La voilà, la solution : avec un choc de confiance, fini les idées suicidaires
(Samuel Gontier, 9/02/2021).
Il faut voir comme on nous parle. Comme on nous parle.
(Alain Souchon, Foule sentimentale, 1993).
Lo importante no es la gestión, sino la sugestión.
(El Roto, El País, 22/04/2021)
Ceci est un cours de novlangue générale
(pour apprendre le panache et sa syntaxe)
Panache : « Brio et bravoure spectaculaires » (selon Le Robert)
Le journaliste HEC Hugo Travers dispose d’un moyen d’information et d’analyse à gros succès, dépassant largement le million d'abonnés, qui s’appelle Hugo Décrypte. L’actualité expliquée. Ce média est hébergé par la plateforme YouTube, mais Travers se produit également sur Instagram (chaque jour, du contenu exclusif et un résumé clair et rapide de l’actu en moins d’1 minute ! Instantané comme un cliché ?), Facebook et Twitter.
Son cœur de cible, ce sont les 15-25 ans. Grâce à son audience, il a été choisi verbi gratia par Léa Salamé pour interpeller Marine Le Pen, le 14 mars 2019 en direct, sur France 2, puis par Emmanuel Macron en mai 2019 pour une opération de com, vu que le youtubeur était facile à gérer, selon l'agence de son choix, Blog Press Agency, qui avait recruté Travers en 2016. La vidéo concoctée par le jeune décrypteur prescripteur sur la liste européenne de LREM proférait des énormités propres à un naïf ou un collabo : on y apprenait que la Macronie défend "un certain nombre de mesures censées lutter contre le réchauffement climatique", que sa "préoccupation principale" en matière d'économie est de "taxer les géants du numérique" ou encore, qu'elle veut "davantage protéger les travailleurs". Mais, y'a des fois, quand même, que trop, c'est trop...
Voyons, il y a deux mois, Travers a très bien réalisé (très pro) et diffusé sur sa chaîne L’appel à l’aide de notre génération, une compilation vidéo de témoignages de maints étudiants français exprimant une détresse à vraiment faire frémir. Un cri collectif de douleurs individuelles : 30% avouent avoir déjà eu des idées suicidaires ou songé à se mutiler. Très nombreux sont les jeunes qui pensent qu'il ne leur reste que les réseaux sociaux dans cette société libre, plurielle et impitoyable...
C'était le dimanche 31 janvier 2021. Le 2 février, on a montré cette vidéo à Sarah El Haïry, la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et de l’Engagement (sic), et puis, le Live Toussaint, une émission de BFMTV, a proposé un échange en direct entre Hugo Travers et Sarah El Haïry, présenté et modéré par Bruce Toussaint. J’en ai eu vent à travers Clément Viktorovitch.
La prestation verbale de Sarah El Haïry m’a semblé une telle illustration et défense de l’arnaque linguistique libérale que je me suis administré la punition scientifique de l’écouter plusieurs fois afin d’en faire la transcription 99% littérale, tâche éprouvante et probante, dont je vous fais cadeau un peu plus bas comme aide à la compréhension, si j’ose dire, et à l’analyse d’une logorrhée caractérisée. Tous les liens et les remarques entre crochets sont de mon cru.
Je vous signale tout de suite, mesdames et messieurs, qu’elle va parler pour ne rien dire, car elle n’est pas ennemie du colloque ; qu’elle va parler de la situation, tenez ! qu'elle va parler de la situation, sans préciser laquelle ! Ou plutôt du constat, qu'elle va faire à n’en pas finir l’historique du constat, quel qu’il soit ! Il y a quelques mois, souvenez-vous, la situation, ou plutôt le constat, déjà, nous le partagions, et dans cette situation de constat partagé, nous allions vers la catastrophe et nous le savions, nous en étions conscients, le gouvernement et vous, si vous voyez ce que je veux dire, car il ne faudrait pas croire que les responsables d’hier, de juillet, par exemple, étaient plus ignorants de la situation, ou plutôt du constat, que ne le sont ceux d’aujourd’hui ! D’ailleurs, ce sont les mêmes...
Après une telle Devos pédagogique, la ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, ne tarderait pas à se pointer chez Travers, mais ça, c'est une autre histoire, car ici, il est question d'un cours de novlangue bien précis, même s'il peut y en avoir d'autres.
Visionnez-écoutez, donc, ici ce laïus péremptoire de Madame El Haïry...
Vous pouvez suivre sa transcription ci-dessous —battez bien les concepts opérationnels avant de débiter votre sermon, à votre tour, si l'idée vous prend de saboter votre cerveau et de vous foutre du monde. Puis vous trouverez une glose faite à la va-vite de trois dizaines de commentaires de téléspectateurs, plus excédés les uns que les autres, que j’ai lus sur le compte Twitter d’Hugo Travers.
— ... Bien sûr que j’ai regardé cette vidéo, et ce que j’ai envie de dire [c’est le cas de le dire !], c’est que le constat, on le partage et depuis le 26 juillet, où j’ai rejoint le gouvernement, en fait, on est dans cette situation de... de constat partagé, on a conscience absolument de la situation des étudiants, mais aujourd'hui, ma responsabilité, elle, est d’être dans l'action, elle est comment on apporte des réponses à ces jeunes, et ces réponses, euh, ils [sic] sont multiples, puisqu’il y a des situations et, donc, des étudiants. D’abord, évidemment, des réponses économiques et ça, c’est... ça, c’est notre job, c’est, être ce moteur ; ensuite, des réponses sociales, avec... très concrètement, parce que les jeunes, des étudiants... j’en ai vu à Aurillac, à Reims, à Bordeaux... ils disent la même chose que les mots utilisés dans la vidéo d’Hugo [Depuis quand vous le tutoyez, madame ?]. Et aujourd’hui notre challenge [Madame adore le lexique du GOPAC, Newt Gingrich's political action committee], notre enjeu, c'est de se mobiliser plus fortement, parce que la réponse à leur moral, la réponse à leur énergie, la réponse à leur élan, c’est une réponse sociétale, et moi, je dis, euh, beh, bravo, Hugo, tu as concentré dans cette vidéo des mots qu’on entend, qui sont partagés. Maintenant [, puisque vous, Hugo Travers, lancez l'alerte], passons à l'action et passons à l'action ensemble, puisque tu as utilisé ta force de frappe... pour consolider, eh bien, partageons encore plus fortement les solutions. Les solutions, elles sont multiples. Moi, je pense qu’il faut continuer à accompagner les associations qui se mobilisent. Nightline, par exemple, que je connais, qui est un réseau d’écoute entre étudiants et qui crée la solidarité. Mais aussi, parler encore plus fortement du « chèque psy » [annoncé plus tôt que littéralement la veille] qui permet de créer de la solidarité et une réponse plus... médicale, plus forte à ces jeunes-là. Mais avant tout, notre responsabilité, c’est évidemment de créer l’élan, de garder ce choc de confiance, et donc, c’est une responsabilité partagée entre les familles, les enseignants, les entreprises... c’est tout un pays qui se mobilise pour le moral de sa jeunesse. Et pour ça, moi, c’est un appel, un appel à la mobilisation collective. Parce que, oui, nos étudiants, c’est notre priorité. Et pour ça, on peut tous apporter quelque chose et c’est... et c’est... typiquement des réponses et des solutions que j’ai vues, je pense, à Aurillac ou à Reims, en particulier, où ce sont les associations qui se mobilisent avec les étudiants. » [Là, après deux timides tentatives, l’interrompt Bruce Toussaint, abasourdi, j'imagine, histoire, je me figure, de respirer un peu : « Hugo vous répond ».]
— Moi, je me retrouve face à vous aujourd’hui, mais surtout avec des centaines, encore une fois, des milliers de témoignages [, réplique avec fermeté et humanité Hugo Travers,] qu’on a reçus ces derniers jours, qu’on a essayé de compiler dans le cadre de cette vidéo. Si je devais..., et c'est un peu le travail qu'on a fait ces derniers jours, avec mon équipe de journalistes aussi, de comprendre les problèmes, comprendre aussi le... la vision de ce que ressentent les jeunes, et au-delà de cette détresse, c'est aussi un sentiment de ne pas être écoutés et de ne pas être suffisamment entendus par le gouvernement, c’est quelque chose qui est partagé par beaucoup de jeunes. Y'a eu des annonces qui ont été faites, qu’on a eu l’occasion d’évoquer, nous, sur la chaîne, les questions des repas à 1 euro pour tous les étudiants, le retour en présentiel un jour par semaine, le chèque psy aussi qui a été détaillé notamment hier, d’ailleurs ces mesures ont été... ont été plutôt bien reçues, mais y’a qu’un écho qui est encore très important et qu’on voit d’ailleurs dans cette série de témoignages qu’on a eu l’occasion de publier ces derniers jours, c’est que ces mesures-là sont très loin d’être suffisantes pour la détresse actuelle et on voit les chiffres actuellement encore à l’écran, 40% des jeunes font état d’un trouble anxieux généralisé, une part très importante des jeunes qui pensent à mettre fin à leurs jours et qui sont dans cette situation très très difficile et...
— Hugo, je suis d’accord avec toi [, interrompt la secrétaire d’État]. Il faut se mobiliser, il faut passer à l’action.
— La question, c’est sur... la question... la question, moi, que je vois, à partir des retours que j’ai sur... des jeunes aujourd’hui : est-ce que les mesures aujourd’hui, qui sont mises en place par le gouvernement, sont suffisantes ? Et un certain nombre de jeunes, c’est ce que je vois à travers les messages que je vois tous les jours, ont le sentiment que ce n’est pas suffisant et que même, celles avancées par le gouvernement (...).
— Y’se trouve... y’s trouve que... hier, on discutait avec Hugo sur : qu’est-ce qu’on peut faire ? Parce que la solution, c’est, OK : le constat, il est partagé. Maintenant, on passe... on continue à passer à l’action [continue-t-on...?]. Quand on parle d’isolement, quand on parle, de fait, de se sentir seul et pas trouver sa place, c’est comment on accompagne chaque étudiant pour qu’il puisse se mobiliser ? La semaine dernière, à peine, on a changé les règles du service civique, pour permettre à chaque étudiant de s’engager, de trouver sa place, de rompre son isolement en se sentant utile. Parce que ces étudiants, ils disent aussi : “Eh bien, je me sens seul, je me sens seul après une journée entière de cours à distance.” Eh bien, engagez-vous ! Et nous on est là pour accompagner ces engagements. Et c’est pour ça que je dis à Hugo, c’était... c’était notre discussion d’hier, c’est... il y a des réponses. Économiques, bien sûr, parce que... il faut soutenir l’emploi, mais il y a aussi des réponses sociales, avec les repas, avec les chèques psy... tu l’as dit, tu l’as rappelé... il y a des réponses pour les jeunes diplômés, mais... l’énergie, le moral, l’élan, c’est notre responsabilité collective. Et c’est pour ça que moi, j’apporte une des solutions : le fait de rendre le service civique accessible à tous. Parce que c’est moteur [Hugo Travers rit jaune, alors que la torsion de la lèvre supérieure, côté gauche, de la secrétaire d’État fait mal à voir]. Maintenant, il faut une mobilisation des assos également [autrement dit : aux gens de se bouger le cul, nous ne sommes que le gouvernement].
— Mais ce moral, justement, et encore une fois, c’est ce que... moi, chuis pas... chuis pas militant, quoi, [précise Hugo Travers, « ça se décrète pas », se superpose, épanouie, Sarah El Haïry], je suis juste... j’ai un média en ligne et j’ai relayé, via cette vidéo, les témoignages, donc, je me permets de faire aussi à... face à vous aujourd’hui... les témoignages qu’on a là, ils montrent justement que le moral, il est pas présent et donc..., malheureusement, il suffit pas de dire : “Eh ben, les jeunes, mobilisez-vous, engagez-vous ! il va falloir changer les choses !” La réalité, elle est plus complexe que ça et y'a une détresse sociale qui est immense, une détresse économique, une détresse psychologique, y’a des jeunes qui vont devant les... faire les collectes alimentaires tous les jours pour aller à s’y alimenter, y'a des jeunes qui mettent fin à leurs jours, qui tentent de mettre fin à leurs jours dans des résidences étudiantes…
— Mais tu as raison, chuis... chuis d’accord avec toi, Hugo, mais tu vois, sur la détresse alimentaire, y'a des réponses, moi, ma mission, elle est dans, elles est dans... elle était dans l’action [temps verbal, s.v.p. ?]. Quand tu as une détresse alimentaire... c’est pour ça que le Président... le Président de la République a décrété deux repas par jour à un euro, dans tous les CROUS, parce que ça répond à une... à un... un problème, à une réalité dans notre pays. De l’autre côté, la question aujourd’hui des petits jobs et des petits boulots, c’est aussi une réalité ; c’est pour ça qu’on crée 20 000 jobs dans les campus. Mais moi, ce que je dis, c’est au-delà de ça. Moi, je crois que la réponse, elle vient pas exclusivement de l’État, et encore plus quand ça touche les... le moment [« Mais l’État peut faire davantage, l’interrompt Hugo Travers, c’est ce qui est relayé par plusieurs... plusieurs étudiants qui disent... »], le moral, les aspects psychologiques, l’isolement… [visiblement, notamment dans ce contexte, l'envie de se suicider ne découle de nulle part, il n'y a jamais de cause efficiente, juste des mous et des molles.]
— Mais l’État peut faire davantage..., c’est ce qui est relayé par plusieurs... plusieurs étudiants qui disent... Et voilà, on a... et d’ailleurs... voilà, on a des organisations plus politisées d’étudiants qui..., syndicats étudiants, qui vont parler d’un RSA pour les jeunes, qui vont parler de davantage de moyens qui doivent êt(re) mis. Mais, ne serait-ce que même d’un point de vue de l’université qu'ils vont dire: il faut que l’on puisse revenir davantage qu'un jour par semaine à l’université, puisque c’est une question de lien social, c’est une question de limiter le décrochage scolaire et universitaire, c’est des questions qui sont très présentes et, encore une fois, là, je me fais simplement le... le porte-parole des milliers de messages qu’on a reçus ces derniers jours sur les réseaux sociaux et de cette vidéo qui a été beaucoup partagée : pourquoi est-ce qu’elle a fait plus de cinq millions de vues ? Pourquoi elle a été autant partagée ? C'est parce que c’est autant de personnes qui... [« Mais parce qu’elle est juste, Hugo, parce qu’elle est juste, oui », se superpose empressée Madame El Haïry.] ... partagent ce sentiment de ne pas être suffisamment écoutées, qu’il n’y a pas suffisamment de mesures qui sont mises en place par le gouvernement aujourd’hui.
— Hugo, moi, tu sais ce que je réponds ? C’est... il y a des mesures, et tu le sais puisqu’on en a parlé. Un jeune sur deux ne connaît pas toutes les solutions qu’il peut... qu'il peut utiliser, qu’il peut saisir. Et aujourd’hui, notre responsabilité, c’est évidemment d’améliorer des propositions et des solutions quand il y a des manques. Ça pour le coup, il faut être extrêmement à l’aise avec ça. C’est pour ça que, juste, cette semaine, il y a l’accompagnement par Pôle Emploi pour les jeunes diplômés qui étaient boursiers et qui ne trouvent pas leur premier job, parce que c’est aussi ça la réalité [surtout quand on supprime délibérément la politique]. Et les solutions, elles, continueront à évoluer autant que nécessaire. Parce que la jeunesse, parce que les étudiants, aujourd’hui, c’est notre responsabilité collective. Mais, moi, ce que je dis, c’est sur la question du moral, sur la question de la mobilisation… Il faut qu’on fasse bloc ; plus de cours, bien sûr, et différenciés. Plus de, plus de... moins d’isolement, plus de solidarité, oui, c’est possible [le slogan comme syntaxe]. Et c[e n’]est possible que si on apporte tous des solutions. C’est pour ça que, moi, je dis : moi, je compte sur toi, tu as fait le..., tu as partagé ce constat, je te dis : oui, il est juste, ton constat, puisque c’est la parole des étudiants en tant que telle, mais partageons tous les solutions, parce que plus les étudiants auront et sauront tous à quoi ils peuvent avoir accès aussi, plus on se mobilisera et plus on pourra améliorer ce qui manque certainement là.
— [Hugo Travers essaie de déclouer le bec, mais il n’y parvient pas devant un tel écoulement...]
— Moi, je suis hyper à l’aise [Blaise] avec ça. Moi, ce que je veux, c’est surtout que nos étudiants, eh bien, ils trouvent l’énergie et le moyen, eh bien, de continuer à persévérer et à trouver le panache nécessaire, parce que c’est notre priorité [sic !!!!]
— Là-dessus, je maintiens qu’il y a deux choses. Il y a des aides existantes qui méritent d’être connues et nous, on en travaille en tant que ... même en tant que média, nous, sur la chaîne, avec mon équipe de journalistes, de faire connaître ces choses-là. Quand Emmanuel Macron a annoncé des repas à un euro, quand Emmanuel Macron a annoncé le retour en présentiel un jour par semaine, on l’a relayé, on en a parlé, et c’est la même chose pour toutes les initiatives qui ont pu être faites et qui peuvent permettre de... d’aider ces jeunes, on est, encore une fois, suivis par essentiellement... individus de vingt-quatre ans ; on est là pour relayer aussi ces éléments qui peuvent les aider. Maintenant, les... les..., la réalité, c’est que ces éléments-là, aux yeux des témoignages qu’on a aujourd’hui, qui remontent au sein de notre média sur les (...) décrites, ne sont pas suffisants pour répondre à ce problème très important de la détresse des jeunes. Et donc, c’est un peu le, le... ce que j’essaie de montrer ici, c’est que... et il y a des jeunes qui peuvent se mobiliser, s’il le faut, mais les jeunes, ils sont aussi... ils sont dans un état aujourd’hui qui est unique, qui est très grave et très très inquiétant, et y’a surement des mesures, en tout cas, c'est ce qu'un certain nombre de jeunes conçoit, qui je... faut aller plus loin.
— Ce que je voulais surtout, s’immisce Bruce Toussaint, c’était vous entendre discuter tous les deux. Mais, en tant que jeune également, poursuit le présentateur, même si je vois beaucoup de gens rire sur le plateau, non, non, plus sérieusement, j’ai le sentiment…
— C’est un état d’esprit…, souffle rigolote Sarah El Haïry.
— ..., bien sûr, je vous remercie, haha, je vous remercie. Je vais vous dire mon sentiment, reprend Bruce Toussaint, c'est que..., oui, je crois qu’il y a une prise de conscience de... de cette détresse et... et qu’effectivement, peut-être que pour la première fois, depuis le début de cette crise, grâce à la mobilisation de gens comme... comme Hugo, y'a une mobilisation, une... une prise de conscience au sommet de l’État [sans rire !]. Mais permettez-moi de vous dire, malgré tout, Sarah El Haïry, que ça ne suit pas, et que cette prise de conscience est déjà pas mal ! mais ça ne suit pas derrière, et j’entends votre discours et je suis certain qu’il est très sincère, mais malheureusement, derrière... je crois que ça ne... ça ne suit pas, si vous... v'voyez ce que je veux dire ?
— Mais... est-ce que vous me rejoignez quand je dis... est-ce que vous me rejoignez quand... quand je dis que le moral, ça ne se décrète pas ? Que l’État, la responsabilité, aujourd’hui, effectivement... ma responsabilité, c’est d’être dans l’action... [persiste et signe Sarah El Haïry]
— On parle pas de moral, Sarah El Haïry, excusez-moi,... [tente Toussaint de l'amadouer]
— Non, non... je veux juste, je veux juste... [persiste, juste, Sarah El Haïry]
— ... on parle pas de moral, on parle de gens qui ont envie de se suicider, qui ont envie de se suicider... [nuance Toussaint, au cas où elle voudrait écouter la prière] [Hugo Travers complète sur la même ligne : « ce sont des jeunes qui déclarent avoir déjà eu... pensé à mettre fin à leurs jours... »]
— Oui ! Et on parle, on parle, [Laverdure, Laverdure ! El Haïry] on parle d’urgence psychologique, et typiquement, typiquement, là, y'a deux choses, y'a Hugo qui parle de... de jeunes qui ne mangent pas. À cela, on apporte des réponses... sociales... so-sociales, économiques, pour aller se nourrir, euh, des aides financières, mais ça, c’est un sujet, mais il n'y a pas que ça. Quand vous parlez de jeunes qui sont dans une détresse psychologique, qui sont prêts effectivement à se suicider, tellement c’est lourd, ça fait onze mois qu’on a une situation sanitaire grave dans notre pays et, eux, ils l’ont vécue de plein fouet, ah, ah... vraiment, pour eux, moi, je dis, oui, la réponse, soit on fait le constat et on fait rien, soit on fait le constat et on apporte des réponses, les réponses que l’État peut apporter à l'heure, à l’instant T, oui, c’est un accès aux psys et aux médecins au plus vite et le plus rapidement possible. Mais c’est pas que ça. Je crois que notre mobilisation, elle doit aussi être au niveau des familles, au niveau des assos, au niveau des enseignants, je vais vous dire pourquoi. Parce que le choc de confiance, la nécessité de croire en demain, l’énergie, tu la trouves pas tout seul. Et c’est là où... effectivement, on peut continuer à se dire qu’on partage le constat, mais vous ne faites pas assez. Moi, je vous dis : Chiche ! Allez, challengez-nous ! [toujours les ravages du GOPAC] Allons ensemble, faisons plus encore ! [Déchaînée] C’est la priorité... et c’est là où il y a… où il y a le constat et il y a l’action, et moi je vous propose de passer à l’action [En dépit de l'horripilation de l'animateur, elle est parvenue à le redire].
— Et je vous propose aussi de saisir une chose [passablement agacé, Hugo Travers se fait pédagogue]. Beaucoup de jeunes proposent aussi de passer à l’action, sauf que, encore une fois, j’ai un média... j'ai un média qui est suivi en ligne, j’ai simplement des jeunes qui ont des témoignages, vous remontez ces témoignages parce que ces jeunes demandent au gouvernement d’agir et la question, c’est « est-ce que le gouvernement répond suffisamment à cette détresse (...) des jeunes ? »
[11h33 du 2 février 2021]
Bref, « La Parole s'est faite bruit... et nous matraque », les panoplies veulent manger le peuple. Voilà, les nullités surévaluées qui nous gouvernent tiennent à nous épater, pour mieux nous obnubiler et nous avoir, mais ne sauraient pleinement y réussir : les commentaires du compte Twitter d’Hugo Travers reflètent le déclenchement d'un véritable tollé, sont l'expression d'un sentiment général accablant de sidération face au spectacle servi par Sarah El Haïry en quête d'incantation, et soulignent les mêmes motifs d’exaspération, à savoir, son tutoiement condescendant (« le tutoiement est complètement déplacé, dévalorise presque ton discours et te décrédibilise. », raisonne l’un des commentaires), comme si Hugo Travers était devenu son pote, et son échappée moche du vif du sujet à travers un usage immodéré de la langue de bois, débitée, qui plus est, en boucle itérative : on n’en revient pas devant sa manière de ressasser les mêmes éléments de langage, repris souvent à l'aide d'anaphores, pour brasser du vent et ne pas dire directement que c’est aux jeunes et à la société de se bouger (même sous confinement ou avec des restrictions sévères) et que l’État n’en a rien à faire. Du libéralisme pure verve.
Clément commente là-dessus : « Elle était à deux doigts de dire que c’était la faute des étudiants ».
Suffrence écrit : « J’ai l’impression qu’on s’attaque aux conséquences du problème plutôt qu’aux causes... aucune mesure sur le long terme... dommage. ».
Clt résume : « Tutoiement tout le long de l’intervention, réponses à côté de la plaque, aucune solution proposée... le chèque psy, c’est bien beau, mais on demande une chose, c’est pouvoir retourner en cours [présentiel :] ça fait bientôt 1 an que ce n’est plus le cas. Y’a un moment où c’est plus possible. »
Cette idée de retourner en classe est une revendication étudiante largement répandue en France et prouve les ravages de la télétude, c’est-à-dire, d’un apprentissage basé sur les seules nouvelles technologies, en isolement, une horreur indésirable et un sujet capital dont on parle plutôt peu dans la moderne société libérale.