samedi 26 janvier 2013

Le grand retournement, de Gérard Mordillat

(...)
Reprenez-vous, vous dis-je, c'est le capitalisme,
Laissez les journalistes croire au libéralisme.
Quant à nous, nous savons comment marche le monde,
Qu'en retrait du marché les ficelles abondent.
Nous sommes importants, nous sommes névralgiques,
La panne du crédit, c'est l'accident tragique,
Mais le crédit, c'est nous ! Nous sommes intouchables !
Pour nous sauver l'État mettra tout sur la table.

F. Lordon : D'un retournement l'autre, Éd. du Seuil, mai 2011.
 (LE BANQUIER, acte I, Scène 3)


Dans un billet du 10 août 2011, Candide résiste avait déjà abordé D'un retournement l'autre, comédie sérieuse sur la crise financière (Seuil, mai 2011) que Frédéric Lordon avait composée, en quatre actes et en alexandrins, dans le but de montrer les vraies causes de la dépossession organisée que nous subissons et de tenter de conjurer l'usure du temps, l'amnésie, qui est la grande alliée de la domination (cf. le post-scriptum de la pièce intitulé Surréalisation de la crise, où Lordon s'explique). Et cela dans l'espoir que cette connaissance mue en affect (1) —en sursaut d'indignation, dis-je à la Péguy, car autrement, elle est inutile, voire contre-productive.
Sujet majeur car nos déréglés dérègle-menteurs contrôlent tous les grands média, toutes les grandes maisons d'édition et, d'une manière générale, toute notre culture et sa pédagogie unique ; il ne faut donc pas trop s'étonner qu'on nous martèle à longueur de journée, et de nuitée, qu'il faut discipliner les finances publiques alors même que ce sont la très privée Finance et ses acrobaties démentielles (les soi-disant folies des soi-disant marchés rationnels) qui se trouvent à l'origine de la houle qui a entraîné notre dernier grand naufrage : notre argent (le Trésor public) a servi à renflouer les responsables du désastre —sans contreparties et sans que le parquet (le ministère public) agisse contre les parquets (de la bourse) : en voilà une, de charge sociale et de prise d'otages mondialisées !!!!—, et nos hauts fonctionnaires politiques (en fait, leurs), au lieu de gérer dignement la res publica, chouchoutent les agioteurs et les grands intérêts privés, bradent le patrimoine de tous, démantèlent le service public, suppriment nos structures de solidarité, sapent le Droit du Travail et les acquis sociaux, délogent les plus démunis (il faut compter 400.000 expulsions en Espagne depuis 2008, et quelques suicides), modifient le code pénal pour faciliter la répression du peuple et blanchissent les fraudeurs, entre autres. C'est ce qui arrive lorsque ce sont les pyromanes qui jouent les pompiers.

Gérard Mordillat, romancier et cinéaste né dans le cher quartier parisien de Belleville, a réalisé  Le grand retournement (2), film basé sur la pièce de Lordon qui vient de sortir en salles le mercredi 23 janvier —après une avant-première le 14 janvier à Lille. Avec François Morel, Jacques Weber, Edouard Baer, Patrick Mille, Franck de Lapersonne, Jacques Pater, Elie Triffault, Odile Conseil, Antoine Bourseiller, Jean-Damien Barbin, Thibault de Montalembert, Alain Pralon, Christine Murillo et Benjamin Wangermée.
L'affiche annonçant ce long métrage met en exergue la maxime « Qui sème la misère récolte la colère »...
"Le grand retournement" de Gérard Mordillat... sur DailyMotion.

C'est la crise, la bourse se casse la gueule, les banques sont au bord de la faillite, le crédit est mort, l'économie moribonde... Pour sauver leurs mises, les banquiers font appel à l'État. L'État haï est soudain le sauveur ! Les citoyens paieront pour que le système perdure, que les riches restent riches, les pauvres pauvres. Adapté de la pièce de Frédéric Lordon cette histoire d'aujourd'hui se raconte en alexandrins classiques. C'est tragique comme du Racine, comique comme du Molière...


Dans un entretien accordé à Rue89, Mordillat a dit :
Je trouvais géniale l’idée de s’attaquer à la crise financière et bancaire en alexandrins. Je suis convaincu qu’il ne faut jamais parler la langue de son adversaire. Nous sommes prisonniers du langage imposé par l’idéologie néolibérale : on parle du coût du travail pour ne pas parler des salaires, les représentants syndicaux sont taxés de « partenaires sociaux » et, mieux encore, les plans de licenciement sont devenus des « plans de sauvegarde de l’emploi ».
Il y explique aussi que « une seule personne a contribué au financement : Vera Belmont, qui y a engagé ses propres fonds. »

Pour en savoir plus sur un film que nous n'avons pas encore eu l'occasion de voir ici, en Espagne, je vous suggère l'émission radiophonique de Là-bas, si j'y suis sur Le grand retournement. Pour l'écouter, cliquez sur le lien.

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(1) Frédéric Lordon a déclaré à Marianne (propos recueillis par Bertrand Rothé et publiés le jeudi 24 janvier 2013) :
« (...) il nous faut bien toutes les machines affectantes de l’art pour produire la conversion collective du regard seule capable de renvoyer le néolibéralisme aux poubelles de l’Histoire – où la crise historique que nous vivons aurait dû suffire à l’expédier. Comme vous savez, l’échec monumental du capitalisme néolibéral et l’effondrement dans lequel il précipite les populations n’a nullement conduit à sa disqualification doctrinale et morale comme l’aurait voulu un monde réglé par des normes minimales de décence intellectuelle et politique. Il faut donc envisager d’autres moyens, et sans doute ce « passage au théâtre » procède-t-il de la maxime qui devrait nous servir de viatique politique pour une époque obscène : faire flèche de tout bois. »

(2) Titre qui suggère, inévitablement, The Great Derangement, du journaliste étasunien Matt Taibbi.

mardi 22 janvier 2013

Binta et les bonnes idées

L'une de mes élèves de cette année, Ana C. me proposa de voir en classe un moyen métrage que je ne connaissais pas, Binta y la gran idea, « Binta et la grande idée », réalisé par un Toubab, un Blanc, le cinéaste espagnol Javier Fesser, en collaboration avec l’Unicef. En voici la vidéo :


ACTEURS - Zeynabou Diallo : Binta ; Agnile Sambou : Père de Binta ; Aminata Sané : Soda

Mon père dit que les oiseaux sont très intelligents... C'est ainsi que commence ce film tourné en 2005 dans la région de Ziguinchor, partie occidentale de la Casamance, la belle région du Sud du Sénégal, à majorité Diola, où les fromagers majestueux, les marigots du fleuve (la Casamance) et les bolongs —bordés des palétuviers des mangroves— remplacent la brousse des baobabs. La phrase est prononcée par Binta qui a 7 ans et va à l'école, où son maître évoque les avantages d'apprendre ensemble, pour mieux se comprendre et mieux respecter les autres. Soda, cousine de Binta, n'a pas hélas cette chance : son père la contraint à rester à la maison dans l'attente d'un futur mariage traditionnel. Une pièce montée par des enfants —le théâtre populaire y est très fréquent— reprendra le sujet de cet entêtement atavique, dans le but de le contrecarrer.
Le père de Binta, Sabou, est à son tour un pêcheur à pirogue qui, choqué par les retombées du progrès technique des Toubabs (les Blancs), et inspiré par la sagesse des oiseaux, décide de soumettre une idée très confidentielle aux autorités de son pays, une idée de progrès, tel qu'il l'entend (1). Ne la ratez pas car elle a à avoir avec la joie de vivre et son apprentissage, vitalité wertement bafouée par ceux qui préfèrent, à l'école, la religion à la citoyenneté, la ségrégation sexuelle et économique au partage et à la connaissance mutuelle, ceux-là même qui, en général, ne jurent que par l'avidité, l'affairisme sans états d'âme.
Le père de Binta, quant à lui, pense que ce désir d'accumuler —qui ravage les arbres et les poissons, et bousille l'air— pousse les Toubabs à préserver ce qu'ils accumulent à force de bombes hautement technologiques.

La présence musicale de Salif Keita (Djoliba, 1949) dans la délicieuse bande son accompagnant les images, nous fait songer à son pays natal, le Mali, grand voisin oriental du Sénégal.
En matière d'analyses à l'égard de ce qui s'y passe actuellement, j'en ai dégoté deux, sur internet, qui aident à méditer sur le conflit malien et l'opération Serval ; l'une de Badia Benjelloun, l'autre de Mohamed Tahar Bensaada. Cliquez sur les liens si le sujet vous intéresse.
Pour commencer à mieux comprendre ce genre d'enjeux "africains", vous pouvez également jeter un coup d'œil sur le site du collectif "Areva ne fera pas la loi au Niger".


(1) Note du 18/02/2013 : Cf. à cet égard ce propos d'Inmaculada Pimentel : "Voy a África a que me ayuden. De allí vuelvo nueva".

jeudi 17 janvier 2013

Wikivoyage, guide de voyage participatif

Wikivoyage est un projet, encore en bêta, pour créer un guide de voyage en ligne et gratuit du monde entier, "complet, à jour et fiable", selon l'expression utilisée par la fondation Wikimedia, source de cette initiative. Le fonctionnement du site, comme c'est le cas pour Wikipédia, repose sur la participation des internautes. Donc, il faudra avoir du critère pour déceler les eventuelles erreurs ou subjectivités contenues dans les textes et les présentations car Wikivoyage ne garantit pas le contenu mis en ligne.

Ce projet plurilingue compte en ce moment 2 423 destinations, guides et autres articles écrits et modifiés par des Wikivoyageurs du monde entier. Vous pouvez regarder l'Aide ou les Premiers pas pour voir comment modifier une page tout de suite. Selon Le Monde,
A l'origine, ce guide de voyage en ligne était géré depuis 2006 par une association allemande à but non lucratif, avec des textes uniquement en allemand et en italien. L'association a cédé en octobre 2012 l'ensemble de son contenu ainsi que son nom au nouveau projet. Depuis, la version anglaise est devenue la plus fournie, avec plus de 26 500 entrées disponibles. Sue Gartner, directrice de la fondation Wikimedia, explique dans son communiqué qu'"il y a une énorme demande pour des informations sur les voyages, mais très peu de sources sont exhaustives sans être commerciales. C'est sur le point de changer." 

dimanche 13 janvier 2013

Caducité délibérée et d'autres gaspillages et destructions

Tous nos produits sont adultérés pour en faciliter l'écoulement et en
abréger l'existence. Notre époque sera appelée l'âge de la falsification (...).
Paul Lafargue : Le Droit à la paresse, ch. III, 1881.


Longue époque, cher Paul...
Les Amis de la Terre est une association de protection de l’Homme et de l’environnement, créée en 1970, qui mène des campagnes sur les changements climatiques, la protection des forêts tropicales, la responsabilité des acteurs financiers et des entreprises, l’agriculture et les OGM.

Les Amis de la Terre ont publié en décembre 2012 un rapport pour dénoncer l'Obsolescence programmée des produits de haute technologie, c'est-à-dire, leur caducité préméditée, leur désuétude planifiée. Ou Comment les marques limitent la durée de vie de nos biens. Ce rapport est disponible en pdf sur le lien précédent. On y apprend, par exemple, qu'environ 100 000 tonnes de déchets électriques et électroniques "sont dus à l'absence de chargeur universel".

Production, consommation et fin de vie des objets "high-tech", "vite achetés, vite jetés", sont décortiquées par Les Amis de la Terre dans un portail ad-hoc intitulé Les dessous de la HighTech où vous trouverez données, explications, vidéos et liens pour en savoir plus :


Métaux
Métaux

Destructions
Destructions

Travailleurs
Travailleurs

Surconsommation
Surconsommation

Innovation

Obsolescence
Obsolescence

Incinération
Incinération

Exportation
Exportation

Stockage
Stockage

LIMITONS LA CASSE
EntretienEntretien2ème vie2e vie



Source : Les dessous de la HighTech, par Les Amis de la Terre

Donc, en vue de doper les ventes, la durée de vie des appareils des technologies de pointe tend à se réduire : "les producteurs de produits high-tech ont (...) développé différentes stratégies pour réduire techniquement la durée d'usage de leurs appareils", souvent difficilement réparables ou rapidement obsolètes pour des raisons logicielles. Ainsi "Apple a été le premier à mettre sur le marché un produit avec une batterie intégrée". Les Étasuniens "se sont sentis trompés car leur iPod avait une durée de vie limitée à celle de sa batterie, c'est-à-dire 18 mois". Où le mot usure exhibe impudiquement son double sens...
Voyons, usure provoquée ? dégradation volontairement accélérée ? Rappelons que les dictionnaires associent la détérioration volontaire d'édifices ou monuments publics ou des objets d'utilité publique au vandalisme, tout simplement. Donc, toute dégradation programmée industriellement serait une manière de vandalisme à l'échelle industrielle --doublé, comme on va voir, d'un vandalisme humain et écologique de première importance.
En effet, la surconsommation rend idiot (il y a beaucoup de "consommateurs" qui pensent qu'ils n'ont pas payé leur portable) et entraîne énormément d'exploitation humaine et de destruction environnementale.
Côté humain, la dégradation est évidente, surtout dans les pays où les protections légales sont plus faibles pour les travailleurs : cadences infernales, heures supplémentaires non payées, humiliations, salaires ridicules..., suicides. En outre, la forte demande de coltan a par exemple financé pendant des années une guerre en République démocratique du Congo. Et l'exploitation du lithium, dont l'extraction comporte d'autres dégâts pour le milieu naturel, est une horreur pour les populations locales concernées en Argentine, au Chili ou en Bolivie, car elle se traduit souvent par un conflit autour de l'usage de l'eau dans des régions qui sont déjà très arides.
Quant à l'aspect purement écologique, les émissions de CO2 liées au cycle de vie de ces nouveaux gadgets, toujours plus nombreux et plus utilisés, sont globalement en hausse. En France, verbi gratia, "la consommation énergétique des produits high-tech est évaluée à 13,5 % du total de la consommation électrique, soit 5 % des émissions de gaz à effet de serre. La demande d'énergie de ces produits en raison de l'augmentation du nombre de produits (smartphones, tablettes, ordinateurs) et de l'usage plus intensif qu'il en est fait ne cesse d'augmenter, cette croissance est de l'ordre de 5 à 10 % par an". Sans compter les risques relatifs à l'exposition humaine et animale aux champs électromagnétiques émis par nos équipements et nos multiples installations.
En matière de substances dangereuses, Jeff Gearhart, directeur de recherches à l’Ecology Center, affirme que « chaque téléphone testé contient au moins un de ces produits toxiques dangereux : plomb, brome, chlore, mercure et cadmium ».
En plus, le recyclage de ces appareils a commencé très tard et son taux est encore trop bas : figurez-vous qu'en 2009, il n’était que de 10 % pour les téléphones portables. En même temps, l'exportation illégale de déchets technologiques se poursuit, notamment vers l’Afrique de l’Ouest et l’Asie.
Le rapport des Amis de la Terre se termine par une conclusion...
Au final, les innovations sont uniquement orientées vers la vente de nouveaux produits et non vers l'allongement de la durée de vie et la gestion de la fin de vie des produits. La concurrence entre les différents acteurs de la high-tech ne peut justifier un tel choix dans un contexte où les ressources s’épuisent et le renouvellement fréquent de nos appareils impliquent davantage d’impacts négatifs.
...et des recommandations :
Aux pouvoirs publics :
  • Adopter une loi contre l'obsolescence programmée
    1. créant un délit d’obsolescence programmée pour que le consommateur puisse se retourner contre les pratiques abusives de certaines entreprises ; 
    2. allongeant la durée de garantie de 2 à 10 ans pour inciter les producteurs à produire durable et les consommateurs à faire réparer leurs produits ;
    3. donnant des informations substantielles du consommateur quant aux possibilités de réparation (durée de disponibilité des pièces détachées, informations sur le caractère réparable des produits, etc.).
  • Mesurer l’utilisation des ressources nécessaires à la production et adopter des objectifs de réduction
Aux entreprises :
  • Mettre sur le marché des produits réparables et durables.
  • Etendre la durée de garantie contractuelle.
  • Publier la liste des matières premières, notamment des métaux dans les produits, et leur origine.
Aux citoyens :
  • Faire pression sur les députés et sénateurs (en France via le site dessousdelahightech)
  • Allonger la durée de vie de ses produits pour réduire l’impact de vos consommations 
  • Prendre connaissances des impacts environnementaux de ses produits high-tech en allant sur les sites www.produitspourlavie.org et www.dessousdelahightech.org
Une trublione très consciente de ce genre de problèmes les aborde régulièrement dans un blog qui pourrait bien vous intéresser. Son dernier post porte, par exemple, sur notre incroyable gaspillage alimentaire. À cet égard, comme le rappellent presque tous les média francophones —en relayant une dépêche d'agence du 11 janvier—, les êtres humains disposent chaque année de 4 milliards de tonnes de nourriture mais, selon une étude de l'Institut du génie civil basé à Londres, "sur ces quatre milliards, 1,2 à deux milliards ne seront jamais consommés, soit près de la moitié. Les causes de ce gaspillage : des récoltes mal faites, des problèmes dans le stockage et le transport et l'irresponsabilité des distributeurs et des consommateurs".

La connaissance, est-elle inutile ? Pensons sérieusement aux retombées de nos choix ou ça va barder vraiment sur la planète. Bien entendu, il nous faudra un double effort, collectif —et cela concerne les règles du jeu— et individuel.

dimanche 6 janvier 2013

Blocage des publicités sur internet

"La manipulación consciente e inteligente de los hábitos y opiniones organizados de las masas 
es un elemento de importancia en la sociedad democrática. Quienes manipulan este mecanismo 
oculto de la sociedad constituyen el gobierno invisible que detenta el verdadero poder (...). 
Quienes nos gobiernan, moldean nuestras mentes, definen nuestros gustos o nos sugieren 
nuestras ideas son en gran medida personas de las que nunca hemos oído hablar. (...) 
Hoy en día (...) la minoría ha descubierto que influir en las mayorías puede serle de gran ayuda. (...) 
La propaganda moderna es el intento consecuente y duradero de crear o dar forma a los acontecimientos 
con el objetivo de influir sobre las relaciones del público con una empresa, idea o grupo."

(Edward Bernays : Propaganda, 1927.
Extraits de la version castillane d'Albert Fuentes, Ed. Melusina, 2008)

"Je me prénomme Octave et m'habille chez APC. Je suis publicitaire : eh oui, je pollue l'univers. 
Je suis le type qui vous vend de la merde. Qui vous fait rêver de ces choses que vous n'aurez jamais. 
Ciel toujours bleu, nanas jamais moches, un bonheur parfait, retouché sur PhotoShop. (...) Quand,
à force d'économies, vous réussirez à vous payer la bagnole de vos rêves, celle que j'ai shootée dans
ma dernière campagne, je l'aurai déjà démodée. J'ai trois vogues d'avance, et m'arrange toujours
pour que vous soyez frustré. Le Glamour, c'est le pays où l'on n'arrive jamais. Je vous drogue à la 
nouveauté, et l'avantage avec la nouveauté, c'est qu'elle ne reste jamais neuve. Il y a toujours une 
nouvelle nouveauté pour faire vieillir la précédente. Vous faire baver, tel est mon sacerdoce. Dans ma 
profession, personne ne souhaite votre bonheur, parce que les gens heureux ne consomment pas."

(Frédéric Beigbeder : 99 francs (14,99 €), 2000)


Une nouvelle cellule macrophage au sein du capitalisme français ? L'Agence France Presse nous invitait hier, à travers une info, à réfléchir à un sujet très intéressant, le blocage de la publicité sur internet. Le 3 janvier, la société Free venait d'installer sur ses terminaux mobiles, de manière systématique (1), un mécanisme réussissant le gel des réclames. Terrain brûlant, cette mesure fait vraiment peur car elle est susceptible de porter atteinte à la société du mensonge orchestré, des idées bien reçues, des affects déterminés, des positions dominantes et des succulents revenus.
Voici la dépêche en question suivie d'une autre qui la complète et permet de mieux la comprendre : pour l'instant on va désamorcer le dispositif explosif mais l'idée, réalisable, est bel et bien lancée...

Free: le blocage des publicités devrait être désamorcé dans les jours à venir

PARIS (AFP) - 05.01.2013 13:54

Le dispositif bloquant les publicités sur internet, installé par défaut depuis jeudi par l'opérateur français Free, devrait être désamorcé "dans les jours qui viennent", a indiqué samedi à l'AFP une source proche du dossier.
Le dispositif bloquant les publicités sur internet, installé par défaut depuis jeudi par l'opérateur français Free, devrait être désamorcé "dans les jours qui viennent", a indiqué samedi à l'AFP une source proche du dossier.
L'installation par défaut de ce mécanisme sur le terminal Freebox révolution de Free avait suscité un vif émoi chez les éditeurs de sites et provoqué la réaction de la ministre de l'Economie numérique, Fleur Pellerin.
Beaucoup de sites dépendent des recettes publicitaires, qui sont parfois leur seule source de revenus.
Selon une source proche du dossier, la démarche de Free se veut un moyen de pression pour amener le géant américain Google à partager une partie des revenus qu'il tire de la publicité.
Mme Pellerin doit recevoir lundi matin des représentants de Free et de sa maison mère, Iliad, ainsi que des éditeurs, représentants de régies publicitaires et d'annonceurs.

© 2013 AFP

Il y a un an, Free faisait une entrée fracassante dans la téléphonie mobile

PARIS (AFP) - 05.01.2013 13:52 - Par Emmanuelle TRECOLLE

Il y a un an, Free, connu pour être un trublion de l'internet, faisait le pari de rapidement devenir un acteur de poids dans la téléphonie mobile, un marché jugé mature, qu'il a bousculé à coups de tarifs ultracompétitifs.
Il y a un an, Free, connu pour être un trublion de l'internet, faisait le pari de rapidement devenir un acteur de poids dans la téléphonie mobile, un marché jugé mature, qu'il a bousculé à coups de tarifs ultracompétitifs.
Le 10 janvier 2012, le patron de Free, Xavier Niel, annonçait, dans un discours très agressif vis-à-vis de ses concurrents, Orange, SFR et Bouygues Telecom, qu'il lançait une offre à deux tarifs : 19,99 euros/mois avec internet, SMS/MMS illimités et appels illimités, et deux euros mensuels pour 60 minutes de communications et 60 SMS.
Une offre très inférieure aux tarifs du secteur qui a résonné comme un coup de tonnerre de la part de celui qui avait inventé la "box" avec une offre triple (internet, téléphone, télévision) et imposé l'abonnement à moins de 30 euros, et cherche encore à bousculer les lignes en s'attaquant à la publicité.
Et qui a chahuté le marché du portable au point de provoquer une baisse durable des tarifs et de recruter 4,4 millions d'abonnés sur les neuf premiers mois de son existence, malgré quelques problèmes de réseau à ses débuts. Les analystes estiment que Free devrait dépasser les cinq millions au bout d'un an.
Iliad, la maison-mère de Free, a vu son chiffre d'affaires s'envoler, tiré par le succès de la téléphonie mobile, et espère maintenant que cela lui permette de "changer de dimension", en nombre d'abonnés et en chiffre d'affaires.
Les effets de l'arrivée de Free Mobile se font aussi durablement sentir pour la concurrence, comme pour les consommateurs.
Dans un premier temps, les autres opérateurs ont dû s'aligner, déclenchant une baisse des prix généralisés.
Puis, ils ont riposté, proposant des offres qui se différencient par leurs services (subvention pour l'achat d'un téléphone portable) et des innovations comme la 4G. Ils ont pu ainsi reconquérir une partie de leur clientèle.
Baisse du coût des communications de 15,1%
La baisse des tarifs a toutefois fait l'affaire des Français. Pour la revue "60 millions de consommateurs", l'arrivée de Free Mobile a contribué à "redonner sept euros par mois et par ménage" en pouvoir d'achat.
De son côté, l'Insee (Institut de la statistique) estimait en novembre que si les prix à la consommation avaient augmenté de 1,4% sur un an, les prix des télécommunications affichaient, quant à eux, une baisse de 15,1%.
Mais si les trois opérateurs installés ont stoppé l'hémorragie de la clientèle, la baisse durable des tarifs a eu un impact négatif sur leurs chiffres d'affaires.
Bouygues Telecom a dû annoncer un plan de départs volontaires concernant 556 postes, comme SFR qui va, de son côté, supprimer 856 postes nets pour "sauvegarder sa compétitivité".
Seul Orange a tiré son épingle du jeu grâce à l'accord d'itinérance qui le lie à Free, permettant aux abonnés de ce dernier de passer par le réseau de l'opérateur historique dans les cas où ils ne seraient pas couverts par le réseau de Free Mobile, contre monnaie sonnante et trébuchante.
Le principal enjeu pour Free est celui du réseau car plus ses propres clients sont obligés de passer par celui d'Orange plus cela lui coûte cher et entame sa rentabilité. C'est d'ailleurs la réponse qu'a toujours donnée l'opérateur aux attaques récurrentes dont il a fait l'objet sur sa supposée lenteur à créer son réseau propre.
Selon l'Arcep, l'autorité des télécoms, Free Mobile, qui doit couvrir 75% de la population française grâce à son réseau propre au 12 janvier 2015, et 90% au 12 janvier 2018, couvrait 37% de la population au 1er juillet 2012.

© 2013 AFP
Côté Free, que personne ne s'affole : cette société fait partie du groupe de 10 opérateurs de téléphonie mobile assignés en justice par la CLCV, l'Association nationale de défense des consommateurs et usagers, pour cause de clauses abusives dans les contrats qu'ils imposent. Il s'agit concrètement d'Orange, SFR, Bouygues, Free, Virgin Mobile, La poste Mobile, Coriolis, Numéricâble, Prixtel et Sim Plus. Pour élargir cette information, vous pouvez cliquer sur le lien précédent.

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(1) "Par défaut", dit-on ici, et couramment, à partir de l'expression anglaise "by default". L'expression reste toujours drôle à mes oreilles car "défaut" est toute absence de ce qui serait nécessaire ou désirable ou toute imperfection ou anomalie. On s'en sert donc à l'excès. Il y en a même qui vont encore plus loin : je me rappelle une standardiste ibéroaméricaine de la compagnie de télécommunications sévissant chez moi qui, face à mes protestations vis-à-vis d'un service qu'ils prêtaient et dont je ne voulais pas, et qui plus est j'avais demandé à plusieurs reprises de ne pas recevoir, me répliqua que ce dispositif fonctionnait "por error" (par erreur). La langue de l'empire empire toujours la nôtre.