dimanche 6 juin 2010

En Suisse, les sans-papiers bientôt interdits de mariage

Les sans-papiers n'auront plus le droit de se marier en Suisse, confirme Le Matin, journal de Lausanne (Suisse), le 4 juin 2010 :

Un étranger souhaitant se marier avec un Suisse devra prouver qu'il réside légalement dans le pays. Il devra produire une autorisation de séjour ou un visa. Cette disposition doit empêcher les personnes qui n'ont pas de permis de séjour valable de contracter une union dans le but de ne pas être expulsées.
Les officiers d'état civil devront dénoncer tout fiancé séjournant illégalement en Suisse à la police des étrangers. Les offices de l'état civil et les autorités de surveillance pourront accéder aux données saisies dans le système d'information central sur la migration. Au Parlement, la gauche s'était élevée en vain contre cette réglementation qui fait suite à une initiative parlementaire UDC.

La pourriture est une décomposition des matières organiques sous l'action de ferments microbiens. Les microbes du racisme —ou de l'élitisme de l'argent— sécrètent sans secret énormément de toxines et de pétitions. À tue-tête. Ensuite, cet ensemble de toxines et de pétitions couchées sur le papier d'un journal officiel devient, par exemple, le Code civil d'un État confédéral neutre —car ne jurant que pour l'argent de tout poil, de toute race, de toute origine : pecunia non olet. Le Code civil neutre devient ainsi un dieu assoiffé imposant même la délation du bouc émissaire du coin à la manière nazie. Divine métempsycose du microbe en quête de patrie intime et de bonheur.
Bref, je relaie ici un article d'opinion publié le jeudi 1 avril 2010 par Le Temps, quotidien genevois. Les auteures, Christiane Perregaux et Marguerite Contat Hickel, co-présidentes de la Constituante genevoise, expriment clairement leur indignation et prouvent que toute société peut contenir des justes :

Pour les Constituantes genevoises que nous sommes, il est aujourd’hui kafkaïen d’assister à la dérive des principes inscrits dans la Constitution fédérale et dans les Constitutions cantonales comme celui du droit au mariage. Dès le 1er janvier 2011, les migrantes et migrants sans statut en Suisse (appelés plus familièrement les personnes sans-papiers) ne pourront plus convoler, les contraintes exigées ne pouvant être remplies dans la majorité des cas.
Certes, celles et ceux qui ont voulu la mort de ce droit ne s’en sont pas pris directement à la Constitution fédérale, ce qui aurait demandé un vote du peuple et des cantons, mais ils ont su discrètement opérer des changements en leur faveur lors de la modification du Code civil suisse adopté en juin 2009 par les deux tiers du Conseil national. Ce nouveau déni de droit dont la Suisse est familière en ce qui concerne sa politique migratoire donnera inévitablement lieu à une réaction du Comité des droits de l’homme de l’ONU. En 2009 déjà, il avait demandé à la Suisse de «revoir d’urgence sa législation afin de la rendre conforme au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
On lit dans ce texte que «le droit de se marier et de fonder une famille est reconnu à l’homme et à la femme à partir de l’âge nubile».
La Suisse s’honore du fait que Joseph Deiss va sans doute présider cette année l’Assemblée générale de l’ONU. La Suisse préside actuellement le Conseil de l’Europe, dont on connaît les positions éthiques concernant les droits humains. Et pourtant, avec une schizophrénie certaine, elle s’enfonce dans un démantèlement manifeste de ces droits dans son propre pays. Il est dès lors nécessaire de résister à ce mouvement et dans le cadre même des Constitutions d’aller plus loin que l’affirmation d’un seul principe comme celui du mariage ou du PACS. Inscrire avec précision qui jouit de ce droit est indispensable: à savoir toutes les habitantes et tous les habitants du pays ou du canton. La même précision doit concerner le droit à l’éducation, à la formation et à la santé notamment.
C’est une exigence que nous devons prévoir dans le cadre de la nouvelle Constitution genevoise. Dans sa pratique institutionnelle et constitutionnelle, le canton de Genève pourrait décider d’être en conformité avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques comme l’exige l’ONU de la Suisse, lui qui s’est opposé comme quelques rares autres cantons, lors de la consultation du printemps dernier, à cette nouvelle rupture des droits fondamentaux.
L’objectif de l’initiative parlementaire lancée par le conseiller national UDC Toni Brunner est clair: priver de la possibilité de se marier au moins 100 000 personnes habitant ce pays; elles sont parfois déboutées du droit d’asile mais la plupart d’entre elles sont des travailleuses et travailleurs sans permis de séjour, habitant souvent depuis de longues années en Suisse. Pourquoi cette nouvelle entorse constitutionnelle? Pour que ces travailleurs et travailleuses ne puissent en aucun cas obtenir un permis de séjour par mariage. Ils sont a priori suspects d’escroquerie au mariage, humiliation extrême pour toutes celles et ceux, Suisses et étrangères, qui veulent fonder une famille malgré les difficultés dues à leurs situations instables.
Parmi ces hommes et ces femmes sans papiers se trouvent des jeunes nés en Suisse ou arrivés très tôt dans ce pays devenu le leur. Ils y ont suivi l’école, lié des amitiés et y vivent des amours qui ne sont ni plus ni moins sérieuses que celles de tous les jeunes de leur âge. Pour cette deuxième génération, le mariage ou le PACS est également interdit dès le 1er janvier 2011.
Voilà des décennies que de très nombreuses associations et institutions de ce pays demandent régulièrement la régularisation de ces hommes et de ces femmes qui travaillent dans notre pays et dont notre économie ne peut se passer. La réponse est à chaque fois une législation plus dure. Le souci de la majorité des élus de ce pays devrait cesser d’être la criminalisation constante de ces travailleuses et travailleurs dont les conditions de vie sont extrêmement précaires et plutôt s’engager à trouver les solutions qui leur permettent de vivre en Suisse dans la dignité, la reconnaissance de leurs droits dont le mariage fait partie, et de la richesse qu’elles produisent. Et la Constitution genevoise devra l’affirmer clairement comme un droit fondamental.

Lors de notre dernier voyage du département de Français, nous avons logé à Annecy et un peu parcouru les Alpes, y compris Chamonix, la Mer de Glace, l'Aiguille du Midi, Megève...
Le samedi 8 mai 2010, nous avons débarqué à Genève et, parmi d'autres photos, j'ai pris un cliché 28 Grand'rue d'une redondance exquise : une pure mise en abîme. Permettez-moi la lubie de vous le reproduire ici...

Laissons maintenant tranquilles Borges et ses saillies ; quand nous avons quitté Genève, ville aussi de Calvin et de Rousseau, nous avons mis le cap sur Ferney, de l'autre côté de la frontière franco-suisse. Nous y avons contemplé le château de Voltaire de l'extérieur, dès lors que la grille de l'enceinte était fermée. Mais comme la vie nous surprend souvent avec des drôles de coïncidences, une affiche placardé sur le mur annonçait un spectacle commençant... à cette heure précise-là !!! : il s'agissait d'une adaptation radiophonique de notre cher Candide, par Jean Tardieu. Ah, le hasard !

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