Comme il a très bien étudié l'empire obèse qui nous fait valser, et au-delà de certaines discrépances, je conseille vivement Comment les riches..., un excellent résumé (150 pages) de ce qui nous arrive socialement et planétairement, donc individuellement. Il se peut au demeurant que cette lecture vous pousse enfin à une découverte plus fine de Thorstein Veblen, dont la Théorie de la classe de loisir est à la base de l'analyse de Kempf.
Voici un extrait du livre de Kempf, tiré de son introduction, qui encadre parfaitement le vrai enjeu de notre temps. Écologie ? Justice sociale ? Pure logique, préciserait certainement le Michel Rio de La Terre Gaste. Écologie, Justice sociale, Logique : même combat.
Bonne lecture.
(...), je fais aujourd'hui deux constats :
- la situation écologique de la planète empire à une allure que les efforts de millions de citoyens du monde conscients du drame mais trop peu nombreux ne parviennent pas à freiner ;
- le système social qui régit actuellement la société humaine, le capitalisme, s'arc-boute de manière aveugle contre les changements qu'il est indispensable d'opérer si l'on veut conserver à l'existence humaine sa dignité et sa promesse.
Ces deux constats me conduisent à jeter mon poids, aussi infime soit-il, dans la balance, en écrivant ce livre court et aussi clair qu'il est possible de l'être sans trop simplifier. On y lira une alarme, mais surtout un double appel, sans le succès duquel rien ne sera possible : aux écologistes, de penser vraiment le social et les rapports de force ; à ceux qui pensent le social, de prendre réellement la mesure de la crise écologique, qui conditionne aujourd'hui la justice.
Le confort dans lequel baignent les sociétés occidentales ne doit pas nous dissimuler la gravité de l'heure. Nous entrons dans un temps de crise durable et de catastrophes possibles. Les signes de la crise écologique sont clairement visibles, et l'hypothèse de la catastrophe devient réaliste.
Pourtant, on prête au fond peu d'attention à ces signes. Ils n'influencent pas la politique ni l'économie. Le système ne sait pas changer de trajectoire. Pourquoi ?
Parce que nous ne parvenons pas à mettre en relation l'écologie et le social.
Mais on ne peut comprendre la concomitance des crises écologique et sociale si on ne les analyse pas comme les deux facettes d'un même désastre. Celui-ci découle d'un système piloté par une couche dominante qui n'a plus aujourd'hui d'autre ressort que l'avidité, d'autre idéal que le conservatisme, d'autre rêve que la technologie.
Cette oligarchie prédatrice est l'agent principal de la crise globale.
Directement par les décisions qu'elle prend. Celles-ci visent à maintenir l'ordre établi à son avantage, et privilégient l'objectif de croissance matérielle, seul moyen selon elle de faire accepter par les classes subordonnées l'injustice des positions. Or la croissance matérielle accroît la dégradation environnementale.
L'oligarchie exerce aussi une influence indirecte puissante du fait de l'attraction culturelle que son mode de consommation exerce sur l'ensemble de la société, et particulièrement sur les classes moyennes. Dans les pays les mieux pourvus comme dans les pays émergents, une large part de la consommation répond à un désir d'ostentation et de distinction. Les gens aspirent à s'élever dans l'échelle sociale, ce qui passe par une imitation de la consommation de la classe supérieure. Celle-ci diffuse ainsi dans toute la société son idéologie du gaspillage.
Le comportement de l'oligarchie ne conduit pas seulement à l'approfondissement des crises. Face à la contestation de ses privilèges, à l'inquiétude écologiste, à la critique du libéralisme économique, il affaiblit les libertés publiques et l'esprit de la démocratie.
Une dérive vers un régime semi-autoritaire s'observe presque partout dans le monde. L'oligarchie qui règne aux États-Unis en est le moteur, s'appuyant sur l'effroi provoqué dans la société américaine par les attentats du 11 septembre 2001.
Dans cette situation, qui pourrait conduire soit au chaos social, soit à la dictature, il importe de savoir ce qu'il convient de maintenir pour nous et pour les générations futures : non pas la « Terre », mais les « possibilités de la vie humaine sur la planète », selon le mot du philosophe Hans Jonas, c'est-à-dire l'humanisme, les valeurs de respect mutuel et de tolérance, une relation sobre et riche de sens avec la nature, la coopération entre les humains.
Pour y parvenir, il ne suffira pas que la société prenne conscience de l'urgence de la crise écologique -et des choix difficiles que sa prévention impose, notamment en termes de consommation matérielle. Il faudra encore que la préoccupation écologique s'articule à une analyse politique radicale des rapports actuels de domination. On ne pourra pas diminuer la consommation matérielle globale si les puissants ne sont pas abaissés et si l'inégalité n'est pas combattue. Au principe écologiste, si utile à l'époque de la prise de conscience - « Penser globalement, agir localement » -, il nous faut ajouter le principe que la situation impose : « Consommer moins, répartir mieux. »
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