(...) Pitié pour la nation qui acclame le tyran comme un héros
et prend le conquérant en grande pompe pour un bienfaiteur…
Pitié pour la nation qui dédaigne une passion dans son rêve et
s’y soumet à son réveil… Pitié pour la nation qui n’élève la voix
que lors des funérailles, ne tire gloire qu’au milieu de ses ruines
et ne se révolte que lorsque son cou se trouve entre l’épée et le billot…
Pitié pour la nation dont le politicien est un renard, dont le philosophe
est un bateleur et dont l’art est celui du rapiècement et de la contrefaçon…
Pitié pour la nation qui accueille son nouveau souverain
au son des trompettes et lui fait ses adieux sous les huées
pour en accueillir de nouveau un autre au son des trompettes… (...)
Gibran Khalil Gibran (Bcharré, Liban ; 1883-1931) :
Le Prophète, 1923 (réed. Albin Michel 1990, 1996).
À cette heure-ci, chacun devrait éprouver des frissons troubles rien qu'en écoutant que "l'Économie va bien". Cela fait longtemps que le mot "économie" ne veut plus dire
Art de bien administrer une maison, mais
Art de se faire des sommes folles sur le dos de populations complètes. Le terme équivaut maintenant aux grands chiffres concoctés par des gourous experts en magouilles —allègrement relayés par des médias qui ne sont que la courroie de transmission des grands pouvoirs et de leur argot mensonger et bourreur de crânes ; c'est ainsi que lorsque la macroéconomie
croît, on nous dit que l'économie "va bien", même si visiblement, on en crève.
Le cas de la Tunisie est un exemple évident du cynisme de ceux qui nous gouvernent et de ceux qui gouvernent l'Économie mondiale : la population de ce pays maghrébin connaissait de graves difficultés, l'accès à un emploi rémunéré s'avérait extrêmement difficile, la
microéconomie ne faisait que chuter, mais la Tunisie était, comme l'Argentine pré-Corralito, un
très bon élève du FMI (Fonds Monétaire international ou Fraude mondiale innocente) et son
Économie, un parangon pour l'orbe. La tyrannie en place n'avait aucune importance et l'injustice économique flagrante était un simple détail sans valeur comptable, contrairement aux
performances très
économiques du régime de Zine el-Abidine Ben Ali, l'un des meilleurs amis de l'or. Donc, le 18 novembre 2008, Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI et grand serviteur du grand capital, acceptait volontiers et ému d'être décoré par le dictateur tunisien et élevé au grade de « Grand officier de l'ordre de la République ». Il profitait de l'occasion pour transmettre l'évidence : l' «
économie tunisienne va bien », et rappelait le jugement très positif du FMI sur la politique tunisienne, «
saine » et « un
bon exemple à suivre ». Au bout du compte, DSK se connaît en la matière après avoir bradé le patrimoine commun des Français. N'oublions que c'est lui, adorateur des fonds de pension et d'une fiscalité amicale pour les stock-options, qui avait piloté, comme ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie du gouvernement Jospin, les processus de privatisation de France Télécom, EADS, Thomson, Air France, Airbus, Autoroutes du Sud de la France... ou du secteur financier public qu'il a entièrement
liquidé : Crédit Lyonnais, Crédit Foncier de France, GAN, CIC, Marseillaise de Crédit, le groupe Caisse d'Épargne...
« En Tunisie, les choses continueront de fonctionner correctement », concluait le loup... Oufffff. Je ne sais pas ce que va donner cette révolution sociale tunisienne où se sont immolées ou ont été assassinées des dizaines de personnes. Je ne sais pas de quoi vont accoucher ces terribles sacrifices : de sons de trompettes comme ceux évoqués par Khalil Gibran ? La dernière dépêche que j'ai lue là-dessus souligne que...
Le premier ministre tunisien, Mohamed Ghannouchi, a annoncé la formation d'un gouvernement chargé de gérer la transition jusqu'à la tenue des prochaines élections. Les ministres de la défense, de l'intérieur, des finances et des affaires étrangères sont reconduits à leur poste. Trois responsables de l'opposition font leur entrée au gouvernement. (AFP et Reuters)
Mohamed Ghannouchi, un membre du régime de Ben Ali.
Ben Ali, soutenu jusqu'à la dernière minute par le gouvernement Sarkozy qui lui proposa même "une coopération policière" à travers Michèle Alliot-Marie, ministre des Affaires Étrangères
(
1). C'était le mardi 11 janvier, devant l'Assemblée nationale française, et le gouvernement tunisien avait déjà reconnu un bilan de 21 civils tués par balles. Ben Ali, fondateur du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) de Tunisie, parti politique faisant parti de l'Internationale socialiste. [
Note postérieur : dont il n'a été exclu que le 18 janvier 2011]
Les forces en présence contre le peuple tunisien sont et seront trop puissantes.
We will see to that, conclut
Robert Fisk dans un article publié aujourd'hui par The Independent qui m'a suggéré la citation de Khalil Gibran. Et puis, la survie est une affaire de tous les jours et termine par épuiser presque tout un chacun : elle pompe trop d'énergies. Saluons en tout cas la digne réaction des jeunes tunisiens et espérons que la nouvelle donne comporte un peu plus de justice dans leur pays que le
statu quo ante.
Cette année où les jeunes tunisiens —jusqu'à présent
Candides terrorisés dans et par la meilleure des Économies— se sont dit qu'il fallait
faire quelque chose et ont fait la révolution, je vous colle ci-dessous quelques "informations" que nous avons pu lire ces derniers temps à propos de la Tunisie. Elles prêtent à réflexion.
TUNISIE : La révolte du bassin minier de Gafsa
Depuis le début de l’année, le bassin minier de Gafsa, en Tunisie, est en état d’ébullition sociale. Dans cette région d’exploitation du phosphate, la Compagnie des Phosphates de Gafsa règne en maître absolu. Elle est appuyée par le régime despotique et corrompu de Ben Ali. Outre la pollution liée aux activités d’extraction et de traitement, la pauvreté et le chômage de masse ont déclenché un vaste mouvement de protestation.
Les travailleurs et les jeunes du bassin minier se mobilisent pour leur dignité, pour des emplois, pour de meilleures conditions de logement, de santé et d’éducation. Ils dénoncent un régime de spoliation, de pillage économique et social. Les grèves se sont multipliées. Les enseignants, certaines branches de la fonction publique et même des petits commerçants se sont mobilisés.
(Site du CETRI, le 10 juin 2008)
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Tunisie : le FMI salue un bon élève
Écrit par Médiaterranée
Samedi,
05 Juillet 2008
Le Fonds monétaire international ( FMI) salue "l'excellente performance économique" tunisienne en 2007, selon le journal tunisien "Le quotidien" et suite à une récente mission de l’institution à Tunis. L’institution dresse un tableau fort positif de la situation dans ce pays. Il est question de « bonne gestion de l'économie ». Selon le FMI, la politique sociale également continuerait « de porter ses fruits ». Et de décliner : « une accélération de la croissance, une amélioration des indicateurs sociaux et la préservation des grands équilibres macroéconomiques".
(...)
"Les recettes de la privatisation ont permis de ramener la dette publique de 53.9% du produit intérieur brut (PIB) en 2006 à 50.9% en 2007, tandis que le niveau des réserves en devises étrangères a atteint plus de 8.5 milliards de dollars", a fait remarquer la mission du FMI.
Le rapport a également noté que le déficit du compte courant s'était creusé, passant de 2% du PIB en 2006 à 2.6% en 2007, dû essentiellement à une dégradation des termes de l'échange. (Source: Xinhua)
Il reste que les critères du FMI, qui s’appliquent aux seuls facteurs d’ordre économique et financier, ne permettent pas d’apprécier la situation du pays au plan social. Les recommandations du Fonds sont connues pour leur retombées généralement désastreuses de ce point de vue. Afin de disposer d’un tableau plus lisible, sans doute faut-il pouvoir écouter d’autres sons de cloche.
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Le FMI souligne les bonnes performances de la Tunisie
La Tunisie, le bon élève du FMI, a t-on l'habitude de dire. Le DGA de cette institution, le Brésilien, Morilo Portugal qui a tenu vendredi après midi une conférence de presse avec le Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, M. Taoufik Baccar n'en pense pas moins et a tenu à le souligner, saisissant cette occasion pour se féliciter de la politique macroéconomique exemplaire de la Tunisie qui lui a permis de résister à la crise et de réduire au minimum ses effets.
(Leaders, 11/12/2009)
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L'Etat tunisien dépense t-il trop dans le secteur de la santé ?
Par Habib Touhami
Invité au colloque organisé les 17 et 18 décembre 2010 par l’unité de recherche « Population, Famille et Education » de la Faculté des sciences humaines de Tunis, sur le thème « Population, vieillissement et santé » M. Habib Touhami, a donné une conférence sur le thème « Impacts des évolutions démographiques, socio-économiques et institutionnelles sur la santé et les dépenses de santé ».
De cette conférence, on retiendra quelques idées-force : d’abord, il pourfend l'insistance (maladive) des institutions financières internationales et notamment le FMI et la Banque Mondiale auprès des pays émergents à maîtriser leurs dépenses sociales comme si elles étaient un frein au développement alors que les études ont montré que les pays dans lesquels l’état de santé et l’éducation des individus étaient d’une qualité médiocre avaient plus de difficultés à assurer un développement durable.
Quant aux incidences des dépenses nationales de santé sur les comptes financiers et sociaux de la Tunisie, le conférencier souligne que les injonctions du FMI et de la Banque Mondiale sont injustifiées. Chiffres à l’appui, il s’inscrit en faux contre « la thèse selon laquelle notre pays dépense trop dans le secteur social et notamment dans la santé », indiquant que la contribution de l’Etat représente moins du quart des dépenses nationales de santé (DNS). En fait, la Tunisie n'a pas dépassé un seuil dangereux au niveau du ratio DSN/PIB par rapport à la moyenne des pays à revenu intermédiaire, soit 6% comparés aux 9,8% du Liban et aux 9,4% la Jordanie pays considérés comme des références en matière de santé au niveau arabe. Quant au dépenses per capital, elles sont de 118 dollars en Tunisie (70,9% en 2000 et 49,4 en 1995), contre 398 au Liban et 134 en Jordanie. S'agissant de la part des dépenses publiques dans le budget de l'Etat, elle est passée de 7,6% en 2004 à 6,5% en 2008. Sur le long terme,la part de la DSN est passée de 36,6% à 26,1% en 2002, contre 14,9% et 21,4% pour la Sécurité sociale et 47,6% et 51,2% pour les ménages.
Habib Touhami ne conteste pas les progrès réalisés par notre pays en matière de ressources humaines et d'infrastructure, mais il constate que la Tunisie n'a pu échapper à la dégradation de la qualité des soins qu'il partage avec les pays où «les les systèmes de santé ont été ébranlés par les politiques d'ajustement structurel imposées par les institutions financières », reprenant ainsi le diagnostic de l'OMS.
(Leaders, 12/2010).
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RAID-ATTAC / CADTM TUNISIE,
17 janvier 2011
Tunisie : la révolution sociale et démocratique est en marche !
Les masses populaires tunisiennes viennent de faire une irruption spectaculaire sur la scène politique ! Elles ont réussi, au bout de 29 jours, d’une révolution sociale et démocratique, de chasser le dictateur Ben Ali ! C’est une grande victoire ! C’est un grand jour pour nous toutes et nous tous, que nous partageons avec toutes celles et tous ceux qui luttent contre l’ordre capitaliste mondial ! Avant tout, nous avons reconquis notre dignité et notre fierté, longtemps bafouées et trainées dans la boue par la dictature. Maintenant, nous avons une nouvelle Tunisie à construire : libre, démocratique et sociale.
Mais, d’ores et déjà la contre révolution est en marche ! Le pouvoir de Ben Ali est tombé mais son régime, certes déstabilisé et affaibli, tente de se maintenir en place. Le Parti/Etat Destourien est toujours là, sa politique économique et sociale capitaliste libérale aussi.
Ce régime qui est donné en exemple du ‘bon élève’ par les institutions financières internationales, qui a saigné les masses populaires tunisiennes pendant 23 ans, pour le compte d’un capital mondial avide de profits, tout en engraissant une minorité de familles autour du pouvoir et organisées en clans mafieux, doit dégager. C’est ce que nous voulons !
Nous refusons la tentative en cours, qui vise à confisquer notre révolution. Cette manœuvre se présente sous la formule de ‘gouvernement d’unité nationale’ autour de laquelle ce régime illégitime, tente de se maintenir en place. (...)
(
1)
Note postérieure : Le Canard enchaîné affirme, dans son édition d'aujourd'hui 2 février, que pour son réveillon (la révolte avait commencé quelque 15 jours auparavant), elle a profité à titre gracieux d'un jet privé appartenant à un proche du clan Ben Ali-Trabelsi. Le cabinet de la ministre s'est expliqué... mais le Nouvel Observateur renchérit : MAM et ses proches auraient repris ce jet privé pour un deuxième vol afin d'"éviter des villes en révolte" comme Sidi Bouzid et Kasserine. Est-ce à cause de cette expérience gênante pour une bling-bling qu'elle a proposé l'expertise en répression de son gouvernement au clan Ben Ali ?
Ajout du 30.11.2013
Hamzaoui Med Amine & KAFON - "Houmeni"
Ce vidéo-clip de la chanson de rap
Houmeni montre le quotidien des habitants de la banlieue nord de
Tunis. La vie n'y est toujours pas aisée presque trois ans après la chute de Ben Ali.