dimanche 1 mai 2011

Un documentaire pour le Premier Mai. Hommage à Sophie Sensier

Voici une petite suggestion qui tombe bien aujourd'hui, le 1er mai 2011. C'est un documentaire de Pierre Carles (1) et Christophe Coello, produit en 2004 et sorti en mars 2007, qui s'intitule Volem rien foutre al païs, déclaration goguenarde mélangeant français et occitan car le film vous permet d'écouter d'autres langues que le français (castillan, anglais, catalan...).
Il démarre par une prestation impayable de Georges Pompidou en juin 1967, lors de la fin des barrières douanières au sein de la Communauté économique européenne. Il se fait le chantre de l'insécurité sociale ! En fait, une fois que l'on connaît le déroulement de l'histoire et que l'on a constaté les raisons, les buts et les effets des recettes ressassées, une fois qu'on ne peut plus se leurrer à l'égard des appâts et du vrai sens des mots employés par les libéraux (la conversion de l'être humain en "client", le pronom "nous", le dédoublement "Nous"/"Ils", etc.), l'intervention de Pompidou et son éloge de la "préoccupation permanente" médusent, glacent et agacent :


Le problème de la concurrence à l'intérieur du marché commun est un problème sérieux, est un problème grave. Seulement, ce que je souhaiterais pour ma part, c'est que ceux qui s'adressent, comme vous même, qui s'adressent aux industriels, aux commerçants, à ceux qui dirigent l'économie ; au lieu de leur dire "ça va mal et c'est la faute du gouvernement" leur disent : "Vous avez pendant 50 ans vécu à l'abri de protections inadmissibles ; pendant 50 ans, vous étiez tranquilles : chacun produisait sa petite affaire sans savoir à quel prix lui revient et la vendait tranquillement avec son petit bénéfice, y'avait d' bonnes frontières douanières, y'avait aucune concurrence, et le client français était traité comme... un client qui était obligé de payer ce qu'on lui donnait au prix qu'on demandait". Nous vivrons, et l'économie française et les industriels et les commerçants français doivent vivre désormais, dans la préoccupation permanente, il s'agit de se dire qu'ils sont toujours menacés par un concurrent, qu'il faut toujours qu'ils fassent mieux, qu'il faut toujours qu'ils produisent à meilleur compte, qu'ils vendent la meilleure marchandise à meilleur prix et que c'est ça la loi de la concurrence et la seule raison d'être du libéralisme. Car si ce n'est pas ça, je vois pas pourquoi on se livrerait à ce genre de spéculations et pourquoi on prendrait tous ces risques et tous ces dangers.
Nous sommes donc en risque permanent et, le gouvernement en est parfaitement conscient, son rôle est de diminuer ces risques parfois, mais son rôle n'est certainement pas d'inviter les gens à la paresse en leur créant de nouvelles protections.
Car la mission du gouvernement —tout le monde devrait désormais le savoir— est d'inviter les ploutocrates (paressant ou non) à la Finance en leur créant de solides boucliers fiscaux, protections, subventions, dégrèvements, sauvetages et autres renflouements.

C'est Aldo qui m'a proposé de voir ce métrage. Aldo travaille dans un bar à vins et tapas à Madrid et il a vécu à La Plaine St.-Denis, cette Petite Espagne qui a inspiré Sophie Sensier (2). Sophie est morte hier, samedi 30 avril, à 16h environ, après une longue lutte pour la vie, contre la maladie. Elle était un exemple de courage, d'honnêteté et d'empathie. Son dévouement l'entraînait à ne jamais lésiner sur ses énergies là où elle se voyait capable de faire quelque chose pour la visibilité de ceux qui en ont besoin : femmes, immigrés, marginaux... C'était son amie Maite qui nous avait réunis hier dans la taverne d'Aldo pour porter un toast à Sophie : elle aurait certainement aimé. Que ce documentaire qui prête à penser serve aussi à lui rendre un petit hommage. En voici une version amputée :



SYNOPSIS :
Dans cette guerre économique, qu'on nous avait promise il y a bien des années et qui avance comme un rouleau compresseur, existe-t-il encore un sursaut d'imagination pour résister? Mis en demeure de choisir entre les miettes du salariat précaire et la maigre aumône que dispense encore le système, certains désertent la société de consommation pour se réapproprier leur vie. "Ni exploitation, ni assistanat!" clament-ils pour la plupart. Ils ont choisi une autre voie, celle de l'autonomie, de l'activité choisie et des pratiques solidaires...
Critique de Guillaume Massart pour Film de Culte.

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(1) Pierre Carles est l'auteur aussi de Ni vieux, ni traîtres (un film sur Action Directe co-réalisé avec Georges Minangoy, sorti en 2006) et plus récemment, de Fin de concession (2010).

(2) Née à Paris le 19 décembre 1965, Sophie Sensier était journaliste professionnelle. En 1988, elle a commencé sa carrière travaillant d’abord pour la télévision (Antenne 2), puis pour la presse écrite (La république du Centre, Le film français, Le Monde diplomatique, Politis, Synopsis…).
Parmi ses articles publiés dans Le Monde diplomatique, citons, par exemple, La longue marche des femmes, La Démocratie sans les femmes, Choisir ou subir ?, Femmes du Sud, Chefs de famille, etc.
Puis elle a entrepris une formation à la réalisation documentaire aux Ateliers Varan. Le résultat de cette préparation a été la réalisation de son premier court-métrage documentaire, Le morceau du boucher (Atelier Varan, 1997).
Ensuite, elle a co-écrit (avec Frédérique Pressman) et filmé Un cirque à New York, une production INA récompensée du Prix de la meilleure première réalisation à Clermont-Ferrand en 2002 et du Grand Prix du Jury et Prix du public à Belfort la même année.
Plus tard elle a tourné Et nous qui sommes-nous ? (Sunday Morning Production, 2004, à propos des juifs polonais, avec Barbara Schuch) et Petite Espagne (Yenta Production, 2006, documentaire sur l’immigration espagnole en Plaine Saint-Denis).

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