vendredi 28 septembre 2012

Médicaments et plats de lentilles ou le Triomphe de l'industrie pharmaceutique

L'industrie pharmaceutique est singulièrement, énormément lucrative. Il y en a qui ont déclaré...
« (...) l'industrie pharmaceutique est l'une des plus lucratives. Ni les banques ni le pétrole ni l'informatique ne font autant de profit. Cela devrait interpeller les Français ! Est-ce moral et éthique que l'industrie qui rapporte le plus soit une industrie de santé ? Moi je ne le crois pas ! »
C'est Philippe Even qui s'exprime de la sorte lors d'une entrevue accordée à allodocteurs.fr intitulée Médicaments dangereux : le Pr. Even répond aux critiques.

Ancien doyen de la faculté de médecine de Paris et président de l’Institut Necker, le docteur Philippe Even vient de publier, en collaboration avec Bernard Debré, un livre polémique et très salutaire : Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux, 
Éd. Cherche Midi, 912 p., 23,80 euros.


Il y est question des résultats de l'application du capitalisme pur et dur (1) à la recherche pharmaceutique, ses procédés et son "marché" : un pur et dur désastre prouvant, encore une fois, combien l'avidité peut nuire au savoir, à la recherche, au langage et à la santé de tous : 50% de médicaments inutiles, 20% de mal tolérés, 5% de « potentiellement très dangereux » ; transfert de 10 à 15 milliards d'euros du Trésor public aux caisses de l'industrie pharmaceutique "sans aucune amélioration de la santé des patients"... En voilà un, d'assistanat. Avec, en prime, son corollaire de la fièvre de l'ordonnance : les gardiens de la santé publique ont créé une population d'accros.
Le bilan que ce répertoire autorise à dresser est donc bien lourd : nous serions les otages de la cupidité des uns, du laisser-aller des autres et des routines empêchant bon nombre de professionnels de penser... et de lire. Car, selon Philippe Even, il faudrait...
« (...) apprendre aux médecins où s'informer, leur apprendre à avoir une lecture critique, à décoder les articles scientifiques d'autant qu'ils sont nombreux à être écrits par l'industrie pharmaceutique ou ses affidés. C'est un métier d'apprendre à lire ces articles. »
On dirait que la culture de la corruption et de la bêtise, du laxisme et de la démagogie (fouillis inextricable ?), dans tel ou tel domaine, est fonction du chiffre d'affaires qu'il produit. Comme me le rappelle mon ami F., médecin, ce n'est pas la première fois que l'industrie des médocs vend le diagnostic et le langage pour pouvoir ensuite vendre les médicaments ad hoc (2). Témoin, les anti-dépresseurs.
Enfin, profitons de la citation ci-dessus de Philippe Even, grand conseil à portée universelle : il faut savoir lire et il faut savoir vérifier qui est derrière telle ou telle production, ce qui n'est pas toujours facile. La compréhension de lecture ne va pas de soi, elle requiert une pratique, un apprentissage.

Revenons au Guide des 4000 médicaments... Si vous fouillez un tant soit peu sur le Web, on vous fera tomber sur d'autres informations récentes concernant ce vade-mecum et ses auteurs :

— Sous le titre Les tontons flingueurs des médicaments, Le Monde recueille certaines critiques à leur égard et nous rappelle que l'un, Even, est médecin et de gauche, et que l'autre, Debré, est chirurgien et de droite.
— Le site Allodocteurs propose plusieurs documents pour en savoir plus:
- Médicaments dangereux et inutiles : la réaction de Roselyne Bachelot
- Médicaments dangereux : la réaction de Bruno Toussaint (Prescrire)
- Médicaments : la moitié serait inutile, 13 septembre 2012.
- La liste des 58 médicaments jugés ''très dangereux'', 13 septembre 2012.
- Pr. Even : "Les médecins ignorent tout des médicaments", entretien du 27 septembre 2011.
- 77 médicaments sous surveillance rapprochée, dossier du 31 janvier 2011.
- Médicaments : de la recherche à la pharmacovigilance, dossier complet.
- Mediator : genèse d'un scandale sanitaire, reportage vidéo du 26 avril 2012.
— L'émission animé par Zemmour & Naulleau, sur Paris Première, a invité le docteur Even. Voici deux liens permettant d'écouter ses propos dans leur intégralité, ici et .
— Le Nouvel Observateur nº 2497, du 13 septembre 2012, dédie tout un dossier —documenté et effarant— à ce sujet comprenant un guide des médicaments utiles, inutiles ou dangereux ainsi qu'un entretien avec Philippe Even, menée par Anne Crignon et Céline Revel-Dumas, dont on peut lire l'intégralité sur bibliobs.com (cliquez sur le lien précédent).


Puis d'autres sites de l'Obs élargissent encore ces contenus ; je vous relaie ici un précis de pharmacologie inutile ou dangereuse édité par Matthieu Sicard et une infographie fournissant la liste noire des 58 médicaments dangereux.

Comme j'ai trouvé l'entretien de l'Obs très instructif, j'en extrais quelques fragments significatifs :

Sur les avancées majeures de l'industrie pharmaceutique :
Oui, cela a été vrai de 1950 à 1990. Elle a inventé, développé et commercialisé presque tous les grands médicaments qui ont changé notre vie. Les antibiotiques et les vaccins ont supprimé la mortalité infantile dans les pays occidentaux et d’un seul coup allongé notre médiane de vie de dix ans. Ensuite, les grands traitements des maladies d’après 50 ans —cancers, maladies cardiaques, maladies inflammatoires ou diabète— l’ont encore allongée de cinq ans. (...)
Mais, soudainement, la biologie s’est terriblement complexifiée. On n’étudie plus un organe mais ses cellules et ses dizaines de milliers de molécules. Les découvertes sont toujours plus nombreuses mais ponctuelles. On avance, mais pas à pas. C’est pourquoi les nouveaux médicaments n’ont, eux non plus, que des applications ponctuelles. Ainsi, ces vingt dernières années, pas un seul traitement de grande envergure, c’est-à-dire qui soit à la fois très actif et qui concerne un grand nombre de malades, n’a été découvert. L’industrie pharmaceutique n’a commercialisé qu’une vingtaine de molécules très efficaces, mais sur de petits créneaux comme certaines sous-variétés de cancers. Lentes et difficiles, les découvertes ne se font plus désormais que dans les laboratoires universitaires. L’industrie a décroché, elle a abandonné les recherches devenues trop complexes. Les petits marchés étant beaucoup plus étroits qu’autrefois, cela l’oblige, pour maintenir ses sacro-saints bénéfices, à vendre ses molécules à des prix nettement supérieurs aux prix d’autrefois ; parfois 100 000 euros par an et par malade.
Médicaments et affaires :
Le capitalisme est devenu essentiellement spéculatif, visant la rentabilité immédiate. Les managers des firmes ont exigé 20% de rendement par an, se condamnant à des politiques de court terme absolument antinomiques avec la découverte de nouveaux médicaments, qui demande au moins dix ans. Alors, pour gagner de plus en plus d’argent, l’industrie a tenté d’allonger la France entière en élargissant la définition des maladies. Nous sommes ainsi tous devenus des hypertendus, des diabétiques, des hypercholestérolémiques, des artériels, des ostéoporotiques et des fous en puissance. Les laboratoires, avec l’appui de nombreux spécialistes complices, ont multiplié les traitements préventifs donnés pendant dix à trente ans à des gens sains pour prévenir des pathologies qu’ils n’auront jamais. Un pactole dont le meilleur exemple est celui des statines, pour lutter contre le cholestérol [voir article de Marie Vaton, p. 58 de l'édition internationale de l'Obs]. Enfin, les firmes ont développé les « me too » : comme les brevets de leurs grandes molécules tombaient dans le domaine public et devenaient la proie des « génériqueurs », elles ont sorti tous les cinq ou six ans des quasi-copies relookés et « remarketées » de leurs anciennes molécules baptisées de « deuxième » ou « troisième » génération. (...) En effet, la totalité de ces « me too » n’ont pas le moindre intérêt. Mais avec l’impardonnable accord de l’État, on a accepté des prix et des remboursements égaux ou supérieurs à ceux des molécules originales. La copie de « la Joconde » plus chère que la Joconde elle-même ! Scandale d’État. Exemples : il y a 5 molécules pour traiter l’hypertension artérielle et 150 « me too ». Ce n’est pas tout : les firmes ont une politique de dénigrement des anciennes molécules car elles ne rapportent plus rien financièrement (3). [Et il évoque les exemples des antiashmatiques et des antidiabétiques oraux pour conclure :] « L’entreprise médicale menace la santé », écrivait déjà Ivan Illich, le grand critique de la société industrielle, en 1975.
Complicité de l'État :
Parce que, comme le disent l’ONU et les parlements américain et britannique, « l’industrie est une pieuvre infiltrant toutes les instances décisionnelles nationales et internationales, les gouvernements, les grandes administrations, les institutions, les sociétés savantes médicales et les médias ». Voilà pourquoi nos commissions d’évaluation tournent en rond, laissant passer des molécules inefficaces et dangereuses alors qu’elles savent que les essais cliniques réalisés par l’industrie sont biaisés, truqués, mensongers, masquant les dangers, amplifiant les effets positifs. Quant à la pharmacovigilance qui devrait permettre de suivre les médicaments pour repérer les accidents, il s’agit davantage d’une pharmacosomnolence, ce que le Mediator a bien illustré. Les accidents seraient-ils quand même repérés que le dossier tournerait indéfiniment entre les différentes commissions comme une boule dans un flipper.
Vraies dépenses de l'industrie pharmaceutique :
(...) 5% —seulement— pour la recherche, 15% pour le développement, 10% pour la fabrication, entièrement sous-traitée en Inde ou au Brésil. L’industrie de la santé est parmi les plus lucratives. Où est la morale ? Elle n’y parvient que par un marketing et un trafic d’influence pour lesquels elle n’investit pas moins de 45% de son chiffre d’affaires ! À Washington, 600 lobbystes s’affairent, presque autant à Bruxelles, plusieurs dizaines à l’Assemblée nationale à Paris. Elle tient aussi la presse professionnelle, et ce dans toutes les langues, par le biais des grandes agences telles Cégédim et Business Média —présente dans 80 pays et qui emploie 20 000 personnes.
— Je conseille également de lire ses propos à l'égard des essais pré-cliniques et cliniques dont les critères, procédés et recrutements s'avèrent vraiment gratinés.

Rapport experts-industrie (ou lorsque les experts font office de visiteurs médicaux) :
Dès 2002, Bernard Kouchner a imposé la déclaration des liens d'intérêts entre les experts et l’industrie pharmaceutique. Les décrets d’application ne sont parus qu’en 2007 et n’ont été que partiellement appliqués. Certains médecins se sont déclarés, d’autres pas. Le résultat: beaucoup plus de la moitié des experts de nos commissions ministérielles d’évaluation des médicaments sont très étroitement liés financièrement à l’industrie pharmaceutique. Au point que certains présidents des commissions de l’ancienne Afssaps [devenu Agence de sécurité du médicament ANSM en mai 2012, NDLR] étaient liés par dix à cinquante contrats avec l’industrie pharmaceutique. Il s’agit là de contrats personnels de consultance, leur accordant honoraires ou actions en bourse contre leur soutien actif et permanent. En France ces contrats vont de 10.000 à 500.000 euros et aux Etats-Unis de 500.000 à deux millions de dollars. La tentation est grande. Tous ces contrats ne représentent pour l’industrie mondiale qu’une dépense annuelle de quatre ou cinq cent millions de dollars, beaucoup moins d’un millième de son chiffre d’affaire. Les médecins se vendent pour un plat de lentilles.
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(1) ...du jeu production-consommation-gros profits-graves conséquences. La croissance capitaliste n'est pas qu'inutile : elle est surtout nuisible, car le productivisme est contre-productif, tout comme la surconsommation est crétinisante. Et la croissance sacrifie notamment les pays pauvres sur l'autel du marché et par-dessus le marché. Et puis, ils sont les dépotoirs de nos déchets les plus toxiques.
(2) À cet égard, le dossier du Nouvel Observateur nº 2497 cite un ouvrage dont le titre est toute une promesse. Il s'agit de Jörg Blech : Les Inventeurs de maladies (Actes Sud, 2003), où l'on rapporte, entre autres, que le « syndrome de Sissi » n'était qu'une stratégie de Wedopress, agence de relations publiques sous contrat avec un fabricant de psychotropes. Parmi les contempteurs français du trafic de la maladie, mon ami F. et l'Obs sont d'accord : il faut évoquer le directeur de la maison d'édition Les Empêcheurs de penser en rond, Philippe Pignarre, dont j'ignorais tout jusqu'ici. En 2003 il avait sorti Le Grand Secret de l'industrie pharmaceutique (cf. site de France Culture). Je dispose désormais de La sorcellerie capitaliste, Pratiques de désenvoûtement, l'ouvrage qu'il a publié en 2005 (La Découverte) avec Isabelle Stengers.
(3) Ce dénigrement de ce qui remplit bien ses fonctions, du moment qu'il ne rapporte plus rien, est l'une des marques permanentes du capitalisme prédateur, le grand champion du bâclage juteux et de l'obsolescence programmée (voir la vidéo ci-dessous). Quand l'Internationale prédatrice tient à stigmatiser quelqu'un ou quelque chose, elle les taxe de démodés ou de vieillots, sans autre forme de procès ou d'argument, et -comme on le voit bien- cela concerne même ses marchandises un peu âgées, éventuellement utiles, ce qui déborde les pertinentes analyses de Guy Debord à propos de La Société du Spectacle dans son ouvrage homonyme (1967), où l'on pouvait lire :
« L'imposture de la satisfaction doit se dénoncer elle-même en se remplaçant, en suivant le changement des produits et celui des conditions générales de la production. Ce qui a affirmé avec la plus parfaite impudence sa propre excellence définitive change pourtant, (...), et c'est le système seul qui doit continuer : Staline comme la marchandise démodée sont dénoncés par ceux-là mêmes qui les ont imposés. Chaque nouveau mensonge de la publicité est aussi l'aveu de son mensonge précédent. »

Prêt à jeter, Fabricados para no durar, Fabricats per no durar.
(co-production ARTE, TVE, Televisió Catalana)

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P.-S. - Pour ceux qui lisent en anglais, le 21 septembre, sous le titre The drugs don't work: a modern medical scandal, The Guardian a publié des extraits de Bad Pharma, un ouvrage du docteur Ben Goldacre qui est sur le point d'être édité par Fourth Estate et qui montre, lui aussi, à quel point on nous berne dans ce domaine.
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Info du 23.05.2013

Le Mediator, «un crime presque parfait», pour la pneumologue Irène Frachon

- Pour en lire plus, cliquez ci-contre.
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Mise à jour du 8 décembre 2015 :

Selon une étude du magazine 60 millions de consommateurs (novembre 2015)...

couverture du numéro 

...plus de la moitié des médicaments achetables sans ordonnance (contre grippe, rhume, toux, troubles digestifs) qu'ils ont étudiés sont inutiles ou présentent plus de risques que de bénéfices. Contre la toux, la plupart des drogues légales de la pharmacopée occidentale sont à éviter. D'autant que "Sachant qu’une toux grasse participe à la guérison du malade grâce à l’évacuation du mucus, il est préférable d’attendre qu’elle passe d’elle-même."
Leur hors-série de janvier-février 2016 publie une liste de médicaments dangereux.

mercredi 26 septembre 2012

Petits contes mathématiques en vidéo, sur Curiosphère

Curiosphère est un service de France 5 (chaîne publique dépendant de France Télévisions), lancé en 2008, que nous avons déjà évoqué dans plusieurs billets de ce blog, concrètement ici [suggestions tv-web pour votre apprentissage], ici [Truffaut], ici [colonisation, guerre et indépendance d'Algérie] et [Afrique(s) : une autre Histoire], car il met en ligne des dossiers et des vidéos au service des différents "acteurs éducatifs".
Pour ceux qui veulent travailler les mathématiques de base en français, le site de Curiosphère propose, sous sa rubrique Culture scientifique (1), une série de Petits contes mathématiques de courte durée illustrant les angles, les équations, le zéro, le X, le théorème de Pythagore, les nombres négatifs, le nombre Pi ou encore le nombre tout court. Une quinzaine en tout, jusqu'à présent.
En ce qui concerne, par exemple, l'épisode consacré au théorème de Pythagore,
le narrateur retrace l’histoire du théorème de Pythagore, qui fut le fondateur, avec Thalès, de la mathématique grecque. Sans lui, il n'y aurait pas d'angles droits, donc pas de maison qui se tiendrait bien droite, c'est à dire au carré... tout serait de travers, et bien sûr il n'y aurait pas de racines carrées... et bien d'autres choses encore. 
La réalisation de la série est due à Clémence Gandillot et Aurélien Rocland, et sa production à Goldenia Studios, France Télévisions et Universcience.
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(1) NOTE DU 5/12/12 :

francetv

Curiosphere a changé de nom : elle s'appelle désormais francetvéducation et a renouvelé son site web qui vous fournit des dossiers sur les différentes disciplines scolaires, des articles sur l'actualité, etc. Voici les liens principaux de son menu APPRENDRE :
Chaque rubrique a son menu qui s'ouvre sur plusieurs matières.

francetvéducation se veut complémentaire de la plateforme lesite.tv, un service éducatif de vidéos pour les enseignants et les élèves axées sur quatre domaines : école, collège, lycée et enseignements transversaux. Pour découvrir lesite.tv, cliquez ici.

dimanche 16 septembre 2012

Voyage en Bourgogne et en Franche-Comté - Jour III - Ronchamp et Besançon

Quatrième volet de cette histoire. Quant aux trois premiers, vous pouvez cliquer ci-dessous :  
  1. Vol et arrivée à Dijon.
  2. Le soir à Dijon.
  3. Jour II : Vézelay et Auxerre.

C'était le samedi 12 mai 2012. Et ce fut par un matin de grande pluie que nous partîmes, à 07h30, pour Ronchamp, à 181 kms de Dijon. On prit donc la route de l’Est, comme si on allait à Bâle, en suivant l'A39 puis l'A36.
Peu après notre entrée dans le Jura, nous commençâmes à voir des clochers comtois, parfois aux tuiles vernissées multicolores. Ils sont le symbole de la Franche-Comté. Wikipédia explique :
Son véritable essor fait suite à la guerre de Dix Ans pour pallier la destruction de bon nombre d'édifices religieux. (…)
Sa forme courbe à quatre faces est surmontée du traditionnel globe, de la croix et du coq. La base est identique mais plus ou moins étirée en hauteur, la couverture est essentiellement composée de tuiles vernissées, sauf dans les régions froides et enneigées, où les tuiles sont en métal ou en tavaillons (tuiles bois).
Les motifs les plus courants sont les chevrons, les losanges, les bandes horizontales, les mouchetées et, plus rares, les fleurettes et l'abstrait. La Franche-Comté compte 665 clochers de ce type : 257 dans le Doubs, 277 en Haute-Saône, 124 dans le Jura et sept dans le Territoire de Belfort. On en trouve aussi deux dans le Chablais (Lullin et Perrignier).
Nous nous engageâmes sur la sortie 5 de l’A36 (direction Lure) pour parcourir les derniers 50 km jusqu’à Ronchamp. Felipe, notre chauffeur, négligea la D96 et choisit la D486 pour continuer. Au bord d’un fleuve, une grappe de barques rouges attira notre attention. C’était où ? Le lieu était préparé pour le tourisme campagnard.

Ronchamp est une commune de la Haute-Saône (Franche-Comté) qui s'adosse aux contreforts des Vosges saônoises, au nord, pour s'ouvrir sur une plaine, à l'ouest. Elle se trouve à 20 kms de Belfort et à 130 kms de Dijon.
Juste au Nord du village, la rue de la Chapelle conduit sur la colline de Bourlémont ; c'est sur le sommet de la butte que s’érige la chapelle Notre-Dame-du-Haut, de Le Corbusier, notre but de ce matin-là : nous avions réservé une visite guidée des lieux qui devait commencer à 10h.
Alors, nous grimpâmes la colline de Bourlémont en car, sous ses voûtes d’une verdure drue et luisante. Et après notre passage à l'accueil...




À la fin de notre parcours guidé sur ce site exceptionnel, nous avons entendu la sonnerie des trois cloches de Ronchamp, situées à l'extérieur de la chapelle...


... leur campanile a été conçu par Jean Prouve en 1975. La plus grosse cloche date de 1869, la seconde de 1936 et la petite, justement de 1975. Pour qui sonnait le glas ?




Nous eûmes encore le temps de faire la visite du monastère des Clarisses du coin. Insérées sur les flancs de la colline, au pied de la chapelle, la Fraternité et sa porterie font partie de cet ensemble ronchampois ; les douze cellules des nonnes se trouvent sous l’oratoire. Ce projet, dessiné par l’architecte Renzo Piano et dont le paysagisme est dû à Michel Corajoud, comporta donc un réaménagement d’un site vraiment délicat et déclencha au début une polémique et des pétitions. Cf. :
Finalement, Piano et les Clarisses de Ronchamp inaugurèrent leur nouveau monastère le 9 septembre 2011 :



11h45: Départ pour Besançon, à 96 kms de Ronchamp.
 

Besançon est la Préfecture du Doubs et de la région Franche-Comté, et la ville natale de Victor Hugo et de Pierre Proudhon. D'ailleurs, elle fêta du 10 au 26 février 2012 le 210e anniversaire de la naissance de Victor Hugo et le 150e anniversaire de la parution des « Misérables ».
La cité historique se développa
d’abord dans un méandre du Doubs de près d’un kilomètre de diamètre, dont la boucle presque parfaite est fermée et surplombée par le mont Saint-Étienne qui soutient l’imposante citadelle de Vauban, inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO ; c'est le site le plus visité de Franche-Comté. 
La ville moderne déborde largement de ce cadre initial mais reste entourée de sept collines dont la plupart est coiffée de forts : Chaudanne (422 m), Bregille (458 m), Saint-Étienne (371 m), la Roche d’Or (316 m), Planoise (490 m), Rosemont (466 m) et Fort-Benoît (360 m).

13h15: Arrivée à Besançon. Nous voulions manger, voir la citadelle de Vauban et, très en vitesse, faire une petite visite du centre-ville : il faudrait vraiment se dépêcher.
Pour monter à la citadelle de Vauban, on devait prendre un bus de la ligne régulière Chamars-Citadelle. Ils démarrent du parking gratuit de la Rodia. Notre car, conduit par Felipe, resta donc sur place, et nous nous lançâmes dans l’aventure ineffable du 17, le numéro de la ligne qui traverse quelques-uns des espaces emblématiques de la vieille ville de Besançon : rue de la République, Place du 8 Septembre (accueillant
l'ancien Hôtel de Ville, l'église Saint-Pierre et un joli manège de chevaux de bois), Grande-Rue... Puis, elle entame l'assaut de la forteresse par les rampes de la rue des Fusillés de la Résistance.
 

Sur la citadelle, pour le repas, nous fîmes deux groupes et nous nous distribuâmes entre le snack et le restaurant de la citadelle. Puis nous nous éparpillâmes.
Je visitai le Musée de la Résistance et de la Déportation




... puis le Musée Comtois et enfin, les remparts et « trails » de la fortification, afin de me régaler avec leurs vues superbes. « Trails » : sic transit la connerie branchée du colonialisme autoinfligé.




En marchant sur ces hauteurs, on voit mieux la variété des animaux habitant les enclos de ce site, qui est aussi un Jardin zoologique mettant l'accent, nous dit-t-on, sur la conservation d'espèces animales menacées, en particulier les fauves (lions d'Asie, tigres de Sibérie), les primates (ouistitis, tamarins, lémuriens, gibbons, colobes... plus de 25 espèces) et les oiseaux (une trentaine d'espèces aquatiques et tropicales). Il y a également des macropodes (kangourous roux et wallabies des Rochers), diverses espèces d’herbivores et les animaux domestiques de la P’tite Ferme.
 

Afin de repartir pour le centre ville, il fallait reprendre un bus. Mais celui-ci emprunte au retour un chemin qui n'est pas celui de l'aller : il descend la rue des Martelots et, au lieu de suivre ensuite la rue des Granges, il s'arrête pour la dernière fois sur la Place Jean Cornet, devant le pan coupé Martelots-Pontarlier, et tourne à droite par la rue de Pontarlier vers La Rodia. C'est une fontaine monumentale qui forme ce pan coupé, sur laquelle on peut lire VTINAM, la devise associée au blason de Besançon :

Le chauffeur du bus urbain nous prévint et nous descendîmes faire le tour du Besançon des piétons, des terrasses et des boutiques les plus centrales.

À la fin, le temps nous laissa encore le loisir de faire une dernière promenade vers Chamars, y rejoindre le car, retour où l'on franchit le Doubs par un pont piéton visible sur l'une des photos précédentes.
Plus tard, dans le car,
avant de quitter Besançon, on rigola aux larmes quand un groupe de voyageurs attitrés nous raconta en catimini leur péripétie à bord du 17, secret de Polichinelle. Le prof l'imagina à la manière Rimbaldienne :

VTINAM ? Désolé, mais à Dieu ne plut...

On n’est pas sérieux quand on prend le Dix-Sept.

Un beau soir, près des bocks et de la limonade
Des cafés tapageurs aux terrasses bondées,
On ne descend pas, on prolonge la promenade :
Le Dix-Sept n’a plus d’arrêts ce beau treize mai !
La lumière est si doubce qu’on ferme la paupière ;
Chamars devient destin –la ville n’est plus près,
Ni ses parfums de vigne ni ses parfums de bière…


Voilà qu’on demande à un tout petit chauffeur
D’azur sombre, assis à son volant bien rond,
Si on peut rentrer en ville, « remonte-t-on ? »,
Avec de doux frissons, les joues bien en couleur…


Soir de mai ! Le Dix-Sept ! On se laisse griser
La gaffe est du champagne et vous monte à la tête ;
On divague ; on se croit les lèvres bien scellées
Mais elles palpitent, comme une petite bête…


Le cœur fou de rire s’ouvre à travers les éclats,
les uns après les autres, en bus puis en car :
On n’est pas sérieux quand on quitte les remparts
Et que du centre-ville, on rate le rancard.

18h30: Retour pour Dijon, à 96 kms de Besançon.
19h45: Arrivée à Dijon.

samedi 15 septembre 2012

15-S à Madrid

 Entre Cibeles et Colón, le 15 septembre, à 11h35.

Traduction : Dans le nouveau projet éducatif du PP, l'alphabet s'avérera réduit à trois lettres : "O, B, I".

Dommage qu'on ne puisse pas en faire la traduction en anglais car au bout du compte, c'est la langue qu'ils nous ont choisie : they want us to obey. In English and without question. They have that dream.

Merci Teresa pour la photo.

lundi 3 septembre 2012

Goldman Sachs - La banque qui dirige le monde, sur ARTE


"O criminoso vive do poder e da impunidade. Se a impunidade cresce, cresce o poder."
(Angiolo Pellegrini, chef de la DIA, Direzione Investigativa Antimafia, di Calabria.
Lu dans Lucas Figueiredo : Morcegos negros, Ed. Record, RJ/SP, 2000, p. 173)

« Quand des agents économiques comme les traders
des grandes banques d'affaires américaines influent
sur les prix en achetant ou en vendant de gros paquets
de titres, ou pire, quand les grandes banques d'affaires
américaines comme Goldman Sachs font modifier la
réglementation du secteur à leur avantage, il est risible
d'invoquer la main invisible du marché »
(Bruno Biais, économiste libéral et professeur à la Toulouse School of Economics) (1)



Demain soir, la chaîne publique de télévision franco-allemande ARTE émet une soirée thématique à propos de Goldman Sachs centrée sur un documentaire intitulé à juste titre La banque qui dirige le monde et coréalisé par les reporters Marc Roche (Le Monde) et Jérôme Fritel (Capa TV) après une année d'investigation.
Le film nous permettra, je me figure, d'apprendre un tant soit peu comment on transforme le monde dans un casino... dont on est la banque ; bref, comment on se sucre sur la faillite des autres à travers la spéculation la plus agressive, les tentacules les plus longs et les manigances les plus atroces —garantissant un assistanat tous azimuts (économique, politique, législatif et juridique) qui anéantit les risques.

Pour que les uns empochent des sommes mirobolantes (2), il faut que les autres échouent, entendra-t-on dans le film. Il se peut que vous vous demandiez alors pourquoi cet appauvrissement galopant de millions de personnes qui souvent ne tiennent qu'à vivre, dérivé des dérivés, titrisations et dés pipés par ce genre de banques d'affaires, reçoit le nom technique de "création de richesse". Ou pourquoi, quand on remarque trop les effets "très violents" de tant de pénurie sagement cultivée, les média évoquent le mot "crise" et s'évertuent à nous expliquer son caractère cyclique, car il y en a de temps à autre. Ou pourquoi la présentation de ce film nous dit littéralement que "la finance enflamme le monde depuis cinq ans".
Cinq ans ? Alors, tout ce qui est survenu ces cinq dernières années serait-il né de la dernière pluie, un hasard incompréhensible succédant à une délicieuse vertu préalable ? Alors, Mary Ellen Lease manquait-elle complètement de jugement ou de santé mentale lorsqu'elle dénonçait le système des hypothèques aux États-Unis et affirmait, en 1890, à Topeka (Kansas), dans le cadre de la convention du People’s Party, “Wall Street owns the country. It is no longer a government of the people, by the people, and for the people, but a government of Wall Street, by Wall Street, and for Wall Street.” ?
Bornons-nous à ne considérer que l'époque commençant à la fin de la IIGM ; ouvrons une polysyndète :
Et la loi McCarran-Ferguson, de 1944, qui cassait la décision du Tribunal Suprême étasunien contre la South-Eastern Underwriters Association et sur laquelle reposent des décennies d'arnaques des compagnies d'assurances des États-Unis ? (3).
Et le travail de sape des grands gourous des années 50-70 (Ayn Rand, Alan Greenspan, Milton Friedman —élève à son tour de Friedrich von Hayek— et son école de Chicago, et autres Ronald Reagan) prolongé par les puissants think tanks de ces derniers temps (sans oublier lobbyistes, experts, agences de notation financière e tutti quanti car il faut savoir relooker sans désemparer toutes les vieilles idées de domination et de spoliation) ?
Et l'amendement à la loi de la Commission pour le Commerce Fédéral (FTC) de 1980, par lequel le gouvernement interdit de surveiller les activités du secteur ?
Et le Depository Institutions Deregulation and Monetary Control Act (DIDMCA), signé par Jimmy Carter en 1980, légalisant "de facto les prêts subprime en autorisant les prêteurs à prélever les taux et les frais qu'ils veulent sur les emprunteurs, en clair en supprimant la limite du taux usuraire" (4) ?
Et la réunion en 1995 à l'hôtel Fairmont de San Francisco et ses deux conclusions, les "Deux dixièmes" et le "tittytainment" (5) ?
Et le démontage, en 1998, de la loi Glass-Steagall qui empêchait les fusions entre les banques commerciales, les banques d'investissement et les compagnies d'assurances, idée géniale de Sandy Weill, président de Citybank, menée à bien avec la complicité de Bill Clinton, Robert (Bob) Rubin et Alan Greenspan ?
Et le Commodity Futures Modernization Act of 2000, loi dite de Modernisation des Marchés à Terme de Marchandises présentée par le sénateur démocrate Phil Gramm et qui entraîna la dérégulation effective du dit marché des produits dérivés, source de tant de prospérités... ?
Et la réunion clandestine de 2004, intrigue longtemps tenue secrète, où les cinq grandes banques d'investissement de Wall Street de l'époque —Merrill Lynch, Goldman Sachs, Morgan Stanley, Lehman Brothers et Bear Stearns— firent pression auprès de William Donaldson, président de la Securities and Exchange Commission (SEC), l'organisme fédéral étasunien de réglementation et de contrôle des marchés financiers, dans le but d'abroger les restrictions légales établies par la net capital rule (la « règle du capital net »), qui comportait un coefficient de leviérisation et plafonnait donc les paris des banques en question à hauteur de 12 fois leurs fonds réels, ce qui ne leur semblait pas assez ?
On peut dire, si l'on veut, qu'une très grosse bulle spéculative a explosé en 2007, mais la finance met en flamme tout ce qu'elle peut depuis qu'elle existe : elle constitue le noyau de cet inimical system et 2007 est la conséquence d'une longue activité pyromane.
Il faudrait détailler ces plusieurs décennies de déréglementation et de magouilles un autre jour, dure besogne ; entretemps, il y en a qui, sur le Net, ont déjà fait un peu de mémoire allant au delà des cinq dernières années...

Revenons donc à la soirée thématique d'ARTE. Voici la présentation de cette "théma" extraite du site d'ARTE ; les témoignages, données et arguments qu'on annonce risquent malgré tout d'être instructifs à propos de cette banque "sur-puissante, opaque et secrète" :

Goldman Sachs, la banque qui dirige le monde

Mardi 4 septembre 2012 à 20.50

Un documentaire de Jérôme Fritel et Marc Roche, à voir sur ARTE le mardi 4 septembre à 20.40 et sur ARTE.tv gratuitement jusqu'au mardi 11 septembre 2012.

[Voir la vidéo un peu plus bas, au bout de cet article]

Depuis cinq ans, la banque d’affaires américaine Goldman Sachs incarne tous les excès et dérives de la spéculation financière. Après s’être enrichie pendant la crise des « subprimes » en pariant sur la faillite des ménages américains, elle a été sauvée de la faillite grâce à ses appuis politiques. Quand le krach financier traverse l’Atlantique, Goldman Sachs devient l’un des protagonistes de la crise de l’euro en pariant contre la monnaie unique, après avoir maquillé les comptes de la Grèce. Quand les gouvernements européens tombent les uns après les autres, "la Firme" en profite pour étendre son formidable réseau d’influence sur le Vieux Continent.

Un empire invisible

Plus qu’une banque, Goldman Sachs est un empire invisible riche de 700 milliards d’euros d’actifs, soit deux fois le budget de la France. Un empire de l’argent sur lequel le soleil ne se couche jamais, qui a transformé la planète en un vaste casino, pariant sur tout et n’importe quoi pour engranger toujours plus de profits. Grâce à son réseau d’influence unique au monde et son armée de 30.000 moines banquiers, Goldman Sachs a su profiter de ces cinq années de crise pour accroître sa puissance financière, augmenter son emprise sur les gouvernements et bénéficier de l’impunité des justices américaines et européennes.
Ce documentaire de Marc Roche, journaliste spécialisé au Monde, auteur du best-seller La Banque, et de Jérôme Fritel, est une plongée au cœur de ce pouvoir qui ne reconnaît aucune frontière, ni aucune limite et menace directement les démocraties. Les témoignages, à visage découvert, d’anciens salariés de Goldman Sachs, de banquiers concurrents, de régulateurs, de leaders politiques, d’économistes et de journalistes spécialisés dévoilent pour la première fois la toute puissance financière et politique de "la banque qui dirige le monde".

Goldman Sachs - La banque qui dirige le monde
Mardi, 4 septembre 2012 à 20:50
Rediffusion mercredi 19 septembre à 10H25
(France, 2012, 75mn)
ARTE F
Comme apéritif, ARTE a créé une page web pour vous encourager à visiter les différents rayons de ce supermarché de la très haute finance : "on y trouve de tout, pour tout, partout. Et toujours, on passe à la caisse. A vos cabas !" On y trouve de tout, y compris de nombreux extraits très intéressants qui ne figurent pas dans le montage final du film.
Au menu de ce supermarché, vous disposez des rayons "entrée", "bricolage", "conseil client", "informatique", "librairie", "épicerie", "jardinage", "service après-vente", "Vénus de Milo", "direction" et "caisse".
Il suffit de cliquer sur chaque rubrique pour plonger dans beaucoup de contenus (je mettrai en italique les phrases extraites littéralement des informations fournies par ARTE) : vous voulez savoir comment créer une crise nutritionnelle d'envergure ? Visitez donc l'épicerie où se trouvent les informations sur le commerce des matières premières alimentaires. C'est là que le journaliste étasunien Frederick Kaufman explique, par exemple, comment la spéculation sur le marché des denrées alimentaires a eu des conséquences désastreuses, notamment dans de nombreux pays en voie de développement.
Le rayon “Bricolage” concerne le commerce et la spéculation sur les matières premières non-alimentaires (métaux, pétrole, gaz...). On y trouve un lien renvoyant à The Great American Bubble Machine [From tech stocks to high gas prices, Goldman Sachs has engineered every major market manipulation since the Great Depression -- and they're about to do it again], recherche de Matt Taibbi —l'auteur de Griftopia (6)— publiée par Rolling Stone (1082-83, les 9 et 23 juillet 2009).
Grâce à la collaboration d'anciens de la banque, le rayon “Jardinage” est dédié à ce qu'on appelle "la culture d’entreprise" : un mélange de culte du secret, de goût du risque (sic), où l’argent règne en maître. Chez Goldman Sachs, le travail d’équipe prime sur l’individu (7). La banque recrute les meilleurs et leur assure un train de vie de millionnaire.
Le rayon “Conseil client” est consacré aux relations entre Goldman Sachs et ses clients. Pourquoi choisissent-ils de travailler avec cette banque plutôt qu’une autre ?
Le “Service après-vente” porte sur la justice. Plusieurs enquêtes ont été ouvertes sur les agissements de Goldman Sachs, notamment après la crise financière de 2008. Ces enquêtes ont-elles abouti à des condamnations ? La législation a-t-elle évolué depuis ?
Le rayon “Informatique” raconte comment le scandale des produits dérivés “Abacus” a été une des prémices de la crise financière qui a secoué la planète en 2008. Goldman Sachs a parié contre ses propres clients, franchissant ainsi la ligne jaune de l’éthique. Vous pourrez également y apprendre à comprendre un peu du jargon prédateur moderne, genre CDO (Collateralized Debt Obligation ou « obligation adossée à des actifs » ; Jean de Maillard —cf. note 4— précise : « produits financiers constitués de dettes diverses titrisées, placées dans un fonds commun de titrisation dont les parts sont vendues à des investisseurs ») ou CDS (Credit Default Swaps ou « couvertures de défaillance » ou « dérivés sur événement de crédit » ou « permutations de l'impayé »). Pour en savoir plus, cliquez sur la "Librairie", qui vous permet d'accéder à un glossaire regroupant les définitions des termes techniques utilisés dans le documentaire.
La Vénus de Milo représente la Grèce. Le pays, berceau de la démocratie et de la culture européenne, est au bord de la faillite. Avant son entrée dans la zone euro en 2001, le gouvernement grec conclut un deal secret avec Goldman Sachs, Goldman sacks... Que s’est-il réellement passé ? Quelles en sont les conséquences aujourd’hui ? Ou comment l'odeur du sang stimule les requins.
La “Direction du supermarché” est un rayon essentiel pour mieux saisir le pouvoir tentaculaire, l'influence doctrinale et les protections antimagouilles dont jouit celle qui n'est plus qu'une simple banque d'affaire, vu qu'elle dispose d'un réseau d'hommes sans pitié aux primes faramineuses qui contrôle presque tout, y compris les instances... régulatrices. Il s'agit de Mario Draghi, Henry Paulson, Mark Carney, Robert Rubin, etc. Ils sont les maîtres de l'univers. De nombreux anciens de la banque travaillent désormais pour des institutions publiques, des gouvernements, des régulateurs financiers... Mais n’y-a-t’il pas d’éventuels conflits d’intérêts ? 



Enfin, la “Caisse” présente les résultats de la banque. À travers une infographie, découvrez les chiffres-clés de Goldman Sachs.
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(1) Cf. Quand les cadres doutent à leur tour, par Isabelle Pivert, Le Monde diplomatique - septembre 2012, p. 12.
(2) Selon le Huffington Post, Lloyd Blankfein, le CEO (Chief Executive Officer) de Goldman Sachs, aurait touché une "compensation" de 16,1 millions de dollars en 2011 —pour faire le "travail de Dieu", "God's work", selon l'expression qu'il a utilisée en 2009 lors d'un entretien accordé au Sunday Times. Ce qui ne serait pas trop, vu ses rémunérations des années précédentes (concrètement depuis 2006), salaire, bonus, stock options et restricted stock awards confondus.
(3) McCarran inspira le personnage du sénateur Pat Geary dans The Good Father II et Homer Ferguson inspira celui de Lloyd Bridges dans "Tucker".
(4) Cf. Jean de Maillard : L'Arnaque, Gallimard 2010 et 2011.
(5) À propos de "tittytainment" ("Entetanimiento" en castillan), cf. :
Vu que 20 % de la population mondiale suffirait en principe au contrôle et au soutien de l'Économie planétaire, les 80% ne seraient que des marginaux qu'il faudrait endormir à base de "tittytainment". Cette expression fut utilisée et établie, selon les sources précédentes, par Zbigniew Brzeziński. Conceptuellement, elle suggère illico La Société du Spectacle (1967 !!) de Guy Debord, et concrètement, mutatis mutandis, son chapitre VII. En modifiant légèrement les mots de Debord (cf. § 177), on pourrait dire que Brzeziński prônait une apathie à fabriquer et entretenir —ou plutôt, vu les décennies écoulées, à maintenir et approfondir. C'est ainsi que l'ignorance naturelle ferait place au spectacle organisé de l'erreur. On risque même de penser que les ouvrages dénonçant le capitalisme, le léninisme et le stalinisme donnent aux idéologues ultralibéraux des idées qu'ils se réapproprient et appliquent sur-le-champ.
(6) Je dispose de la version castillane de Griftopia (due à Pablo Bustinduy), éditée en Espagne par Lengua de Trapo sous le titre Cleptopía. À propos de Goldman Sachs et des banques de cet acabit, on peut y lire, parmi d'autres perles :
  • "Goldman no es una compañía de genios, es una compañía de criminales. Lejos de ser el mejor fruto de una sociedad democrática y capitalista, es la apoteosis de la Era de la Estafa, un parásito que vive del Gobierno y los contribuyentes de los Estados Unidos, chupándonos la sangre sin vergüenza ninguna." (P. 331)
  • "Los operarios de la Gran Máquina de Burbujas no sólo no producen nada, sino que viven de todos nosotros. Eso ya lo sabemos, la única pregunta es, ¿qué vamos a hacer al respecto?" (P. 381)
(7) Hommage que rend le vice libéral à la vertu collectiviste, le mythe individualiste au vrai "mérite". À la fin, ces inepties genre « La société n'existe pas, il n'y a que l'individu », « on ne m'a pas fait de cadeau », etc. ont vraiment du mal à trouver des Robinsons où s'accomplir.
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NOTE POSTÉRIEURE : Actualisation de la vidéo.

dimanche 2 septembre 2012

Voyage en Bourgogne - Jour II - Vézelay et Auxerre

Troisième volet de cette histoire. Quant aux deux premiers, vous pouvez cliquer ci-dessous :  
  1. Vol et arrivée à Dijon.
  2. Le soir à Dijon.
C'était le vendredi 11 mai. Vers 9 heures, nous partîmes pour Vézelay qui se trouve à une centaine de kms à l'Ouest de Dijon : nous longeâmes le lac Kir pour emprunter l’A38, qui est aussi celle d’Auxerre.
À 11 km de notre premier but de la journée, Sermizelles illustra délicieusement les beautés de la région, villages et nature combinés. Après avoir traversé la Cure, la rivière qui annonce Vézelay, le paysage ne mentait pas : amœnus, vert, parfois jaune (du colza), vallonné ; en fait, les ondulations l'emportent : buttes boisées, courbes de la route…
Enfin nous traversâmes Asquins et la belle Cure nous embellit encore un bout de chemin, sur notre gauche, derrière un parapet en pierre bornant la chaussée, avant de s’écarter de la vieille route nationale.
À 10h50, nous nous arrêtâmes à Vézelay (Yonne), chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Avallon. Ce charmant village d'à peine 500 habitants est situé sur une colline dominant la pointe Nord-Ouest du Morvan et qui lui a valu en 1793 l'appellation très politique de Vézelay-la-Montagne. La rue principale (St.-Étienne) suit la ligne de crête de ce coteau et permet de rejoindre la célèbre basilique Ste. Marie-Madeleine, qui se dresse sur le point culminant.

Le car nous déposa sur la place Champ de Foire et alla se garer sur le parking Les Ruesses, situé sur la sortie vers Clamecy. À pied, je vérifiai sur le champ que Le Cheval blanc était toujours là ! C’est là que je pris, un matin de 1974, mon premier petit déjeuner non ibérique avec mon père et mon frère aîné.
Comme il est de mise pour la visite de la ville, on remonta la rue St.-Étienne jusqu’à l'église abbatiale romane de Ste.-Madeleine, sauvée de la ruine par Viollet-le-Duc et dorlotée par la modernité : le tympan du portail central du narthex (l’avant-nef) surplombait un échafaudage témoignant des travaux de rénovation qui étaient en train de lui refaire une beauté. En fait, il avait l’air flambant neuf.

Tympan du portail central du narthex-Ste.-Madeleine-sculpture romane

Puis, la nef splendide, haute de 18 mètres, comporte dix travées et une lumière très étudiée. Les chapiteaux historiés des piliers sont des vignettes qui ont été impeccablement retapées et, donc, doublement mises en relief : une BD en pierre haut perchée.

 Chapiteau St.-Martin et l'arbre des païens-XII siècle

Le chœur, gothique, est surmonté d’un triforium. Sous l’autel, la crypte carolingienne renferme les reliques de Marie-Madeleine, dit-on. Atout qui fléchit au milieu du XIIe siècle lors de la « découverte » de nouvelles reliques de la Sainte à Saint-Maximin, funeste concurrence fétichiste.
En tournant à droite dans le sens de la visite, vers le Sud, nous fouillâmes dans la salle capitulaire et le cloître.

Chapelle d'Hiver (Salle capitulaire)-XIII siècle

Puis nous descendîmes sous l'autel dans la crypte carolingienne.
Un peu plus tard, avant de quitter les lieux, je lus une plaque commémorative qui faisait référence à "La croix des prisonniers allemands" (1946) et dont le texte était un oxymore aussi pur que l'expression "Guerre sainte" :



Célébrer la prédication d'une croisade, la deuxième, "pour vaincre les forces de la haine qui ont déchiré le monde" ?
Sans compter que le légendaire sermon de Saint-Bernard, qui se serait produit le 31 mars 1146, ou sa présence à Vézelay ces jours-là, n'ont pas pu être vérifiés jusqu'à présent, comme nous le rappellent certains historiens. Sans compter non plus que la croisade en question se solda non seulement par le bain de sang qu'on peut bien imaginer mais par un cuisant échec pour ses promoteurs. Albert de Poméranie dit à cet égard : "S'ils étaient venus pour renforcer la foi chrétienne... ils auraient dû le faire par la prédication, non par les armes."

Nous fîmes ensuite une promenade sur la paisible rue du Chapitre longeant la façade Nord de la basilique, pour jouir de la terrasse de l’ancien château des abbés, qui se trouve derrière l’église. À gauche, au pied de la terrasse, on aperçoit le cimetière. En face et à droite, c’est-à-dire, à l’Est et au Sud, on savoure un panorama superbe qui est expliqué par des tables d’orientation aménagées devant les remparts Est à l’intention des touristes.

Chemin de la Corderie et Vézelay-Sud.

Nous profitâmes de notre descente pour fureter dans les ruelles et les coins perdus de la partie élevée du village, la plus large. On pouvait suivre les traces de Jules Roy (il habita jusqu’à sa mort, en 2000, tout près de la basilique), Georges Bataille, Romain Rolland… René Char y passa, lui aussi, et Paul Éluard y écrivit Liberté.

Ancien couvent des Ursulines, maison Jules Roy et monument aux morts pour la France-Vézelay

Ici vécut Georges Bataille (1897-1962)

 À l'Ouest de Vézelay-Champ de colza, Buisson Chrétien et La Goulote

La maison de Romain Rolland, rue Saint-Étienne, est devenu le musée Zervos qui héberge des œuvres de Calder, Ernst, Giacometti, Hélion, Kandinsky, Laurens, Léger, Miró, Picasso... La chambre de Rolland se trouve au premier étage.

Le repas était libre : il y en a qui pique-niquèrent sur la terrasse panoramique et d'autres qui choisirent différentes formules dans les restaurants du village.

À 14h10, départ pour Auxerre (Yonne), ville située à 51 kms au Nord de Vézelay. Nous reprîmes la D606, cette fois-ci vers le Nord. Voutenay-sur-Cure. Puis, St.-Moré. On annonça les grottes d’Arcy-sur-Cure. Ces clochers qui se détachent sur la verdure… Lucy-sur-Cure, à 28 km d’Auxerre.
À 15h00, arrivée à Auxerre, /osɛʁ/.
Le car stationna sur un grand parking à l’Est, quai de l'Ancienne Abbaye, sur la rive Droite de l’Yonne, à côté de quelques autocaravanes (vulgo camping-cars) dont les propriétaires nous semblèrent bien peinards.

Auxerre : passerelle piétonne sur l'Yonne, préfecture et cathédrale. Photo prise par Paloma Alonso.

Nous empruntâmes la passerelle piétonne sur le fleuve et nous éparpillâmes dans la vieille ville ; pour tout y voir, il est possible de suivre Sur les traces de Cadet Roussel, un circuit de 5 km balisé par des bronzes triangulaires et comportant 2h à 2h30 de parcours, mis à part la visite des monuments.
Auxerre est commerçante, semi-piétonne, fleurie et footballeuse et son patrimoine invite à s'y égarer ; il comprend la cathédrale Saint-Etienne et sa crypte —qui ferme à 18h !—, l'abbaye Saint-Germain et son musée (qui abrite les collections préhistorique, gallo-romaine et médiévale de la ville), les maisons à pans de bois (ils ne disent pas "à colombages"), la place Saint-Nicolas, les quais de l'Yonne... En matière de biodiversité et environnement, la ville propose depuis 2009 le Muséum - Maison de l'Eau.

Auxerre : quartier de l'Horloge. Photo prise par Paloma Alonso.

Auxerre. Photo prise par Maite Imbernón.

À 19h00, nous remontâmes dans le bus pour retourner à Dijon, où nous arrivâmes une heure et demie après. Ce soir-là, il y eut un orage considérable et de fortes averses balayèrent les rues tandis que nous dînions.
Maite et Palo, merci pour les photos !