"Crise", "scénario de risque récessif", "turbulences aux causes complexes", "soubresauts", "anxiété", "fragilité de la reprise"... ? On constate plutôt une évaporation préméditée, organisée du liquide et de toute ressource liquéfiable : au bout du compte, la plupart des solides fondent et c'est de fonds qu'il s'agit. Bien entendu, le flux d'évaporation se déplace toujours du bas vers le haut et les masses évaporées, intouchables, ont de plus en plus de mal à retomber : les Maîtres de l'univers ne font que leur beau temps. Enfin, causalité insolite, consécutivement à tant d'évaporation, les masses populaires et autres parias sont dans certaines latitudes de plus en plus en ébullition.
Laissons que la statistique vienne en aide de la physique stupéfiante. Voici des extraits éclairants de l'enquête Patrimoine 2010 de l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), présentée par Hélène Chaput, Kim-Hoa Luu Kim, Laurianne Salembier et Julie Solard, de la Division Revenus et Patrimoine des Ménages. Vous comprendrez mieux pourquoi "les mieux dotés" s'évertuent à nous expliquer notre intérêt à privatiser d'urgence l'eau, voire les banques de sang, par exemple. Ah, les affres de la création de richesse... Bonne lecture (si vous avez hâte, vous pouvez jeter au moins un coup d'oeil sur le dernier paragraphe de ce rapport).
Résumé
Début 2010, selon la nouvelle enquête Patrimoine des ménages, la moitié des ménages vivant en France déclarent posséder plus de 150 200 euros de patrimoine brut et concentrent 93 % des avoirs. Les 10 % les mieux dotés ont au moins 552 300 euros de patrimoine brut et détiennent près de la moitié de la masse totale de celui-ci. Enfin, les 1 % des ménages les plus riches en termes de patrimoine détiennent chacun plus de 1,9 million d’euros d’avoirs. À l’opposé, les 10 % de ménages les moins dotés détiennent chacun moins de 2 700 euros de patrimoine et collectivement moins de 0,1 % de la masse totale.
Entre 2004 et 2010, les inégalités de patrimoine se sont accrues, le rapport entre le patrimoine moyen des 10 % de ménages les mieux dotés et celui des 50 % les moins dotés ayant augmenté de près de 10 %.
Sommaire
Le patrimoine des ménages
- Le patrimoine des ménages
- Des inégalités de patrimoine beaucoup plus marquées que celles des revenus
- Acheter un bien immobilier : étape importante de la constitution du patrimoine
- Le montant de patrimoine varie selon la position dans le cycle de vie
- Une logique d’accumulation différente pour les indépendants
Le patrimoine est généralement défini comme l’ensemble des avoirs accumulés permettant à une personne ou à un ménage de disposer de ressources futures. L’enquête Patrimoine 2010 (source) permet d’appréhender une large partie des composantes du patrimoine des ménages : elle décrit de manière détaillée leurs actifs financiers, immobiliers et professionnels ; elle offre également une évaluation de leurs emprunts et permet d’estimer la valeur des biens durables, bijoux, œuvres d’art... qu’ils détiennent.
Des inégalités de patrimoine beaucoup plus marquées que celles des revenus
Début 2010, selon la nouvelle méthodologie d’enquête et d’estimation du patrimoine mise en œuvre (encadré), la moitié des ménages vivant en France déclarent un patrimoine brut global supérieur à 150 200 euros (tableau 1).
Les 10 % de ménages les mieux dotés en patrimoine possèdent au minimum 552 300 euros d’actifs (D9), alors que les 10 % les plus modestes en termes de patrimoine détiennent au maximum 2 700 euros ( D1) chacun, soit 205 fois moins. Les inégalités de patrimoine sont beaucoup plus marquées que celles des revenus. À titre de comparaison, le revenu disponible des 10 % de ménages les plus modestes est 4,2 fois moins élevé que celui des 10 % les plus aisés en 2009. Collectivement, les 10 % de ménages les mieux dotés concentrent 48 % de la masse totale de patrimoine brut. Les 5 % les mieux dotés en détiennent à eux seuls 35 % et les 1 %, 17 % (graphique). Les ménages de ce dernier centile possèdent chacun au moins 1 885 200 euros de patrimoine brut . À l’opposé, 50 % des ménages les moins dotés détiennent 7 % du patrimoine brut, et les 10 % les plus modestes n’en détiennent que 0,05 %.
Graphique - Répartition de la masse totale de patrimoine brut entre les ménages
Lecture : début 2010, les 10 % de ménages les mieux dotés en patrimoine détiennent 48 % de la masse totale de patrimoine, tandis que le reste des ménages détiennent 52 % de la masse totale.Champ : ménages ordinaires résidant en France, y compris dans les DOM.Source : Insee, enquête Patrimoine 2009-2010.(...)
Les inégalités de patrimoine s'accroissent entre 2004 et 2010
Conformément aux recommandations du rapport de 2007 du Conseil national de l’information statistique (Cnis) sur les niveaux de vie et les inégalités, l’Insee a apporté des améliorations méthodologiques à l’enquête Patrimoine réalisée fin 2009 - début 2010 (source).
Le champ de l’enquête a tout d’abord été élargi aux départements d’outre-mer, de manière à couvrir l’ensemble du territoire. Ensuite, les procédures d’échantillonnage ont été sensiblement modifiées, de façon à mieux représenter les catégories de ménages les mieux dotées en patrimoine et, ainsi, augmenter la précision des indicateurs. De plus, les procédures d’estimation ont été améliorées afin, notamment, de pouvoir prendre en compte des éléments du patrimoine du ménage, comme la voiture, l’équipement de la maison, les bijoux, les œuvres d’art... mais qui ne sont pas décrits en détail dans l’enquête. Enfin, la collecte des montants détenus sur chacun des actifs financiers a été améliorée : en 2004, on ne collectait pour ce type de produits que des montants par tranches, tandis qu’en 2010, on collecte le montant exact si le ménage le connaît. Si tel n’est pas le cas, le ménage peut se situer dans un système de tranches plus détaillé qu’en 2004.
Pour toutes ces raisons, les nouveaux indicateurs issus de l’enquête Patrimoine 2010 ne sont donc pas directement comparables à ceux des précédentes éditions de l’enquête et notamment celle de 2004. Cependant, ces innovations méthodologiques peuvent être en grande partie neutralisées, de manière à appliquer la méthodologie de 2004 aux données de 2010. Cela permet de préserver la comparabilité des indicateurs d’inégalités et d’étudier l’évolution du patrimoine sur la période.
À méthodologie comparable, on constate que les inégalités de patrimoine brut se sont accrues entre 2004 et 2010. Ainsi, le rapport interdécile D9/D1 a augmenté de plus de 30 % et le rapport interquartile Q3/Q1 de plus de 47 %. En 2010, le patrimoine moyen détenu par les 10 % des ménages les mieux dotés est 35 fois plus élevé que celui détenu par les 50 % de ménages les moins dotés. Ce rapport était de 32 en 2004. L’indice de Gini a augmenté de 1,4 % sur cette période. Ce creusement des inégalités observé sur l’ensemble de la population est amplifié parmi les ménages dont le patrimoine est supérieur au dernier décile. Ainsi, l’indice de Gini s’est accru de 13,9 % sur cette population.
NOTE POSTÉRIEURE : Slate a publié le 19/01/2012 une infographie, mise à jour le lendemain, qui est un portrait des «1%» les plus riches de France.
Sommaire de l'étude :
Slate est un webzine ou magazine en ligne fondé par Jean-Marie Colombani, ancien directeur du Monde, Éric Leser, Johan Hufnagel et Éric Le Boucher, journalistes, et Jacques Attali.
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