jeudi 30 septembre 2010

Xmachie (inégale)


« Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier le chasseur. » (Proverbe africain)
Et manger du lion ne garantit pas l'acquisition de cette sagesse.


P.-S. : -machie : Élément, du grec makhê « combat » : logomachie, tauromachie.

mercredi 29 septembre 2010

Encore grève

Sous le titre
Grève générale en Espagne : "La précarité est devenue la norme"
Le Monde a publié, dans son édition numérique, plusieurs témoignages en français. En voici les premiers, sans altérations (donc y compris coquilles et écarts de la norme), tels qu'ils ont été relayés par le quotidien parisien la première heure du mercredi 29 septembre 2010. À vous d'en juger.

  • La grève à l'espagnole, par Julien D.
Je suis actuellement étudiant à l'université polytechnique de Madrid. Dans la cité universitaire, les affiches sauvages, les autocollants et les tags ont fait leurs apparitions sur les murs depuis une bonne semaine. Des prospectus jonchent le sol un peu partout. Cependant dans ma fac, la grève n'a pas l'air de susciter beaucoup de débats. Si je m'en tiens aux paroles de mon professeur, j'ai cours normalement demain matin. Je pense néanmoins que j'assisterai à la manifestation. D'abord par curiosité mais aussi et surtout parce que la réforme proposée par un gouvernement "socialiste" est inacceptable pour une société qui, bien plus qu'en France, souffre de la crise et du chômage !

  • "Maintenant le débat sur la retraite à 62 ans en France me fait bien rigoler", par Colin Poutiers
Je vis et travaille à Barcelone depuis mainteant cinq ans. Ayant grandi en région parisienne, je suis assez habitué aux grèves et autres manifestations sans me sentir vraiment impliqué. En revanche ici, il faut apparement s'attendre au pire. Dur de faire le tri entre les racontars et la vérité, mais cette grève promet d'être beaucoup plus intense, voire violente que les manif-merguez-chansons parisiennes. Tous les magasins du centre-ville ferment en prévision des casseurs, et il est dit que les "jaunes"peuvent être "rappellés à l'ordre" sur le chemin du bureau.
Je me suis renseigné sur les principales revendications et je peux vous dire que maintenant le débat sur la retraite à 62 ans en France me fait bien rigoler. Ici on travaille jusqu'à 65 ans, bientôt 67, 40 heures par semaine et avec bien moins de congés payés. Les licenciements vont être facilités, les retraites gelées, le tout en sachant que le chômage avoisine les 20 %... Donc oui, demain je vais faire grève. Ce pays qui m'a accueilli est socialement à des années-lumière de la France, et j'ai peur que l'écart ne se creuse encore.

  • Pour une moblisation massive, par Aina P
Je travaille dans une école de commerce, mais ma situation est identique à celle de plusieurs copains à moi : on travaille avec des limitations. Je bosse comme sous-traitante sans les droits qu'ont mes copains de travail : beaucoup moins de jours feriés, pas syndiquée, moindre salaire (avec le même travail à faire)... et je peux être heureuse ! Parce que en Espagne ils sont des milliers de jeunes qui ne trouvent rien, même si t'as des bonnes études universitaires.
Je ne peux pas participer, parce que je risquerais de perdre une partie de mon salaire et d'avoir une mauvaise réputation (je ne travaille que depuis 3 mois). Par contre je suis pour une mobilisation massive. Si je ne peux pas y aller, au moins qu'il y ait le plus de gens possible.

  • "Une simple grippe pourra devenir un motif de licenciement !", par Matthieu Huet
Je prépare le concours pour devenir professeur de français en Espagne. C'est compliqué. Il y a peu de postes, un concours tous les deux ans et un barème favorisant les remplaçants. La situation est encore plus désastreuse dans le privé : smic à 600 euros par mois, semaines de 40 heures, travail au noir omniprésent. Ma compagne, fonctionnaire, s'est fait retirer presque 3 000 euros de salaire annuel, mais elle ne fait même pas grève, même si elle n'approuve en rien ces mesures. Moi, sans travail, sans aide au logement, j'irai dans la manifestation en espérant que les socialo-libéraux arrêtent un peu le désastre. Leurs mesures d'austérité n'ont rien changé et ils démantèlent encore plus le droit des travailleurs. Par exemple, ils sont en train de faciliter le licenciement : une simple grippe pourra devenir un motif valable ! La solidarité ne doit pas seulement être supportée par les fonctionnaire et les bas salaires !

  • "La précarité est devenue la norme", par Thierry
Je me joindrai à la grève générale par solidarité avec la personne avec qui je vis. En Espagne, les barrières à l'emploi sont nombreuses. Quand on a déjà la chance d'en trouver un précaire (contrats d'un mois, travail temporaire, etc.) payé moins de 1 000 euros, on saute dessus. Si le président n'est pas bling-bling ici (c'est déjà quelque chose), la précarité est devenue la norme. Il est temps ici aussi de montrer que le peuple vote pour qu'on le représente, pas pour qu'on l'utilise.

Quant à moi, je pense en ce moment à un livre relativement récent de Naomi Klein, publié en 2007, dont il y a des traductions en français et en castillan. C'est peut-être un bon moment pour entamer sa lecture et méditer un peu. Titre original : The Shock Doctrine - The Rise of Disaster. Titre en français : La stratégie du choc : la montée d'un capitalisme du désastre, Actes Sud, avril 2008 ; en castillan : La doctrina del shock. El auge del capitalismo del desastre, Ed. Paidós Ibérica, Barcelona 2007. Parce qu'il faut tenter de savoir ce qui nous arrive, à l'échelle planétaire, et pourquoi.
Voici la première partie d'une interview de Naomi Klein à la Télélibre au sujet de son livre :


1128 NAOMI KLEIN ET LA CRISE FINANCIÈRE #1/3
Téléchargé par latelelibre.
Il existe un film de Michael Winterbottom à partir de ce livre : je ne l'ai pas vu et j'ai appris par la presse que Naomi Klein l'avait désavoué.

Dans cet ordre des choses, ABC nous rappelle que chez nous, en Espagne, il y a équation entre "crise" et augmentation de millionnaires (12,5% de plus en 2009 —"la pire année de la crise" (sic)— qu'en 2008). Et en France ? Le Parisien notifie éberlué que "Malgré la crise, ils sont environ 562 000 Français à être redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en 2010, soit 23 000 foyers de plus que l'an dernier". Malgré ? Malgré le "malgré" (je vous laisse réfléchir au genre d'informations qu'on nous flanque), rien n'est plus intelligible car il suffit de vérifier le rapport entre les dimensions relatives des parties et du tout et il n'est pas difficile de constater que la soif très durable et peu animiste des mains invisibles nécessite des sacrifices, voire des hécatombes. La dépredation n'est pas née de la dernière pluie et nombreux sont ceux qui nous avaient déjà prévenus depuis belle lurette, dont le grand André Gorz :
Le rêve du capital a toujours été de faire de l'argent avec de l'argent sans passer par le travail et de soustraire l'économie au pouvoir politique des États et des peuples.
Interview d'André Gorz, Le Monde, mardi 6 janvier 1997.
Bref, dans nos sociétés barbares, le travail emploi n'est que la charité des grands voleurs, étant donné que toute classe oisive a besoin d'une classe travailleuse et que le pur esclavage n'est pas toujours possible dans une démocratie formelle.
Enfin, on n'a qu'à regarder de près la drôle de manière qu'ont nos sociétés de répartir esclavage, misère, précarité, travail emploi et argent, pour ne pas trop s'étonner qu'il y ait de temps à autre certaines réactions : il faut imaginer chômeurs, salariés et retraités excédés. Dans ce contexte, ce sont la résignation ou la satisfaction qui nous laissent pantois et prouvent l'existence du syndrome de Stockholm.
À Paris, le trublion François Ruffin s’est faufilé dans la manif du 23 septembre contre la réforme des retraites pour prendre la température de la colère sociale tout en y semant sa zone et, ô merveille !, il a déclenché sur-le-champ certains arguments...


Il a besoin de vous from mutins on Vimeo.

Ne me cherchez pas aujourd'hui au bahut.



NOTE du 2 novembre 2011 : Vous pouvez écouter Naomi Klein à la radio.

vendredi 24 septembre 2010

Incendies

« C'est en lisant Kafka que j'ai eu envie d'écrire.
Ce n'est ni la guerre, ni la mort, mais bien la littérature
qui a éveillé en moi la littérature. L'art appelle l'art. »
(Wajdi Mouawad : Seuls, pièce présentée en 2008 au Festival d'Avignon)


Wajdi Mouawad (Deir El-Qamar, 1968) est un libanais né dans une famille chrétienne maronite, émigré en France, à huit ans (1979), puis à Montréal, au Québec (1983). Devenu donc canadien, il exerce au moins trois activités : metteur en scène, auteur et comédien. Sa biographie est bien touffue comme homme de théâtre ; il occupe le poste de directeur artistique du Théâtre français du Centre national des Arts du Canada, à Ottawa.
Mouawad est aujourd'hui mondialement célèbre grâce notamment à une trilogie* dramatique composée par Littoral (1997), Incendies (2003) et Fôrets (2006).
Incendies, deuxième volet de la trilogie, a été créé à Meylan, en France, en 2003. J'ai eu l'occasion d'en voir la représentation à Madrid, pour la première fois, le 8 juin 2008, mise en scène par la Compagnie Théâtre Abé Carré Cé Carré sous la direction de Wajdi Mouawad. C'était au Teatro Español de Madrid (plaza de Santa Ana). J'ai failli la rater car elle n'était jouée à l'époque que du 28 mai au 8 juin 2008, précisément. Elle est de nouveau sur scène à Madrid, du 22 septembre au 3 octobre, dans la nouvelle salle du Matadero (la numéro 2), et j'ai été plus diligent cette fois-ci : j'ai pu la revoir le jour de sa première de cette année —toujours en français et sur-titrée en castillan.

Trois actrices vont jouer le personnage de Nawal —inspiré de Souha Bechara— car on va nous la montrer à trois âges différents. En fait, tout au long de la pièce, les tableaux et les âges vont et viennent, voire se chevauchent. Lorsque l'action démarre, Nawal vient de mourir... après cinq ans de silence. Nous apprenons qu'un jour, elle s'est tue ; ses deux enfants jumeaux, Jeanne et Simon, ignorent pourquoi et ne lui pardonnent pas son effacement. Au moment de sa mort, elle a prononcé une phrase énigmatique : "Maintenant que nous sommes ensemble, ça va mieux". Convoqués par son exécuteur testamentaire, le notaire Hermile Lebel, ils écoutent ses dernières volontés qui leur semblent un pur délire. Ils la détestent. Néanmoins, Jeanne, la mathématicienne, la spécialiste en graphes (1), finit par vouloir savoir et s'engage dans une quête qui comporte en fait la reconstitution d'un polygone. Elle, tout d'abord, et puis aussi son frère jumeau devront faire face, à partir d'un ensemble de départ, à la découverte des angles manquant, encore non visibles, d'un ensemble d'arrivée qui sera un choc pour tout le monde, personnages et spectateurs confondus. Quand seront dévoilés tous les angles du polygone et toutes les courbes représentatives qui les relient, on aura brisé tous les tabous, bouleversé toutes les conventions, dépassé toutes les bornes de la tragédie grecque la plus terrible que l'on puisse concevoir. La plus monstrueuse ? Chacun aura son point de vue. L'auteur tente en tous cas de nous rappeler à quel point l'amour peut engendrer l'horreur, tout comme l'horreur peut enfanter l'amour.
Mouawad est un type lucide et sensible qui a vu son pays natal déchiré par la guerre et la déprédation les plus cruelles. Les composants concrets de cette violence qui n'épargne personne —armée envahissante, camps, réfugiés, massacres, milices, vengeances...— sont présents de manière implicite sur scène, jamais à travers des désignations précises —Tsahal, milices phalangistes chrétiennes, Palestiniens, Sabra et Chatila...—, mais les faits, les points cardinaux et les dates ne renvoient pas à des ingrédients exclusivement fictionnels, bref, ne sauraient laisser indifférent ou déboussolé quiconque connaît un peu l'histoire récente du Liban et de sa région.
Mouawad pense qu'au XX siècle, "les pères ont sacrifiés leurs fils". À ce propos, il a tenu à souligner : "Un monde qui cherche surtout à désarmer sa propre jeunesse en l'infantilisant, c'est peut-être l'une des choses les plus violentes que personnellement, je peux ressentir en fait". Cruauté et infantilisme : voilà le cocktail explosif qu'on nous inflige et que symbolisent surtout, dans Incendies, Nihad et sa loufoque interprétation de The Logical Song, de Supertramp, qui crée chez nous une horripilante commotion et nous hérisse les cheveux —notamment après coup.
Si vous ne redoutez pas la catharsis, ne loupez pas Incendies, tant que la Compagnie Théâtre Abé Carré Cé Carré est à Madrid. En novembre, du 16 au 19, Teatro Valle-Inclán (c/ Valencia, 1, Lavapiés), nous pourrons voir la première pièce de cette trilogie de Mouawad : Littoral. J'ai déjà mon billet.


Troupe : Gérald Gagnon (Antoine Ducharme, Chamseddine), Jocelyn Lagarrigue (Simon), Isabelle Leblanc (Jeanne), Julie McClemens (Nawal à 40 ans), Ginette Morin (Nawal à 65 ans), Mireille Naggar (Sawda, Elhame), Valeriy Pankov (Nihad), Isabelle Roy (Nawal à 19 ans) et Richard Thériault (qui construit impeccablement l'accent québécois de son principal rôle, celui du notaire Hermile Lebel).

(1) Graphe :  , Ensemble des couples d'éléments vérifiant une relation donnée. [Le Robert]
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* NOTE POSTÉRIEURE : 

Il faut corriger cette information puisque ce que je croyais être une trilogie bien close était devenue en fait tétralogie le 18 juillet 2009, lors de la création de Ciels, son dernier volet —et contrepoint de la trilogie de base :
« Ciels est la dernière partie d’une tétralogie commencée avec Littoral, Incendies et Forêts. Il en est aussi le contrepoint. Ciels est un spectacle qui cherche à contredire, par le fond et par la forme, tout ce que Littoral, Incendies et Forêts tentent de défendre : l’importance de la mémoire, la recherche de sens, la quête d’infini. Ciels raconte comment, précisément, ce qui est défendu par Littoral, Incendies, Forêts peut perdre le monde. ».
Spectacle de Au Carré de l'Hypoténuse et Abé Carré Cé Carré, la pièce fut présentée au festival d'Avignon le 19 juillet 2009. En voici quelques extraits de la critique publiée par le journal canadien La Presse :
(...) dans Ciels, c'est la beauté, l'art, la poésie qui sont les cibles de la menace. Plus qu'auparavant, Wajdi Mouawad cherche à déstabiliser et secouer le public. Le sortir de son confort. Lui faire subir un choc, voire même tester ses limites, le provoquer, l'insupporter.
(...)
Avec Ciels, Wajdi se fait beaucoup plus grave. Il emploie une langue plus éloquente, plus poétique, faisant de ses personnages des héros dramatiques toujours en proie à de grandes tirades qui brûlent d'urgence.
Ajoutant à cette flèche lancée dans la sensibilité du spectateur, il y a l'utilisation des quatre côtés de la scène, où se trouvent des écrans (où l'on retrouve notamment Gabriel Arcand dans le rôle du suicidé) et des scènes où gravitent les acteurs. Et il y a aussi une sollicitation des sens, notamment par une utilisation du son qui tantôt nous enveloppe dans un concert chaotique ou encore nous plonge dans un concert reproduisant l'assourdissante symphonie d'un bombardement.
(...) Le cri d'un artiste qui sent l'attaque d'un système sur ce qui fait la beauté, la poésie. (...)
Quand j'eus en main Incendies, je vérifiai dans sa préface la teneur du projet instinctif de Mouawad :
Incendies est le second volet d'une tétralogie amorcée avec l'écriture et la mise en scène de Littoral en 1997. Sans en être une suite narrative, Incendies reprend la réflexion autour de la question de l'origine. Même si j'ignore encore exactement vers où ira la suite, et quand elle sera à nouveau abordée, je sais que, depuis peu, un mot encombre ma tête, peut-être est-ce un décor, mais ce mot, j'en ai l'intuition, est le rêve prémonitoire d'une troisième partie. Ce mot est Forêts.

mardi 21 septembre 2010

Siné au ciné, par Stéphane Mercurio

La fin de l'aventure Siné Hebdo a déjà été abordée dans ce blog. Néanmoins, Antoine Bast nous annonce la parution d'un film sur Siné réalisé par Stéphane Mercurio, la fille de celui-ci, ici donc doublement sinéaste. Bast est le responsable de la distribution de ce documentaire qui s'intitule Mourir ? Plutôt crever ! et dont le générique rassemble Siné, Isabelle Alonso, Jean-Pierre Bouyxou, Benoît Delépine, Delfeil de Ton, Gérard Depardieu, Sidahmed Ghozali, Marc Held, Grégoire Korganow, Gustave Kervern, André Langaney, Jacques Prévert, Serge Quadruppani, Catherine Sinet, Malcolm X, Jean Yanne et Marcel Zanini.
On pourra le voir en salles dès le mercredi 13 octobre un peu partout en France, mis à part des dizaines d’avant premières qu'on montre dès le 15 septembre.
Voici la synthèse de Mourir ? Plutôt crever ! rédigée par Bast :
MOURIR ? PLUTOT CREVER !

Un film de Stéphane Mercurio

Enfin un portrait au cinéma du furieux dessinateur Siné, celui qui avec un crayon trempé dans l’acide s’est attaqué indifféremment depuis la fin des années 50 aux curés, rabbins et mollahs, bourgeois et militaires, moralistes de tout poils. Un gars qui au-delà de son image de provocateur à grande gueule, a traversé la grande Histoire avec ses aventures dans la presse : contempteur de l’Algérie française, d’abord dans l’Express avant de monter Siné-Massacre, acteur engagé de Mai 68 et pourfendeur du Général dans l’Enragé, compagnon très critique des révolutions cubaines ou chinoises (une séquence à mourir de rire vous prouvera le sens limité de l’humour de ces régimes face à Siné), ami de Malcolm X qui fut le parrain d’une de ses filles et dont le souvenir de sa disparition lui arrache encore des larmes. Probablement que pour faire ce film, il fallait attendre que quelqu’un de très intime s’y colle tant le bougre ne se livre pas facilement. Ça tombe bien, il se trouve que Stéphane Mercurio, sa fille, est cinéaste. Même si la talentueuse réalisatrice a su toujours garder la parfaite distance sans nier le lien, ce sera donc une plongée très personnelle dans l’univers d’un gaillard pour qui la famille au sens large et l’amitié sont aussi importantes que l’engagement politique. Côté famille, vous comprendrez en l’entendant évoquer son père ancien bagnard antimilitariste, que parfois les gênes se transmettent. Côté amis, se mêle le souvenir des disparus comme Prévert et aujourd’hui sa bande d’irréductibles, sans qui Siné Hebdo, né de son éviction de Charlie Hebdo pour cause de lèse-Sarkozy junior, ne serait pas né. Une bande avec outre des dessinateurs historiques des aventures Charlie ou Hara Kiri, des vieux amis comme Guy Bedos et Gérard Filoche ou des plus nouveaux comme Benoït Delépine, Isabelle Alonso, tout ça sous la surveillance de Catherine madame Sinet à la ville, et grande ordonnatrice de ce joyeux et salvateur bordel que fut l’aventure Siné Hebdo.
Avec une devise envoyé comme un défi à ceux qui voyaient le bonhomme déjà enterré : Mourir ? Plutôt Crever !

Quant à Stéphane Mercurio, pour mieux la connaître, je vous conseille de lire cette interview autour de son film À Côté, publiée en octobre 2008 par evene.fr. Il s'agit d'un autre documentaire qui ferait certainement la fierté de Victor Hugo car il dévoile la terrible réalité du système carcéral français de nos jours. Il a été projeté au Sénat de nos voisins du Nord.
Enfermées dehors
INTERVIEW DE STEPHANE MERCURIO
Propos recueillis par Aurélie Louchart pour Evene.fr - Octobre 2008

Dans un documentaire sorti le 29 octobre en salle, Stéphane Mercurio met en avant les difficultés auxquelles sont confrontées les familles - et en particulier les femmes - de détenus. A travers elles, on découvre le désintérêt total du milieu carcéral pour son rôle de réinsertion. Rencontre autour de cet échec des prisons françaises.
—Ces dernières semaines, les suicides de détenus se multiplient. Rachida Dati propose l'installation d'interphones dans les cellules et l'augmentation des rondes de gardiens. Plus de sécurité mais point de réflexion sur les causes du malaise. Alors que certains députés se battent pour que les citoyens puissent conserver un numéro de département sur leur plaque d'immatriculation, le débat de fond sur la prison semble indéfiniment repoussé à plus tard. Stéphane Mercurio, elle, offre via les familles de détenus un éclairage essentiel sur le système carcéral.

En quoi existe-t-il un enjeu de société autour du sort réservé aux proches de personnes incarcérées ?


—Aujourd'hui, dans les prisons, il y a 1 travailleur social pour 100 détenus, voire pour 200 dans certains endroits. Psychologiquement, les personnes incarcérées se détériorent au fur et à mesure de la détention. Ceux condamnés à de longues peines sont incapables de revenir à une vie normale et les petits délinquants apprennent à faire pire. Ces femmes sont les seuls vecteurs de réinsertion potentielle. Elles sont celles qui logent le détenu à la sortie, qui se démènent pour leur trouver un boulot. Il me semble que la prison est de façon générale un enjeu important, et pas seulement d'un point de vue humaniste, d'un point de vue égoïste aussi. Au lieu de protéger la société, elle génère de la violence. Il faut que les gens se mettent dans la tête que tout détenu sort. Quand il y a des récidives horribles, on entend toujours "Pourquoi on l'a laissé sortir ?" Moi je me dis : "Tiens, c'est un type qui a commencé à 18 ans avec un vol et il finit en train d'égorger ou violer une gamine. Il a passé 10-15 ans en prison avec plusieurs condamnations et on retrouve une espèce de monstre à l'arrivée." Ca pose vraiment des questions sur la prison.
Lire la suite.


Stephane Mercurio sur France 3 pour la sortie du film A COTE
Téléchargé par Iskrafilms

jeudi 16 septembre 2010

Vichyssoise ? J'en ai soupé

Dans le dernier Nouvel Obs que j'ai lu, celui de la semaine 9-16/09/10, j'ai trouvé deux bonnes citations pour illustrer l'amour que la sarkozie porte aux Roms et aux pauvres en général.
La première appartient à Hervé Algalarrondo :

Brice Hortefeux a créé la polémique, le 30 août, en déclarant, lors d'une conférence de presse destinée à faire le point sur le démantèlement des camps roms illégaux : « La France n'est pas un terrain vague. » Eh bien, il s'agit d'une citation de Charles Maurras. Le chef de l'Action française a écrit en 1912 : « Ce pays-ci n'est pas un terrain vague. Nous ne sommes pas des bohémiens nés par hasard au bord du chemin. Notre sol est approprié depuis vingt siècles par les races dont le sang coule dans nos veines. »

En effet, plus raciste, tu maurras.
Et puis, la deuxième, c'est Jacques Julliard qui nous la rappelle dans sa chronique Lecture de vacances :
Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s'étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j'en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L'admirable, c'est qu'ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu'inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols. Et j'ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d'ordre. C'est la haine qu'on porte au bédouin, à l'hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m'exaspère. [ ... ] Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton. »
Voilà ce qu'écrit Gustave Flaubert à George Sand, le 12 juin 1867.
Hier, mercredi 15 septembre, plusieurs moyens de communication —dont 20minutes.fr— ont relayé cette information :
En réponse aux menaces de Viviane Reding de poursuivre la France en justice pour non respect de la législation européenne à l'égard des Roms, Nicolas Sarkozy aurait suggéré à la commissaire européenne à la Justice et aux Droits des citoyens d'accueillir des Roms au Luxembourg, selon des sénateurs UMP présents à un déjeuner avec le chef de l'Etat.
«Il a dit qu'il ne faisait qu'appliquer les règlements européens, les lois françaises et qu'il n'y avait absolument rien à reprocher à la France en la matière mais que si les Luxembourgeois voulaient les prendre il n'y avait aucun problème», a rapporté le sénateur de Haute-Marne, Bruno Sido.
Quand on voit dans quelles mains nous sommes, on se demande illico quel est le bouillon de culture dans lequel on patauge. Dans ce sens, êtes-vous pour la vichyssoise ou pour le melting-pot ? Prenez dare-dare votre décision parce qu'il y en a qui, pour aller à la soupe, sont prêts à tout et notre histoire a déjà prouvé que ça peut tourner au vinaigre...

[Bien entendu, il y en a encore beaucoup qui ont fait leur choix dans le bon sens. Je voudrais rendre hommage, par exemple, à tous ceux qui se sont engagés dans "El Proyecto Youkali", pièce conçue et mise en scène par Miguel del Arco pour la CEAR (Comisión Española de Ayuda al Refugiado) que l'on peut voir, depuis le 7 septembre, jusqu'au 19 dans les NAVES DEL MATADERO du Teatro ESPAÑOL, à Madrid. La troupe était composée d'acteurs d'origine très variée : Dulcinea Juárez, Donat Mbuyi, Genoveva Caro, Sonia Ofelia Santos, Pedro Forero, Cristóbal Suárez, Mar Fernández-Sousa, Kati Dada, Ángel Ruiz, Alberto Sánchez, Wenceslao Scyzoryk, Sonia Fernández-Sousa, Alfonso Gálvez Blanco et Paqui Horcajo.]

NOTE POSTÉRIEURE : lu sur Le Monde, jeudi 7 octobre 2010
La gendarmerie détient un fichier illégal sur les Roms
La gendarmerie a constitué un fichier, illégal et clandestin, sur les Roms et les gens du voyage. Ce fichier ethnique, dont "Le Monde" révèle l'existence, est baptisé MENS, minorités ethniques non sédentarisées. Les avocats de quatre associations de gens du voyage ont déposé plainte pour constitution de fichier non déclaré et conservation "de données à caractère personnel qui font apparaître les origines raciales et ethniques". Lire la suite.

vendredi 10 septembre 2010

Privilèges et contreparties sociales, par Les Mutins de Pangée

Mutins : insoumis... qui sont plutôt espiègles et aiment à plaisanter.
Pangée, du Grec ancien : γη / « la Terre » et παν / pan « tout », littéralement : « toutes les terres ».

Eh ben, le mardi 7 septembre, profitant d'une manif contre le projet de réforme des retraites, Les Mutins de Pangée ont proposé aux Parisiens, sous le titre La Roue des Privilèges, une sorte de Jeu du Quotidien —basé sur la Roue de la Fortune— histoire de montrer gracieusement que là où il y a un gros privilège, drôle d'existence, il y a toujours, forcément, une ou plusieurs contreparties sociales. Vous ne comprenez pas très bien ce que l'on veut dire par là ? Pas de panique, c'est normal car dans le nouvel ordre mondial, les contreparties sociales reçoivent le nom de réformes. Bref, tout équilibre est le produit d'une compensation et tout privilège a besoin, lui aussi, de palliatifs. C'est ainsi qu'un bouclier fiscal ou une réduction fiscale sur les stock-options peut servir à financer des coupures sociales.
Voilà, maintenant, vous avez tout compris, n'est-ce pas ? Autrement dit, vous venez de faire en dix secondes un véritable master en Économie, cette science sociale qui n'est ni science ni sociale, un peu comme la poésie, avec le social en moins.

Les Mutins nous expliquent leur initiative dans leur site :
Au cœur de la manifestation unitaire du 7 septembre à Paris, des acteurs-militants d’ATTAC animent un grand jeu, sous le haut patronage de Liliane Bettencourt et de Eric Woerth.
Une vidéo proposée par Les Mutins de Pangée en complément du reportage radio de Daniel Mermet et de l’équipe de "Là-bas si j’y suis" sur France Inter (voir aussi la-bas.org)
En voici la vidéo :


Note postérieure : Voici l'émission de Là-bas, si j'y suis du vendredi 10 septembre (de 15h à 16h).

Vous pouvez lire également le récent Manifeste d’économistes atterrés (datant du 01/09/2010).