lundi 27 février 2017

L'humiliation ordinaire d'un Noir en France

La rubrique Idées du quotidien Le Monde publiait en novembre 2005 un texte d'Alain Badiou qui permet de réfléchir, sans d'autres commentaires, à la violence raciste permanente, à la négation de l'espace et la vie que souffrent les non souchiens en France —violence qui se déclenche à la seule évidence d'un faciès non souchien, faciès qui tient donc lieu d'évidence. Au moins pour la police et pour un surveillant de lycée.

L'humiliation ordinaire, par Alain Badiou

Mon fils adoptif est noir. Pour la police, cela fait de lui un suspect.
Le Monde | • Mis à jour le

"Constamment contrôlés par la police." De tous les griefs mentionnés par les jeunes révoltés du peuple de ce pays, cette omniprésence du contrôle et de l'arrestation dans leur vie ordinaire, ce harcèlement sans trêve, est le plus constant, le plus partagé. Se rend-on vraiment compte de ce que signifie ce grief ? De la dose d'humiliation et de violence qu'il représente ?
J'ai un fils adoptif de 16 ans qui est noir. Appelons-le Gérard. Il ne relève pas des "explications" sociologiques et misérabilistes ordinaires. Son histoire se passe à Paris, tout bonnement.
Entre le 31 mars 2004 (Gérard n'avait pas 15 ans) et aujourd'hui, je n'ai pu dénombrer les contrôles dans la rue. Innombrables, il n'y a pas d'autre mot. Les arrestations : Six ! En dix-huit mois... J'appelle "arrestation" qu'on l'emmène menotté au commissariat, qu'on l'insulte, qu'on l'attache à un banc, qu'il reste là des heures, parfois une ou deux journées de garde à vue. Pour rien.
Le pire d'une persécution tient souvent aux détails. (...)

En lire la totalité 

(...)
C'est alors que se range le long du trottoir, tous freins crissants, une voiture de police. Deux de ses occupants bondissent sur Gérard et Kemal, les plaquent à terre, les menottent mains dans le dos, puis les alignent contre le mur. Insultes et menaces : "Enculés ! Connards !" Nos deux héros demandent ce qu'ils ont fait. "Vous savez très bien ! Du reste, tournez-vous – on les met, toujours menottés, face aux passants dans la rue –, que tout le monde voie bien qui vous êtes et ce que vous faites !" Réinvention du pilori médiéval (une demi-heure d'exposition), mais, nouveauté, avant tout jugement, et même toute accusation. Survient le fourgon. "Vous allez voir ce que vous prendrez dans la gueule, quand vous serez tout seuls." "Vous aimez les chiens ?" "Au commissariat, y aura personne pour vous aider."
Les petits jeunes disent : "Ils n'ont rien fait, ils nous ont rendu le vélo." Peu importe, on embarque tout le monde, Gérard, Kemal, les trois "petits jeunes", et le vélo. Serait-ce ce maudit vélo, le coupable ? Disons tout de suite que non, il n'en sera plus jamais question. Du reste, au commissariat, on sépare Gérard et Kemal des trois petits jeunes et du vélo, trois braves petits "blancs" qui sortiront libres dans la foulée. Le Noir et le Turc, c'est une autre affaire. C'est, nous raconteront-ils, le moment le plus "mauvais". Menottés au banc, petits coups dans les tibias chaque fois qu'un policier passe devant eux, insultes, spécialement pour Gérard : "gros porc", "crado"... On les monte et on les descend, ça dure une heure et demie sans qu'ils sachent de quoi ils sont accusés et pourquoi ils sont ainsi devenus du gibier. Finalement, on leur signifie qu'ils sont mis en garde à vue pour une agression en réunion commise il y a quinze jours. Ils sont vraiment dégoûtés, ne sachant de quoi il retourne. Signature de garde à vue, fouille, cellule. Il est 22 heures. A la maison, j'attends mon fils. Téléphone deux heures et demie plus tard : "Votre fils est en garde à vue pour probabilité de violences en réunion." J'adore cette "probabilité". Au passage, un policier moins complice a dit à Gérard : "Mais toi, il me semble que tu n'es dans aucune des affaires, qu'est-ce que tu fais encore là ?" Mystère, en effet.
S'agissant du Noir, mon fils, disons tout de suite qu'il n'a été reconnu par personne. C'est fini pour lui, dit une policière, un peu ennuyée. Tu as nos excuses. D'où venait toute cette histoire ? D'une dénonciation, encore et toujours. Un surveillant du lycée aux demoiselles l'aurait identifié comme celui qui aurait participé aux fameuses violences d'il y a deux semaines. Ce n'était aucunement lui ? Un Noir et un autre Noir, vous savez...
A propos des lycées, des surveillants et des délations : j'indique au passage que lors de la troisième des arrestations de Gérard, tout aussi vaine et brutale que les cinq autres, on a demandé à son lycée la photo et le dossier scolaire de tous les élèves noirs. Vous avez bien lu : les élèves noirs. Et comme le dossier en question était sur le bureau de l'inspecteur, je dois croire que le lycée, devenu succursale de la police, a opéré cette "sélection" intéressante.
On nous téléphone bien après 22 heures de venir récupérer notre fils, il n'a rien fait du tout, on s'excuse. Des excuses ? Qui peut s'en contenter ? Et j'imagine que ceux des "banlieues" n'y ont pas même droit, à de telles excuses. La marque d'infamie qu'on veut ainsi inscrire dans la vie quotidienne de ces gamins, qui peut croire qu'elle reste sans effets, sans effets dévastateurs ? Et s'ils entendent démontrer qu'après tout, puisqu'on les contrôle pour rien, il se pourrait qu'ils fassent savoir, un jour, et "en réunion", qu'on peut les contrôler pour quelque chose, qui leur en voudra ?
On a les émeutes qu'on mérite. Un Etat pour lequel ce qu'il appelle l'ordre public n'est que l'appariement de la protection de la richesse privée et des chiens lâchés sur les enfances ouvrières ou les provenances étrangères est purement et simplement méprisable.

Alain Badiou, philosophe, professeur émérite à l'Ecole normale supérieure, dramaturge et romancier.

samedi 11 février 2017

Bamboula et racisme poignant

Je reproduis dans son intégralité et sans commentaires un texte de Jeune Afrique, du 10 février, au contenu historico-socio-linguistique éloquent.
Disons simplement que Marie Treps est linguiste et sémiologue au laboratoire d'ethnologie urbaine du CNRS à Paris et a participé à la rédaction du Trésor de la langue française. Elle est spécialiste en études tsiganes et auteure, entre autres, de Maudits mots, la fabrique des insultes racistes (TohuBohu éditions).

Le « bamboula » : histoire d’une injure raciste ancrée dans l’imaginaire français

Cannibale, sodomite, rigolo... Le terme « bamboula », prononcé jeudi 9 février par un policier sur la chaîne de télévision France 5, renvoie le Noir à la figure caricaturale d'un grand enfant brutal, et nie son humanité. Explications avec la linguiste Marie Treps.
Stupéfaction jeudi 9 février, sur le plateau de l’émission « C’dans l’Air ». Avant d’être vivement repris par la présentatrice, un syndicaliste policier français, Luc Poignant, jugeait que l’insulte « bamboula », « ça ne doit pas se dire, mais ça reste à peu près convenable. »Il s’agit pourtant bien d’une injure… proférée dans un contexte déjà tendu suite à l’interpellation particulièrement brutale d’un jeune noir de 22 ans, Théodore, alias « Théo », à Aulnay-sous-Bois (Seine-saint-Denis).
Pour comprendre à quel point le terme est dégradant, il faut se plonger dans l’ouvrage Maudits mots, la fabrique des insultes racistes (TohuBohu éditions), de la linguiste Marie Treps. « Bamboula », explique-t-elle, serait issu de « ka-mombulon » et « kam-bumbulu », qui signifient « tambour » dans les langues sara et bola parlées en Guinée portugaise. En 1714, en Côte d’Ivoire, le mot a pris le genre féminin, et désigne cette fois une « danse de nègres »… « il est déjà connoté négativement puisqu’il est associé au « nègre », à l’esclave noir, à un moment où la traite est en pleine expansion », nous précise l’auteur. La bamboula devient synonyme de danse violente et primitive dès la moitié du XIXe siècle (il conserve d’ailleurs ce sens aujourd’hui).

Des « bamboulas » pour sodomiser les « boches »

Mais c’est en 1914, avec l’arrivée des tirailleurs sénégalais sur le front que le terme se charge lourdement de mépris. « Le mot renvoie alors à une imagerie alliant sauvagerie, cannibalisme, sexualité animale et rire, naïveté enfantine supposée des soldats noirs », souligne Marie Treps. On la retrouve dans des caricatures du magazine français L’Illustration, alors abondamment diffusé. Le tirailleur sénégalais, personnage à la fois violent et « rigolo » dans les dessins de l’époque, menace par exemple les soldats allemands de sodomie.
À lire aussi :
Le Conseil de l’Europe dénonce la banalisation du racisme en France
« Le terme a beaucoup été utilisé au moment des grandes expositions coloniales, remarque la linguiste. Il flatte le paternalisme du colon. Derrière le terme « bamboula », il y a l’idée que les Noirs sont des grands enfants qu’il faut civiliser. Et finalement, ce qui est commode à l’époque c’est que l’être humain disparaît derrière sa caricature. Ainsi, en 1914, ce ne sont pas des humains que l’on envoie au front se faire tuer, seulement des « bamboulas ». On occulte la violence qui est faite à une population. La maladresse du syndicaliste sur France 5 est troublante : c’est ce terme ancien qui lui vient spontanément pour dénoncer les insultes qui sont également faites aux policiers, preuve que le mot est toujours présent dans l’inconscient post-colonial français. Et c’est une manière, encore une fois, de dissimuler les violences subies par les Noirs. »

Libération de la parole raciste

Pour la linguiste, les injures racistes sont de plus en plus présentes dans la sphère publique. Certes, une loi, celle du 1er juillet 1972, a créé un délit nouveau de provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence. Elle pénalise les discours de haine.
« Cependant les ténors racistes de certains partis politiques ou des amuseurs publics parlent aujourd’hui par insinuation ou utilisent des euphémismes, remarque Marie Treps. On met du sucre autour d’un poison, mais le poison est toujours là. De plus, une parole raciste souvent anonyme se libère sur internet. On peut aujourd’hui dire à peu près tout à n’importe qui et n’importe quand. »
Paradoxalement, à l’ère du politiquement correct, les noms d’oiseaux permettant de stigmatiser la différence n’ont jamais été aussi virulents.

Photo prise à Bobigny et relayée par

Radio Garden

J'apprends que Radio Garden est un site web qui permet d'accéder à des stations de radio du monde entier, plus de 9 000 à l'heure actuelle, selon la BBC.
Son interface montre un globe terrestre qui tourne en permanence. Il suffit de cliquer sur l'un des points verts qui nous signalent la présence des stations. Alors on voit, en bas à droite de la toile, la liste des radios disponibles en ligne et en continu, en flux, sur le petit point vert de son choix.

Comme exemple, vous pouvez cliquer ici pour écouter en direct Radio Présence, de Toulouse.

Capture d'écran - Radio Garden


Il s'agit, selon Wikipédia en portugais, d'un projet hollandais non lucratif de recherche radiophonique et numérique, développé de 2013 a 2016 par le Netherlands Institute for Sound and Vision, la Transnational Radio Knowledge Platform et cinq autres universités européennes.
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Mise à jour du 8 novembre 2019 :

Le quotidien lausannois Le Temps précise le 23 janvier 2019 :
À la base, Radio Garden est un projet néerlandais sans but lucratif, développé dès 2013 et mis au point techniquement trois ans plus tard en collaboration avec plusieurs universités européennes plus particulièrement tournées vers les études et les recherches transnationales. Il est financé par les Humanities in the European Research Area (HERA), qui ont cherché, dès le départ, à réduire les limites naturelles et bientôt tout à fait dépassées des stations de radio analogiques, au sujet desquelles le site propose aussi des informations complémentaires – historiques et jingles, par exemple.

Bagatelles Blitzkrieg pour un massacre à la Fillon-Patronat

Voici où nous en sommes, en fait. Il est possible que la penelopité fillonienne occasionne un changement de pion et nous assigne un autre sauveur providentiel, une autre grenouille de bénitier (un auditeur de Là-bas dixit), qui sait, mais son action ne différera pas grand-chose, tout est prêt pour que tout empire...

Serrure à Pêne mal glissé

... car le capitalisme financier est prêt à changer tous les climats. Au bout du compte, quand on peut modifier, dérégler le climat global, on peut aussi le faire à l'échelle de celui du travail ou de la fiscalité du Capital. Changer tous les climats et prolonger toutes les tensions, tous les chocs, ce qui rend très difficile "la contestation sociale", car la lutte pour la survie quotidienne additionnée à la prestidigitation tous azimuts opérée par le secteur communication (1) de la farce (la démocratie libérale), ou à la diversion procurée par un référendum démago, écran de fumée, bidon et utile par-dessus le marché, rendent difficile un retournement dont on aurait tellement besoin...

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(1) La propagande (la seule propagande digne de tel nom car les pauvres et précaires manquent de lobbies) fonctionne tellement bien que même en Allemagne, le richissime pays modèle du système où logiquement les pénuries de millions ne cessent d'augmenter —de manière directement proportionnelle à la débridée capacité de pompage des créateurs de richesse— et de prouver que Économie et vie réelle n'ont rien à voir (Die Wirtschaft in Deutschland läuft seit einigen Jahren richtig gut. Die Armen haben davon nur nichts bemerkt - im Gegenteil, ihre Zahl ist gestiegen)...

La pauvreté a progressé de 15 % en 2013 pour toucher 12,5 millions de personnes, un record, indique l'étude publiée par la fédération d'aide sociale Paritätischer Wohlfahrtsverband.

..., les laissés-pour-compte de la société se rendent eux-mêmes responsables de leur dèche (les Arme Menschen machen sich häufig selbst verantwortlich).
Christoph Butterwegge ne s'y trompe (trumpe ?) point tout à fait quand il croit que cette autoflagellation dérive d'une société qui met tout sur le dos des défavorisés et les taxe de paresseux, oisifs et parasites sociaux par-dessus le marché :
Ich glaube, dass dies damit zu tun hat, dass ihnen die Gesellschaft die Schuld in die Schuhe schiebt. Erwerbslosen wird vorgeworfen, sie seien Drückeberger, Faulenzer und Sozialschmarotzer.
Prof. Dr. Christoph Butterwegge, Armuts- und Reichtumsforscher, mit seinem Buch "Armut in einem reichen Land" | Bild: Wolfgang Schmidt

dimanche 5 février 2017

Les Fauves dans la Fundación Mapfre, Madrid

Dans sa salle Recoletos (Paseo de Recoletos 23, Madrid), la Fundación MAPFRE a proposé pendant trois mois et une semaine l'exposition "Los Fauves. Pasión por el color" (Les Fauves. La Passion de la couleur), du 22 octobre 2016 au 29 janvier 2017.
Desde el 22 de octubre 2016 hasta 29 de enero de 2017 podrás conocer qué es pasión por el color. La muestra, que hace una completa y cuidada presentación del fauvismo, reúne más de un centenar de pinturas, así como numerosos dibujos, acuarelas y una selección de piezas de cerámica.
La exposición ha sido producida por Fundación MAPFRE y ha sido posible únicamente gracias al apoyo de los más de ochenta prestadores que han colaborado en ella. Entre ellos destacan la TATE, el Centre Georges Pompidou, el Musée d’art moderne de la Ville de Paris, la Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen de Düsseldorf, el Milwaukee Art Museum o el Statens Museum de Dinamarca. También ha sido imprescindible la generosidad de más de treinta coleccionistas particulares, que han accedido a prestar obras más desconocidas por el público pero de una calidad extraordinaria.



J'en ai fait deux visites. La première, en famille, le matin du 21 janvier : l'expo faisait salle comble et il fallut patienter, faire une longue queue par un froid d'hiver bravant le dérèglement climatique ; la deuxième, avec un groupe d'élèves, le soir du 24 janvier, dans de bien meilleures conditions, heureusement.

L'appellation Fauves dérive d'une critique de Louis Vauxcelles publiée le 17 octobre 1905 dans Gil Blas (1), après sa visite du Salon d'Automne parisien de l'année en question. Longue et détaillée, elle occupait deux pages complètes et touffues, à six colonnes, du supplément du quotidien du 19 Boulevard des Capucines.
Grâce à Gallica, la bibliothèque numérique de la BNF, nous vérifions que l'article de Vauxcelles glose patiemment un parcours salle après salle : un journalisme comme on n'en fait plus. C'est ainsi qu'il arriva à la nº 7, celle d'une nouvelle génération outrancière qui suivait celle des Nabis :
Salle N°VII
MM. HENRI MATISSE, MARQUET, MANGUIN, CAMOIN, GIRIEUD, DERAIN, RAMON PICHOT.

Salle archi-claire, des oseurs, des outranciers, de qui il faut déchiffrer les intentions, en laissant aux malins et aux sots le droit de rire, critique trop aisée. Et c'est tout un lot d'indépendants, Marquet et compagnie, groupe qui se tient aussi fraternellement serré que, dans la précédente génération, Vuillard et ses amis.
Abordons, sans tarder, M. Matisse. Il a du courage, car son envoi —il le sait, du reste— aura le sort d'une vierge chrétienne livrée aux fauves du Cirque. M. Matisse est l'un des plus robustement doués des peintres d'aujourd'hui, il aurait pu obtenir de faciles bravos : il préfère s'enfoncer, errer en des recherches passionnées, demander au pointillisme plus de vibrations, de luminosités. Mais le souci de la forme souffre. M. Derain effarouchera ; il effarouche aux Indépendants. Je le crois plus affichiste que peintre. Le parti pris de son imagerie virulente, la juxtaposition facile des complémentaires sembleront à certains d'un art volontiers puéril ; reconnaissons, cependant, que ses Bateaux décoreraient heureusement le mur d une chambre d'enfant. M. de Vlaminck épinalise! Sa peinture, qui a l'air terrible, est, au fond, très bon enfant. M. Ramon Pichot se distingue des coloristes sombres ou gais d'Espagne, ses compatriotes, qui n'ont guère de sens du caricatural : l'ennuyeux est qu'on ne sait guère s'il est caricaturiste exprès: il amuse, c'est un [?], un Jules Veber madrilène ; et pourtant, son Nocturne est joli et exact. (...)
(…)
Au centre de la salle, un torse d'enfant et un petit buste en marbre, d'Albert Marque, qui modèle avec une science délicate. La candeur de ces bustes surprend au milieu de l'orgie des tons purs : c'est Donatello chez les fauves.
LE SALON D'AUTOMNE, par Louis Vauxcelles
Supplément à Gil Blas du 17 octobre 1905

Donatello chez les Fauves...
André Gide en fut aussi témoin et publia une « Promenade au Salon d'Automne » dans la Gazette des Beaux-Arts du 1er décembre (582ème livraison). Je ne me résiste pas à partager avec vous l'extrait consacré à Henri Matisse, ce qui est encore possible grâce aux bons offices de Gallica :
Pour plus de commodité, je veux admettre que M. Henri Matisse ait les plus beaux dons naturels. Le fait est qu'il nous avait donné précédemment des œuvres pleines de sève et de la plus heureuse vigueur... Les toiles qu'il présente aujourd'hui ont l'aspect d'exposés de théorèmes. —Je suis resté longtemps dans cette salle. J'écoutais les gens qui passaient, et lorsque j'entendais crier devant Matisse : « C est de la folie ! » j'avais envie de répliquer : « Mais non, Monsieur ; tout au contraire. C'est un produit de théories. » — Tout s'y peut déduire, expliquer ; l'intuition n'y a que faire. Sans doute, quand M. Matisse peint le front de cette femme couleur pomme et ce tronc d'arbre rouge franc, il peut nous dire : « C'est parce que... » Oui, raisonnable cette peinture, et raisonneuse même plutôt. Combien loin de la lyrique outrance d'un Van Gogh ! Et dans les coulisses j'entends : « Il faut que tous les tons soient outrés ». « L'ennemi de toute peinture est le gris. » « Que l'artiste ne craigne jamais de dépasser la mesure* ». M. Matisse, vous vous l'êtes laissé dire...
Et je comprends de reste comment, en voyant « les autres » se donner l'apparence du style par l'emploi des liaisons, des termes morts et trouver, pour leur timidité, dans les transitions l'excuse et le soutien de leurs prétendues hardiesses, ne pas lâcher la ligne, le contour, de même ne pas quitter une teinte, l'étayer, et, pour l'exprimer dans l'ombre, l'assombrir, —je comprends comment vous vous êtes poussé à bout. « Pour bien écrire, dit Montesquieu, il faut sauter les idées intermédiaires. » —Mais l'art n'est point de se passer enfin de syntaxe ; vive, tout au contraire, celui qui sait magnifier jusqu'aux emplois les plus modestes, révéler à la moindre conjonction sa valeur ! L'art n'habite pas les extrêmes ; c'est une chose tempérée. Tempérée par quoi? Par la raison, parbleu! Mais pas la raison raisonneuse... Cherchons d'autres enseignements.

*Phrases du Journal de Delacroix, citées par M. Signac, D'Eugène Delacroix au néoimpressionisme, Paris 1899



Disons avant tout que la collection réunie par Mapfre était, en effet, superbe en sa matière, très complète, et que sa présentation récapitulative était bien conçue, cohérente, expressive et, on ne le dira pas assez, très haute en couleur. On y percevait nettement les réminiscences du postimpressionnisme de Vincent Van Gogh, Paul Cézanne et Paul Gauguin, du pointillisme (ou néoimpressionnisme, selon les académies) de Paul Signac, le poids encore d'Henri de Toulouse-Lautrec ou de Claude Monet... La fin de la visite nous évoquait les bifurcations de ce mouvement pictural foudroyant et éphémère, et son rapport donc à l'expressionisme et au cubisme.
Concernant le cubisme, ou le géométrisme, la mort de Cézanne en 1906 et la renaissance de son ascendant y sont pour quelque chose. Au bout du compte, c'était le peintre d'Aix-en-Provence qui avait dit :
« Je construis la nature sur le géométrisme et la réduit à la géométrisation, non pas en tant que simplicité, mais en tant que clarté de la surface, du volume, des lignes droite et courbe considérées comme sections des expressions picturo-plastiques. »
Citation trouvable dans De Cézanne au Suprématisme, de Kasimir Malévitch, l'une des brochures suprématistes qu'il publia en Russie entre 1915-1922. Et Malévitch de préciser ensuite :
Prenant conscience de la nécessité d'un tel acte, il ne put pas malgré tout obtenir l'expression des constructions picturales plastiques sans base figurative, mais il a posé une indication à laquelle il fut donné de se développer dans le grand mouvement cubiste.
Quant aux liens Fauves-Expressionnisme, voici un extrait pertinent d'un article publié par Joaquín Rábago au sujet justement de cette exposition :
Los violentos contrastes de colores los alejan del naturalismo impresionista y los acercan en algunos casos a lo que sería luego el expresionismo centroeuropeo o nórdico.
A diferencia de este último, la violencia de los fauves es más superficial que profunda- se trata más de una liberación idiomática, que no lleva la carga de protesta social de los expresionistas como [Max] Beckmann o [Otto] Dix.
Pero si los fauves causaron escándalo en su día, cuando ese grupo de pintores, deudores muchos de ellos del lenguaje de Van Gogh, expuso su obra en el Salón de París de 1905, hoy nos sorprende todavía su frescura y audacia.
Tal vez es que estamos en cierto modo hartos de la abstracción, un camino en cierto modo agotado, pues parece llevar sólo a una vía muerta.
(Joaquín Rábago, Diario Información, 26/12/2016)
À cet égard, côté idéologie, ou sources et but du fauvisme, je vois que le site de Chatou, qui évoque le lien collaboratif et conflictuel entre André Derain et Maurice de Vlaminck, relaie un témoignage de celui-ci avec déjà suffisamment de perspective, car c'était en mars 1947, à l'occasion de l'exposition "Chatou" à la Galerie Bing de Paris :
Le Fauvisme n’était pas une invention, une attitude. Mais une façon d’être, d’agir, de penser, de respirer. Très souvent, quand Derain venait en permission, nous partions de bon matin, à la recherche du motif.
Ce qui fait penser à beaucoup de définitions de jazz, flamenco, blues, samba...

Revenons à l'exposition de la Fundación Mapfre et rappelons que son site propose toujours une visite virtuelle de cette présentation et souligne ses Quatre clés :
Color. Los fauves defendieron la independencia del color como su máxima. La supremacía y la arbitrariedad del color, junto al trazo impetuoso y a la libertad de ejecución, son los principales rasgos de las obras de estos artistas.
Intensidad: Fue un movimiento controvertido, profuso y exuberante liderado por Henri Matisse, André Derain y Maurice de Vlaminck. Su existencia fue muy breve, alrededor de cuatro años y en su obra se palpa el vigor de la juventud, el gozo de la camaradería y el eco de una continua experimentación.
Vanguardia: el arranque oficial del fauvismo tuvo lugar en el Salón de Otoño de París de 1905, acontecimiento donde un crítico de arte les bautizó como fieras –fauves- sorprendido ante la amalgama de colores y la originalidad de las composiciones. Esta conjunción de principios artísticos venía dada por la influencia de los últimos movimientos pictóricos del siglo XIX, que los fauves supieron aprehender y derivar posteriormente en las primeras vanguardias del siglo XX.
Acróbatas de la luz. Estos artistas fueron los últimos que pintaron a plein air, al aire libre. Matisse se entusiasmó con la luminosidad de Signac en Saint-Tropez y compartió con Derain el verano en Colliure, donde elevaron las tonalidades de sus paletas. Otros miembros del grupo -Camoin, Manguin y Marquet- también fueron seducidos por la luz mediterránea, que queda reflejada sobre todo en las vibrantes naturalezas, en las vistas marinas y en los cuidados desnudos. Poco después, Braque, Dufy y Friesz pusieron su atención en los pueblos pesqueros y en el júbilo de las villas engalanadas por las fiestas populares.

Voici les SECTIONS qui organisent la visite (je résume les textes fournis par María Teresa Ocaña, commissaire de l'exposition, avec éventuellement de petites remarques personnelles. Pour accéder aux textes complets en castillan, il n'y a qu'à cliquer sur le lien ci-contre) :

-Le Fauvisme avant le Fauvisme: Les premiers contacts entre les futurs Fauves eurent lieu dans la décennie de 1890 ; leur point de rencontre était l'atelier que le peintre symboliste et professeur très apprécié Gustave Moreau avait dans l'École des Beaux-Arts de Paris. Un enseignement essentiel : on pouvait admirer les grands maîtres exposés au Louvre, mais il était impératif de s'éloigner d'eux. L'atelier de Moreau réunit, entre autres, Henri Matisse, Georges Rouault, Albert Marquet, Henri Manguin et Charles Camoin. Jean Puy, André Derain y Maurice de Vlaminck s'y joignirent aussitôt. Ils peignaient ensemble très souvent et se mirent bientôt à expérimenter avec des couleurs pures, vibrantes, et des innovations techniques au grand éclectisme.

-Les Fauves se portraiturent. Fréquence aussi des autoportraits, comme celui d'Henri Manguin, avec son chapeau, ou ceux d'Henri Matisse, Albert Marquet ou Charles Camoin, celui-ci en militaire, avec son képi. Derain est le plus osé dans ce domaine, tour à tour pointilliste (portraits de Terrus et de Matisse), pinciste (celui de Vlaminck) ou tachiste (celui d'Henri Matisse). Je trouve remarquable son autoportrait à la casquette.

-Acrobates de la lumière. Les Fauves passèrent l'été 1905 sur la côte méditerranéenne (Matisse et Derain, à Collioure, Manguin à St.-Tropez, Camoin à Marseille et Cassis...) et présentèrent leurs étonnantes toiles bourrées de couleurs vibrantes dans le Salon d’Automne 1905. Parmi les œuvres de cette section, citons comme échantillon le Restaurant de la Machine à Bougival, de Maurice de Vlaminck, un ravissant coucher de soleil à Saint-Tropez d'Henri Manguin, Élise à la violette, de Charles Camoin, ou la Femme endormie, de Jean Puy. Il y avait aussi plusieurs crayons ou encres sur papier.

-La férocité de la couleur. Le scandale du Salon se traduisit illico en un succès retentissant dans les cercles artistiques... Vollard envoie Derain à Londres où celui-ci peint, entre autres, comme Monet, le Big Ben (1906) mais aux couleurs autrement fulgurantes. 1906, c'est l'année de l'incorporation dans le groupe des trois peintres originaires du Havre : Raoul Dufy, Émile Othon Friesz et Georges Braque. Marquet et Dufy parcoururent ensemble les côtes normandes (Sainte-Adresse notamment) ; Braque et Friesz se rendirent à Anvers, puis, en hiver, à l'Estaque et à La Ciotat. Le groupe totalement configuré, les Fauves exposèrent leurs œuvres dans le Salon des Indépendants des printemps 1906 et 1907. Je suis resté fasciné un bon moment devant La jetée à Sainte-Adresse (1906) d'Albert Marquet. Lui aussi avait capté une Fête foraine au Havre (1906) qui me laissa rêveur, imaginant la ville avant sa terrible destruction de septembre 1944.

-Sentiers qui bifurquent. Entre 1907 et 1908, selon Matisse, chaque Fauve se mit à récuser “la parte del fauvismo que consideró excesiva, cada uno según su propia personalidad, para dar con una trayectoria propia” (je dispose seulement de la version castillane de la citation). Par ailleurs, la mort de Cézanne en octobre 1906 entraînera sa redécouverte. Derain, Braque, Friesz et Dufy géométriseront ses formes sous son emprise : voir notamment les tableaux de Dufy à l'Estaque en 1908. Du coup, le développement d'un fauvisme cézannien va de pair avec la naissance de l'esthétique du cubisme.

-La céramique parmi les Fauves. À partir 1906, les Fauves se mirent à décorer des pièces de poterie encouragés par Ambroise Vollard, dont le flair commercial ne tarissait pas. Dans ce but, Vollard prit l'initiative de présenter le groupe au célèbre céramiste André Metthey. Plus d'une centaine de ces objets (vases, vases à anse, bonbonnières, assiettes, petites boîtes...) furent présentés au Salon d’Automne de 1907. Ce fut peut-être Georges-Henri Rouault qui montra un penchant plus poussé pour la céramique.

-Une Chronologie complétait l'exposition à la fin de la visite.

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(1) Gil Blas : ancien quotidien parisien, très littéraire, fondé en 1879. Son édition hebdomadaire illustrée inspira Simplicissimus, l'hebdomadaire satirique bavarois d'Albert Langen et Thomas Theodor Heine. Ce qui n'est pas étonnant, attendu que Der Abentheuerliche Simplicissimus Teutsch (1669) fut le grand roman picaresque allemand, que nous devons à Hans Jakob Christoffel von Grimmelshausen (1622-76), et que Gil Blas serait également un personnage picaresque imaginé par Alain René Lesage (1668-1747) dans son Histoire de Gil Blas de Santillane (1715).

vendredi 3 février 2017

Tromelin, Riffard, Herrou... et la (non-)assistance à personne en danger

Dans la Roya, on s'occupe des gens qui dorment dehors,
il n'y a pas de vols parce que les gens sont nourris, les 
enfants sont accueillis chez l'habitant... Non, ce qui dérange, 
c'est que des citoyens s'occupent de politique. 
Cédric Herrou : Francetvinfo, 4/01/2017

(...) l’intention affichée par Donald Trump au cours de sa campagne
d’expulser entre 2 et 3 millions d’immigrants illégaux a fait bondir
les démocrates, valant au candidat des procès en racisme et en xénophobie.
Obama a pourtant expulsé presque trois millions de personnes dans les sept
premières années de sa présidence, sans provoquer d’émotion particulière.
(...) Il est confondant de voir François Hollande appeler son homologue
au respect du principe de l’accueil des réfugiés, lui dont la police soumet
des réfugiés à des brimades injustifiées et dont la justice poursuit
des particuliers coupables d’avoir donné à manger à ceux qui ont faim.
Roger Persichino : Le Monde, 2/02/2017.



Dans La Chute d'Albert Camus, l'événement qui déclenche la « chute » de Jean-Baptiste Clamence, personnage et voix du roman, et sa conversion en juge pénitent, c'est le suicide d'une jeune femme qui se jeta dans la Seine quand il passait par là. Il ne la secourut aucunement alors qu'elle était sur le point de se noyer et, qui plus est, il ne prévint personne.
(...) Il était une heure après minuit, une petite pluie tombait, une bruine plutôt, qui dispersait les rares passants. Je venais de quitter une amie qui, sûrement, dormait déjà. J’étais heureux de cette marche, un peu engourdi, le corps calmé, irrigué par un sang doux comme la pluie qui tombait. Sur le pont, je passai derrière une forme penchée sur le parapet, et qui semblait regarder le fleuve. De plus près, je distinguai une mince jeune femme, habillée de noir. Entre les cheveux sombres et le col du manteau, on voyait seulement une nuque, fraîche et mouillée, à laquelle je fus sensible. Mais je poursuivis ma route, après une hésitation. Au bout du pont, je pris les quais en direction de Saint-Michel, où je demeurais. J’avais déjà parcouru une cinquantaine de mètres à peu près, lorsque j’entendis le bruit, qui, malgré la distance, me parut formidable dans le silence nocturne, d’un corps qui s’abat sur l’eau. Je m’arrêtai net, mais sans me retourner. Presque aussitôt, j’entendis un cri, plusieurs fois répété, qui descendait lui aussi le fleuve, puis s’éteignit brusquement. Le silence qui suivit, dans la nuit soudain figée, me parut interminable. Je voulus courir et je ne bougeai pas. Je tremblais, je crois, de froid et de saisissement. Je me disais qu’il fallait faire vite et je sentais une faiblesse irrésistible envahir mon corps. J’ai oublié ce que j’ai pensé alors. « Trop tard, trop loin... » ou quelque chose de ce genre. J’écoutais toujours, immobile. Puis, à petits pas, sous la pluie, je m’éloignai. Je ne prévins personne.
À partir de ce fait, cet (anti)héros se livre à une confession permanente et à une accusation totale, car il juge tout et tous, l'humanité entière : Albert Camus réfléchit à la culpabilité et à l'irresponsabilité qui seraient la marque de la société moderne.
Dans son Prière d'insérer, Camus résumait son récit de la sorte :
« L'homme qui parle dans La Chute se livre à une confession calculée. Réfugié à Amsterdam, dans une ville de canaux et de lumière froide, où il joue à l'ermite et au prophète, cet ancien avocat attend, dans un bar douteux, des auditeurs complaisants. Il a le cœur moderne, c'est-à-dire qu'il ne peut supporter d'être jugé. Il se dépêche donc de faire son propre procès, mais c'est pour mieux juger les autres. Le miroir dans lequel il se regarde, il finit par le tendre aux autres. Où commence la confession, où l'accusation ? celui qui parle dans ce lieu fait-il son procès, ou celui de son temps ? Est-il un cas particulier, ou l'homme du jour ? Une seule vérité en tout cas, dans ce jeu de glaces étudié : la douleur, et ce qu'elle promet. »
On dirait, donc, que selon Camus, la « non-assistance à personne en danger » serait le symptôme par excellence de la déchéance morale moderne.
Et qu'en dit le Code Pénal en France ? L'article 223-6, alinéa 2, reprend mot pour mot les termes de l'ancien article 63, alinéa 2, définit donc le cadre de cette non-assistance et punit celui qui ayant connaissance d'un péril encouru par un tiers ne lui apporte pas une assistance appropriée  :
Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.
Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsque le crime ou le délit contre l'intégrité corporelle de la personne mentionnée au premier alinéa est commis sur un mineur de quinze ans ou lorsque la personne en péril mentionnée au deuxième alinéa est un mineur de quinze ans.
Or, pour qu’il y ait obligation de porter secours, trois conditions préalables doivent être réunies ; il faut :
- qu’un péril grave menace une personne ;
- qu’un secours puisse être apporté à cette personne
- que ce secours puisse être porté sans risque 
Et qu'est-ce qui se passe en France ? Que l'exécutif et la justice agissent comme si la loi punissait... l'assistance à personne en danger, en besoin ou en détresse. C'est-à-dire, ce qui constitue, en principe, un devoir légal, perçu d'ailleurs par une belle partie de la population comme un devoir moral, est en fait constitutif de délit aux yeux des libéraux qui nous gouvernent. Et le parquet ne plaisante pas. Et cette doctrine criminelle ne fléchit ni même s'apitoie sur le sort des enfants.
Voyons, Robert Lawrie, vétéran de l'armée anglaise, risqua récemment 5 ans de prison pour avoir essayé de faire passer une petite fille de 4 ans au Royaume-Uni afin qu'elle puisse quitter la «jungle» de Calais et retrouver sa famille. Une môme de 4 ans... Le criminel ne voulait pas qu'elle pourrisse toute seule dans la dite jungle.
Finalement, en janvier 2016, il fut condamné à une amende de 1000 euros avec sursis.

D'autre part, un blog de Mediapart rendait compte un peu avant, en décembre 2015, d'un autre délit de solidarité traité comme tel par les pouvoirs publics : menottes, perquisitions, garde à vue, portable mis sous scellées, amande non négligeable... Il fallait neutraliser et discipliner une dangereuse dame de 72 ans :

Délit de solidarité : Claire, 72 ans, condamnée pour un peu d'humanité

Le TGI de Grasse vient de rétablir le délit de solidarité, pourtant supprimé par le gouvernement en janvier 2014, au détriment de Claire, 72 ans, pour avoir aidé deux réfugiés à rejoindre la gare d'Antibes. Menottée, interrogée et placée en garde à vue durant 24h, Claire a été traitée comme une dangereuse délinquante...

Claire avait, d'ailleurs, un précurseur à Saint-Étienne, un prêtre cette fois ; c'était décembre 2014 :

Saint-Etienne : un prêtre risque une amende pour avoir hébergé des sans-abris


Peu avant son procès, une quarantaine d'enseignants de Lyon et Vaulx-en-Velin, qui occupaient entre cinq à six écoles chaque soir pour héberger des enfants sans-abris, manifestaient devant les grilles du palais de justice pour soutenir le prêtre.
Bastamag se penchait sur cette histoire en janvier 2015 :
Prêter assistance à des personnes sans-abri est-il un délit ? La Cour d’appel de Lyon doit rendre ce 27 janvier sa décision concernant le prêtre Gérard Riffard. Ce dernier est poursuivi pour avoir hébergé des dizaines de demandeurs d’asile dans son église de Montreynaud, à Saint-Étienne. En première instance, le juge a reconnu l’« état de nécessité » : « Il est paradoxal que l’État poursuive aujourd’hui le père Riffard pour avoir fait ce qu’il aurait dû faire lui-même », détaille le jugement. Alors que le parquet a fait appel, Gérard Riffard persiste : il n’a fait que son devoir. 
Cette fois, heureusement, la cour s'était déclarée incompétente pour juger une telle affaire, mais hélas, pour des raisons purement formelles. Le 27 janvier, Bastamag ajoutait une mise à jour à son suivi de cette affaire :
La cour d’appel de Lyon se déclare incompétente. Selon le juge, Gérard Riffard aurait du être poursuivi pour un délit, donc en correctionnelle, et non pour une contravention. Le dossier doit désormais revenir au parquet de Saint-Etienne, qui pourra décider soit d’arrêter les poursuites, soit de reciter le père Riffard devant le tribunal correctionnel [1]. « Il faut tout recommencer à zéro. On m’a toujours dit que je n’étais pas un délinquant mais un contrevenant, et là il (le juge, NDLR) a plutôt l’air de dire que je suis plus un délinquant, donc c’est très agréable... Je m’attendais à un jugement sur le fond, alors que la cour s’est basée sur un argument juridique », a déploré Gérard Riffard à l’issue de la brève audience.
Le 23/04/2016, Le Progrès recueillait ces propos du père Gérard Riffard :
« Les refus actuels de domiciliation par le CCAS [Centre communal d'action sociale, Note de Candide résiste] sont très nombreux. Notre association qui accueille et accompagne des demandeurs d’asile est totalement impliquée, d’autant plus qu’elle abrite, de manière précaire, des gens qui, sans cet accueil, seraient laissés dans la rue. Le CCAS rejette systématiquement celles et ceux qui disent dormir à l’église. La motivation du rejet est “ Pas d’attache avec la commune car situation irrégulière logement illégal ”…Ceci est une véritable discrimination envers les personnes en grande précarité. L’attache avec la commune va de soi puisque Montreynaud est bien à Saint-Etienne. Le caractère irrégulier ou illégal n’est pas du ressort du CCAS qui devrait, au contraire, être encore plus attentif à ces personnes en grande précarité. La domiciliation a été refusée à une personne car “ absence de suivi médical justifiant l’Aide médicale d’État (AME) ”. Là, on est dans le délire absolu. 
Mme Buffard (adjointe en charge des affaires juridiques) signe les refus de domiciliation et donne, me semble-t-il, au CCAS des compétences qui ne sont pas les siennes. Ce n’est pas au CCAS de décider s’il faut affilier à la CMU ou à l’AME, s’il faut donner le RSA, ou si le conseil départemental doit verser quelque chose pour les enfants. Les organismes qui attribuent ces aides ont des critères précis qu’ils mettent en œuvre avec attention. Le CCAS n’est pas gardien des dépenses engagées par l’État pour les plus faibles.
Derrière ces pratiques de rejet qui sont humiliantes pour des personnes déjà bien malmenées, on ne peut que soupçonner une politique qui cherche à se débarrasser des plus fragiles. “ Tu n’as pas de place chez nous… ” Ce n’est pas notre conception d’une société juste et solidaire, ce n’est pas l’image que nous voulons pour notre ville de Saint-Étienne qui sait accueillir et secourir.
Pour notre part, nous sommes déterminés à soutenir les personnes déboutées d’un des derniers droits qui leur reste, de par la loi. Nous alertons d’abord le défenseur des Droits, et si les choses n’évoluent pas rapidement (il y a urgence) le tribunal administratif de Lyon sera saisi et risque d’être submergé. Cela coûtera cher en aides juridictionnelles.
Nous aimerions connaître le point de vue de M. le préfet, garant chez nous de la politique gouvernementale qui n’a jamais favorisé des décisions extrêmes qui risquent de fragiliser encore davantage notre tissu social, malgré tous ceux qui travaillent pour faire progresser le vivre ensemble. »
Le 11 octobre 2016, Le Parisien informait :
Saint-Etienne : les demandeurs d'asile ne dormiront plus à l'église

A Saint-Etienne (Loire), il est désormais interdit au père Riffard de les accueillir la nuit

À partir de ce soir, le père Gérard Riffard ne peut plus héberger la nuit des ressortissants étrangers dans sa petite église de Montreynaud à Saint-Etienne (Loire).
La décision du parquet et de la préfecture de la Loire a été communiquée directement à l'évêché oralement. Cela faisait neuf ans que la petite église Sainte-Claire servait d'asile de nuit, dans l'illégalité. En moyenne, 80 ressortissants étrangers, familles et enfants, y trouvaient chaque soir le gîte et le couvert aux côtés du père Riffard.
Une décision qui n'a pas surpris l'intéressé : « Ce qui est mis en avant par les services de l'Etat, c'est le problème de sécurité en cas d'incendie. » Lucide, bien qu'attristé, le curé stéphanois reconnaît que 80 personnes à héberger, « cela devenait très difficile. Le chiffre ne cessait de grimper et nous posait problème ».

Soixante personnes hébergées ailleurs

Désormais, les demandeurs d'asile peuvent rester dans l'église Sainte-Claire pendant la journée mais n'ont plus le droit d'y dormir, sous peine de fermeture définitive des locaux. Hier, le père Gérard Riffard n'avait donc d'autre choix que de trouver des solutions pour tout le monde. Soixante personnes ont été ainsi relogées dans des appartements ou les asiles de nuit de Saint-Etienne. Une vingtaine d'autres restaient sans hébergement.
Je ne sais pas si le père Riffard est au courant d'une autre nouvelle où nous apprenions qu'une simple plainte indignée est passible aussi de répression, car le tribunal correctionnel de Bobigny condamna à 1 500 euros d'amende André Barthélémy, membre de la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme, pour avoir protesté contre les conditions d'expulsion de deux Congolais. C'était en mars 2009. Et je mets en rouge le dernier paragraphe car carrément ahurissant :
Le 16 avril 2008, ce vieux monsieur de 72 ans prend place à bord d’un vol Air France Paris-Brazzaville. Lui et les autres passagers sont soudainement alerté par les plaintes et cris de deux sans-papiers congolais reconduits entravés et sous escorte. Tous se lèvent.
Selon la police, André Barthélemy, qui est également président d’Agir ensemble pour les droits de l’Homme (AEDH), ONG basée à Lyon aurait crié «c’est inadmissible, une honte»«vous ne respectez pas les droits de l’homme». Il aurait également incité les autres passagers à la révolte.
A l’audience, André Barthélemy a revendiqué un «réflexe d’indignation» et de «solidarité active» de «quelqu’un qui voit des gens souffrir». Sans contester la «légitimité» des reconduites, il demande qu’elles soient faites «avec humanité et dans le respect des droits fondamentaux».
Les magistrats ont reconnu André Barthélémy coupable de «provocation directe à la rébellion» et d'«entrave volontaire à la navigation ou la circulation d’un aéronef», un délit passible de cinq ans de prison et 18 000 euros d’amende.
Un autre passager, un ingénieur de 53 ans souffrant d’hypertension qui avait expliqué s’être levé de son siège pour demander aux policiers de «diminuer les hurlements» des reconduits, a été condamné à 400 euros d’amende.
2017. Plusieurs média se font écho du procès des habitants de la vallée de la Roya, y compris, en Espagne, eldiario. Je lis sur le site de l'UJFP :
Procès d’habitants de la vallée de la Roya « coupables » d’être venus en aide à des réfugié⋅e⋅s, avec la menace de lourdes sanctions. Mesures d’intimidation, poursuites - et parfois condamnations - de personnes ayant agi en soutien de migrant⋅e⋅s ou de Roms, à Calais, à Paris, à Norrent-Fontes, à Boulogne, à Loos, à Perpignan, à St-Etienne, à Meaux... On assiste depuis plusieurs mois à la recrudescence de cas où la solidarité est tenue pour un délit. (...)
Nous avons déjà rendu compte ici du cas particulier, honteux, de Cédric Herrou. Qu'un homme de sa dignité ait des problèmes avec la police et la justice en dit long sur la turpitude et les vraies valeurs qui nous gouvernent.

Cet état de répression généralisée, y compris des élans humains les plus élémentaires, a finalement entraîné la réaction de 75 organisations qui viennent de publier un manifeste. Voici le texte de cet appel indigné et urgent, trouvable également sur le site de l'UJFP avec la liste des premières organisations signataires :

LA SOLIDARITE, PLUS QUE JAMAIS UN DELIT ?
12 janvier 2017

Bien sûr, la solidarité n’a jamais été inscrite dans aucun code comme un délit.
Cependant, des militants associatifs qui ne font que venir en aide à des personnes en situation de très grande précarité, victimes de décisions dangereuses, violentes, voire inhumaines, se retrouvent aujourd’hui face à la justice.
Avec l’instauration de l’état d’urgence, et dans le contexte baptisé « crise migratoire », on assiste à une recrudescence de poursuites visant à empêcher l’expression de la solidarité envers migrants, réfugiés, Roms, sans-papiers... Au-delà, c’est le soutien à l’ensemble des personnes étrangères qui tend à devenir suspect, l’expression de la contestation des politiques menées qui est assimilée à de la rébellion et au trouble à l’ordre public.
La loi permet en effet de poursuivre les personnes qui viennent en aide aux « sans-papiers » [1] , mais toutes sortes d’autres chefs d’accusation servent désormais à entraver toute action citoyenne qui s’oppose aux politiques mises en œuvre. L’ensemble de ces intimidations, poursuites, condamnations parfois, visent donc bien en fait ce qui constitue de nouvelles formes du « délit de solidarité ».
Dès 2009, les associations de défense des droits de l’Homme et de soutien aux étrangers avaient dénoncé le fait que le délit d’« aide à l’entrée, à la circulation et au séjour des étrangers en situation irrégulière », introduit à l’origine pour lutter contre ceux qui font commerce du trafic et de l’exploitation des étrangers, ait permis au fil du temps de sanctionner les « aidants » d’étrangers sans papiers, même agissant dans un but non lucratif. Si les peines prévues ne sont pas toujours appliquées, une telle réglementation a bien sûr un effet dissuasif sur celles et ceux qui refusent de se soumettre à des politiques hostiles aux étrangers.
La mobilisation associative, à l’époque, a abouti à plusieurs réformes successives, dont celle du 31 décembre 2012 qui a été présentée comme la « suppression » du délit de solidarité. Il n’en est rien ; la nouvelle rédaction des textes se contente de préciser et augmenter les cas d’exemption de poursuites. Outre l’aide apportée à des parents, est autorisée l’aide qui aura seulement visé à « assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger » ou à « préserver la dignité ou l’intégrité physique de celui-ci ». Malgré tout, des personnes ayant manifesté leur solidarité avec des étrangers sans titre de séjour continuent d’être inquiétées - convocations à la police ou à la gendarmerie, gardes à vue, perquisitions, écoutes téléphoniques - voire poursuivies et parfois punies d’amende et emprisonnement.
Dans le même temps, des poursuites ont commencé d’être menées sur la base de textes sans rapport avec l’immigration.
Les délits d’outrage, d’injure et de diffamation, de rébellion ou violences à agent de la force publique sont utilisés pour défendre l’administration et la police contre celles et ceux qui critiquent leurs pratiques ;
Le délit d’« entrave à la circulation d’un aéronef », qui figure dans le code de l’aviation civile, permet de réprimer les passagers qui, voyant des personnes ligotées et bâillonnées dans un avion, protestent contre la violence des expulsions ;
La réglementation qui sanctionne l’emploi d’un travailleur étranger sans autorisation de travail a servi à inquiéter des personnes qui, hébergeant des étrangers en situation irrégulière, acceptent que leurs hôtes les aident à effectuer des tâches domestiques.
Aujourd’hui, les motifs des poursuites se diversifient toujours plus. Tandis que les poursuites pour aide à l’entrée et au séjour ont repris de plus belle, de nouveaux chefs d’accusation sont utilisés pour condamner les actions solidaires :
La réglementation en matière d’urbanisme a été invoquée à Norrent-Fontes (Pas-de-Calais) pour demander la destruction d’abris pour migrants ;
Des textes sur l’hygiène ou la sécurité applicables à des locaux ont servi à empêcher des hébergements solidaires à St-Etienne ;
L’absence de ceinture de sécurité et d’un siège pour une fillette à bord d’un camion a permis la condamnation d’un aidant à Calais ;
L’intrusion dans des zones particulières, interdites pour cause d’état d’urgence, a été utilisée, à Calais également, pour sanctionner le regard citoyen ;
Le délit de faux et usage de faux est utilisé pour intimider des personnes qui ont voulu attester de la présence depuis plus de 48h de personnes dans un squat à Clichy ;
• etc...
Et, de plus en plus, le simple fait d’avoir voulu être témoin d’opérations de police, d’expulsions de bidonvilles, de rafles, peut conduire à une arrestation, sous couvert de rébellion ou de violences à agent.
Ces procédés d’intimidation doivent cesser. Nous affirmons la légitimité du droit de regard des citoyens et des citoyennes sur les pratiques de l’administration, de la justice ou de la police. Nous voulons que soient encouragé·e·s celles et ceux qui se montrent solidaires des personnes en situation de précarité sans se soucier de savoir si elles sont ou non en situation régulière quant au séjour. Nous refusons que les populations visées par des politiques ou des pratiques xénophobes soient privées de soutien. C’est l’avenir du principe même de solidarité qui est en jeu.
Nous vous appelons tous et toutes à vous joindre au combat que nous, organisations syndicales et associatives et comités de soutien informels, avons décidé d’engager ensemble, au sein du collectif que nous avons constitué.

Cette rage libérale d'en finir avec la moindre humanité me fait penser à sa vieille tradition d'esclavagisme, de colonialisme, de racisme, de suprémacisme et d'exploitation. Cette rage inhumaine me fait penser au sort impitoyable des esclaves abandonnés et oubliés sur Tromelin.
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MISE À JOUR du 10 février 2017 :

Selon le quotidien Le Monde d'aujourd'hui, Cédric Herrou a été condamné à 3 000 euros d’amende avec sursis. Le journal précise :
Mais le procureur, Jean-Michel Prêtre, avait pour sa part dénoncé l’usage de ce procès comme d’une « tribune politique » et requis à l’encontre de l’agriculteur huit mois de prison avec sursis, la confiscation de son véhicule, ainsi qu’un usage limité de son permis de conduire aux besoins de sa profession. Le parquet reproche à M. Herrou un détournement de la loi de 2012 accordant l’immunité pénale à ceux qui apportent une aide humanitaire aux migrants.
Cliquez ici pour accéder au blog de Roya Citoyenne-Résistances en Roya.
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MISE À JOUR du 24 mars 2017 :

Manifeste des enfants cachés

MEDIAPART - 15 mars 2017. Par OLIVIA ELIAS. Blog : Le blog d'Olivia Elias
« Sans la solidarité de délinquants nous ne serions pas là ». Des enfants juifs aujourd'hui en vie parce que des citoyens français les ont cachés eux ou leurs parents affirment leur solidarité avec ceux et celles qui viennent en aide aux réfugiés et aux Roms.
Manifeste des enfants cachés
samedi 4 mars 2017
« Sans la solidarité de délinquants, nous ne serions pas là ! »
L’heure est à la renaissance d’un délit de solidarité. Dans la vallée de la Roya, à Calais, à Paris, à Norrent-Fontes, à Boulogne, à Loos, à Perpignan, à St-Etienne, à Meaux... des militants et des citoyens qui ont manifesté concrètement leur solidarité désintéressée aux réfugiés ou aux Roms, sont intimidés, menacés, poursuivis par les Autorités.
Nous soussigné, enfants juifs cachés pendant la Seconde guerre mondiale pour échapper à la déportation, déclarons solennellement : si nous sommes en vie, c’est parce que des délinquants solidaires ont désobéi, nous ont cachés, nous ont nourris, en dépit des lois de Vichy et de l’occupant. Ils ont ouvert leur porte, falsifié notre identité, ils se sont tus ignorant les injonctions de la police et de l’administration, ils ont emprunté des chemins de traverse face à la persécution…
Leur solidarité est aujourd’hui reconnue publiquement. Nous leur sommes reconnaissants, comme nous le sommes au courage de nos parents qui ont fait le dur choix de se séparer de nous et de transformer leurs enfants en « mineurs isolés ».
Mais ce devoir de solidarité s’applique aussi aujourd’hui et nous réclamons la fin de ces procédés d’intimidation. Nous proclamons la légitimité du droit de regard des citoyens et des citoyennes sur les pratiques de l’administration, de la justice ou de la police. Nous sommes solidaires avec celles et ceux qui se montrent solidaires des personnes en situation de précarité sans se soucier de savoir si elles sont ou non en situation régulière quant au séjour. Nous passons le flambeau de la solidarité aux lanceurs d’alerte, aux citoyens critiques des politiques xénophobes, aux solidaires du quotidien.

Les 49 premiers signataires :

1. Enfants caché-e-s :

Georges Gumpel, enfant caché à Lyon puis en Haute-Loire ;
Liliane Lelaidier-Marton, enfant cachée à Bonneuil-sur-Marne ;
Georges Tugène, caché en Haute-Loire ;
Jean de Monbrison, caché près d’Auch, dans le Gers ;
Georges Rosevègue, né en février 1941, enfant caché avec mes parents résistants, dans une ferme de l’Isère ;
Nicole Kahn, enfant cachée dans une école catholique à Limoges.
Denise Fernandez Grundman, enfant cachée dans le Maine et Loire.
Michèle Lessmann-Portejoie, cachée dans une institution catholique, à Amélie-les-Bains, Pyrénées Orientales, puis dans une famille de paysans à Boësse, Loiret ;
Catherine Vidrovitch, enfant cachée à Chaumont-en-Vexin par le chef de la résistance locale ;
Bina Kohn, sauvée de la rafle du Vélodrome d’hiver par ma concierge, puis cachée par mon employeur à Paris ;
Jean Claude Urbach, caché avec mon frère dans un hameau des Cévennes ;
Henri Edouard Osinski, caché avec 10 enfants juifs à Montigny-le-Ganelon, Eure et Loir ;
Nicole Marx Maingault, cachée dans un pensionnat catholique à Nègrepelisse, Tarn et Garonne ;
Roland Gaillon, enfant caché à Nice, puis Annecy et Sallanches ; mon nom actuel est ma fausse identité conservée ;
Henri Kochman, caché dans le village de Vourey, près de Grenoble ;
Renée Blancheton-Sciller, cachée de 1942 à 1944, à Gières et à Pierre-Châtel, Isère ;
Marie Jakobowicz, enfant cachée à Paris durant l’été 1942, puis passage en zone libre ;
Jules Jakubowicz, caché avec sa famille à Bâgé-le-Châtel, Ain
Laurent Weill, enfant caché en 1943, fuyant Lyon, au Chambon-sur-Lignon, Haute-Loire
Catherine Weill-Follet, cachée au Chambon-sur-Lignon en 1944
Lucienne Lerman, fille de Michel Lerman (déporté), enfant cachée à Pouzauges, Vendée ;
Jacques Charmatz, enfant caché de 1943 à 1944, en Suisse avec ma sœur
Charles Futerman. mère cachée à l’hôpital de Saint-Junien, Haute-Vienne, caché avec ma sœur chez des voisins lorrains en exil puis dans une famille du voisinage.

2. Parents caché-e-s

Patrick Silberstein, fils d’Hélène Vainberg, cachée par des Italiens à Monthléry ;
Mireille, Dominique, Brigitte et Emmanuèle Natanson, filles et fils de Jacques Natanson, caché par des moines dominicains à Saint-Maximin, Var ;
Jean-Claude Meyer, frère de Colette Meyer, cachée après l’exécution de notre père ;
Jean-Guy Greilsamer, fils d’Yvonne Greilsamer, cachée à Saint-Dizier en Haute-Marne, puis dans l’Aube ;
Béatrice Orès, fille d’une enfant cachée dans le département du Rhône.
Didier Epsztajn, fils de Josette Stern, enfant cachée ;
Sonia Fayman, fille de Lucien David Fayman, résistant déporté à Dora, qui organisa la mise à l’abri d’enfants dans le Sud de la France.
Heddy Riss, fille de Samuel Riss et Fanny Kohn, cachés par un garde champêtre et sa famille à Linkebeek, Belgique ;
Sylvie Pasquier Lévy et Rosine Lévy, filles de Janine Serff cachée par une famille de Tonneins, Lot-et-Garonne ;
Carole Stern, fille de Carol Stern juif roumain caché dans l’Hérault, puis arrêté par la police française ;
Hélène Mendelson, fille de Roza Piernicarz, cachée à Paris, et de Chaim Henri Mendelson, caché à Cazères, Hérault ;
Dr Jean-Jacques Tyszler, fils d’Henri Albert Tyszler caché à Tassin-la-Demie-Lune, Rhône, et de Paulette Frejtak cachée en région parisienne ;
Patrick Portejoie et Sylvie Portejoie, fils et fille de Michèle Lessmann-Portejoie, cachée à Amélie-les-Bains, Pyrénées Orientales, puis à Boësse, Loiret ;
Colette Barak, fille de Michel Barak, caché dans la région de Nice, Alpes-Maritimes ;
Jean-François et Sylvie Pessis, Paul Regnier, enfants de Catherine Hanff, cachée à Die, Drôme ;
Claudine Avram, fille de Bernard Burah Avram, un « mineur juif non accompagné », caché et protégé pendant plusieurs mois par une dame marseillaise qui élevait seule ses deux enfants ;
Chantal Steinberg, fille de Bina Kohn, sauvée de la rafle du Vélodrome d’hiver puis cachée à Paris ;
Armand Gorintin, fils d’Esther Gorintin, cachée par sa logeuse à Bordeaux, arrêtée puis échappée, puis cachée à Lyon ;
Helyett Bloch, fille de Claudine Haas, cachée deux ans par la Résistance à l’auberge de La Thuile, Savoie.

Cet appel est lancé à l’initiative de l’Union juive française pour la Paix, membre de Délinquants Solidaires.

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MISE À JOUR du 11 septembre 2020 :

La course à l'ignominie est effrénée parmi les gouvernements et les ministres de l'Intérieur de la République : à chaque fois qu'on pense que plus rien ne peut aller en la matière, ils se surpassent encore en surenchère incessante, perpétuelle... La Voix du Nord :

Calais : sur instruction de Gérald Darmanin, le préfet interdit la distribution de repas aux migrants par les associations non-mandatées