vendredi 6 mai 2011

Bouclier fiscal, bouclier social

Je me suis permis d'utiliser les deux expressions du titre, devenues très populaires, pour comparer les chiffres correspondant aux deux concepts réels qu'elles recouvrent : l'argent que le gouvernement Sarkozy restitue aux plus riches afin de plafonner leurs impôts et l'argent que le gouvernement alloue aux plus démunis sous l'étiquette du RSA (Revenu de Solidarité active), prestation qui remplace depuis 2009 le RMI (Revenu Minimum d'Insertion).
À cet effet, j'insère d'abord une information de Cédric Mathiot pour le quotidien Libération de l'année dernière, puis une autre nouvelle écrite par Véronique Le Billon que nous venons de lire sur le web du journal Les Échos, et enfin, encore une autre que j'ai tirée d'Agoravox, signée par Albert Ricchi en mars 2010, concernant les célèbres "niches fiscales" (lacunes ou vides législatif dont on peut tirer un avantage fiscal : au bout du compte une autre manière de bouclier la boucle, si vous permettez).
Côté chiffres, c'est moi qui y ai mis un peu de rouge...

Info du Libé :
08/04/2010 à 00h00
«Le bouclier social représente 12 milliards d’euros»
Par CÉDRIC MATHIOT, Libération

Pour faire oublier son bouclier fiscal, l’UMP a inventé un «bouclier social», concept improvisé à la hâte et qui agrège toutes les mesures prises par le gouvernement en faveur des plus pauvres. But de la manœuvre : montrer que le bouclier fiscal ne pèse que 500 millions d’euros alors que les mesures du gouvernement en faveur des plus modestes représentent «25 fois plus». C’est Christian Estrosi, ministre de l’Industrie, qui a fourni l’argumentaire lors d’une réunion avec les députés UMP : «Le bouclier fiscal représente 500 millions d’euros, là où le bouclier social que nous avons mis en place, à travers le RSA, les mesures de justice sociale, représente 12 milliards d’euros.» Sur le site de l’UMP, Frédéric Lefebvre chiffre même à 14,2 milliards le bouclier social. Dont 9 milliards pour le seul RSA. «Personne n’a jamais fait autant que nous pour les plus défavorisés», se gargarise Estrosi. Il faut que Lefebvre et Estrosi soient très gonflés - ou très ignorants - pour revendiquer la mise en place d’un RSA à 9 milliards. Le coût annuel de la mesure devrait être de 1,5 milliard. Le reste correspond au coût des dispositifs préexistants (RMI, API) avec lequel le RSA a été fusionné, et qui ne doivent rien au gouvernement. Plus drôle encore : quand il s’est agi de financer le surcoût de 1,5 milliard, la majorité a mis en place une contribution de 1,1% sur les revenus du patrimoine de tous les Français… sauf les bénéficiaires du bouclier fiscal, exonérés de cet effort de solidarité, malgré la demande de Martin Hirsch.

Info des Échos :
02/05/11 | 18:46 | mis à jour le 03/05 à 10:08 |

Bouclier fiscal : le montant moyen restitué s'est élevé à 40.908 euros en 2010

Le bénéfice du bouclier fiscal, qui plafonne les impôts directs à 50 % des revenus, est toujours aussi concentré. Les 925 premiers contribuables ont perçu un chèque moyen de 381.000 euros lors de la campagne 2010.

En attendant la suppression du bouclier fiscal, le gouvernement doit encore assumer le bilan médiatique des chèques restitués aux contribuables les plus aisés au titre de la campagne 2010, dont les résultats provisoires viennent d'être transmis aux députés. Quelque 14.443 contribuables ont collectivement reçu 591 millions d'euros au titre du plafonnement de leurs impôts 2010 à 50 % de leurs revenus 2009. C'est, selon ces chiffres provisoires arrêtés en février, un bilan similaire à celui de l'année précédente (586 millions en février 2010). Le bilan définitif s'était élevé à 678 millions d'euros.
A 40.908 euros, le montant moyen du chèque restitué n'est guère signifiant. Les 925 premiers bénéficiaires -soit 7 % du total-ont obtenu 60 % des dépenses liées au bouclier, soit une restitution moyenne de 381.000 euros. Ces contribuables déclarent des revenus élevés (10 % de revenus fiscaux les plus élevés, soit plus de 45.000 euros par an) et possèdent les patrimoines les plus importants (plus de 16,48 millions).

Des cas  « absurdes et choquants »

Au bas de l'échelle du bouclier, 3.498 contribuables (47 %) ont déclaré un revenu inférieur à 3.467 euros par an et n'étaient pas assujettis à l'ISF. Ces contribuables, éligibles au titre de leur taxe foncière, ont touché en moyenne de 596 euros, pour un coût de 2 millions. Après la suppression du bouclier dans sa forme actuelle, ces contribuables continueront de bénéficier d'un plafonnement à 50 % centré essentiellement sur les taxes foncières.
Restent les cas extrêmes de contribuables possédant un très gros patrimoine mais ayant des revenus très limités. Ils étaient 17 en 2009, et 32 l'an dernier à posséder plus de 16,5 millions de patrimoine pour un revenu déclaré inférieur à 3.467 euros. Ils ont perçu un chèque moyen de 169.000 euros. Au-delà de ces cas  « absurdes et choquants » selon les mots de Jérôme Cahuzac (PS), de nombreux élus de droite comme de gauche dénoncent depuis des années les pratiques d'optimisation de contribuables limitant leurs revenus à leur strict nécessaire pour maximiser leur bouclier.
VÉRONIQUE LE BILLON

Info d'Agoravox, le média citoyen :

Fiscalité : le bouclier qui cache la forêt des niches et autres privilèges indécents…
par Albert Ricchi (son site),
lundi 12 avril 2010

(...) Au moment où Nicolas Sarkozy annonce une réforme des retraites visant à remettre en cause le droit à la retraite à 60 ans, le dernier rapport de la cour des comptes, occulté largement par les médias, fait un constat accablant : les niches fiscales ne représenteraient pas 70,7 milliards € ainsi que le mentionnent les documents officiels mais 146 milliards € !
(...)

Alors que se multiplient les cadeaux fiscaux pour les nantis (présents et à venir, y compris en ce qui concerne l'ISF), la France est un pays où 3,6 millions de citoyens sont mal-logés ou directement sans abri, et où environ 1500 classes d'écoles primaires devraient fermer à la rentrée 2011 suite aux «suppressions de poste», selon a confirmé Luc Chatel, son ministre de l'Éducation nationale, le 26/04/2011. En effet, on dirait qu'en matière de contreparties sociales en France, comme dans tous nos pays développés, la boucle est bel et bien bouclée. C'est ainsi qu'en octobre 2009, 1,26 millions de foyers français bénéficiaient du RSA (par exemple, les gros bénéfices du rSa activité s’élèvent en moyenne à 162 € par foyer, loin des 40.908 € par tête de pipe que méritent les nababs via le bouclier fiscal). Puis, en avril 2010, le nombre de bénéficiaires de cette aubaine atteignait 1,78 millions de foyers. Enfin, les Réformes mises en œuvre par le Capital en général et son équipe proconsulaire française (le fier et beau Gouvernement français), en particulier, portent leurs fruits : en janvier 2011, 1,84 million de foyers sont allocataires du rSa. On verra dans les mois à venir quels taux atteindra la proportion Exigences du Capital / Charité politique en vue d'éviter des émeutes, tension qui comporte seulement parfois des collisions nucléaires (1). Car nous savons par David Harvey que "Alan Budd, Thatcher's chief economic adviser, later admitted that 'the 1980s policies of attacking inflation and squeezing the economy and public spending were a cover to bash the workers', and so create an 'industrial reserve army' which would undermine the power of labour and permit capitalists to make easy profits ever after (...)" (Extrait de Spaces of Hope, 2000 ; en français : Espaces d'Espérance. Voir la page 20 de l'édition en castillan publiée par Akal en 2003. Harvey cite concrètement R. Brooks : Maggie's man. We were wrong, The Observer, 21/06/1992, p. 21)

(1) Note du 10/05/2011 - Laurent Wauquiez est venu vite fait répondre à notre doute. Il a proposé, dimanche soir, de demander cinq heures hebdomadaires de service social aux bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA) et «de plafonner le cumul de tous les minima sociaux à 75% du Smic». Il faut éviter à tout prix que les pauvres et autres parasites associés du RSA jouissent sans entraves. Bien entendu, les recettes innovantes de Wauquiez ne concernent pas l'assistanat aux nantis qui ne cherchent pas de travail, dont on imagine que le seul chiffre qu'il est convenable de plafonner, c'est les impôts. Dans le rapport Exigences du capital / Charité politique, il montre bien la route que proposent les faucons : la grandeur militaire de la servitude (de la plèbe).

Note du 5/10/11 - Dans un post, Pierre Dubois s'est plu à calculer le coût de la scolarité de Laurent Wauquiez.

Note du 23/11/12 - Un nouveau livre, publié le 8 novembre par Éditions La Découverte, revient sur la fixation cynique de Wauquiez sur « les dérives de l'assistanat », rengaine dont il a bien voulu nous rebattre les oreilles pendant l'ère sarkozyenne. Il s'agit de « L’Envers de la "fraude sociale" », où le Groupe Odenore, Observatoire des Non-Recours aux Droits et Services, prouve, entre autres, que les sommes qui ne sont pas versées aux ayants droit sont trois fois supérieures à celles qui sont indûment perçues.

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