Gadrey y écrit :
(...) Depuis l’été 2011, l’appel national « Pour un audit citoyen de la dette publique », rassemblant vingt-neuf associations, organisations non gouvernementales (ONG) et syndicats, et bénéficiant du soutien de diverses formations politiques, a été signé par près de soixante mille personnes. Plus de cent vingt comités d’audit citoyen (CAC) se proposant de « remplacer les agences de notation » ont été créés depuis l’automne 2011. Comment expliquer un tel engouement ?Toutes ces questions ont des réponses positives... Si l'importunité du créditeur vous fâche, commencez par visiter le site de notre CAC, qui n'est surtout pas le CAC40 mais, comme vous venez de le lire, le Collectif pour un audit citoyen de la dette publique ; il contient infos, citations, vidéos, agenda, etc. Dans leur présentation, ils lancent une espèce de manifeste ; le voilà :
L’un des animateurs de cette campagne, le philosophe Patrick Viveret, rappelle que le mot « désir » — ici, celui de s’impliquer dans une mobilisation — provient de « dé-sidérer » : « La sidération a ceci de caractéristique que même les victimes pensent qu’il n’est pas possible de faire autrement. La sidération, c’est, sur le plan économique, ce qu’on pourrait appeler la pensée TINA [“There is no alternative”] de Margaret Thatcher : un état où l’on dit juste “Oui, c’est catastrophique” et “Non, on ne peut pas faire autrement”. » Il s’agirait en somme d’un « blocage de l’imaginaire », de l’indignation et de la critique. Or, au sein des CAC, les choses se décoincent lorsque les participants font certaines découvertes, qui les laissent en général incrédules :
– Comment? Les dépenses de l’Etat français, en pourcentage de la richesse totale produite, n’auraient pas progressé depuis vingt ans ? Elles auraient même un peu baissé, passant de 24 % du produit intérieur brut (PIB) au milieu des années 1980 à 22 % au milieu des années 2000 ? En êtes-vous certain ?
– Vous dites que les recettes de l’Etat ont quant à elles perdu quatre points de PIB, passant de 22 % à 18 % sur cette période ? « Ils » ont donc fait le choix de priver l’Etat de recettes ?
– Les cadeaux fiscaux décidés au cours des années 2000 représentent-ils vraiment un manque à gagner de 100 milliards d’euros par an ?
– De nombreux grands pays du monde, comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, auraient une banque centrale qui prête directement à l’Etat à des taux proches de zéro, et pas nous ?
– Si la Banque centrale européenne (BCE) avait accepté de prêter directement aux pays de la zone euro comme elle le fait pour les banques, c’est-à-dire à 1 %, aucun ne serait désormais confronté à une dette jugée « insupportable », c’est bien cela ?
– On pourrait refuser de payer une dette publique quand on l’a contractée ? Mais est-ce que cela a déjà été fait ?
(...)
Quant aux vidéos, elles contribuent à mieux connaître les dessous puants de la politique et de la finance qui ravagent nos vies et nos sociétés au nom de conneries incommensurables ; en voilà un échantillon :Pour un audit citoyen de la dette !... et le lancement d'un vaste débat démocratique.
Écoles, hôpitaux, hébergement d'urgence… Retraites, chômage, culture, environnement... nous vivons tous au quotidien l'austérité budgétaire et le pire est à venir. « Nous vivons au-dessus de nos moyens », telle est la rengaine que l'on nous ressasse dans les grands médias.
Maintenant « il faut rembourser la dette », nous répète-t-on matin et soir. « On n’a pas le choix, il faut rassurer les marchés financiers, sauver la bonne réputation, le triple A de la France ».
Nous refusons ces discours culpabilisateurs. Nous ne voulons pas assister en spectateurs à la remise en cause de tout ce qui rendait encore vivables nos sociétés, en France et en Europe.
Avons-nous trop dépensé pour l’école et la santé, ou bien les cadeaux fiscaux et sociaux depuis 20 ans ont-ils asséché les budgets ?
Quant à la citation du jour, elle date de 1936...
« Nous avons à lutter contre les vieux ennemis de la paix – le business et les monopoles financiers, la spéculation, les banques déchaînées. »
F. D. Roosevelt.