Le dessinateur et scénariste Jean Giraud, dit Moebius, est mort aujourd'hui à l'âge de 73 ans. Hommage.
Du plus loin qu'il m'en souvienne, j'ai toujours lu des BD, des "tebeos", nom castillan traditionnel dérivé du TBO des éditions Buigas, Estivil y Viñas. Je dois cette passion à ma grand-mère Luciana et sa librairie Úbeda, à Ciudad-Rodrigo, où j'ai passé mon enfance et ma première adolescence. Parmi les trésors de la librairie, les "tebeos" étaient particulièrement prisés par mon frère, ma sœur et moi : ils ont été pour nous une première éducation littéraire, artistique et sentimentale, mais surtout, quel plaisir nous avions à les lire ! Il y avait de tout : Astérix et Obélix, Tintin, El Capitán Trueno ou El Jabato, El Botones Sacarino, 13 rue del Percebe, Las Hermanas Gilda, Mortadelo y Filemón, le professeur Franz de Copenhague, Anacleto agente secreto... On en était tellement friands, qu'on les cachait pour les dévorer en solitaire, clandestinement. Voilà pourquoi, le mercredi était le vrai jour de fête : c'était celui de l'arrivée hebdomadaire à la Poste des bédés des éditions Bruguera et Valenciana. Le lieutenant Blueberry, de Giraud et Charlier, faisait partie du paquet de chez Bruguera, tout comme Lucky Lucke, de Morris, et tant d'autres.
Comme toute cette histoire serait longue à décrire, disons simplement que les créations de Gir-Giraud-Moebius nous ont toujours accompagnées le long des années insérées dans d'autres conteneurs : ses albums pour Dargaud ou pour les Humanoïdes Associés, où il venait juste de rééditer, en février 2012, Escale sur Pharagonescia ou Le Garage hermétique ; ses vignettes pour Métal Hurlant, Hara-Kiri ou L'Écho des Savanes...
La Fondation Cartier se trouve 261 Bd. Raspail, dans un bâtiment conçu par Jean Nouvel qui dispose à l'arrière d'un petit jardin rustique, un peu sauvage, avec buvette, qui a été dessiné par Lothar Baumgarten. Nomen omen... Quand on s'appelle comme cela, on risque de devenir paysagiste.
Comme toute cette histoire serait longue à décrire, disons simplement que les créations de Gir-Giraud-Moebius nous ont toujours accompagnées le long des années insérées dans d'autres conteneurs : ses albums pour Dargaud ou pour les Humanoïdes Associés, où il venait juste de rééditer, en février 2012, Escale sur Pharagonescia ou Le Garage hermétique ; ses vignettes pour Métal Hurlant, Hara-Kiri ou L'Écho des Savanes...
Page 47 de l'album "Apaches", publié chez Dargaud en 2007, dont le scénario correspond comme d'habitude à Jean-Michel Charlier : c'est une réécriture faite à partir de pages parues dans des albums précédents auxquelles on a ajouté de nombreuses pages, images et textes inédits.
J'avais toujours souhaité dédier un billet de ce blog à Giraud-Moebius. J'y avais surtout pensé lorsque j'avais visité à Paris, le dimanche 31 octobre 2010, l'exposition "Moebius-Transe-forme", organisée par la Fondation Cartier, avec la participation active de l'artiste : c'était la première rétrospective qu'on lui consacrait. On projetait en plus « La Planète Encore », son premier film d'animation (en 3D) en tant que réalisateur.
La Fondation Cartier se trouve 261 Bd. Raspail, dans un bâtiment conçu par Jean Nouvel qui dispose à l'arrière d'un petit jardin rustique, un peu sauvage, avec buvette, qui a été dessiné par Lothar Baumgarten. Nomen omen... Quand on s'appelle comme cela, on risque de devenir paysagiste.
L'exposition permettait de jouir des différentes facettes d'un artiste intarissable qui avait osé aborder avec talent l'Histoire, le western, la fiction futuriste, l'univers onirique ou psychédélique, l'érotisme... À voir tant de planches et vignettes, tant d'histoires, tant de personnages, tant de détails, tant de méticulosité géniale, on éprouvait toute sorte de réminiscences : Frank Margerin, Henry Moore, Alberto Giacometti, Milo Manara (dans tel visage féminin)...
Le 7 octobre 2010, le Nouvel Observateur divulguait un entretien avec Jean Giraud. Il fallait rendre compte et de l'exposition Cartier et de la publication de la suite des aventures d'Arzak, trente-quatre ans après la première et unique apparition de ce personnage. À la question Vous étiez reconnu sous le pseudonyme de Gir. Pourquoi avoir créé celui de Moebius?, il a répondu :
Le 7 octobre 2010, le Nouvel Observateur divulguait un entretien avec Jean Giraud. Il fallait rendre compte et de l'exposition Cartier et de la publication de la suite des aventures d'Arzak, trente-quatre ans après la première et unique apparition de ce personnage. À la question Vous étiez reconnu sous le pseudonyme de Gir. Pourquoi avoir créé celui de Moebius?, il a répondu :
Le choix de ce pseudonyme a été pour moi une sorte de libération, une clé qui m’a permis d’échapper au système du genre, ensemble de lois implicites que l’on ne peut transgresser que de façon acceptable. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait à travers « Blueberry ». Mais ce n’était alors qu’une manière d’aménager ma prison. Sous le nom de Moebius, un nom emprunté au mathématicien et astronome allemand [August(us) Ferdinand Möbius], je me suis offert la possibilité d’un programme sans limites. Je passais d’un système de commande extérieure —celle d’un univers commercial— à un système de commande intérieure. Cette liberté, il me fallait la conquérir, l’apprivoiser. Quand je travaille sous l’identité de Moebius, je commence toujours par une sorte de jet incontrôlé, que je reprends par la suite. C’est pour moi la seule possibilité d’engendrer une transformation. Je dois me déconnecter de moi-même, entrer dans une sorte de transe. Cette idée a d’ailleurs donné son titre à l’expo de la Fondation Cartier, « Transe-forme ».
Un peu avant, il avait déclaré, dans la même conversation, à propos de l'ambiance chez Pilote lors de Mai 68 :
Quand Mai-68 est arrivé, « Pilote » n’a pas échappé à l’effervescence générale : il fallait qu’il y ait du sang qui coule, même si c’était du sang symbolique. Ça a été terrible, parce que qui s’est retrouvé le bouc émissaire de la situation ? C’était Goscinny, le rédacteur en chef. Dans les numéros de « Pilote » de l’époque, il y a de l’Uderzo (Astérix), du Morris (Lucky Luke), mais aussi du Gébé, Cabu, Fred, Gotlib, Mandryka, soit une drôle de cohabitation. Les « classiques » devaient être inquiets de l’arrivée de ces farfadets qui n’avaient qu’une envie, ébranler les colonnes du temple pour que tout s’écroule. Du côté des « transgressifs », je n’étais pas le dernier à rouspéter. Pourtant, j’étais le traître absolu parce que j’avais un pied dans « Blueberry » et un autre dans Moebius, du délire, de la drogue, de la provocation. Mais je n’avais pas honte, parce que j’étais l’agent actif d’une mutation en train de se produire.
Les images ci-dessous correspondent au catalogue de l'exposition de la Fondation Cartier et à deux photos de l'accès à celle-ci.
Fondation Cartier, Paris. |
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