En 1949, il y a donc 70 ans, Simone de Beauvoir (1908-1986) publiait Le Deuxième Sexe :
A sa sortie, cet essai existentialiste et féministe a provoqué un tollé et essuyé les critiques, les incompréhensions, les insultes... Sylvie Chaperon a écrit à ce propos : « Le Deuxième Sexe, qui paraît en 1949 dans la prestigieuse collection Blanche de Gallimard, produit immédiatement l'effet d'une bombe. »
Déjà Simone de Beauvoir avait décrit dans ses mémoires, juste 14 ans après, le lot d'épithètes et autres qualifications que lui valu la réception de son essai lors de sa parution :
Cette banque de productions audiovisuelles qu'est l'INA nous rappelle ce 70e anniversaire de féminisme français et mondial forgés par ce texte fondateur :
C'est peut-être aussi un bon moment pour reproduire un article que j'ai publié le 3 février 1991 dans le supplément hebdomadaire Libros du quotidien El País, à l'occasion de la parution en castillan du Journal de Guerre (septembre 1939-Janvier 1941) de Simone de Beauvoir, édition de Sylvie Le Bon de Beauvoir :
« Nous commencerons par discuter les points de vue pris sur la femme par la biologie, la psychanalyse, le matérialisme historique. Nous essaierons de montrer ensuite positivement comment la "réalité féminine" s'est constituée, pourquoi la femme a été définie comme l'Autre et quelles en ont été les conséquences du point de vue des hommes. Alors nous décrirons du point de vue des femmes le monde tel qu'il leur est proposé ; et nous pourrons comprendre à quelles difficultés elles se heurtent au moment où, essayant de s'évader de la sphère qui leur a été jusqu'à présent assignée, elles prétendent participer au Mitsein (1) humain. »
Simone de Beauvoir.
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(1) L'« Être-avec » de Heidegger
A sa sortie, cet essai existentialiste et féministe a provoqué un tollé et essuyé les critiques, les incompréhensions, les insultes... Sylvie Chaperon a écrit à ce propos : « Le Deuxième Sexe, qui paraît en 1949 dans la prestigieuse collection Blanche de Gallimard, produit immédiatement l'effet d'une bombe. »
Déjà Simone de Beauvoir avait décrit dans ses mémoires, juste 14 ans après, le lot d'épithètes et autres qualifications que lui valu la réception de son essai lors de sa parution :
« Insatisfaite, glacée, priapique, nymphomane, lesbienne, cent fois avortée, je fus tout, et même mère clandestine. On m'offrait de me guérir de ma frigidité, d'assouvir mes appétits de goule, on me promettait des révélations, en termes orduriers, mais au nom du vrai, du beau, du bien, de la santé et même de la poésie, indignement saccagés par moi.»Voici le corps essentiel d'un article à ce sujet signé par Johanna Luyssen à Libération le 14 avril 2016 :
Simone de Beauvoir, La Force des choses, II, Paris, Gallimard, coll. Folio, 1963, p. 135-136
(...)
La romancière Colette Audry, dans un article de Libération daté du lendemain de la mort de Beauvoir —15 avril 1986 —, écrivait alors : « Lors de sa sortie, en 1949, le Deuxième Sexe fit énormément de bruit et Simone de Beauvoir commença à recevoir un immense courrier. Il y eut dans la presse un lot d’articles indignés, ridicules et grotesques. Elle était une sorte de Walkyrie, de suffragette, de virago. D’autres s’exclamaient : qu’est-ce qu’elle passe aux femmes ! »
La bronca a commencé bien avant la parution de l’ouvrage, d’ailleurs. Les lectrices et les lecteurs de la revue les Temps modernes, dirigée par Jean-Paul Sartre, ont en effet pu en découvrir les bonnes feuilles en mai et juillet 1948, soit bien avant la publication officielle de l’essai, en 1949.
Dans une lettre à son amant américain Nelson Algren, datée du 3 août 1948, Beauvoir écrit déjà : «La partie déjà publiée dans les Temps modernes a rendu plusieurs hommes fous furieux ; il s’agit d’un chapitre consacré aux mythes aberrants que les hommes chérissent à propos des femmes, et à la poésie tocarde qu’ils fabriquent à leur sujet. Ils semblent avoir été atteints au point sensible.»
Les hussards de droite et le «Montherlantgate»
Dans le Deuxième Sexe, Beauvoir s’attaque, entre autres, à l’écrivain Henry de Montherlant. Dans un chapitre appelé «Montherlant ou le pain du dégoût», elle explique en quoi l’œuvre de l’auteur des Jeunes Filles est profondément misogyne. Elle commence ainsi : «Montherlant s’inscrit dans la longue tradition des mâles qui ont repris à leur compte le manichéisme orgueilleux de Pythagore. Il estime, après Nietzsche, que seules les époques de faiblesse ont exalté l’Eternel Féminin et que le héros doit s’insurger contre la Magna Mater». Elle poursuit par une analyse de son œuvre, qu’on qualifiera de, disons, critique… Exemple : «Inférieure, pitoyable, ce n’est pas assez. Montherlant veut la femme méprisable.» Roger Nimier, hussard de droite, prend la défense de Montherlant en attaquant Beauvoir. Ce qu’elle racontera dans son autobiographie, la Force des choses : «Dans Liberté de l’Esprit, Boisdeffre et Nimier rivalisèrent de dédain. J’étais une "pauvre fille" névrosée, une refoulée, une frustrée, une déshéritée, une virago, une mal baisée, une envieuse, une aigrie bourrée de complexes d’infériorité à l’égard des hommes, à l’égard des femmes, le ressentiment me rongeait.» C’est tout ? Oui, c’est tout.
Au Figaro, Mauriac : «Nous avons atteint les limites de l’abject»
C’est ensuite la publication d’un chapitre appelé «L’initiation sexuelle de la jeune fille», où elle écrit, par exemple : «D’ailleurs, l’homme fût-il déférent et courtois, la première pénétration est toujours un viol», qui fait scandale. Elle y décrit surtout en des termes très crus le dépucelage d’une jeune fille, avec moult termes anatomiques : «Tandis que l’homme "bande", écrit-elle, la femme "mouille".» Elle décrit la vulve avec précision : «Le sexe féminin est mystérieux pour la femme elle-même, caché, tourmenté, muqueux, humide ; il saigne chaque mois, il est parfois souillé d’humeurs, il a une vie secrète et dangereuse.» C’en est trop pour la droite catholique, en particulier François Mauriac. L’auteur de Thérèse Desqueyroux s’insurge, dans le Figaro du 30 mai : «Nous avons atteint les limites de l’abject.» Le chroniqueur du Figaro littéraire André Rousseaux exprime, lui, sa «gêne» pour la «bacchante» qui a écrit sur «l’initiation sexuelle». De manière générale, les catholiques sont outrés par tant d’impudeur, et le Vatican met carrément le texte à l’index — jugé contraire à la foi catholique, il est par conséquent interdit de lecture pour les fidèles —, en 1956.
Albert Camus et le mâle français «ridiculisé»
L’auteur de l’Etranger aurait lancé à Beauvoir cette phrase assassine : «Vous avez ridiculisé le mâle français.» Elle commente, goguenarde et ironique, dans la Force des choses : «Méditerranéen, cultivant un orgueil espagnol, il ne concédait à la femme que l’égalité dans la différence et évidemment, comme eût dit George Orwell, c’était lui le plus égal des deux.»
Les communistes agacés
Beauvoir s’attendait à des réactions positives de la part de l’extrême gauche, compte tenu de l’importance qu’elle donne au marxisme dans le Deuxième Sexe. Las ! Elle est surtout vue par beaucoup de communistes comme une bourgeoise lettrée qui ose parler d’érotisme. La journaliste de l’Humanité Marie-Louise Barron qualifie ainsi le Deuxième Sexe de «charabia», ajoutant que «le second volume ne peut offrir que des broutilles». Elle ajoute : «J’imagine le franc succès de rigolade qu’obtiendrait Mme de Beauvoir dans un atelier de Billancourt, par exemple, en exposant son programme libérateur de "défrustration"».(...)
Cette banque de productions audiovisuelles qu'est l'INA nous rappelle ce 70e anniversaire de féminisme français et mondial forgés par ce texte fondateur :
“On ne naît pas femme, on le devient”. La formule de Simone de Beauvoir a traversé les décennies et inspire encore les féministes du monde entier, 70 ans après la sortie du livre dont elle est extraite : Le Deuxième Sexe. Émancipation, parité, liberté du corps… autant de questions soulevées en 1949 et encore au coeur de l’actualité.
C'est peut-être aussi un bon moment pour reproduire un article que j'ai publié le 3 février 1991 dans le supplément hebdomadaire Libros du quotidien El País, à l'occasion de la parution en castillan du Journal de Guerre (septembre 1939-Janvier 1941) de Simone de Beauvoir, édition de Sylvie Le Bon de Beauvoir :
Diario de Guerra
(Septiembre de 1939- Enero de 1941)
Simone de Beauvoir.
Edhasa. Barcelona 1990.
372 páginas. 2400 pesetas.
Sylvie Le Bon de Beauvoir, responsable de la edición de este Diario para Gallimard (1990), y que ahora presenta Edhasa en España, advierte al lector de que estos siete cuadernos son tan sólo un fragmento de los diarios globales de Simone de Beauvoir; su publicación ha sido concebida como un complemento de las Cartas a Sartre (1940-63), cuya aparición entre nosotros también está prevista. Tres fueron los momentos en que, durante la guerra, dicha correspondencia se vio interrumpida: con motivo de los encuentros entre los dos protagonistas en Brumath y París, y con ocasión del internamiento de Sartre, prisionero de los alemanes. Este Diario ofrece, a su vez, una laguna, entre el 24 de febrero y el 8 de junio de 1940.
El encuentro de Brumath tuvo su gracia por irregular: Sartre había sido destacado, como soldado meteorólogo, en Essey-lès-Nancy. Desde allí fue trasladándose a Ceintrey, Marmoutier y Brumath, antes de recalar en Morsbronn. Beauvoir logró, mediante diversas triquiñuelas, salvar sus dificultades legales y profesionales, y reunirse con su novio los cinco primeros días de noviembre. Allí se entregan, como de costumbre, a toda suerte de confidencias; "Sartre ha leído este cuaderno y me dice que tendría que haber un poco más de desarrollo", escribe ella. No es de extrañar el comentario del soldado de la pipa, quien era muy capaz de escribir ochenta páginas entre dos servicios: sin olvidar sus cartas, trabajaba febrilmente en L'Age de raison y en lo que luego serían sus Carnets de la Drôle de Guerre. El encuentro de París, del 4 al 15 de febrero del 40, se debió a un permiso de Sartre, que decididamente era "el soldado más sucio de Francia". Su apresamiento el 21 de junio en Padoux originó el único periodo de incomunicación total entre ambos escritores.
Simone de Beauvoir no redacta con estas páginas un verdadero diario de guerra; ésta se nos muestra con protagonismo en el cuaderno VI, con la ocupación de París por los alemanes, la carestía y los movimientos de refugiados, y, sin excesiva profundidad, en los cuadernos I (Movilización del soldado Sartre, que el día anterior no creía en absoluto en el estallido del conflicto bélico...) y II (ambiente en los trenes y en Brumath). De lo que el Cástor da testimonio en especial es de sus diversas actividades cotidianas: clases, películas vistas, audiciones, cafés frecuentados, pesadillas incluso. Pero a través de sus reflexiones y sentimientos, transcritos con palmaria sinceridad, dibuja un genuino diario de presencias y ausencias. Dos son los seres añorados, por los que se desvive a tiempo completo (correo, paquetes, dinero, pensamientos): Sartre, su "único absoluto", y Jacques-Laurent Bost, ex-alumno del anterior en Le Havre y futuro marido de Olga Kosakievitch, amiga y objeto de los celos de Simone; celos que impregnan, por cierto, L'Invitée, primera novela del Cástor -que escribía por entonces-: un didáctico ménage-à-trois que concluye en asesinato. La autora fue bastante crítica en La Force de l'âge (1960) con respecto a sus novelas iniciales.
En cuanto a las presencias, en ocasiones a duras penas soportadas y objeto de la perversidad del autosatisfecho Cástor (que se dedica frases como "La suerte que tengo de ser una intelectual...para quien todo...se transforma en pensamiento", "Mito que las chicas adoran"), habría que citar en primera línea de fuego a las dos Kosakievitch, Wanda y Olga, a Nathalie Sorokine y a la muy denostada Louise Védrine. De hecho, parece que sólo la amistad de Simone con Bost y Sartre le permitía aguantar el trato de algunos feligreses de la peculiar orden que crearon.
El cuaderno VII nos acerca más que los otros a la Simone de Beauvoir pensadora y escritora; recoge sus ideas novelísticas en aquel momento, y en particular la idea hegeliana sobre "el reconocimiento de las conciencias entre sí", que plasmaría en Le Sang des autres.
Este Diario de Guerra no aporta gran cosa sobre lo que verdaderamente estaba pasando en el mundo; sorprende por lo que a menudo tiene de inventario de rutinas de reflejo innecesario, bombones recibidos o turbantes comprados, retahílas poco del gusto de los amantes de los diarios sabrosos: anotar continuamente frases del tipo "pongo al día este cuaderno" no fomentan demasiado nuestro interés. Las feministas sentirán una profunda decepción por los detalles de misoginia o preciosismo ridículo que el texto revela a veces; los anarquistas y antimilitaristas no entenderán muy bien la fascinación que los desfiles o los preciosos uniformes nazis podían provocar en la autora; los buscadores de sonrisas verticales no encontrarán nada en absoluto. Sí quedan claras, en cambio, las relaciones, con frecuencia de tercera planta de hospital, de dos sumos sacerdotes, Sartre y Beauvoir, y su colección de gregarios. En este terreno, nos hallamos ante un material de primera importancia.
ALBERTO CONDE
Madrid, janvier 1991.
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