dimanche 25 octobre 2020

Décolonisations – Série à contre-courant de l’histoire officielle

Alors qu'on nous rend compte ces jours-ci de la parution d'un nouveau documentaire [que je n'ai pas encore vu] intitulé Décolonisations, du sang et des larmes, de Pascal Blanchard et David Korn-Brzoza, je vous rappelle qu'il faut se dépêcher pour pouvoir visionner encore sur ARTE, en ligne et gratuitement, une série documentaire à ne pas louper : Décolonisations, mise en antenne par ARTE le 7 janvier 2020.

Parce qu'il faut continuer à connaître et colporter la vraie histoire du Capitalisme, autrement dit, à faire/suivre des cours de contre-histoire du libéralisme, idéologie suprémaciste, de classe et donneuse de leçons par-dessus le marché qui n'a jamais eu rien à voir avec l'émancipation de tous, mais qui a produit sur tous les continents une réalité de sang et de souffrances, de tortures et d'amputations, de racisme et d'esclavage, de génocide et d’exploitation, de mépris et de condescendance, d'impérialisme ou colonialisme, et plus tard de postcolonialisme —Tout cela n'est que du Capitalisme, Lamine Senghor dixit... Liberté, c'est le nom que le libéral —l'avidité— donne à l'Argent.

 

Bref, une réalité de brutale Occupation et de Résistance —qui se battait pour se libérer... de nous.

Les trois volets de Décolonisations puisèrent des images et des documents dans une grande variété d'archives et sont durs à voir ; pourtant, ce film renversant et bouleversant —qui n'illustre que 150 ans de pillages— ne constitue qu'un très bref résumé d'une trop longue histoire de cruauté exquise. Musique merci, la bande-son de la série aide énormément à respirer. Dessins merci, la bande-dessinée illustrant la série réduit la teneur de l'horreur, soulage.


Décolonisations – À contre-courant de l’histoireofficielle

2019 – Histoire – France – 2h40 – STSM - VF

Série documentaire/Réalisation de Karim Miské et Marc Ball

Auteurs : Karim Miské, Pierre Singaravélou et Marc Ball

Commentaire dit par Reda Kateb

Production : ARTE France, Program33, AT Production, RTBF, RTS Sénégal.

Une fresque percutante à contre-courant de l'histoire officielle des colonisateurs. 

Ce programme est disponible en vidéo à la demande ou DVD :

https://boutique.arte.tv/detail/decolonisations 

Décolonisations (1/3)
L'apprentissage

53 min - https://www.arte.tv/fr/videos/086124-001-A/decolonisations-1-3/

Disponible du 02/07/2020 au 31/10/2020 - Sous-titrage malentendant

À contre-courant de l'histoire officielle des colonisateurs, cette fresque percutante inverse le regard pour raconter, du point de vue des colonisés, cent cinquante ans de combat contre la domination, et faire résonner au présent un déni qui perdure.

Comment synthétiser, en moins de trois heures, cent cinquante ans d'une histoire planétaire dont les non-dits, comme les dénis, réactivent au présent fractures et polémiques ? Pour retracer ce passé occulté qui continue de concerner intimement chacun d'entre nous, les auteurs ont choisi de tisser chronologiquement grande et petites histoires, continents et événements, avec des partis pris percutants. D'abord, en racontant l'histoire du point de vue des colonisés, ils prennent le contre-pied d'un récit historique qui jusque-là, si critique puisse-t-il être envers les crimes de la colonisation, reflète d'abord le regard de l'Europe colonisatrice. Ensuite, parce qu’embrasser l'essentiel des faits intervenus sur près de deux siècles dans des pays aussi différents, par exemple, que l'Inde et le Congo relève de l'impossible, ils ont préféré braquer le projecteur sur une série de destins et de combats emblématiques, certains célèbres, d'autres méconnus. De Lakshmi Bai, la princesse indienne qui mena la première lutte anticoloniale en 1857-1858, lors de la révolte des cipayes, aux vétérans Mau-Mau qui obligèrent en 2013 la Couronne britannique à reconnaître les atrocités perpétrées contre eux au Kenya soixante ans plus tôt, leur fresque en trois volets s'autorise l'ellipse pour mettre en évidence ces continuités et ces similitudes qui, d'hier à aujourd'hui, recoupent les lignes de faille de la mondialisation. Dit par l'acteur Reda Kateb – dont le grand-oncle Kateb Yacine est d'ailleurs l'une des figures du combat anticolonial ici ramenées au premier plan –, le commentaire coup de poing déroule un récit subjectif et choral. Portée aussi par des archives saisissantes et largement méconnues, des séquences d'animation, des extraits de films, de Bollywood à Nollywood [industrie du cinéma du Nigéria], et une bande-son rock et hip-hop débordante d’énergie, cette histoire très incarnée des décolonisations met en évidence la brûlante actualité de l'héritage commun qu'elle nous a légué.

1. L'apprentissage

« Ça commence où, la lutte ? Dans quelle gorge il se forme le premier cri de la révolte ? Dans celle d’Amankwatia, le général en chef des Ashantis en guerre contre les Britanniques en 1874 ? Dans celle du Sultan d’Aceh qui refuse en 1873 de se soumettre aux Hollandais ou dans celle de la chef Lalla Fatma N’Soumer qui mène au combat contre la France en 1854 les tribus unies de Kabylie ?
Toutes ces luttes ont existé, toutes ont ensemencé l’avenir, mais aucune n’aura autant d’écho que celle qui commence en Inde en 1857, une guerre totale qui embrase tout un sous-continent. Les Anglais l’appelleront « la révolte des Cipayes », les Indiens la célébreront comme la 1re guerre d’Indépendance. C’est une femme qui va incarner cette lutte formidable. Son nom ? Manikarnika Tambe, la reine de Jhansi. [Elle était née à Varanasi (Bénarès). Son prénom est l’un des noms de Ma Ganga, le Gange. Lors de son mariage avec Gangadhar Rao, le maharaja de Jhansi, elle prit le nom de Lakshmî Bai. Au décès de son mari, elle lui succéda sur le trône. Mais au bout de 4 mois, la Compagnie des Indes Orientales annexa son royaume sans autre forme de procès. En mai 1857, la révolte des Cipayes éclata. Manikarnika remonta sur le trône, créa un bataillon de 14 000 femmes combattantes et organisa la résistance…] »

De la révolte des cipayes de 1857 à l'étonnante République du Rif, mise sur pied de 1921 à 1926 par Abdelkrim el-Khattabi avant d'être écrasée par la France, ce premier épisode montre que la résistance, autrement dit la décolonisation, a débuté avec la conquête. Il rappelle comment, en 1885, les puissances européennes se partagent l'Afrique à Berlin, comment les Allemands commettent le premier génocide du XXe siècle en Namibie, rivalisant avec les horreurs accomplies sous la houlette du roi belge Léopold II au Congo. Il retrace aussi les parcours de l'anthropologue haïtien Anténor Firmin, de la Kényane Mary Nyanjiru, de la missionnaire anglaise Alice Seeley Harris ou de Lamine Senghor, jeune tirailleur sénégalais devenu militant communiste et anticolonialiste.

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Décolonisations (2/3)
La libération

54 min - https://www.arte.tv/fr/videos/086124-002-A/decolonisations-2-3/

Disponible du 02/07/2020 au 31/10/2020 - Sous-titrage malentendant

Ce deuxième épisode, de 1927 à 1954, est celui de l’affrontement, de l'Algérie à l'Inde, en passant par les figures de Hô Chi Minh, futur vainqueur de Diên Biên Phu, ou de Wambui Waiyaki, intrépide jeune recrue des Mau-Mau.

Ce deuxième épisode, de 1927 à 1954, est celui de l’affrontement. Que ce soit à travers la plume de l’Algérien Kateb Yacine, qui découvre à 15 ans, en 1945, lors du massacre de Sétif, que la devise républicaine française, tout juste rétablie, ne vaut pas pour tout le monde, ou celle de la poétesse Sarojini Naidu, proche de Gandhi, qui verra en 1947, dans le bain de sang de la partition de l'Inde, se briser son rêve de fraternité, un vent de résistance se lève, qui aboutira dans les années 1960 à l’indépendance de presque toutes les colonies. Mais à quel prix ? Cet épisode suit aussi les combats de l'insaisissable agent du Komintern Nguyên Ai Quoc ("le Patriote"), qui prendra plus tard le nom de Hô Chi Minh, futur vainqueur de Diên Biên Phu, ou celui de Wambui Waiyaki, intrépide jeune recrue des Mau-Mau.

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Décolonisations (3/3)
Le monde est à nous

54 min - https://www.arte.tv/fr/videos/086124-003-A/decolonisations-3-3/

Disponible du 02/07/2020 au 31/10/2020 - Sous-titrage malentendant

Des indépendances à l’ère de la postcolonie, ce troisième et dernier épisode, de 1956 à 2013, s'ouvre avec les mots du psychiatre antillais Frantz Fanon, qui rejoint les maquis du FLN en Algérie.


Des indépendances à l’ère de la postcolonie, ce troisième épisode, de 1956 à 2013, s'ouvre avec les mots du psychiatre antillais Frantz Fanon (Peau noire, masques blancs, 1952), qui rejoint les maquis du FLN en Algérie. Il se poursuit dans l’Inde d’Indira Gandhi, qui se dote de la bombe atomique, dans le Congo sous influence de Mobutu ou dans le Londres de 1979, secoué par la révolte du quartier d’immigration de Southall, pour s'achever avec l'essor d'un cinéma 100 % nigérian dans les années 1990 et la victoire juridique des derniers Mau-Mau face au gouvernement britannique.

Le 3/01/2020, l'émission radiophonique Le Cours de l'histoire, par Xavier Mauduit (France Culture), invita les réalisateurs de Décolonisations Karim Miské et Marc Ball.

«  On a essayé d'avoir un récit qui soit efficace, tenu, ce qui était effectivement un défi dans la mesure où on traite de trois continents, c'est à dire l'Asie, l'Afrique et l'Europe, le continent colonisateur. Et pour ça, on s'est dit qu'on allait partir sur beaucoup d'histoires très précises. Un événement qui s'est passé en Inde parle pour d'autres événements qui se seraient passés en Indochine ou même en Algérie, et dont on ne parle pas dans la mesure où on raconte aussi l'histoire de cette libération, mais de la libération d'un impérialisme très particulier, qui est ce que certains historiens appellent maintenant l'impérialisme collectif européen.  »

Ce qui donne la force de ce récit est d'entendre ces citations, c'est de les entendre du point de vue du tirailleur sénégalais ou du point de vue du colonisé. On le ressent beaucoup plus dans la chair. Ce n'est pas juste une posture intellectuelle, un débat sur le racisme, c'est quelque chose qu'on ressent, qui est vécu. Tous nos personnages ont ça en commun : de vivre chacun une des facettes du colonialisme. C'est ce que permet aussi cette myriade de personnages, c'est de voir tous les aspects de la colonisation, de voir par quels biais elle s'est imposée, de voir la multiplicité d'expériences et de sensations à travers nos personnages, pour enfin, finalement, rendre la libération et la victoire encore meilleure.  »

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