mercredi 22 décembre 2010

Joyeux Noël...

...en version coquine jusqu'au bout des dents, par Barbara -qui décore de son sourire libertin et amusé l'histoire de ces deux qui passèrent un Noël comme on n'en fait pas...


...ou en version Je ne suis pas sur terre / Pour tuer des pauvres gens ou S'il faut donner son sang / Allez donner le vôtre / Vous êtes bon apôtre / Monsieur le Président... (cf. Le Déserteur, par Boris Vian), grâce au film homonyme réalisé par Christian Carion, avec Diane Kruger, Benno Fürmann, Guillaume Canet, Gary Lewis, Daniel Brühl, Dany Boon, Lucas Belvaux, Bernard Le Coq, Alex Ferns, Christopher Fulford, Michel Serrault, etc.
Dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, des soldats français, allemands et écossais posent leurs fusils, arrêtent de se massacrer et décident de connaître l'Autre. Une histoire réelle oubliée de l'Histoire où quelques hommes, soudain, oublièrent d'obéir, oublièrent de tuer, oublièrent la patrie pour devenir êtres humains susceptibles de fraternité. Une histoire qui se serait passée à Frelinghien, près et au nord-ouest de Lille, à côté de la frontière franco-belge, dans la région Nord-Pas-de-Calais.




"La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas", disait Paul Valéry...

Bona Annada à tout le monde... ! (avec les Fabulous Trobadors)


dimanche 12 décembre 2010

Fi(í)garo, Beaumarchais, Guitry, Flotats

À propos de Julian Assange et ses amitiés avec la CIA, Hervé Le Tellier écrivait le 19 novembre dans son papier de verre (Le Monde):
Le fondateur de WikiLeaks est recherché pour viol. Est-il victime d'une dénonCIAtion ou d'acharnement judiCIAire ? Je laisse la chose à votre appréCIAtion.
Il n'était pas le seul à avoir cette impression car SudPresse informait hier, 11 décembre :
Des appels à des manifestations samedi dans plusieurs villes du monde pour soutenir le fondateur du site Wikileaks Julian Assange, emprisonné à Londres dans l’attente d’une extradition éventuelle vers la Suède, ont été relayés sur le site en espagnol Free Wikileaks.
Mariano José de Larra écrivit un article en octobre 1834, publié dans la Colección de 1835, qui s'intitulait Lo que no se puede decir, no se debe decir. À la fin de son article, que je vous conseille de lire intégralement, il concluait :
Este será eternamente mi sistema; buen ciudadano, respetaré el látigo que me gobierna, y concluiré siempre diciendo:
                         Lo que no se puede decir, no se debe decir
Larra était un afrancesado : son père, médecin, prit parti pour Napoléon Bonaparte lors de la guerre d'indépendance espagnole et dut s'exiler en France, à Bordeaux, avec sa famille. Le petit Mariano José avait 9 ans quand la famille Larra retourna en Espagne après l'amnistie signée par le roi Fernando VII.
Larra eut recours à plusieurs pseudonymes pendant sa vie d'écrivain dont Duende, Bachiller, El pobrecito hablador et... Fígaro.
Figaro était un personnage de théâtre créé par Pierre-Augustin Caron (1732-1799). Caron, fils d'horloger et horloger lui-même, prendrait la décision de se dire Beaumarchais du nom d'une terre dont avait hérité sa première femme, Madeleine-Catherine Aubertin. Il l'avait rencontrée en 1755 et épousée en 1756. Peu avant, il s'était fait une réputation comme inventeur qui lui avait ouvert les portes de la Cour grâce à son procédé d'échappement réglant la détente du ressort des montres, selon nous explique le professeur René Pomeau dans son édition de la trilogie théâtrale de l'inventeur de Figaro.
Beaumarchais eut une existence assez hyperactive car il fut tour à tour professeur de musique des Mesdames (les filles de Louis XV), écrivain, espion, taulard à trois reprises, armateur, éditeur de Voltaire, créateur des droits d'auteur, fournisseur des colonies américaines insurgées contre l'Angleterre... et escroqué par celles-ci. Ainsi s'expliquait-il le 18 avril 1795 dans une lettre adressée à l'un de ses agents aux États-Unis, déjà indépendants :
« J’ai donné ce reçu d’un million que le roi ordonnait que l’on ajoutât à mes forces ; je l’ai donné dans la même forme que celui de tous les autres millions que j’ai rassemblés, moi tout seul, chez mes différens associés. À quel titre mes débiteurs américains prétendent-ils tordre à leur profit et faire entrer mes récépissés en Europe, acquittés ou non acquittés, dans leur refus de me payer, comme si je les avais chargés de faire honneur à mes engagemens, quand depuis vingt ans ils ont manqué à tous les leurs à mon égard ? »
La nouvelle nation prouvait par là qu'en matière d'argent et d'avidité, elle n'allait pas plaisanter par la suite. Mais bouclons la boucle et revenons à Beaumarchais et ses liens espagnols. En 1757, il est déjà veuf et, en 1760, il devient le protégé de Joseph Pâris-Duverney, homme d'affaires singulier qui tint une correspondance intense avec Voltaire. Mandataire de celui-là, Beaumarchais se déplace à Madrid (1764-65) pour négocier des marchés auprès du gouvernement du roi Carlos III qui -soit dit en passant- allait inaugurer son Palacio Real en décembre.
En principe, le but de son voyage était d'obtenir le monopole de la traite des esclaves noirs dans les colonies espagnoles et le droit de coloniser la Louisiane. En fait, il en profitera surtout pour s'occuper des projets de mariage de sa sœur Lisette avec José de Clavijo y Fajardo (1726-1806), son séducteur,  qu'il piégera d'une manière passablement théâtrale. Néanmoins, Lisette restera célibataire, rentrera en France et s'enfermera dans le couvent des Dames de la Croix, à Roye (Picardie).
De retour en France, cette histoire familiale inspira la première pièce qu'il fit jouer : Eugénie, où Eugénie était la copie conforme de Lisette et le Comte de Carendon celle de Clavijo. Plus tard, en 1774, Beaumarchais récidiva et imprima Fragment de mon Voyage d'Espagne, ouvrage biographique où il est encore question des amours frustrées de sa sœur, indiscrétion qu'inspirera Goethe pour son Clavijo (1774). Ce ne fut pas Lisette qui en raffola ; même craquemurée au couvent, elle aurait voulu rentrer sous terre.
Beaumarchais appartient donc à ce groupe d'auteurs francophones qui ont abordé des sujets espagnols, longue lignée dans laquelle s'inscrivent Corneille, Molière, Le Sage, Montherlant, Malraux et autres Bernanos. La trilogie théâtrale qui l'a rendu mondialement célèbre est composée par trois volets dont le héros est toujours Figaro : Le Barbier de Séville, Le Mariage de Figaro et La Mère coupable. Quant aux affinités Figaro-Fígaro, permettez que je cite un morceau de la tirade du personnage dans la scène III de l'Acte V du Mariage de Figaro :
« [...] on me dit que, pendant ma retraite économique, il s'est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions, qui s'étend même à celles de la presse ; et que, pourvu que je ne parle en mes écrits, ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose ; je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs. »
Larra savait à quoi s'en tenir en matière de pseudonymes...
Pour compléter un tant soit peu cette ébauche du caractère de Beaumarchais, et de ses desseins scéniques, je vous relaie trois courts extraits de sa préface au Mariage... :
« J'ai pensé, je pense encore, qu'on n'obtient ni grand pathétique, ni profonde moralité, ni bon et vrai comique, au théâtre, sans des situations fortes et qui naissent toujours d'une disconvenance sociale dans le sujet qu'on veut traiter. »
« Les vices, les abus, voilà ce qui ne change point, mais se déguise en mille formes sous le masque des mœurs dominantes : leur arracher ce masque et les montrer à découvert, telle est la noble tâche de l'homme qui se voue au théâtre. Soit qu'il moralise en riant, soit qu'il pleure en moralisant, Héraclite ou Démocrite, il n'a pas un autre devoir ; malheur à lui s'il s'en écarte. »
« (...) Mais puisque j'ai promis la critique de ma pièce, il faut enfin que je la donne.
En général son grand défaut est que je ne l'ai point faite en observant le monde ; qu'elle ne peint rien de ce qui existe et ne rappelle jamais l'image de la société où l'on vit ; que ses mœurs basses et corrompues n'ont pas même le mérite d'être vraies. (...) Je conviens qu'à la vérité, la génération passée ressemblait beaucoup à ma pièce, que la génération future lui ressemblera beaucoup aussi : mais que, pour la génération présente, elle ne lui ressemble aucunement ; que je n'ai jamais rencontré ni mari suborneur, ni seigneur libertin, ni courtisan avide, ni juge ignorant ou passionné, ni avocat injuriant, ni gens médiocres avancés, ni traducteur bassement jaloux ; et que, si des âmes pures, qui ne s'y reconnaissent point du tout, s'irritent contre ma pièce et la déchirent sans relâche, c'est uniquement par respect pour leurs grands-pères et sensibilité pour leur petits-enfants. J'espère, après cette déclaration, qu'on me laissera bien tranquille ; ET J'AI FINI. »
Ergo Assange et ses collaborateurs auraient dû écrire du théâtre de boulevard avec leurs documents confidentiels...
Enfin, ces jours-ci, Beaumarchais est bien présent sur scène à Madrid. À partir du 15 décembre, on pourra voir la première de Fígaro (El día de las locuras), de José Ramón Fernández, dans le Teatro Galileo. C'est un montage basé sur l'œuvre de Beaumarchais et joué par la Cía. Laboratorio William Layton, avec Fernando Escudero, Carlota López et Pablo Méndez. Et on peut voir jusqu'au 23 janvier, au Teatro Español, Beaumarchais, une pièce de maturité du prolifique Sacha Guitry (1885-1957), en fait sa dernière, encore inédite, traduite par Mario Armiño. Mise en abîme, donc, ou théâtre dans le théâtre. La pièce est légère et mordante, aborde en vitesse trop de choses et dégage par tous ses pores de la sympathie, voire de la complicité vis à vis de Beaumarchais. Elle a été mise en scène et interprétée par Josep Maria Flotats, dont on a déjà parlé ici et qui continue donc à nous présenter des pièces qu'il aime et que, sans lui, on verrait difficilement à Madrid. Encore heureux, et merci.
Le montage permet de plonger un petit peu dans la haute politique et les misères du XVIII siècle, et comporte deux miniactes qui constituent autant d'hommages : un prélude hommage à Guitry et un clou final symbolisant la consécration de Beaumarchais par Molière (véritable entrée dans l'immortalité) et la dérision des académiciens, faux immortels. Comme je ne connais pas le texte de Guitry, j'ignore si cette dernière scène est de son cru ou s'il s'agit d'un ajout de Flotats.
Biographie dans la biographie, pour renchérir dans l'idée de la mise en abîme, la première scène nous montre Gudin de La Brenellerie (1738-1820) entrant chez Beaumarchais grâce à une lettre de recommendation de Voltaire. Il lui explique qu'il l'admire et qu'il voudrait écrire sa biographie. Ils deviennent amis illico. Et, parmi les éléments historiques que Guitry a bien voulu reprendre pour construire son Beaumarchais, nous écoutons ensuite, dans les lèvres de Flotats, un morceau de la célèbre lettre que Pierre-Augustin, écroué dans la prison de For-l'Évêque, adressa à Gudin de sa cellule :
« Cher Gudin, En vertu d’une lettre sans cachet, appelée lettre de cachet, je suis logé au For-L’Evêque où l’on me fait espérer que, hors le nécessaire, je ne manquerai de rien. Qu’y faire ? Partout où il y a des hommes, il se passe des choses odieuses, et le grand tort d’avoir raison est toujours un crime... »
L'affection de Gudin était sincère, dévouée : c'est à lui que nous devons la première édition complète des Œuvres de Beaumarchais (1809).

Les comédiens de la troupe flotatsienne s'en tirent très bien à l'heure de jouer des dizaines de personnages et, comme ils sont une trentaine, je n'en mentionne que ceux qui ont joué les rôles principaux : Pedro Casablanc (Gudin de La Brenellerie), María Adánez (Marion Ménard), Carme Conesa (Marie-Thérèse Willermaulaz), Ramón Barea (le roi Louis XV et d'autres parutions mineures), Constantino Romero (Benjamin Franklin et Campistron, président de l'Académie française). Raúl Arévalo compose un personnage, celui du chevalier d'Éon, qui défraya vraiment la chronique à l'époque : il inquiétait les partisans des identités sexuelles claires. Et Richard Collins-Moore nous convainc pleinement jouant deux rôles parfaitement disparates : celui de la gouvernante du chevalier d'Éon et celui du docteur Guillotin. D'un point de vue linguistique, les grandes performances du montage correspondent sans aucun doute à Constantino Romero, Javier Ambrossi (William, petit-fils de Franklin) et Richard Collins-Moore. Il faut les imaginer heureux.

P.-S. - À propos de Sacha Guitry, il avait déjà été cité dans ce blog à cause de son film documentaire Ceux de chez nous (1915).

jeudi 2 décembre 2010

Rétrospective Peter Watkins à Paris

Peter Watkins (Norbiton, Angleterre, 1935) est un individu d'une indépendance rarissime qui a roulé sa bosse un peu partout tout au long d'une vie intense. Cinéaste de la génération de Ken Russell, auteur notamment de La Commune (Paris 1871), il est en plus, et peut-être surtout, un grand analyste et contempteur des médias de masse audiovisuels. À ce propos, il a même théorisé le concept de "monoforme" (Cf., en castillan, Angel Quintana (ed.) : Peter Watkins. Historia de una resistencia ; Festival Internacional de Cine de Gijón, 2004. Cliquez sur le lien ci-contre pour lire une petite intro sur la monoforme en castillan).
J'apprends —par un courrier envoyé par Samantha Lavergnolle, de l'association Rebond pour la Commune— qu'il y a ces jours-ci une rétrospective des films de Peter Watkins au Cinéma Reflet Médicis, à Paris (3 rue Champollion, dans le V, Métro St Michel ou Odéon). Elle a commencé hier, 1er décembre 2010, et se tiendra jusqu'au 21 décembre, minimum. On a prévu également une tournée en province courant 2011 : Perpignan, Nice, St-Étienne...
Dans son courriel, Samantha Lavergnolle insère une citation de Jean-Pierre Le Nestour :
"Peter Watkins est un phénomène. Un champignon rare dans une époque vénéneuse. Une comète récurrente dans le ciel pâle du cinéma contemporain. Un génie sans doute... A coup sûr un honnête homme. Et c'est le grand mérite de cet homme-là que d'avoir survécu à presque tout. Physiquement, intellectuellement et artistiquement. Des bombardements de la Luftwaffe aux assauts conjugués de la bêtise, du conformisme et de la censure (...) en quarante ans de carrière insolemment libre, il nous livre une poignée de films cultes, et une furieuse indépendance."
Jean-Pierre Le Nestour, extrait de l'introduction du livre Médias Crisis de Peter Watkins, éditions Homnisphères.
On peut accéder à son dossier de presse en cliquant sur ce lien-ci.

La Commune est un film sorti en 2000 comportant 375 minutes de durée (présentées en deux parties). C'est un docu-fiction, un faux documentaire, c'est-à-dire, les faits sont fictifs, voire anachroniques, illustrant des faits historiques (ceci n'est pas une pipe !) —dont voilà la synopsis (extraite de Wikipédia) :
Napoléon III perd la guerre contre la Prusse après un siège de Paris particulièrement dur pour le peuple parisien. Nous sommes en 1870-1871 et la misère est grande. Le 17 et 18 mars 1871, le peuple parisien, qui refuse la capitulation, se révolte. La Commune de Paris est née.
Alors que la télévision versaillaise rapporte l'évènement de façon partielle et orientée, une télévision communarde se crée et s'organise pour relayer ce moment qui, bien que majeur dans l'histoire du mouvement ouvrier, reste néanmoins l’une des périodes les plus méconnues de l’histoire de France.
Les équipes de télé se rendent sur les lieux où vit la Commune : mairie, barricades, clubs féministes, etc. et procède à des interviews pour rendre compte à la population de la réalité. Les gens disent leurs rêves, leurs révoltes, leurs combats et opposent leurs opinions...
En voici [insérée postérieurement], la vidéo de la première partie :



En voici la deuxième partie :




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Mise à jour postérieure :