jeudi 31 mai 2012

Canada amer: vents de résistance et vente de la mer

Savez-vous que CLASSE veut dire, dans un pays francophone, Coalition large pour une solidarité syndicale étudiante ? C'est au Québec, au Canada.
Je ne voudrais pas négliger ce qui s'y passe il y a plus de trois mois. L'effort de centaines de milliers de citoyens canadiens mérite tout notre soutien.

Photographie d'un carré rouge en feutre fixé par une épingle sur un sac en bandoulière.
 Le carré rouge, symbole du Collectif pour un Québec sans Pauvreté,
est devenu le symbole de la grève étudiante. Photo tirée de Wikipédia.

On dirait un miracle, mais c'est vrai: plus de 100 jours se sont écoulés depuis le 13 février et les étudiants québécois y sont toujours, tiennent bien, ne se lassent pas de dire non. Ils n'acceptent pas l'obscène augmentation des droits de scolarité dans leurs universités : ils ne se laissent pas leurrer par l'air du temps ni beurrer la cervelle par les snobelen d'aujourd'hui qui ne tiennent qu'à faire leur beurre d'érable. Toute hausse considérable des frais d'inscription (et des frais "afférents" recouvrant d'autres coûts administratifs, de gestion, sportifs...) dans les universités entraîne, d'un côté, un accroissement des inégalités sociales et des chances devant l'étude, le savoir et les diplômes, et de l'autre, un endettement précoce qui va ruiner, voire réduire en esclavage bon nombre d'étudiants et leurs familles, car celles-ci se voient contraintes de cautionner les emprunts de leurs enfants.
À cet égard, dans Le nouvel Observateur nº 2480, du 17 au 23 mai 2012, page 67, Martine Desjardins, présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) expliquait que, pour financer leurs études, « les jeunes Québécois travaillent en moyenne 15 heures par semaine et s'endettent pour 13 000 dollars. » Elle ajoutait :
« On arbore tous un carré rouge, en papier, en feutre, en tissu pour dire qu'on ne veut pas être "carrément" dans le rouge... » Aux États-Unis, rappelle Martine Desjardins, « la dette étudiante vient de franchir le seuil des 1 000 milliards de dollars ! Et c'est devenu la première cause d'endettement. »
Comme réponse démocratique à cette contestation pacifique, récalcitrante et bien nourrie, le gouvernement libéral québécois de Jean Charest (PLQ) a renforcé son autoritarisme et dicté le 17 mai une loi spéciale limitant sérieusement le droit de manifestation : la loi 78, dite officiellement " Pour la Paix et l'Ordre ", populairement " de matraque-sur-le-peuple ". Et les étudiants québecois de descendre dans la rue de plus re-belle ou de se mobiliser encore plus sur le web. Les manifs scandent : « La loi spéciale, on s'en câlisse », c'est-à-dire, « on s'en fout ».

Pour mieux comprendre la donne actuelle du conflit, voici d'autres informations récentes relatives à ce mouvement touffu et joyeux :

Des centaines de milliers de citoyens sont rassemblés à Montréal

22 mai 2012 | Auteur: Jo ^^
Un demi million de gens défient la loi 78 au centre ville de Montréal selon CUTV
Photo Alain Roberge/La Presse
Anabelle Nicoud et Gabrielle Duchaine
La Presse
En ce 100e jour de grève étudiante, des dizaines de milliers de personnes marchent dans les rues du centre-ville contre la hausse des droits de scolarité et contre la loi spéciale adoptée vendredi dernier.
En lire plus (ou y voir énormément d'intéressantes photos)

Vidéo de la grande manifestation à Montréal du 22 mai 2012 pour le 100e jour de grève.
— Recueil d'infos à ce propos distribué le 24 mai par la Check-List du journal Le Monde :
Le Québec miné par une crise sociale inédite

Au Québec, le "printemps érable", éclos il y a quatre mois avec les premières protestations étudiantes, tourne à l'affrontement larvé. A tel point, note Le Temps, que Montréal "ne dort plus", secouée par une crise sociale d'une ampleur jamais vue jusqu'ici. Mardi, à l'occasion du centième jour de ce qui s'apparente à une"grève sans fin", plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues de la ville, relatent le Globe and Mail et La Presse. Leur mot d'ordre : "100 jours de grève, 100 jours de mépris, 100 jours de résistance". Une résistance globalement pacifique qui, désormais, ne vise plus seulement la hausse des frais universitaires, mais aussi et surtout la "loi 78", adoptée en fin de semaine dernière à l'initiative du gouvernement libéral de Jean Charest et qui restreint le droit de manifester. Fustigée sans réserve par la rue, laquelle semble s'engager sur la voie de la désobéissance civile, cette mesure d'exception est également éreintée par  les médias : Le Devoir y voit un "abus de pouvoir" et une "tentation autoritaire","corollaire de la peur engendrée par la faiblesse des autorités en place", tandis que La Presse dénonce une disposition "malavisée et contre-productive". Au-delà de ce nœud gordien, qui déchaîne les passions, comment interpréter ce bras de fer ? S'agit-il d'un épiphénomène du mouvement des "indignés" ou, comme d'aucuns le suggèrent, un "face-à-face de générations" ? Pour La Presse, en tout cas, l'attitude de "Rambo politique" adoptée par le gouvernement ne peut conduire qu'à une aggravation de la situation. D'où l'impérieux appel lancé par le quotidien à un"retour au calme""devoir national" pour chacune des parties au conflit.
— Et ça ne démord pas ; RADIO-CANADA, le 30 mai 2012 :

De nouvelles manifestations contre la loi 78 dans l'Est du Québec

Mise à jour le mercredi 30 mai 2012 à 12 h 03 HAE

Le Cégep de Rimouski Le Cégep de Rimouski

Plus d'une trentaine d'enseignants du Cégep de Rimouski ont manifesté contre l'adoption de la loi spéciale 78 tôt ce matin. Ils ont formé une chaîne de solidarité humaine devant l'entrée de la rue Saint-Louis. Ils ont demandé aux gens de ne pas emprunter cette porte pour accéder au cégep, sans pour autant empêcher l'ouverture de l'institution.  
NOTE : Un Cégep, c'est un collège d'enseignement général et professionnel destiné à assurer la formation postsecondaire/préuniversitaire des 15-24 ans.

— En même temps, comme cela fait longtemps que les grands faucons de la planète ont brisé la glace, le gouvernement canadien du conservateur Stephen Harper, semblable, frère de celui qui gouverne le Québec, veut vendre la mer —homophonie inquiétante. Plus concrètement, ils ont mis aux enchères 10 000 km2 de l'océan arctique dont les ressources minières et énergétiques font saliver les majors pétrolières car il faut vendre la glace tant qu'elle fond, réchauffement oblige, ou avant que l'ébullition sociale ne regarde de ce côté-là.
Vous pouvez penser que l'eau-céans en souffrira, tout comme toute la vie qui en dépend, bien entendu. C'est pour cela que certains scientifiques s'en inquiètent :
(...) Deux ans après la catastrophe environnementale provoquée par BP dans le golfe du Mexique, plusieurs scientifiques redoutent cependant les impacts potentiels de cette quête de ressources non renouvelables. L’Arctique, de plus en plus accessible en raison de la fonte des glaces, renferme en effet une riche biodiversité dont certains pans sont encore méconnus. Plus de 2000 scientifiques de 67 pays ont d’ailleurs demandé à la communauté internationale de protéger l’océan Arctique, en interdisant la pêche commerciale tant que la recherche et un encadrement réglementaire n’assureront pas le respect de cet environnement.
Dans ces zones, une intervention en cas de marée noire serait par ailleurs complexe, en raison de la présence de glaces et de l’éloignement. (Le Devoir, le 18 mai 2012).
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NOTE POSTÉRIEURE : Pascale Dufour a publié un article très documenté à ce propos, intitulé Ténacité des étudiants québécois, dans Le Monde diplomatique de juin 2012 (page 6). Elle est professeure au département de Science politique de l'université de Montréal (Canada). Son article s'appuie sur les recherches de Louis-Philippe Savoie, candidat à la maîtrise en Science politique à l'Université de Montréal.

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