mercredi 30 novembre 2016

Guerre d'Algérie, causes et conséquences

Je suis à présent un cours de formation en ligne pour enseignants intitulé la lecture et la recherche à l'ère du numérique, qui me contraint à glaner, sur internet et ses réseaux sociaux, des infos en rapport avec un contenu de mes cours en vue d'élaborer une synthèse sur Storify. Ce billet est en rapport avec un autre déjà publié au sujet du massacre du 17 octobre 1961.

Reconstruction du 30.09.2018

Mais... As of May 16, 2018 Storify is no longer available...
Donc, j'ai essayé de reconstruire le contenu de l'information disparue. Là voilà, pour l'essentiel :


Histoire de la Guerre d'Algérie, causes et conséquences
Dans sa séance du "Moi, lecteur" du 15 novembre, José Carlos présenta un ouvrage de Bernard Droz et Évelyne Lever : Histoire de la Guerre d’Algérie (1954-62), Seuil, 1982. Il s'ensuivit une belle série de rebondissements collatéraux, dont le massacre du 17/10/1961, nous menant à l'actualité...




JC appuya son intervention sur trois vidéos de son choix. La première était due à Samir Zarqane et abordait Les causes de la guerre d'indépendance algérienne (8'15'')...



Puis, nous visionnâmes un bref documentaire de l'Obs intitulé Comprendre les origines de la guerre d'Algérie (2'46''), mis en ligne le 30 octobre 2014 : "Il y a 60 ans débutait la guerre d’Algérie. En voici les raisons."



Enfin, ce fut le tour de La Guerre d'Algérie, 8e volet du projet Réalisons l'Europe. L'Europe et le colonialisme, une réalisation du Collège André Malraux de Paron. Durée : 13’48’’. Ce chapitre rend compte du contexte et des principaux évènements politiques qui déclenchèrent et mirent fin à la Guerre d'indépendance de l'Algérie. Il précède la partie 9 sur les conséquences de cette guerre.



Quand les commentaires et les questions fusèrent, il fallut aborder le massacre du 17 octobre 1961...

Un webdocumentaire commémore les 50 ans du Massacre du 17 octobre 1961

"La date du 17 octobre 1961 reste dans l'Histoire associée à un massacre : une manifestation organisée à Paris par la Fédération de France du F.L.N. (Front de Libération Nationale ; Jabhat al-Taḩrīr al-Waţanī, en arabe) en faveur de l'indépendance de l'Algérie fut réprimée dans le sang. Les forces de l'ordre françaises, dirigées par le préfet de police Maurice Papon, tuèrent deux centaines d'Algériens par balle, à coups de matraque, étranglés ou noyés. Beaucoup des manifestants furent internés pendant quatre jours dans des centres de détention où ils auraient subi des tortures. Début octobre, Papon avait exprimé clairement qu'il couvrirait les excès policiers ; devant le personnel réuni pour les obsèques du brigadier Demoën, assassiné par le FLN, il avait déclaré dans son allocution : "Pour un coup, nous en rendrons dix." Le 5 octobre, Papon renchérit et décréta un couvre-feu parfaitement discriminatoire car il ne concernait que les Français musulmans d'Algérie. L'appel du FLN à manifester pacifiquement déclencherait la boucherie."


Ce billet du blog Candide résiste relaie, entre autres, un film de JEAN-JACQUES BERYL : 17 OCTOBRE 1961, L'ORDRE FRANCAIS, France, 2013, 48'.

[Pour des raisons de droits d'auteur, la vidéo n'est plus disponible]

Sous le titre 17 octobre 1961, un crime d’État, les Indigènes de la République organisèrent une rencontre autour du film de Beryl qu'ils publièrent sur Youtube (1h06') :




L'évocation des Indigènes de la République, renvoie forcément à sa cofondatrice Houria Bouteldja et à son essai très récent Les Blancs, les Juifs et Nous (La Fabrique éditions), ouvrage que nous saluons en raison de ses nombreuses et salutaires vertus. Sa perspective, largement ignorée par le grand public, les grands média ou l'enseignement, la justesse de sa critique du colonialisme et de la culture blanche, sa critique impeccable de l'Histoire officielle, sa lucidité à bien des égards... rendent sa lecture incontournable, même si sa crudité insolite pourrait choquer des saint(e)s nitouches effarouché(e)s et bien que certaines affirmations ou propositions soient parfaitement discutables ou absolument à discuter. Sa voix fière, indignée et très intelligente se rebiffe très naturellement contre une agression historique (reliant passé et présent, ancrant ses racines dans le passé, agissant toujours comme cadre et culture néfastes dans le présent), qui devrait faire honte et avec laquelle il faut en finir. Pour s'en faire une idée, voici deux interventions de cette femme courageuse. La première à côté de son extra-ordinaire éditeur, Éric Hazan...



...et la deuxième lors d'une rencontre-discussion avec Isabelle Stengers :



CODA 1 - Pour mieux connaître l'Histoire : Quand Tocqueville légitimait les boucheries en Algérie, par Olivier Le Cour Grandmaison, Le Monde diplomatique, juin 2001.
La tradition libérale a toujours promu et justifié l'esclavagisme, le colonialisme et la guerre de déprédation (cf. Domenico Losurdo : Contre-histoire du libéralisme, Éd. La Découverte, janvier 2013).
« J’ai souvent entendu en France des hommes que je respecte, mais que je n’approuve pas, trouver mauvais qu’on brûlât les moissons, qu’on vidât les silos et enfin qu’on s’emparât des hommes sans armes, des femmes et des enfants. Ce sont là, suivant moi, des nécessités fâcheuses, mais auxquelles tout peuple qui voudra faire la guerre aux Arabes sera obligé de se soumettre », écrit Alexis de Tocqueville avant d’ajouter : « Je crois que le droit de la guerre nous autorise à ravager le pays et que nous devons le faire soit en détruisant les moissons à l’époque de la récolte, soit dans tous les temps en faisant de ces incursions rapides qu’on nomme razzias et qui ont pour objet de s’emparer des hommes ou des troupeaux. »
[Alexis de Tocqueville, Travail sur l’Algérie, in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 704 et 705.]

C'est peut-être aussi un bon moment pour rappeler que tout conflit comporte également un affrontement de narrations. Bref, tout changement de perspective transforme complètement tout récit, y compris son titre. Disons que la soi-disant Guerre d'Algérie est connue en Algérie comme la Guerre de Libération nationale (au même titre que toutes les autres Libérations).

CODA 2 - Pour mieux connaître l'Histoire : Les crânes oubliés de la conquête de l'Algérie (sur le site d'information et de débat en ligne Là-bas, si j'y suis du 29 juillet 2016).

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Mise à jour du 6 juin 2019 :

Karima Lazali, psychologue clinicienne et psychanalyste, exerce dans son cabinet de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) depuis 2002 et à Alger depuis 2006.
Autrice de La Parole oubliée (Érès, 2015), j'ai appris grâce à Le Monde diplomatique qu'elle a publié en septembre 2018 Le trauma colonial. Une enquête sur les effets psychiques et politiques contemporains de l'oppression coloniale en Algérie, Éd. de La Découverte.


En voici sa quatrième de couverture :
Psychanalyste, Karima Lazali a mené une singulière enquête sur ce que la colonisation française a fait à la société algérienne, enquête dont elle restitue les résultats dans ce livre étonnant. Car elle a constaté chez ses patient∙e∙s des troubles dont rend mal compte la théorie psychanalytique. Et que seuls les effets profonds du « trauma colonial » permettent de comprendre : plus d’un demi-siècle après l’indépendance, les subjectivités continuent à se débattre dans des blancs de mémoire et de parole, en Algérie comme en France.
Elle montre ce que ces « blancs » doivent à l’extrême violence de la colonisation : exterminations de masse dont la mémoire enfouie n’a jamais disparu, falsifications des généalogies à la fin du XIXe siècle, sentiment massif que les individus sont réduits à des corps sans nom... La « colonialité » fut une machine à produire des effacements mémoriels allant jusqu’à falsifier le sens de l’histoire. Et en cherchant à détruire l’univers symbolique de l’« indigène », elle a notamment mis à mal la fonction paternelle : « Leurs colonisateurs ont changé les Algériens en fils de personne » (Mohammed Dib). Mais cet impossible à refouler ressurgit inlassablement. Et c’est l’une des clés, explique l’auteure, de la permanence du « fratricide » dans l’espace politique algérien : les fils frappés d’illégitimité mènent entre frères une guerre terrible, comme l’illustrent le conflit tragique FLN/MNA lors de la guerre d’indépendance ou la guerre intérieure des années 1990, qui fut aussi une terreur d’État.
Une démonstration impressionnante, où l’analyse clinique est constamment étayée par les travaux d’historiens, par les études d’acteurs engagés (comme Frantz Fanon) et, surtout, par une relecture novatrice des œuvres d’écrivains algériens de langue française (Kateb Yacine, Mohammed Dib, Nabile Farès, Mouloud Mammeri…).
Sous le titre Les Français n'ont toujours pas digéré la guerre d'Algérie, Thierry Leclère nous en livre son analyse en deux pages (6 et 7) du Siné Mensuel nº 87 (juin 2019).
À propos de l'ouvrage de Karima Lazali et de sa radiographie, si j'ose dire, de la mémoire collective en France en rapport avec la colonisation et la guerre d'Algérie, il affirme :
En fine lectrice de Frantz Fanon, auteur de l’incontournable Peau noire, masques blancs, psychiatre compagnon de route de la révolution algérienne (mort en 1961, à 36 ans), Karima Lazali ausculte les impensés et les blancs de notre mémoire collective avec les lunettes de la clinicienne. Et c’est en cela qu’elle va plus loin : « les historiens ont parlé d’histoire oubliée. En fait, elle est impossible à oublier. Il s’agit d’autre chose : cette histoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie n’est toujours pas inscrite dans les mentalités, dans le discours public, dans l’imaginaire collectif. Il ne faudrait pas parler d’oubli mais plutôt d’effacement. » Une histoire effacée, donc, et pas même refoulée comme on pourrait l’imaginer : « Vous refoulez quand c’est inscrit. Là, c’est l’inverse du refoulement », insiste la psychanalyste. Cette histoire n’est toujours pas inscrite dans le discours commun. La machine de l’effacement, elle est là. »
Et il prend acte de la situation en 2019...
Nous voilà dans l’ère du « oui, on sait tout ça, mais il faut passer à autre chose ». (...) Oui, la conquête coloniale a décimé probablement un tiers de la population algérienne, mais passons à autre chose... Passer à autre chose sans avoir vraiment nommé la chose ? Pas besoin d’être psychanalyste pour comprendre qu’on n’ira pas très loin comme ça. « Une partie des Français n’a jamais accepté l’issue de la guerre d’Algérie. Sous le signe de la vengeance, une mauvaise mémoire joue contre les immigrés maghrébins. Toute une légende de « l’invasion arabe » hante l’opinion », écrivait dans les années 1990 l’historien Yvan Gastaut*. C’est toujours vrai. Même si le 11 Septembre, Al-Qaïda et Daech sont passés par là, le trauma colonial reste, en France, la partie immergée de l’iceberg du racisme anti-Arabe. Étonnez-vous, après ça, qu’année après année, « l’indice de tolérance » des Maghrébins et des musulmans, comme dit la très officielle Commission nationale consultative des droits de l’homme, arrive en avant-dernière position, après les Noirs et les Juifs, et juste avant les Roms. Il n’y a guère que ces derniers pour prouver aux Français de culture musulmane qu’on peut être encore plus mal vu dans ce pays qu’un Arabe !

*« L’Algérie se dévoile », chap. 1 de Sociologie d’une révolution, de Frantz Fanon, Maspero 1959, réédité en 2001 par La Découverte sous le titre L’An V de la révolution algérienne.

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