Cette extension [du domaine carcéral] est une évidence historique,
établie statistiquement,
dans presque tous les pays occidentaux,
le cas extrême étant les
Etats-Unis, avec une multiplication par presque
dix en quatre décennies.
En France, l’accroissement de la population
pénale est impressionnante :
triplement en un peu plus d’un demi-siècle
et augmentation de moitié
dans les seules années 2000. S’interroger sur
cette explosion, dans une
période où la criminalité diminue, c’est
réfléchir à ce que signifie le
châtiment dans le monde contemporain
et donc à la manière dont notre
société est devenue une société punitive.
Didier Fassin, Les Inrocks, 8/02/2015
La Direction de la Communication du Conseil de l'Europe publia hier, 8 mars 2016, son rapport sur les prisons européennes —où l'on voit bien que le libéralisme et sa mondialisation heureuse sont gracieux comme une porte de prison surpeuplée.
Les ombres du monde regorgent de détenus (plus de 1 600 000) dans cette Europe des barbelés et des murs, des inégalités croissantes et des mal-logés, des lois bâillon et des états d'urgence, du tous fliqués, fichés et vidéo-surveillés, où la banalisation de l'incarcération des dominés* (isolés et visibles) est la règle —à ce propos, écoutez ici l'anthropologue Didier Fassin—, alors qu'il est drôlement difficile de mettre à l'ombre les seigneurs, qui savent réformer pour se protéger, cultiver les univers parallèles, indiscernables et invisibles, et se la coulent douce sur la sueur et la mort des autres, trois fois vauriens, et sur la destruction de la planète.
D'autre part, le cachot cache la souffrance des reclus et se projette en chiffres, suivant le conatus comptable du machinisme libéral. Il ne faut pas trop se surprendre que la naissance des prisons modernes date du très libéral XVIIIe siècle.
Dans Surveiller et Punir (Gallimard, 1975), Michel Foucault (1926-1984) établissait une distinction à la nuance près toujours en vigueur concernant les illégalismes de classe : « L’illégalisme des biens a été séparé de celui des droits. Partage qui recouvre une opposition de classes puisque d’un côté, l’illégalisme qui sera le plus accessible aux classes populaires sera celui des biens —transfert violent des propriétés— et de l’autre, la bourgeoisie se réservera, elle, l’illégalisme des droits : s’assurer tout un immense secteur de la circulation économique par un jeu qui se déploie dans les marges de la législation […]. Et cette grande redistribution des illégalismes se traduira même par une spécialisation des circuits judiciaires : pour les illégalismes de biens —pour le vol—, les tribunaux ordinaires et les châtiments ; pour les illégalismes de droits —fraudes, évasion fiscale, opérations commerciales irrégulières—, des juridictions spéciales avec transactions, accommodements, amendes atténuées, etc. » Et cætera qui comprend la non indépendance de la justice, les prescriptions pénales, le poids de l’argent à l’heure de disposer d’une puissante défense ou d’éviter la prison sous caution... Nos élites savent prendre des mesures pour sacraliser la démesure des deux poids, deux mesures.
Voici, pour votre lecture et votre réflexion, le communiqué de presse DC038(2016) du Conseil de l'Europe :
D’après l’enquête du Conseil de l’Europe, les prisons d’Europe ont réalisé certains progrès en termes de réduction du surpeuplement_____________________________________
Strasbourg, 08.03.2016 – Le surpeuplement carcéral diminue lentement en Europe depuis 2011, bien que la situation demeure problématique dans une administration pénitentiaire sur quatre, selon l’édition 2014 des Statistiques pénales annuelles du Conseil de l’Europe (SPACE), publiée aujourd’hui.
La proportion de reclus pour 100 places est passée de 99 détenus en 2011 à 96 détenus en 2013, et à 94 détenus en 2014. Le taux d´incarcération a également diminué de 7 % en 2014 par rapport à l’année précédente, passant de 134 à 124 détenus pour 100 000 habitants. Les prisons d’Europe restent cependant proches de la saturation de leur capacité d’accueil, avec 1 600 324 personnes détenues.
Le nombre d’administrations pénitentiaires souffrant de surpeuplement a nettement diminué (passant de 21 en 2013 à 13 en 2014). Les pays dont les établissements pénitentiaires affichent le taux de surpeuplement le plus grave sont la Hongrie, la Belgique, « l’ex-République yougoslave de Macédoine », la Grèce, l’Albanie, l’Italie, l’Espagne (administration nationale), la Slovénie, la France, le Portugal, la Serbie, la Roumanie et l’Autriche. (*)
« Le surpeuplement entrave considérablement la réinsertion des délinquants et par la même, les possibilités de mieux protéger la société contre la criminalité. Il peut également porter atteinte aux droits de l’homme. Je salue les progrès réalisés en termes de réduction de la surpopulation carcérale. Les Etats encore concernés doivent redoubler d’efforts pour venir à bout du problème, en appliquant notamment des mesures alternatives à l’emprisonnement » a déclaré le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland.
En 2014, 1 212 479 personnes étaient placées sous la surveillance des services en charge des peines alternatives à l’emprisonnement, telles que la probation, les travaux d’intérêt général, les assignations à résidence ou la surveillance électronique, dans les 45 pays ayant fourni cette information. Seuls 6,7 % d’entre elles étaient dans l’attente d’un procès, ce qui signifie que les mesures non privatives de liberté sont encore rarement utilisées en lieu et place de la détention provisoire. Au cours de l’année, 1 373 912 personnes ont été placées sous la surveillance de ces services tandis que cette mesure a été levée pour 1 134 567 autres.
Selon l´enquête, en 2014 les ressortissants étrangers représentaient 21,7 % du total de la population carcérale, 34,6 % étant des citoyens de pays de l’Union européenne. Dans la plupart des pays d’Europe centrale et orientale, la proportion de détenus étrangers n’excédait pas 10 %, alors qu’ils étaient surreprésentés en Europe méridionale et occidentale, leur proportion allant de 25 à 96 % de la population carcérale totale.
La durée des peines de privation de liberté très courtes a légèrement diminué en 2013 : en moyenne, 16 % des détenus purgeaient une peine d’emprisonnement de moins d’un an, comparativement à 17 % en 2012. D’un autre côté, la proportion de détenus purgeant une peine de plus de dix ans a augmenté, passant de 11,2 % à 14,3 %.
Les infractions liées aux stupéfiants arrivaient une fois de plus en tête des causes d’incarcération les plus courantes (16,5 %), suivies par le vol (14 %), le vol avec violence (13,1 %) et l’homicide (12,3 %).
La somme moyenne dépensée par jour et par détenu en 2013 était de 99 euros, et était donc supérieure à celle de 2012 (97 euros), avec toutefois de fortes disparités d’un pays à l’autre d’Europe. En 2013, les 45 administrations pénitentiaires ayant communiqué ces données dans le cadre de l’enquête avaient dépensé plus de 27 milliards d’euros.
* * *L’enquête SPACE est menée pour le compte du Conseil de l'Europe par l´École des sciences criminelles de l'Université de Lausanne. L’édition 2014 de l’enquête SPACE I réunit des informations de 50 des 52 administrations pénitentiaires des 47 Etats membres du Conseil de l'Europe. SPACE II fait la synthèse d’informations transmises par 45 des 52 services de probation.
Contact à Strasbourg: Jaime Rodriguez, Porte-parole/Attaché de presse, tél. +33 3 90 21 47 04
Contact à Bruxelles: Andrew Cutting, Porte parole/Attaché de presse, tél. +32 485 21 72 02
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(*) Il convient cependant de noter que certains établissements pénitentiaires spécifiques d’un pays peuvent souffrir de surpeuplement alors même que le nombre total de détenus est inférieur à la capacité globale du parc carcéral au niveau national.
Direction de la Communication du Conseil de l’Europe
Tel: +33 (0)3 88 41 25 60
Fax:+33 (0)3 88 41 39 11
pressunit@coe.int
www.coe.int
* ...et autres marionnettistes...
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