous dépose sur un belvédère au panorama inoubliable.
Après avoir joui des vues que procure cette plateforme aménagée sur la Mer de Glace, de sa petite et très humide galerie des cristaux, nous prîmes tous la télécabine —desservie par le Train du Montenvers— qui permet de descendre en douceur au bord du glacier. C'est là que l’on a creusé des grottes dont une ouverte au public.
 C'est une espèce d'igloo géant dans l'intérieur duquel on a taillé, en glace, une cheminée, des chambres, des sculptures (un ours)...






Puis nous rentrâmes à Chamonix pour amorcer la montée vers l’Aiguille du Midi (3842 m)... en téléphérique.
Avant de prendre la première télébenne, la journée s'était estompée et tout le massif était recouvert par un coton nuageux ; ce jour-ci, nous eûmes droit à grand nombre d’images Gerhard Richter, série alpine, tantôt plus ou moins figuratives, tantôt disons dégradées, voire proches de l'abstraction :




Hermétisme blanc, vent invisible, neige vierge, air enivrant, plénitude...

Le temps nous délivra un tant soit peu des épaisses brumes et l'euphorie se fit coup de boule (de neige)...


De retour à Annecy, nous traversâmes St-Gervais, ville qui était autrefois le noyau huppé de la région et qui symbolise donc, si j'ose dire (car comparaison n'est pas raison), le chic déchu des bons vieux temps : nous nous arrêtâmes à Megève (à 35 kms de Chamonix), sa remplaçante du point de vue du statut social, où la pluie redoubla de plus belle.


Plus tard, nous reprîmes la route, la D1212, vers Sallanches ; de nouveau, dégustation de la belle Vallée de l’Arve, rivière alpine qui se jette dans le Rhône à un kilomètre à l'Ouest du lac Léman. Un panneau autoroutier nous rappela la proximité d'un « haut lieu de la Résistance » : Les Glières.

(1) À ce sujet, nous avons lu récemment, dans Le Monde du 29 juillet 2010 :
Le Mont Blanc en chantier
Des travaux de sécurisation d'un glacier ont été lancés pour éviter qu'une poche d'eau n'inonde la vallée de Saint-Gervais. Une catastrophe de même nature avait fait 175 morts en 1892.

D'autres chapitres de cette histoire :

jeudi 12 août 2010

Canal-U, ses vidéos éducatives, Hagège et la diversité des langues

Canal-U, la vidéothèque numérique de l'enseignement supérieur, portail dépendant du ministère français de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, propose en accès libre plus de 5 000 vidéos sélectionnées par les Universités Numériques Thématiques. Les thématiques UNT actuelles répondent à la classification suivante :
Les requêtes s'effectuent par thème - droit, économie, lettres, sciences... -, par discipline ou par niveau (inscription au préalable). À signaler aussi, dans ce domaine des espaces vidéo éducatifs, YouTube Edu, la rubrique de YouTube dédiée aux chaînes de grandes universités, avec des conférences en ligne, des reportages ou tout simplement -on s'en doutait- des vidéos promotionnelles.

Au sujet de Canal-U, je vous insère ici un échantillon en matière d’amour des langues : Le monde et la diversité des langues, conférence prononcée le 5 mai 2010 par Claude Hagège (chercheur en linguistique, professeur au Collège de France), organisée par l'Institut de Recherche Pluridisciplinaire en Arts, Lettres et Langues (IRPALL), l'UFR des langues et le Conseil Scientifique de l'Université Toulouse II-Le Mirail, dans le cadre du programme "Les mercredis de la connaissance", à l’Université Toulouse II-Le Mirail. Elle est suivie d'un débat avec l'auditoire (min. 66:35), animé par Solange Hibbs, Jean-Louis Breteau et François-Charles Gaudard, professeurs à l'Université Toulouse II-Le Mirail. Hagège encouragea son public à lui poser des questions dans n'importe quelle langue... sauf en anglais, langue qu'on nous inflige, sans égard ni pitié, à tout bout de champ.
Synthèse officielle de la conférence :

Selon les estimations, on compte, dans le monde contemporain, entre cinq mille et sept mille langues différentes, compte non tenu des dialectes et usages régionaux. Ces langues sont rangées en un certain nombre de familles, de l’indo-européenne à la sino-tibétaine, en passant par l’ouralienne, la sémitique, l’africaine, l’amérindienne, etc. Les langues appartenant à une même famille peuvent, néanmoins, être typologiquement très différentes. Certains esprits, hier comme aujourd’hui, prônent une unité linguistique, qui se réaliserait autour d’une langue unique, réputée faciliter les échanges à travers le monde. En réalité, aucune langue n’a jamais eu de diffusion mondiale, qui soit de nature à faire qu’elle supplante toutes les autres, et il ne semble pas, malgré ce qui est déclaré ici ou là, que l’anglais ait aujourd’hui cette vocation. En effet, face à sa présence sur les cinq continents, on voit s’affirmer des langues fortement promues par les pays où elles se parlent, de l’allemand au portugais, de l’espagnol au chinois, et de l’arabe au français, lequel prend tout naturellement sa place dans ce concert en faveur de la diversité linguistique du monde.
Ah, à propos de patois, dialectes et autres parlers, Claude Hagège tint heureusement à souligner un fait humain qu’il faut bien se mettre dans la tête : « tous les modes d’expression humains, quels qu’ils soient, sont des langues, et « patois », « dialecte », etc. ne sont pas des termes linguistiques, sont des termes sociaux, ou sociolinguistiques, mais il s’agit naturellement de langues, au même titre que n’importe quelle langue de vieille tradition écrite comme le sont l’allemand, le français, l’espagnol et quelques autres langues. »


mercredi 11 août 2010

Reportages sur les gitans, par la Télélibre



Téléchargé par latelelibre.
Sur ce site, vous pouvez voir plusieurs reportages sur les gitans, dont celui-ci qu'ils présentent comme cela : En pleine polémique sur les gens du voyage après les déclarations de Nicolas Sarkozy, latelelibre vous propose de revoir le documentaire « QUI A PEUR DES GITANS », produit pour FRANCE4 en 2009.
John Paul Lepers et son équipe sillonnent les routes de France à la rencontre de ces 400 000 « étrangers de l’intérieur », et pour la plupart, Français depuis des siècles. À bord de leur camping-car, ils s’immergent dans la vie des gens du voyage pour mieux comprendre leur quotidien, leurs préoccupations mais aussi leurs espoirs. Une enquête intime et sans complaisance qui les mènera de la région lyonnaise à la banlieue de Perpignan (1).

Cliquez dessus pour VOIR LES AUTRES REPORTAGES SUR LES GITANS de latelelibre...

— SOIRÉE TZIGANE À BRIGNOLLES AVEC NÉGRITA
TAM-TAM. Depuis notre road-doc sur les gens du voyage, « Qui a peur des gitans? », nous restons en contact avec plusieurs personnes qui ont participé au film. Notamment Victoria Guerdner et ses enfants, avec qui nous avons vécu quelques jours sur un terrain vague de la banlieue de Salon de Provence…
Publié le 9 juin 2010

— LE FLAMENCO ROMANESQUE DE MIGUEL, LE GITAN
CONCERT EN CAMPING-CAR. Nous vous proposons un instant magique de notre tournage du film, « qui a peur des gitans? », diffusé sur France 4 et ici même...
Publié le 14 novembre 2009

— NOTRE FILM SUR LES GITANS FAIT DÉBAT
Depuis la diffusion du road-doc « Qui a peur des gitans? », plusieurs débats ont été organisés autour du film. Une journaliste de La Voix du Nord était présente lors d’une projection à Roubaix. « Qui a peur des gitans ? » : à la Solidarité, un débat pour faire bouger les mentalités.
Publié le 31 octobre 2009

— UN MAIRE SE BAT POUR L’AIRE DES GENS DU VOYAGE
LIBRE POST. Dans le road-doc « Qui a peur des gitans? », nous avons pointé du doigt une incohérence républicaine: moins de 20% des communes appliquent la loi Besson (2000), qui oblige toute commune de plus de 5000 habitants à mettre à la disposition des gens du voyage, une aire de stationnement.
Le maire de la Commune de Barsac en Gironde veut se mettre en conformité, mais des habitants lui mettent des batons dans les roues…
Voici la lettre qu’il nous a fait parvenir :
Je suis en train de regarder sur France 4 le film que vous avez réalisé sur les gens du voyage, leurs parcours, leurs épreuves, leurs différences qui font peur à ceux qui ne les comprennent pas.
Je suis maire de Barsac en Gironde, et président de la Communauté de Communes du canton de Podensac, et en ses qualités confronté au stationnement des gens du voyage sur ma commune.
Avec mon conseil municipal, nous avons décidé l’implantation d’une aire d’accueil des gens du voyage, et les choses sont difficiles avec une partie de la population. Mais nous avons décidé malgré tout de nous mettre en conformité avec le schéma départemental d’accueil des gens du voyage, pour à la fois leur offrir des conditions de vie décentes, et aussi pouvoir avoir recours à la force publique lorsque subsisteront des stationnements sur les espaces publics malgré la présence de la future aire.
Je tiens à vous féliciter pour cet excellent film, très juste car impartial.
Si vous avez quelques minutes, vous pourrez à la fois suivre les différents articles de presse liés à notre dossier, et aussi la vidéo de la réunion publique du 11 septembre qui a été particulièrement animée , mais nous/je ne cèderai pas.

Bien cordialement

Philippe MEYNARD
Maire de Barsac
Président de la CDC de Podensac
Publié le 5 octobre 2009

— LA COLÈRE DES GITANS
LARMES GITANES. Cette mort violente, ils ne la digèrent pas. Au cours d’un tournage pour France 4 sur les gens du voyage, nous rencontrons les membres de la famille Guerdner le 27 mai 2009. Un an après le décès par mort violente de l’un d’entre eux, Joseph, 27 ans, père de trois enfants, abattu dans des conditions surprenantes le soir du 23 mai 2008. Le gendarme qui avait tiré sur lui à sept reprises alors qu’il tentait de s’enfuir de sa garde à vue à la gendarmerie de Draguignan est mis en examen pour coups mortels aggravés, pourtant déjà la famille avoue son peu de foi en la justice…
Vendredi 27 août 2009, avec plusieurs associations de la communauté des gens du voyage, une marche silencieuse est organisée à Draguignan. Pour réclamer justice et dénoncer le non_lieu prononcé ce 18 août 2009 concernant l’affaire Joseph Guerdner, à l’encontre du gendarme mis en examen pour coups mortels aggravés.
Le gendarme a donc été blanchi des charges qui pesaient sur lui et pourrait reprendre ses fonctions.
L’avocat de Micheline Guerdner, la mère de Joseph, Me Jean-Claude Guidicelli, a fait appel de l’ordonnance de non-lieu. Désormais c’est à la cour d’appel d’Aix-en-Provence que repose le dossier.
Publié le 26 août 2009

(1) En ce qui concerne Perpignan, les autorités de la ville ont décidé d'interdire de "se promener torse nu ou en maillot de bain" dans ses rues. Faire une entorse à ce réglement coûtera 38 euros, amende encourue par "quiconque déambulera dans les rues du centre entre le 1er août et le 30 septembre" en contrevenant au "respect de la dignité humaine, de la décence, de la moralité et de la protection de la jeunesse", selon le texte d'un arrêté de la mairie daté du 28 juillet. Impressionant car voilà comment on fait d'un seul arrêté quatre coups décisifs ; quel soulagement que de voir enfin protégées sur terre la dignité humaine, la décence et la jeunesse, pour ne pas parler de la moralité (voire des torses et de l'industrie textile). Comment se fait-il qu'on n'y ait pas pensé plus tôt ?, si vous permettez cette interrogation rhétorique car, visiblement, presque toutes les municipalités de notre civilisation y ont déjà pensé... Rien ne vaut cette lucidité qui consiste à bien voir et légiférer la frontière entre le bien et le mal, c'est-à-dire, entre ce qui est normal et ce qui est anormal, entre les vêtements comme il faut et... tous les autres looks confondus (nudité totale ou partielle, accoutrements et autres burqas) : "On ne va pas dire qu'il y ait eu une dégradation des mœurs, mais il est certain qu'on a pu constater courant juillet de plus en plus de gens qui avaient tendance à déambuler en ville dans des accoutrements anormaux [sic transit redundantia], et il y a des commerçants, des mères de famille, des citoyens perpignanais qui se sont plaints", a justifié l'adjoint chargé de la sécurité, Pierre Parrat. Heureusement, donc, les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux, loin s'en faudrait ! Selon sud.france3.fr, "un homme qui marchait torse nu en ville lundi s'est difficilement laissé convaincre par une patrouille de la police municipale d'aller acheter un tee-shirt". Il y a toujours des anormaux qui ont du mal à accepter que la municipalité les cravate... et corrige leur tenue.

mercredi 4 août 2010

Les certitudes scientifiques de la vanité anthropocentrique

Nous savons tous, de source sûre, que l'Homme est, de droit divin, le roi de la nature. Beau poème. D'ailleurs, cela a été de tout temps empiriquement prouvé, à travers notre pratique. Il suffit de lire la première épître aux Corinthiens de Paul de Tarse :
La femme a été faite pour l’homme, et non l’homme pour la femme.
Tout est dit, n'est-ce pas ? Ou, si vous le préférez, vous n'avez qu'à lire l'évangile de Marc (2, 27)
Le shabbat a été fait pour l'homme.
D'ailleurs, c'est pour cela que José Luis Rodríguez Zapatero affirme de nos jours (le 30.07.10) :
La reforma laboral se ha hecho para evitar despidos.
La réalité a entièrement entériné ce point de vue épistémologique. C'est ainsi qu'en 1759, maître Pangloss, personnage savant du Candide de Voltaire, élargissait nos connaissances :
Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolo-nigologie. Il prouvait admirablement qu’il n’y a point d’effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux et madame la meilleure des baronnes possibles.
Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement: car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. Les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des chausses. Les pierres ont été formées pour être taillées, et pour en faire des châteaux, aussi monseigneur a un très beau château; le plus grand baron de la province doit être le mieux logé; et, les cochons étant faits pour être mangés, nous mangeons du porc toute l’année: par conséquent, ceux qui ont avancé que tout est bien ont dit une sottise; il fallait dire que tout est au mieux.
Un peu plus tard, en 1794, Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre écrivait au sujet des formes et des grosseurs des fruits, dans l'Étude onzième de ses Études de la nature :

Il y en a beaucoup qui sont taillés pour la bouche de l'homme, comme les cerises et les prunes ; d'autres pour sa main, comme les poires et les pommes ; d'autres beaucoup plus gros, comme les melons, sont divisés par côtes, et semblent destinés à être mangés en famille : il y en a même aux Indes, comme le jacq, et chez nous la citrouille, qu'on pourroit partager avec ses voisins. La nature paroît avoir suivi les mêmes proportions dans les diverses grosseurs des fruits destinés à nourrir l'homme, que dans la grandeur des feuilles qui devoient lui donner de l'ombre dans les pays chauds; car elle y en a taillé pour abriter une seule personne, une famille entière, et tous les habitans du même hameau.
Bien entendu, il savait aussi, en ce qui concerne les lianes (suite de l'Étude onzième), que...
La nature n'a placé ces classes que dans les lieux difficiles à escalader afin d'en faciliter l'accès aux hommes. On peut dire qu'il n'y a point d'escarpement qui ne puisse être franchi par leur secours. Il ne s'en fallut rien que, par leur moyen, les anciens Gaulois ne s'emparassent du Capitole.
Belle prestation, puisqu'elle savait joindre l'anthropocentrisme au patriotisme. Néanmoins, il a fallu attendre 2010 pour que cette glorieuse tradition, cette lignée de la certitude bien contrastée, atteigne son paroxysme. Je vous avoue que je me figurais que les arènes avaient été faites, par exemple, pour les combats de gladiateurs... Eh ben, hélas, non ; heureusement, un grand gourou est venu me secourir et éclairer ma pauvre lanterne, car les gourous ont été faits pour éclairer notre lanterne. Je suis tombé de cheval, comme Paul de Tarse, grâce à un article récent de Fernando Savater, professeur d'Éthique, qui aurait fait les joies de Paul, de Marc, de Pangloss, de Bernardin de St-Pierre et de Popper (comme vérification de son critère de la réfutation) et dont je colle ci-dessous un passage. Les taureaux de lidia ont été faits pour la lidia (la course) !!! Tout comme le coq de combat a été fait pour le combat et la chèvre de la légion a été faite pour la légion !!! Lisons son raisonnement :
¿Son las corridas una forma de maltrato animal? A los animales domésticos se les maltrata cuando no se les trata de manera acorde con el fin para el que fueron criados. No es maltrato obtener huevos de las gallinas, jamones del cerdo, velocidad del caballo o bravura del toro. Todos esos animales y tantos otros no son fruto de la mera evolución sino del designio humano (precisamente estudiar la cría de animales domésticos inspiró a Darwin El origen de las especies). Lo que en la naturaleza es resultado de tanteos azarosos combinados con circunstancias ambientales, en los animales que viven en simbiosis con el hombre es logro de un proyecto más o menos definido. Tratar bien a un toro de lidia consiste precisamente en lidiarlo. No hace falta insistir en que, comparada con la existencia de muchos animales de nuestras granjas o nuestros laboratorios, la vida de los toros es principesca. Y su muerte luchando en la plaza no desmiente ese privilegio, lo mismo que seguimos considerando en conjunto afortunado a un millonario que tras sesenta o setenta años a cuerpo de rey pasa su último mes padeciendo en la UCI.
(Fernando Savater : Vuelve el Santo Oficio, El País, 29.07.10)
On voit bien, d'ailleurs, que Savater précise dans son article des termes —ou des concepts implicites— jusqu'à présent un peu flous, tels "maltraitance", "symbiose", "bienfait", "privilège" et UCI (sigle des unités de soins intensifs en castillan), voire "projet", même si certaines voix malveillantes pensent qu'il mélange la vitesse et le jambon, l'éthique et l'éthologie ou la tautologie et la taurologie. Je souhaite seulement que, lors de ses derniers jours —après, j'espère, une longue vie—, il n'y ait pas de confusion dans son entourage entre les termes "soutien" et "symbiose" (à la Savater), "UCI" et "arènes", "bienfait" et "cruauté" ou "piqûres" et "banderilles".


Note : Le Saint Office de l'Inquisition combattait l'hérésie qui consistait traditionnellement, par exemple, à nier l'anthropocentrisme monothéiste, l'idée que l'Homme a été créé à l'image de Dieu pour devenir le maître de l'univers —et son corollaire : le modèle géocentrique. La vanité anthropologique a presque toujours relevé d'une logique théologique.
Le titre de l'article de Savater (identifiant sans nuances lutte contre la barbarie et Saint Office) est une boutade d'un cynisme stupéfiant, une comparaison délibérément injurieuse car il sait parfaitement que l'opposition à la cruauté gratuite est une attitude impeccablement hérétique, notamment en Espagne, alors que la torture a toujours été la marque du Santo Oficio.
Quant à l'idée sidérante "un torturé est un privilégié", elle embrasse la tradition ultralibérale des oxymores obscènes (cf. Bertrand Méheust, La politique de l'oxymore, Les empêcheurs de penser en rond, Éd. La Découverte, 2009), ces outils dévergondés de mensonge qui s'avèrent encore plus écœurants lorsqu'ils sont débités publiquement par un prof d'éthique qui, visiblement, se fout du monde —ou lorsque l'Éthique devient étique.
Bref, un intellectuel organique qui fustige comme blasphématoires contre les desseins des pouvoirs en place les contempteurs d'un rituel sanguinaire dont il fait l'éloge, c'est de l'impudence pur beurre. Non, fantoche, c'est toi le clerc, l'ecclésiastique, et c'est toi le Saint Office.