mardi 12 mars 2024

Hajo Meyer ou la conscience éveillée contre toutes les horreurs suprémacistes

Hajo Meyer (12.08.1924-23.08.2014) était un physicien néerlandais, né à Bielefeld (Allemagne). Mais il était aussi un Juif rescapé d'Auschwitz. Je me rappelle qu'il avait dit : « Si nous devons véritablement demeurer des êtres humains, nous devons nous lever et qualifier les Sionistes pour ce qu’ils sont : des criminels Nazis ». Où l'on voit la lucidité se joindre à l'honnêteté.
Parmi mes papiers, je vois qu'à la réunion au Grosvenor Hall, à Belfast, le vendredi 29 janvier 2010, il avait tenu un discours où il avait condamné l'utilisation abusive de l'holocauste à des fins politiques et comparé le traitement réservé par Israël aux Palestiniens au traitement réservé aux Juifs par les Nazis, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Juste deux mois plus tard, le 29 mars 2010, sur un blog déjà fermé pour collaborateurs du HuffPost, il publia un bref billet éloquent à ce sujet, An Ethical Tradition Betrayed, qu'il faut lire dans son intégralité. Ses deux derniers paragraphes disaient :
I am pained by the parallels I observe between my experiences in Germany prior to 1939 and those suffered by Palestinians today. I cannot help but hear echoes of the Nazi mythos of "blood and soil" in the rhetoric of settler fundamentalism which claims a sacred right to all the lands of biblical Judea and Samaria. The various forms of collective punishment visited upon the Palestinian people -- coerced ghettoization behind a "security wall"; the bulldozing of homes and destruction of fields; the bombing of schools, mosques, and government buildings; an economic blockade that deprives people of the water, food, medicine, education and the basic necessities for dignified survival -- force me to recall the deprivations and humiliations that I experienced in my youth. This century-long process of oppression means unimaginable suffering for Palestinians.
It is not too late to learn a different lesson from Auschwitz. For example, in the last year, the International Jewish Anti-Zionist Network has become a means for many -- including young Jews in the United States -- to challenge the precepts of Zionism and support the Palestinian call for boycott, divestment and sanctions against Israel. Their goal, and mine, is to challenge the dispossession and exclusivity of a Jewish state, in their names and in mine. They understand the urgency of the classical Jewish concept of teshuvah, return from the wrong road. Further, they understand that the pursuit of justice and making ethically positive sense out of senseless suffering is not only part of an ancient Jewish interpretation and shaping of history, but is crucial for all of us in creating the world we want to live in, and to our moral survival. 
En français :
Je suis peiné par les parallèles que j’observe entre mes expériences en Allemagne avant 1939 et celles vécues par les Palestiniens aujourd’hui. Je ne peux m'empêcher d'entendre des échos du mythe nazi du « sang et de la terre » dans la rhétorique du fondamentalisme des colons qui revendique un droit sacré sur toutes les terres de la Judée et de la Samarie biblique. Les diverses formes de punition collective infligées au peuple palestinien : ghettoïsation forcée derrière un « mur de sécurité » ; le rasage des maisons et la destruction des champs ; le bombardement d'écoles, de mosquées et de bâtiments gouvernementaux ; un blocus économique qui prive les gens d'eau, de nourriture, de médicaments, d'éducation et des produits de première nécessité pour une survie digne - me force à rappeler les privations et les humiliations que j'ai vécues dans ma jeunesse. Ce processus d’oppression qui dure depuis un siècle entraîne des souffrances inimaginables pour les Palestiniens.
Il n’est pas trop tard pour tirer une autre leçon d’Auschwitz. Par exemple, l’année dernière, le Réseau Juif Antisioniste International est devenu un moyen pour beaucoup – y compris les jeunes Juifs aux États-Unis – de remettre en question les préceptes du Sionisme et de soutenir l’appel palestinien au boycott, au désinvestissement et aux sanctions contre Israël. Leur objectif, et le mien, est de contester la dépossession et l’exclusivité d’un État juif, en leur nom et en mon nom. Ils comprennent l’urgence du concept juif classique de techouva, le retour du mauvais chemin. En outre, ils comprennent que la poursuite de la justice et la détermination à donner un sens éthiquement positif à des souffrances insensées ne font pas seulement partie d’une ancienne interprétation et façonnement juifs de l’histoire, mais sont cruciales pour nous tous dans la création du monde dans lequel nous voulons vivre, et à notre survie morale.
Meyer raisonne dans cette vidéo la similitude entre Nazis et Sionistes


Hajo Meyer était, donc, l'exact contraire d'un Theodor Herzl qui avait proféré cette abjection dans la conclusion (Schlusswort) de Der Judenstaat, son ouvrage fondateur du Sionisme :
„Die allgemeine Verbrüderung ist nicht einmal ein schöner Traum. Der Feind ist nötig für die höchsten Anstrengungen der Persönlichkeit.“ [« La Fraternité universelle n’est même pas un beau rêve. L’ennemi est nécessaire pour que surgissent les efforts les plus élevés de la personnalité. » (Éd. La Découverte, édition et traduction de Claude Klein)]
Six jours avant son décès, Hajo Meyer avait eu le temps d'être le premier signataire d'un texte collectif de condamnation du massacre de Gaza de 2014, l'opération criminelle dite Protective Edge. C'étaient 250 Juifs survivants ou descendants de survivants de l'Holocauste dont Suzanne Weiss, qui argumentait fort bien leur position humaine et politique : 'Hitler's holocaust must mean never again for anyone -especially the Palestinians.’ Never again for anyone : plus jamais pour personne !