jeudi 19 septembre 2013

À bas les barbelés

«La race européenne a reçu du ciel, ou acquis
par ses efforts, une si incontestable supériorité
sur toutes les autres races qui composent la
grande famille humaine, que l’homme placé chez
nous, par ses vices et son ignorance, au dernier
échelon de l’échelle sociale, est encore le premier
 chez les sauvages. »
(Gustave de Beaumont et Alexis de Tocqueville :
Du système pénitentiaire aux États-Unis
, 1833)



Une foule de sans-papiers scandant "Vive l'Espagne !" nous assaille et nous affole. C'est-à-dire, au lieu de les accueillir les bras ouverts, les libéraux et leurs journaux poussent les hauts cris, insensibles à tant de patriotisme.
Désolé, parce que tout ça me désole trop... Je ne sais plus s'ils sont comme cela en tant que chrétiens (ici Sarko, ici Aznar et ses amis, là Merkel...) ou en tant que libéraux, s'ils agissent au nom de l'amour d'autrui prêché par l'humanisme chrétien ou au nom de l'amour de la liberté, tellement ils s'en gargarisent. N'étaient-ils pas au moins les farouches champions du libre marcher ? Les apôtres de la liberté de marché (pour les initiés) veulent se réserver la liberté de marcher, de circuler ? Grosse fatigue, grosse rage. Les barbelés au Río Grande (del Norte), en Palestine, à Ceuta ou Melilla ? La barbe !

Permettez-moi donc de vous conseiller "A desalambrar", un article en castillan réfléchissant à ce sujet, où l'on voit que l'application libérale espagnole de la "liberté globale" à Ceuta et Melilla constitue un nouveau chapitre infamant dans l'histoire inique et cynique du libéralisme. D'ailleurs, si elle vous intéresse en profondeur, n'hésitez pas à lire Controstoria del liberalismo, essai essentiel de Domenico Losurdo —publié en 2005 et traduit en français et en castillan*— pour mieux connaître la vraie nature, féroce, de cette farce intellectuelle et humaine.

* Contre-histoire du libéralisme, traduit de l’italien par Bernard Chamayou (Éd. La Découverte, Paris, 2013. 390 pages, 25 euros). Contrahistoria del liberalismo, traduit par Marcia Gasca, révisé par Joaquín Miras, Editorial El Viejo Topo, 2007.

Tant de cynisme et de cruauté sempiternels me rappellent un texte apparemment vieux et obsolète, mais dont l'esprit est toujours de mise et me console un peu maintenant. Mutatis mutandis, il reste, hélas, d'actualité. C'est l'épître dédicatoire aux nègres esclaves, la préface aux Réflexions sur l'esclavage des Nègres, essai militant signé par Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet. Il y a bien sûr des différences entre lui et moi, mais je l'ai toujours trouvé très digne et courageux. Il écrivait en 1781 (après Jésus-Christ), 52 ans avant le couple Beaumont-Tocqueville...
Mes amis,
Quoique que je ne sois pas de la même couleur que vous, je vous ai toujours regardés comme mes frères. La nature vous a formés pour avoir le même esprit, la même raison, les mêmes vertus que les Blancs. Je ne parle ici que de ceux d'Europe, car pour les Blancs des Colonies, je ne vous fais pas l'injure de les comparer avec vous, je sais combien de fois votre fidélité, votre probité, votre courage ont fait rougir vos maîtres. Si on allait chercher un homme dans les îles de l'Amérique, ce ne serait point parmi les gens de chair blanche qu'on le trouverait.
Votre suffrage ne procure point de places dans les colonies, votre protection ne fait point obtenir de pensions, vous n'avez pas de quoi soudoyer les avocats ; il n'est donc pas étonnant que vos maîtres trouvent plus de gens qui se déshonorent en défendant leur cause, que vous n'en avez trouvé qui se soient honorés en défendant la vôtre. Il y a même des pays où ceux qui voudraient écrire en votre faveur n'en auraient point la liberté. Tous ceux qui se sont enrichis dans les îles aux dépens de vos travaux et de vos souffrances, ont, à leur retour, le droit de vous insulter dans des libelles calomnieux ; mais il n'est point permis de leur répondre. Telle est l'idée que vos maîtres ont de la bonté de leur droit ; telle est la conscience qu'ils ont de leur humanité à votre égard. Mais cette injustice n'a été pour moi qu'une raison de plus pour prendre, dans un pays libre, la défense de la liberté des hommes. Je sais que vous ne connaîtrez jamais cet Ouvrage, et que la douceur d'être béni par vous me sera toujours refusée. Mais j'aurai satisfait mon cœur déchiré par le spectacle de vos maux, soulevé par l'insolence absurde des sophismes de vos tyrans. Je n'emploierai point l'éloquence, mais la raison, je parlerai, non des intérêts du commerce, mais des lois de la justice.
Vos tyrans me reprocheront de ne dire que des choses communes, et de n'avoir que des idées chimériques ; en effet, rien n'est plus commun que les maximes de l'humanité et de la justice ; rien n'est plus chimérique que de proposer aux hommes d'y conformer leur conduite.
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NOTE DU 6/10/2013 :
Sur la honte, le crime de Lampedusa, lisez...
Voltairenet
Agoravox

ou, sur Rue89...

un sans-papiers tunisien de 22 ans a tenté de s’immoler par le feu. Quelle a été la réaction du procureur de la République? Le placer en garde à vue et le poursuivre pour mise en danger de la vie d’autrui.

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