La matemática tiene padre: es Arquímedes, quien
en el siglo III a.C. intuye casi todo: el cálculo de
números como el omnipresente π, el cálculo
infinitesimal, el cálculo integral, la teoría de los grandes
números, la combinatoria, la geometría de las cónicas,
la geometría de los poliedros, los volúmenes y
superficies de revolución, las sucesiones y series de
números, la reducción al absurdo en lógica...
Jorge Wagensberg, Sólo se puede tener fe en la duda.
Pensamiento concentrado para una realidad dispersa,
Tusquets Ed., Barcelona, février 2018, [37]
(Citation ajoutée en juillet 2018)
Le risque économique était traditionnellement l'atout de celui qui avait quelque chose à risquer ; la majorité de la population s'en passait car elle n'avait que le travail (le salariat, la petite initiative entrepreneuriale ou la coopérative) pour accéder à des revenus autorisant la survie, d'abord, et puis, éventuellement, quelques joies.
Les aventuriers du Grand Capital d'aujourd'hui sont des profiteurs qui ont supprimé le risque de leurs "investissements" : si ces spéculations vont bien, ils empochent l'argent ; si elles s'avèrent un pur délire, ils empochent tout de même le pognon et nous transfèrent les retombées ruineuses de leurs
innovations. Pourquoi ? Parce que c'est le Grand Capital qui contrôle les pouvoirs publics —y compris le trésor public— et la propagande (par le truchement de dealers politiques, experts et journalistes de garde), et il s'en sert à loisir.
Benoît Mandelbrot, l'inventeur de la théorie mathématique des fractales, déclarait en 2009 au quotidien
Le Monde :
Les gens ont pris une théorie inapplicable - celle de Merton, Black et Scholes, issue des travaux de Bachelier qui datent de 1900 -, et qui n'avait aucun sens. Je l'ai proclamé depuis 1960. Cette théorie ne prend pas en compte les changements de prix instantanés qui sont pourtant la règle en économie. Elle met des informations essentielles sous le tapis. Ce qui fausse gravement les moyennes. Cette théorie affirme donc qu'elle ne fait prendre que des risques infimes, ce qui est faux. Il était inévitable que des choses très graves se produisent. Les catastrophes financières sont souvent dues à des phénomènes très visibles, mais que les experts n'ont pas voulu voir. Sous le tapis, on met l'explosif !
En effet,
les catastrophes financières sont souvent dues à des phénomènes très visibles que les experts et les grands journalistes s'évertuent à escamoter. D'ailleurs, ces marchands de
statu quo sont payés pour ça, et grassement. Car ils savent que la Banque ne perd jamais dans ce casino et que les catastrophes ne concernent que les petits porteurs et les non porteurs, c'est-à-dire, les simples mortels.
Traditionnellement le trésor public servait à couvrir les frais des services publics et, mis à part les taxes et les impôts indirects, il existait un système de prélèvements directs et progressifs fournissant des sommes conséquentes à la caisse commune. Cette progressivité fut constitutionnalisée dans certains États, comme l'Espagne (cf. Constitution espagnole, article 31.1).
Comme la contre-réforme fiscale libérale a réduit, voire supprimé les impôts des très riches (le génie fiscal, la fraude, l'évasion et les paradis complétant les bonnes œuvres de la contre-réforme) et que le Trésor public se destine de plus en plus à transférer —de mille manières— des quantités énormes et croissantes au grand Capital, les grands vautours de la Finance se sentent parfaitement en sécurité, parce qu'ils le valent, et se foutent pas mal des actifs toxiques et des
margin calls ; du coup, contrepartie sociale, nous voilà soudain tous (les simples mortels) condamnés à l'insécurité sociale.
Ajoutons, pour parachever le tableau, que l'avidité actionnariale a condamné le salariat traditionnel, qui est remplacé aujourd'hui à toute plombe par un état de choc mélangeant
précariat (
1) et chômage hypertrophié.
Pourtant, une lecture régulière des moyens de communications de masse risquerait de faire croire que la "crise" atteint à peu près tout le monde, qu'il s'agit d'un problème qui nous concerne tous, un peu comme la grêle soudaine, alors que, bien évidemment, ce n'est pas ça exactement, comme on a tout loisir d'imaginer au moins depuis la formulation du
principe d'Archimède, déjà évoqué ici.
En effet, la théorie nous explique que la poussée d'Archimède est la force particulière que subit un corps plongé en tout ou en partie dans un fluide (liquide ou gaz) soumis à un champ de gravité. Ce principe se formule habituellement ainsi : « Tout corps plongé dans un fluide au repos, entièrement mouillé par celui-ci ou traversant sa surface libre, subit une force verticale, dirigée de bas en haut et opposée au poids du volume de fluide déplacé ; cette force est appelée “poussée d'Archimède”. »
Analysons la force de cette poussée de manière pratique, à la lumière
verbi gratia de la liste Forbes des "milliardaires" paraissant depuis 27 ans ; je vous rappelle que pour y figurer, il faut disposer d'une "
Ten-figure fortune", c'est-à-dire, d'une fortune à dix chiffres mesurée en dollars.
Eh bien, il y a 27 ans, en 1986, on recensait 140 milliardaires sur la planète.
En 2007, on en dénombrait 946 (cumulant 3.500 milliards de dollars).
En 2008, 1.125 (concentrant 4.400 milliards de dollars).
En 2009, juste 793 (réunissant
seulement 2.400 milliards de dollars) : une baisse de 373
Übermenschen (dont seulement 18 morts). Année d'étourdissement vite rattrapée car...
En 2010, retour à la normale, le
crescendo (et des montants détenus par les richissimes et de leur nombre) ; les grands nantis étaient 1.011 sur la liste Forbes et totalisaient 3.600 milliards de dollars.
L'article du magazine précisait :
(...) In his annual shareholder letter Buffett wrote, "We've put a lot of money to work during the chaos of the last two years. When it's raining gold, reach for a bucket, not a thimble."
Many plutocrats did just that. Indeed, last year's wealth wasteland has become a billionaire bonanza.
La
terre gaste où nous crevons est devenue une aubaine milliardaire.
Reach for a bucket...
Quand il pleut de l'or, sortez un seau, pas un dé à coudre... Et ce n'est pas moi qui le dis.
À propos d'aubaines, soit dit en passant, un journal gratuit espagnol publiait il y a quelques jours que les capitaux étrangers "optaient pour l'Espagne" (
2) et "étaient en train de sauver les ventes immobilières dans quelques régions espagnoles" :
Los extranjeros apuestan por España: un 30% más de compras en 2012.
Los rusos ya son segundos, tras los británicos. Los extranjeros están salvando la venta de viviendas en algunas zonas de España, básicamente las de carácter turístico. Si ya en 2012, frente a la caída de las compraventas, crecieron las adquisiciones por parte de ciudadanos extranjeros, este 2013 se mantiene la tónica.
Según el Consejo General del Notariado, 38.312 ciudadanos extranjeros compraron una vivienda en España en 2012. Los datos indican que crece el número de extranjeros no residentes que compra casa en nuestro país, respecto al 2011, un 28,4% más. En el inicio de la crisis, en 2007, fueron 41.787 los extranjeros que optaron por adquirir una propiedad en España. (…)
Transsubstantiation du lexique, "rafler" devient "
miser sur", "s'arracher les dépouilles d'un mourant", "
sauver les ventes immobilières" et "profiter de la ruine d'autrui", "
opter pour acquérir"
*.
Continuons.
En 2012, on comptait 1.226 nababs qui disposaient en moyenne de 3,7 milliards de dollars. Une croissance de 16
titans par rapport à
2011, qui avait déjà été "
A Record Year In Numbers, Money And Impact - This 25th year of tracking global wealth was one to remember. The 2011 Billionaires List breaks two records: total number of listees (1,210) and combined wealth ($4.5 trillion)". Dit en français, en 2011, 1.210
moghols se partageaient environ 4.500 milliards de dollars.
Cette année 2013, la liste Forbes de ces ploutocrates qui
façonnent (shape) le monde a atteint le chiffre de 1.426 noms, soit 200 de plus que l'an dernier. L'addition de leurs fortunes égalerait 5.431.810.000.000 dollars (somme qui multiplie par six celle de l'année 2000, il y a à peine 13 ans...). Joli montant : s'ils composaient un pays, ils seraient le quatrième le plus riche du monde tout près du troisième, le Japon.
Donc, on voit bien que le volume des liquidités déplacées vers le haut par les contre-réformes et par l'assistanat aux grands égale l'addition des soustractions (coupes budgétaires dans les services publics, réductions et non indexations salariales, suppression ou diminution des prestations, etc.) opérées en bas, autrement dit, que la force verticale dirigée de bas en haut n'est que le transfert de richesse du monde du travail (
qui chôme en partie non négligeable ou se précarise) vers le monde du grand Capital (
qui travaille, Buffet dixit) et des grands Loisirs.
Bref, on vérifie que la
gravité n'existe pas en Haute Finance, ce qui explique qu'au lieu de
trickle down effect ("effet de ruissellement"), on ait plutôt trait à un
trickle up effect : oui, il pleut à l'envers en Économie. Et
à seaux (buckets) par ces temps-ci, comme on vient de voir : ce ne sont pas les Atlas qui soutiennent les peuples, mais les peuples qui soutiennent, supportent et financent les Atlas.
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(
1) Néologisme que j'emprunte au sociologue
Robert Castel, décédé le 12 mars.
(
2) C'était l'idée sous-jacente bien que le quotidien en question employât une expression traduisible, en principe, par "misaient sur". L'ombre de "to bet" est allongée... et tout bête, bien entendu.
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* Mise à jour du 20/10/2013 :
El Mundo
El Economista
eldiario.es