En mars 2009, j'ai utilisé un texte tordant qui circulait sur Internet pour illustrer avec un brin d'humour un dossier de NB2 sur les différentes modalités de vie en commun. C'était la Lettre d'un gars alsacien de Marleheim qui ne voulait pas faire l'armée !, un drôle de cas de famille recomposée à l'excès. La voilà :
Si dans ce cas, il s'agissait d'un jeune alsacien présumé qui voulait se faire réformer en pleine modernité, il ne faudrait pas oublier que les familles recomposées sont aussi vieilles que l'humanité. Ce n'est que la terminologie qui change...
Réfléchissant à d'autres textes faisant référence à des recompositions familiales d'autres époques, j'ai pensé à l'Antichambre (Actes Sud, 1991), pièce de Jean-Claude Brisville (1922) qui reconstitue une histoire bien réelle. L'auteur y met en scène Marie de Vichy-Champrond, marquise du Deffand (1697-1780), et Julie de Lespinasse (1732-1776).
Le dialogue de la première scène réunit Marie du Deffand, qui a 56 ans et vient d'être atteinte de cécité, et son vieil amant le président Hénault, c'est-à-dire, Charles-Jean-François Hénault (1685-1770), alors président de la 1ère chambre des enquêtes du Parlement de Paris et ami de la reine. Mme du Deffand, qui se connaissait par expérience en matière de couvents bénédictins et leur avait préféré d'autres horizons, explique à Hénault qu'elle avait rencontré la jeune Julie chez son frère Gaspard où, en raison de sa condition, « cette jeune fille avait dans sa famille une position si de guingois... si subalterne, qu'elle songeait, lorsque je fis sa connaissance, à ensevelir sa jeunesse sous le linceul épais du cloître. », concrètement au couvent des Chazeaux, à Lyon. Donc elle arriva « à temps pour la sauver de la religion » et, comme elle et sa vue déclinaient, lui proposa de devenir sa lectrice. La vie de Julie sera désormais très intéressante, mais cela est une autre histoire.
Revenons à nos moutons ; quelle était donc l'inavouable condition de Julie ? Voici les répliques entre Marie et Hénault de la pièce de Brisville illustrant les origines d'une jeune femme dont l'esprit ferait oublier, et à quel point, une beauté inintéressante :
Le souvenir du château d'Arenenberg me rappelle maintenant qu'un autre cas célèbre en la matière fut celui d'Hortense de Beauharnais, fille de Joséphine de Beauharnais. Comme celle-ci voulait renforcer ses liens avec les Bonaparte, elle fit marier sa fille, le 4 janvier 1802, à Louis Bonaparte, l'un des frères cadets de Napoléon, son mari depuis 1796. Hortense (future Reine Hortense de Hollande) devint par là la belle-sœur de sa mère et de son beau-père...
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Mise à jour du 25/10/2013 :
Monsieur le Ministre de la Défense Nationale,
Permettez-moi de prendre la respectueuse liberté de vous exposer ce qui suit, et de solliciter de votre bienveillance l'appui nécessaire pour obtenir une démobilisation rapide. Je suis sursitaire, âgé de 24 ans, et je suis marié à une veuve de 44 ans, laquelle a une fille qui en a 25. Mon père a épousé cette fille. A cette heure, mon père est donc devenu mon gendre, puisqu'il a épousé ma fille. De ce fait, ma belle-fille est devenue ma belle-mère puisqu'elle est la femme de mon père. Ma femme et moi avons eu en janvier dernier un fils. Cet enfant est donc devenu le frère de la femme de mon père, donc le beau-frère de mon père. En conséquence, mon oncle, puisqu'il est le frère de ma belle-mère. Mon fils est donc mon oncle. La femme de mon père a eu à Noël un garçon qui est à la fois mon frère puisqu'il est le fils de mon père, et mon petit-fils puisqu'il est le fils de la fille de ma femme. Je suis ainsi le frère de mon petit fils, et comme le mari de la mère d'une personne est le père de celle-ci, il s'avère que je suis le père de ma femme, et le frère de mon fils. Je suis donc mon propre grand-père.
De ce fait, Monsieur le Ministre, ayez l'obligeance de bien vouloir me renvoyer dans mes foyers, car la loi interdit que le père, le fils et le petit-fils soient mobilisés en même temps.
Dans la croyance de votre compréhension, veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
PS// Pour la petite histoire, il a été réformé pour état psychique instable et préoccupant, troubles mentaux aggravés par un climat familial très perturbant.
Si dans ce cas, il s'agissait d'un jeune alsacien présumé qui voulait se faire réformer en pleine modernité, il ne faudrait pas oublier que les familles recomposées sont aussi vieilles que l'humanité. Ce n'est que la terminologie qui change...
Réfléchissant à d'autres textes faisant référence à des recompositions familiales d'autres époques, j'ai pensé à l'Antichambre (Actes Sud, 1991), pièce de Jean-Claude Brisville (1922) qui reconstitue une histoire bien réelle. L'auteur y met en scène Marie de Vichy-Champrond, marquise du Deffand (1697-1780), et Julie de Lespinasse (1732-1776).
Le dialogue de la première scène réunit Marie du Deffand, qui a 56 ans et vient d'être atteinte de cécité, et son vieil amant le président Hénault, c'est-à-dire, Charles-Jean-François Hénault (1685-1770), alors président de la 1ère chambre des enquêtes du Parlement de Paris et ami de la reine. Mme du Deffand, qui se connaissait par expérience en matière de couvents bénédictins et leur avait préféré d'autres horizons, explique à Hénault qu'elle avait rencontré la jeune Julie chez son frère Gaspard où, en raison de sa condition, « cette jeune fille avait dans sa famille une position si de guingois... si subalterne, qu'elle songeait, lorsque je fis sa connaissance, à ensevelir sa jeunesse sous le linceul épais du cloître. », concrètement au couvent des Chazeaux, à Lyon. Donc elle arriva « à temps pour la sauver de la religion » et, comme elle et sa vue déclinaient, lui proposa de devenir sa lectrice. La vie de Julie sera désormais très intéressante, mais cela est une autre histoire.
Revenons à nos moutons ; quelle était donc l'inavouable condition de Julie ? Voici les répliques entre Marie et Hénault de la pièce de Brisville illustrant les origines d'une jeune femme dont l'esprit ferait oublier, et à quel point, une beauté inintéressante :
MARIE. Je lui ai promis le silence. Elle est dans une situation on ne peut plus étrange... et la discrétion me commandait...
HÉNAULT (passionné). Oh ! Oh !...
MARIE. (bas, se penchant vers l'oreille d'Hénault). Née sous l'auspice de l'amour et du malheur.
HÉNAULT (passionné). Ah ! Ah !...
MARIE. Puis-je vous demander le secret sur cette affaire ?
HÉNAULT. J'en serai le tombeau, madame.
MARIE. Eh bien, voilà... Gaspard, mon frère... le maître de Champrond...
HÉNAULT. Oui, Gaspard de Vichy, le chasseur, votre frère...
MARIE. ... a eu jadis la comtesse d'Albon pour maîtresse.
HÉNAULT. Une d'Albon de Saint-Forgeux ?
MARIE. Oui. Une vieille famille du Dauphiné. Elle était séparée de son mari quand elle rencontra Gaspard qui lui fit une fille —une fille prénommée Julie, qu'il ne reconnut pas, et à laquelle on donna le nom de Lespinasse... une terre depuis longtemps dans la famille des Albon. L'enfant fut tendrement élevée par sa mère avec ses enfants légitimes. Et puis, lorsque la petite eut sept ans, Gaspard se maria.
Un temps. Devinez avec qui ?
HÉNAULT. Avec la comtesse d'Albon devenue veuve ?
MARIE. Là, monsieur, vous donnez dans la facilité. Non. Avec Diane d'Albon, la fille aînée —et elle, légitime— de sa maîtresse qui perdit son amant, de ce fait, tout en trouvant un gendre.
HÉNAULT. Jour de Dieu !
MARIE. Du coup, Julie se retrouva être la belle-fille de Diane, sa demi-sœur, épouse de Gaspard.
HÉNAULT (tendant l'oreille). Comment ?
MARIE. Je vous dis que la demi-sœur de Julie devint sa belle-mère.
HÉNAULT (dubitatif). Hé !
MARIE. Vous me suivez ?
HÉNAULT. D'un peu loin, mon amie.
MARIE. Ce n'est pas tout : belle-fille de sa demi-sœur, Julie devint en même temps belle-sœur de son père... puisqu'il venait d'épouser sa demi-sœur.
HÉNAULT. Diantre !
MARIE. Il ne faut pas être distrait, je sais. Moi-même, quelquefois, quand je récapitule... Enfin, je ne voulais que vous donner l'idée de la position compliquée de cette jeune fille au sein de sa famille. Je devrais dire MA famille puisque Gaspard étant mon frère, sa fille est donc ma nièce.
HÉNAULT. Oui, là je m'y retrouve.
MARIE. Une nièce bâtarde puisqu'elle est fille illégitime, mais néanmoins aimable. À la mort de sa mère, la comtesse d'Albon —Julie avait alors seize ans— elle fut recueillie par Gaspard.
HÉNAULT. Son père, le chasseur...
MARIE. ... et devint naturellement la gouvernante des fils de la maison.
HÉNAULT. Donc... attendez que je m'y retrouve tout seul...
Ton triomphant :De ses neveux ?
MARIE. De ses demi-neveux par Diane, sa demi-sœur, ou de ses demi-frères par Gaspard, puisque Julie et ces enfants avaient le même père.
Hénault hoche la tête et entrouvre les bras, renonçant à comprendre.(...)
Le souvenir du château d'Arenenberg me rappelle maintenant qu'un autre cas célèbre en la matière fut celui d'Hortense de Beauharnais, fille de Joséphine de Beauharnais. Comme celle-ci voulait renforcer ses liens avec les Bonaparte, elle fit marier sa fille, le 4 janvier 1802, à Louis Bonaparte, l'un des frères cadets de Napoléon, son mari depuis 1796. Hortense (future Reine Hortense de Hollande) devint par là la belle-sœur de sa mère et de son beau-père...
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Mise à jour du 25/10/2013 :
Un enfant sur dix vit dans une famille recomposée
Le Monde.fr | 23.10.2013 à 00h02 • Mis à jour le 23.10.2013 à 09h49 |
Par Catherine Rollot
Un million et demi d'enfants de moins de 18 ans, soit un enfant sur dix en France, résident dans des foyers recomposés, c'est-à-dire dans une famille où les enfants ne sont pas tous du couple actuel. C'est ce qui ressort des chiffres publiés, mercredi 23 octobre, par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), dans une étude sur "les enfants en famille recomposée".
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