vendredi 28 mars 2014

Le 27 Mars 2014 à Madrid et en Espagne

If you were offered a healthy scholarship that still
left you with five figures worth of debt at graduation
along with slim prospects of getting a job capable of
paying off the loan anytime soon, would you take it?
Mike Maddock, 13.12.2013, Forbes.


C'était entre 13h30 et 14h00. Il y en a qui disent que les jours de destruction sont jours de révolte. Une colonne d'étudiants manifestait en plein centre madrilène contre les coupes budgétaires, la hausse des frais d'inscription universitaires, la réduction des bourses d'études et la loi organique dite sur l'amélioration de la qualité de l'éducation, où ils en voyaient des Wert et des pas mûres, d'après les slogans qu'ils scandaient. "Franco ha mWERTo", rappelaient-ils. Ils dénonçaient aussi la lettre et l'esprit autoritaires et antipopulaires des récentes modifications pénales légiférées par le Parti dit Populaire. Ils prônaient le laïcisme face à un enseignement largement influencé, voire contrôlé, par l'idéologie et le clergé catholiques —il est pertinent de rappeler que le pouvoir de la calotte en Espagne est toujours ahurissant ; l'État continue d'organiser, par exemple, des funérailles catholiques en hommage des victimes du 11M 2004 !!! Et la hiérarchie ecclésiastique, qui ne voit midi qu'à sa porte, en profite politiquement et joue les tartuffes —ou plutôt, dans leur cas, les vierges effarouchées— vis-à-vis des victimes ("¿Cómo nos hemos comportado con ellos en éstos durísimos años?" eut le toupet de se demander le cardinal Rouco Varela, le patron de la COPE, dans son homélie, toujours sermon).
La colonne descendait lentement Carretas, emplissait une bonne partie de la place Jacinto Benavente ainsi qu'environ 400-500 mètres de la rue Atocha. J'y pris quelques photos :









Derrière la manifestation, à pied et motorisés, avançaient des robocops brandissant des armes qui ne plaisantaient pas. Et je songeais au Chamfort qui écrivait : "La plupart des institutions sociales paraissent avoir pour objet de maintenir l'homme dans une médiocrité d'idées et de sentiments qui le rendent plus propre à gouverner ou à être gouverné." Et de manière musclée, lorsque l'homme et la femme ne se laissent pas faire.
Les étudiants et les ouvriers évoqués sur la pancarte vallecana de la dernière photo souffrent d'une violence permanente dans l'heureuse ploutocratie globale. Prenons les étudiants, dont il est question ici. Les alarmes à leur égard se multiplient :
Selon The Guardian (24/10/2011), asphyxiés par la hausse des frais de scolarité, 10 % des "bacheliers" britanniques renonçaient à aller à l'université. D'autres envisageaient de plus en plus sérieusement de partir. Trois mois et demi plus tard, en 2012, les étudiants canadiens commencèrent à exprimer leur rage à ce sujet.
Comme curiosité, le Journal de Montréal informait le 31 mai 2013 que l’université de Cooper Union, située dans le quartier East Village à New York, gratuite depuis 110 ans, projetait d'introduire des frais de scolarité d'environ... 20 000 $ à partir de 2014.
En décembre 2013, nous avons appris -grâce à France Info- que la hausse des frais d'inscription dans les universités étasuniennes était de 550% entre 1985 et 2012. Selon Pierre Lagayette, auteur d'Aujourd'hui les Etats-Unis (Scérén-CNDP, 198 p., 17,90 €), « envoyer un enfant dans un établissement public représente 28 % du revenu familial moyen, mais pour un établissement privé la proportion grimpe à 76 % ».
Cette marchandisation de l'étude constitue un moyen détourné de reproduction de classe, une sélection par l'argent, d'après François Cocq et Francis Daspe, secrétaire national à l'éducation du Parti de Gauche et secrétaire général de l'Agaureps-Prométhée respectivement. Une façon loréaliste de faire passer les intérêts des entreprises et de la finance avant ceux des humains, dirait certainement Bernard Gensane (cf. son article L’Éducation nationale et L’Oréal, relayé initialement par bellaciao.org le 4 juin 2010).

Les retombées économiques du système universitaire libéral ne s'arrêtent pas là : Rachel Wenstone, la vice-présidente de la National Union Students, affirma dans le Guardian du 21 mars : « Obliger les étudiants à s'endetter pour financer les universités est une expérience qui a bel et bien échoué. Nous avons besoin d'un nouvel accord pour financer les études de la prochaine génération. ». Cet article commençait par une lourde constatation :
The proportion of graduates failing to pay back student loans is increasing at such a rate that the Treasury is approaching the point at which it will get zero financial reward from the government's policy of tripling tuition fees to £9,000 a year.
Autrement dit, la proportion de diplômés en défaut de remboursement des prêts étudiants est en augmentation à un rythme tel que le Trésor se rapproche du point où il obtiendra zéro récompense financière de la politique de tripler les frais de scolarité à 9.000 £ par an du gouvernement.
De nouvelles prévisions officielles suggéreraient que les prêts en pure perte auraient déjà atteint 45% des 10 milliards de livres empruntés par les étudiants chaque année.

En matière de dette étudiante, Christopher Newfield (Professeur à l’université de Californie de Santa Barbara) nous avait déjà prévenus en septembre 2012 dans les pages du Monde diplomatique (La dette étudiante, une bombe à retardement) :
DANS l’interminable feuilleton de la crise du capitalisme américain, la dette étudiante succédera-t-elle aux subprime ? Estimée à plus de 1 000 milliards de dollars, elle a doublé au cours des douze dernières années, au point de dépasser désormais le volume des achats par carte de crédit. En 2008, les créances moyennes des nouveaux diplômés s’élevaient à 23 200 dollars — à peine moins s’il sortait d’une université publique (20 200 dollars). Dans un contexte économique difficile, marqué par un taux de chômage élevé, un nombre croissant d’entre eux se trouvent dans l’incapacité de rembourser leurs prêts. Le taux de défaut de paiement des étudiants — qui ne peuvent pas recourir à une procédure de faillite individuelle — est passé de 5 à 10 % entre 2008 et 2011.
N'hésitez pas à lire attentivement cet article dans son intégralité. Les avertissements de Maurizio Lazzarato et Tim Mak au sujet des emprunts universitaires et leurs conséquences ne sont pas non plus à négliger.
Quant à Mike Maddock, qui tient blog sur le site de Forbes.com, il affirmait à son tour, dans son entretien avec France Info cité plus haut, qu'entre 2007 et 2012, la dette des étudiants étasuniens était passée de 548 milliards à 966 milliards de dollars, ce qui représente une dette moyenne de 21.402 dollars (16.300 €) par personne :
"Si bien que les familles y regardent à deux fois et que le modèle vacille. D'autant que l'Etat fédéral investit peu : sa contribution aux universités a baissé de 30% depuis 1980 et s'élève aujourd'hui à 20 milliards de dollars annuels, soit 14 milliards d'euros. A titre de comparaison, le budget du ministère français de l'enseignement supérieur et de la recherche est de 26 milliards."
[Note du 25 juin 2015 : Dans un article publié en ligne par la BBC le 3 juin, nous apprenons que la dette étudiante totale aux États-Unis a déjà atteint 1.300 milliards de dollars... the total student debt in the US has reached $1.3 trillion (£850 billion). L'info est signée par Franz Strasser qui nous rappelle : "While the cost of college education in the US has reached record highs, Germany has abandoned tuition fees altogether for German and international students alike. An increasing number of Americans are taking advantage and saving tens of thousands of dollars to get their degrees." C'est-à-dire, "Alors que le coût de l'enseignement universitaire aux États-Unis a atteint des niveaux records, l'Allemagne a abandonné les frais de scolarité aussi bien pour les étudiants allemands que pour les internationaux. Un nombre croissant d'Étasuniens en profitent et économisent des dizaines de milliers de dollars pour obtenir leurs diplômes". Les droits de scolarité ont flambé aux États-Unis en accord avec les dogmes libéraux : "In the 2014-2015 academic year, private US universities charged students on average more than $31,000 for tuition and fees, with many schools charging well over $50,000. According to the Chronicle of Higher Education, Sarah Lawrence University is most expensive at $65,480. Public universities demanded in-state residents to pay more than $9,000 and out-of-state students paid almost $23,000, according to College Board."]

Isabelle Rey-Lefebvre écrit ces jours-ci sur son blog :
Les alertes se multiplient sur la mauvaise affaire qu’aurait faite le gouvernement britannique en triplant les droits d’inscription dans les universités anglaises. Depuis septembre 2012, les 124 universités sont autorisées à augmenter ces frais et les deux tiers d’entre elles, notamment les plus prestigieuses, les ont d’emblée fixés au plafond autorisé, soit 9 000 livres (environ 10 700 euros) par an, contre 3000 auparavant.
Le gouvernement a, dans le même temps, réduit de 40 % ses subventions à ces établissements et promis aux étudiants des prêts à taux avantageux, d’une durée maximale de trente ans, garantis par l’Etat. Le dispositif prévoit que les emprunteurs, une fois diplômés et lancés dans la vie active, ne remboursent rien tant qu’ils ne gagnent pas plus de 21 000 livres par an ; au-delà, les mensualités ne doivent pas dépasser 9 % de leurs revenus, mais s’ils viennent à gagner plus de 41 000 livres par an, le taux d’intérêt appliqué est alors celui de l’inflation, majoré de 3 points.
Au rythme d’une dizaine de milliards de livres prêtés chaque année, la dette globale des étudiants s’élevait, en 2013, à 46 milliards de livres et 3 millions d’étudiants honoraient leurs remboursements. La pratique des crédits aux étudiants date de 1998. Selon le rapport du Comité des comptes publics (équivalent de la commission des finances au parlement anglais)  publié le 14 février, la dette atteindra, à ce rythme, 200 milliards de livres d’ici 2042, pour 6,5 millions d’emprunteurs.
Mais le taux d’impayés est récemment grimpé à 45 % au lieu des 28% à 30% prévus lorsque la réforme a été adoptée, en 2010, comme l'a annoncé le 21 mars le quotidien The Guardian. Cela dépasse les prévisions les plus pessimistes et frôle le taux fatidique de 48,6 % au-delà duquel l’Etat perdra plus d’argent qu'avec l’ancien système.
Bien entendu, comme contrepartie sociale nécessaire, les « university bosses are lining their pockets like never before » (les patrons d'université se remplissent les poches comme jamais auparavant), évalue . Die Macht a toujours eu besoin de fidéliser ses kapos (esse cum imperio... et cum pecunia) et de diviser (divide e impera), et rien ne permet mieux de diviser que la construction d'une hiérarchie ; hier et aujourd'hui, c'est archiconnu. Et puis, Chakrabortty a raison : vous pouvez imaginer un seul de ces adolescents contraints de galérer pour pouvoir s'inscrire hésitant à choisir entre telle ou telle université en fonction de son président ?

Vu que toute cause entraîne des effets, l'enquête de l'OVE (Observatoire de la Vie étudiante) Comment vivent les étudiants en France (2013) ? conclut que 54% des étudiants ont une activité rémunérée pendant l'année universitaire —pas pendant leurs vacances, ce qui comporte des limitations évidentes à leur rendement, à leur vie, à leurs possibilités de bonheur... Mais côté chiffres, nous avons lu ailleurs :
Alors qu'ils ne sont pas encore sur le marché du travail, 73 % des étudiants sont obligés d'être salariés pour faire face aux frais d'une année universitaire, indique une étude du syndicat étudiant UNEF.
En 2006, ils étaient 48%, c'est-à-dire, 50% d'augmentation en 7 ans. Au demeurant, en ce qui concerne seulement l'aspect de la réussite universitaire, le salariat étudiant multiplie par deux les risques d’échec, selon l’INSEE. Alors, la spirale se déchaîne : on redouble plus facilement, il faut repayer l'année de scolarité en question, on perd sa bourse, éventuellement on se surendette... Même les "business schools" (la coqueluche du système —les écoles de commerce et autres HEC de jadis—, les grands centres de formation des futurs bourreaux du travail, au double sens) s'affolent devant les angoisses financières de beaucoup de leurs élèves et ont commencé à aménager leurs horaires pour faciliter la conciliation études / emploi et "éviter des drames" ! Paradoxes de la doxa...

Eh ben, revenons à nos moutons : si vous le souhaitez, vous pouvez accéder à d'autres informations sur cette journée de manifestations étudiantes en Espagne diffusées par l'AFP ou eldiario.es en cliquant sur les liens ci-contre : manifestations en Espagne pendant la deuxième journée de grève des étudiants et que voit-on sur cette vidéo ?




Quant aux marches de la Dignité du 22 mars, lisez ici un compte rendu publié sur le site du CADTM (Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde) ; et visionnez ici et deux vidéos illustratives.

samedi 8 mars 2014

Peau de baballe

Homines non nascuntur, sed effinguntur
(Les hommes ne naissent pas hommes, ils le deviennent)

Érasme : De pueris instituendis, 1528

 
On ne naît pas femme : on le devient
Simone de Beauvoir : Le deuxième sexe 1, Gallimard, 1949, pages 285-6.

On naît homme... puis on cesse de l'être
(Personne, le 29 janvier 2014)


Juste avant cette journée des femmes, les média nous ont appris qu'... 

Une femme sur trois vivant dans l'UE a été victime de violences physiques ou sexuelles au moins une fois dans sa vie depuis l'âge de 15 ans, selon une étude publiée mercredi [5 mars] par l'Agence européenne des droits fondamentaux, la plus vaste jamais réalisée. 

En effet, c'est franchement insupportable. D'ailleurs, l'Agence explique que "le non-signalement de la violence à l’égard des femmes masque la véritable ampleur du problème"...

Par ailleurs, Survival International nous propose une galerie de photos de femmes indigènes accompagnées de textes qui prêtent à penser. Déjà l'introduction marque le ton de l'ensemble :
Pendant des décennies, les femmes indigènes ont connu les expulsions, la peur, le meurtre et le viol aux mains de leurs envahisseurs. Elles ont souffert de l’humiliation infligée par des gouvernements qui perpétuent l’idée qu’elles sont en réalité ‘arriérées’ et qu’elles vivent encore à ‘l’âge de pierre’.
Avec la spoliation de leurs terres et devant un avenir de plus en plus incertain, elles ont perdu leur estime de soi et le sens de la vie.
Mais malgré ces épreuves, leur résistance se fait de plus en plus forte. A travers cette galerie photo, Survival célèbre la Journée internationale de la femme avec le soutien de l’actrice américaine Gillian Anderson et de la célèbre créatrice de bijoux contemporains Pipa Small. Si cette galerie relate l’histoire tragique qu’ont vécue – et que vivent – les femmes indigènes, elle met aussi en avant le courage et l’inspiration dont elles font preuve pour récupérer leurs terres et faire respecter leur droits fondamentaux.
La photo consacrée aux femmes innu de la péninsule du Labrador* est suivie d'un commentaire que je trouve particulièrement instructif :
Lorsque les missionnaires catholiques sont arrivés sur les côtes de la péninsule du Labrador, au Québec, ils furent horrifiés de constater le niveau d’indépendance et de pouvoir des femmes innu. Jusqu’au milieu du XXe siècle, le programme de l’activité missionnaire comportait la redistribution des rôles homme-femme pour les rendre conformes au modèle européen.
Jusqu’à récemment en Europe, les femmes étaient généralement perçues comme inférieures aux hommes; on les empêchait de réussir socialement et leur rôle se résumait à accompagner et soutenir leurs époux. Mais à la même époque, les femmes innu, qu’elles soient mariées ou non, étaient beaucoup plus libres, c’étaient elles qui souvent choisissaient où et quand installer le campement lors de leurs longues migrations à travers les étendues sub-arctiques de leur terre natale Nitassinan.
Cette indépendance scandalisa les missionnaires jésuites qui tentèrent sans répit de leur imposer le modèle européen de la femme soumise à son mari, mais cela ne fonctionna qu’après la sédentarisation forcée des Innu par le gouvernement canadien et l’abandon consécutif de leur mode de vie migratoire, constate l’anthropologue Colin Samson qui a travaillé avec les Innu pendant des décennies.
Néanmoins, depuis quelque temps, les femmes innu ont été en première ligne dans la résistance contre le survol à basse altitude de leur territoire par les avions d’entraînement de l’OTAN qui font fuir le gibier dont ils dépendent et qui détruisent leur santé physique et mentale.
Elles se distinguent également dans leur opposition aux industries extractives sur leurs terres ancestrales et dans leurs efforts pour que les Innu maintiennent leur mode de vie.
Bref, faisons un cadeau Tachan aux hommes de notre civilisation. On Henri (jaune) toujours. Car on a tout de même besoin de rigoler pour ne pas sombrer dans la détresse...



Merci toujours, Henri.

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* De nos jours, la province de Terre-Neuve et du Labrador compte quatre peuples d'origine indigène : les Inuit, les Innu (ou Naskapi-Montagnais), les Mi'kmaq et les Métis.

jeudi 6 mars 2014

Bangui, par Didier Kassaï

Le site de La Revue Dessinée (enquêtes, reportages et documentaires en Bande Dessinée) publie cinq épisodes d'une BD, Bangui, qui raconte le drame actuel de la Centrafrique.
Son auteur, Didier Kassaï, illustrateur, caricaturiste et aquarelliste autodidacte, naquit le 20 avril 1974 à Sibut (Centrafrique). Son témoignage illustré est celui d'un Chrétien dont la femme est musulmane, ce qui a son importance dans un contexte d'identités déchaînées —jetez un coup d'œil sur les vignettes pour mieux comprendre.
Si vous tenez à mieux vous repérer en matière justement de contexte, vous pouvez lire...

  1. Rosa Moussaoui (le 12 décembre 2013, L'Humanité) : 

    République centrafricaine, les enjeux pétroliers d’un conflit

  2. Vincent Munié (février 2008, Le Monde diplomatique) : 

    En Centrafrique, stratégie française et enjeux régionaux



Voici le début de l'introduction du site de La Revue Dessinée à une BD réalisée sous la terreur la plus absolue :
La Centrafrique raconte l’histoire d’un effondrement : celui d’une Nation tout autant que l’échec de la gestion des affaires par les puissances européennes, anciennement colonisatrices. Depuis dix ans, ce pays plus grand que la France, rebondit de crise en crise. Celle de 2013-2014 est sa troisième guerre civile de la décennie. La plus violente, la plus meurtrière, mais aussi celle dont le monde commence à percevoir l’écho. Et le drame.



Didier Kassaï est lauréat en 2006 du prix italien Afrique e Mediterraneo et du concours Vues d'Afrique organisé par le Festival international de la Bande dessinée d'Angoulème et le ministère français des Affaires étrangères. Il avait déjà publié deux planches de Bangui la Roquette au Français dans le Monde (nº 391, janvier-février 2014, pages 56-57). Les voilà :


mardi 4 mars 2014

Fourbes 2014

The ranks* of the world’s billionaires continue to scale new heights–and stretch to new corners of the world. Our global wealth team found 1,645 billionaires with an aggregate net worth of $6.4 trillion, up from $5.4 trillion a year ago. We unearthed a record 268 new ten-figure fortunes, including 42 new women billionaires, another record. In total, there are 172 women on the list, more than ever before and up from 138 last year.
Kerry A. Dolan and Luisa Kroll
Forbes

« car c’est une maxime de droit public que les vainqueurs doivent faire bonne chère aux dépens des vaincus… » (Jean Anthelme Brillat-Savarin : Physiologie du goût, Méditation XVI, De la digestion, 1826)


Voilà : le catalogue Forbes des nababs planétaires continue à atteindre de nouveaux sommets ; il nous apprend que les grands profiteurs de la guerre économique mondiale ont raflé cet exercice environ 1 000 000 000 000 dollars de plus que l'année précédente, une hausse de presque 20%. Fort bien. Figurez-vous les effets en aval de ce pompage dont le pourcentage de majoration annuel comporte deux "figures"... Si les dynamiques microéconomiques semblent bien réversibles, la « flèche du Capital » (l'argent avec majuscule) avance sans fléchir dans la même direction, pour la Finance et contre le Commun. Et pour cause ! L’argent a toujours appelé l’argent et de nos jours, plus que jamais, le Capital est la main très visible du marché.

La liste Forbes 2014 comprend 1 645 prédateurs milliardaires en dollars —dont 172 nanties— contre 1 426 en 2013 ; c'est-à-dire, 219 de plus au total. 268 font partie de la troupe pour la première fois, dont 42 femmes.
Les locataires de la Basse-Terre Gaste souhaitant contempler les « pousses vertes de la reprise » (resic) n'ont donc qu'à lire l'inventaire des sommets fo(u)rbiens.
Comme il serait pertinent d'en faire une analyse semblable à celle de l'exercice précédent, à l'évolution du verdissage —ou de la verditude— près, je vous laisse la possibilité de la (re)lire ici.

Je reproduis, en prime, un extrait de la Conclusion de La violence des riches. Chronique d'une immense casse sociale (Éd. La Découverte, Paris 2013), ouvrage de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot qui tente de démonter « les mécanismes de la violence des riches à l'heure de "leur" mondialisation » et de « dévoiler leur arbitraire, leurs subterfuges économiques, politiques et idéologiques » afin de nous « alerter sur la force et la détermination d'une classe sociale mobilisée pour la défense de ses intérêts, quitte à mettre en péril les autres classes, voire la planète elle-même. » Essai qui, de surcroît, nous prévient contre la servilité des grands média envers cette ploutocratie en place qui n'arrête pas de fourbir ses armes...
On lit à longueur d'éditoriaux des dénonciations des dérives du « populisme ». Que ne déploie-t-on pas la même énergie à épingler son double, bien plus actif et bien plus installé : le « bourgeoisisme » du Figaro, le « richissisme » des chroniqueurs de la Bourse ou l'« oligarchisme » du Who's Who ? Avec le luxe, l'élégance, les journaux people, les exhibitions caritatives et les expositions d'œuvres d'art, les riches se construisent dans une mascarade sociale en bienfaiteurs de l'humanité qu'il convient de flatter alors qu'ils n'ont bien souvent que le mérite de leur naissance. Le néologisme « bourgeoisisme » est adapté à la guerre idéologique qui ne cesse de dénoncer avec le populisme un peuple qui serait flatté par certains politiciens, alors qu'il ne mériterait pas tant d'honneurs. Mais que dire des flagorneries dithyrambiques qui encensent les riches, dont on se garde bien de dévoiler l'origine de la fortune ?
L'argent occupant désormais le devant de la scène, il est compréhensible que les sociologues spécialistes de la classe dominante utilisent le terme « riches » dans une sorte de renvoi d'ascenseur remettant à leur place ceux qui, en dernière analyse, doivent l'essentiel de leur position au travail des autres. La réflexion sur les mots est indispensable pour contrer la guerre idéologique qui fait rage au détriment des peuples. Notre « démocratie » est tenue et contrôlée par une aristocratie de l'argent. Par des bourgeois et des nobles, maintenant réconciliés, qui pratiquent un bourgeoisisme systématique. Ils se persuadent mutuellement de leurs immenses qualités, ne cessent de mettre en évidence leur excellente éducation, se montrent même courtois envers le personnel. Ils se congratulent et se félicitent mutuellement d'être comme ils sont.
Une nouvelle aristocratie s'est constituée à partir de l'emballement de la finance. Les titres de noblesse assuraient autrefois la continuité de la caste. Aujourd'hui, les fortunes visibles et les magots mis à l'abri dans les paradis fiscaux assurent la succession au sommet des générations dynastiques. Cette noblesse oligarchique a pris le contrôle de l'essentiel des forces politiques, à gauche comme à droite. La pensée unique triomphe, au-delà des coquetteries, pour amuser la galerie et justifier la coexistence de partis d'accord sur l'essentiel : le marché, la libre circulation des capitaux, le moins d'État, le chacun-pour-soi. Le tableau est incroyablement archaïque, renvoyant au régime des ordres, voire des castes. Le Tiers État comprenait la bourgeoisie naissante. Aujourd'hui, c'est aux intouchables que les plus démunis font penser. Pourtant, la machine infernale du néolibéralisme connaît les premiers soubresauts de la panne fatale. Les crises se succèdent, le chômage augmente, le bateau pris dans la tempête voit ses structures gémir sous les coups des scandales, de la mise au grand jour de la malhonnêteté intrinsèque de la pompe à profits du capitalisme.

* L'expression anglaise "rank ranking" peut se traduire en français par "classement nauséabond"
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Mise à jour du 18.03.2014 :
Voici un extrait d'une info publiée par Le Monde d'aujourd'hui au sujet d'un rapport dressé lundi par Oxfam (Five richest UK families have more than 12 million poorest Brits Wealthy elite’s income growing four times faster than others. Posted by Jonaid Jilani, Press Officer, 17th Mar 2014) suite au dernier classement Forbes commenté ci-dessus :

En Grande-Bretagne, cinq familles possèdent plus que 12 millions de personnes

Le Monde.fr | • Mis à jour le
Dans un rapport publié le lundi 17 mars, l'ONG Oxfam montre du doigt les inégalités croissantes qui frappent la société britannique, avec un constat particulièrement marquant : les cinq familles britanniques les plus fortunées possèdent aujourd'hui davantage que les 20 % les plus pauvres de leurs compatriotes, soit 12,6 millions de personnes.
En s'appuyant sur le dernier classement du magazine Forbes des individus les plus riches au monde publié début mars, Oxfam a estimé la totalité du capital détenu par ces cinq familles à 28,2 milliards de livres (33,7 milliards d'euros). A l'inverse, les 20 % les plus modestes cumulent 28,1 milliards de livres (33,6 milliards d'euros), soit 2 667 euros chacun.
Au sommet du classement, la famille du duc de Westminster, Gerald Grosvenor, qui possède 77 hectares de terrain à Londres, 39 000 en Ecosse, 13 000 en Espagne et dirige un vaste groupe immobilier, serait à la tête d'une fortune plus importante que celle des 10 % les plus pauvres du pays. (...)
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Mise à jour du 18.09.2014 :

The Wealth-X and UBS Billionaire Census 2014 shows that the global billionaire population reached an all-time record high of 2,325 billionaires in 2014 with a combined net worth of US$7.3 trillion.
C'est-à-dire, selon le rapport 2014 Wealth-X and UBS World Ultra Wealth (cabinet de recherches Wealth-X et banque suisse UBS), le nombre de milliardaires dans le monde (soit les personnes dont la fortune personnelle dépasse le milliard de dollars) est arrivé à 2 325. C'est un nouveau record, avec 155 nouveaux entrants comptabilisés cette année dans le Gotha du Capitalisme mondial.
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Mise à jour du 26.03.2015 :

The 2015 Forbes Billionaires List:

Despite plunging oil prices and a weakened euro, the ranks of the world’s wealthiest defied global economic turmoil and expanded yet again. For our 29th annual guide to the globe’s richest, we found a record 1,826 billionaires with an aggregate net worth of $7.05 trillion, up from $6.4 trillion a year ago.

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Mise à jour du 28.08.2018 :

The 2018 Forbes Billionaires List (au cas où voudriez... Meet The Members Of The Three-Comma Club) :

(...) Forbes has pinned down a record 2,208 billionaires from 72 countries and territories including the first ever from Hungary and Zimbabwe. This elite group is worth $9.1 trillion, up 18% since last year. Their average net worth is a record $4.1 billion. Americans lead the way with a record 585 billionaires, followed by mainland China with 373. Centi-billionaire Jeff Bezos secures the list’s top spot for the first time, becoming the only person to appear in the Forbes ranks with a 12-figure fortune. Bezos’s fortune leapt more than $39 billion, the list’s biggest one-year gain ever. He moves ahead of Bill Gates, who is now number 2. It is the biggest gap between no. 1 and 2 since 2001. Bernard Arnault, with a fortune of $72 billion, reclaims the title of richest European for the first time since 2012. (...) 

Ce Three-Comma Club a réussi une croissance pas en berne d'environ 50% en 4 ans. Comprenez-vous pourquoi il faut se serrer la ceinture ?

lundi 3 mars 2014

Hommage à Paco de Lucía, par Là-bas, si j'y suis

Très emu encore par la mort de Paco (le 25 février 2014), je vois que l'équipe de Mermet lui rend hommage à la radio. Pour écouter cette émission, du 27 février, cliquez ici.

Pour ceux qui lisent en castillan, articles de Miguel Mora ici et .