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mardi 6 avril 2021

Michèle Audin et sa Commune de Paris - et celle de Guillemin et celle de Meyssan

(Billet en construction) 

La Commune de Paris a 150 ans.

La Commune de 1871

C'est le nom qu'on attribue généralement au gouvernement révolutionnaire français établi par le peuple de Paris à la fin de la guerre franco-prussienne (1870-1871). L'échec de la bataille de Sedan scelle la défaite française et le 1er septembre 1870, l'empereur Napoléon III se rend aux prussiens. Deux jours plus tard, les républicains de Paris se saisissent du pouvoir et proclament la 3ème République, reprenant la guerre contre la Prusse.
En janvier 1871, les français capitulent après un siège de Paris qui dure plus de 4 mois. Les termes de l'armistice signé en février prévoient la tenue d'un vote de l'Assemblée Nationale sur l'éventualité de conclure une paix avec les prussiens. La majorité des députés - des royalistes qui veulent restaurer la monarchie - sont partisans de l'approbation des conditions de paix imposées par le premier ministre de Prusse, Otto von Bismarck. Les républicains radicaux et les socialistes toutefois, refusant d'accepter les conditions d'une paix qu'ils ressentent comme une humiliation, sont en faveur de la poursuite du conflit.
Les 17 et 18 mars, la population parisienne se soulève contre le gouvernement national qui est contraint de fuir la capitale pour venir s'installer à Versailles. A Paris, les radicaux installent un gouvernement "prolétaire" qu'ils nomment Comité Central de la Garde Nationale et fixent la date du 26 mars pour la tenue d'élections au Conseil Municipal. C'est sous le nom de "Commune de 1871" que ce Conseil et ses membres, "les communards", jouiront de leur plus grande notoriété. Un grand nombre de ces "communards" sont des disciples de Louis Auguste Blanqui, révolutionnaire détenu à Versailles sur instruction du chef de l'Assemblée Nationale, Adolphe Thiers. D'autres se réclament de divers courants de l'école socialiste, notamment les disciples de Pierre Joseph Proudhon et les membres de l'Association Internationale des Travailleurs dont Karl Marx est à l'époque le secrétaire correspondant.
La Commune promulgue un grand nombre de mesures en faveur des ouvriers, mais ne vivra pas assez longtemps pour que celles-ci puissent entrer en vigueur. En effet, le gouvernement de Thiers est décidé à étouffer l'insurrection par la force. (...)

Extrait du site du Rebond pour la Commune.

Chronologie
de l’histoire de la Commune, par Michèle Audin.

 

Michèle Audin (Alger, 1954) est une mathématicienne française dont les recherches concernent la topologie algébrique et la géométrie symplectique. Audin, Alger... oui, en effet, elle est la fille du mathématicien Maurice Audin, un mort (sous la torture) par la France.

Elle est aussi écrivaine, et oulipienne, et une connaisseuse majeure de la Commune : une référence essentielle en la matière. Elle dispose d'un blog incomparable et incontournable —touffu et détaillé comme tout— à son égard : Ma Commune de Paris. N'hésitez pas à y accéder, il est passionnant.

Autrice de cinq ouvrages sur le sujet, parus de 2017 à 2021, Michèle Audin vient justement d'en publier le cinquième...


La Semaine sanglante 

Mai 1871, légendes et comptes.

« Il ne s’agit pas de se jeter des crimes et des cadavres à la tête, mais de considérer ces êtres humains avec respect, de ne pas les laisser disparaître encore une fois. »

La guerre menée par le gouvernement versaillais de Thiers contre la Commune de Paris s’est conclue par les massacres de la « Semaine sanglante », du 21 au 28 mai.
Cet événement a été peu étudié depuis les livres de Maxime Du Camp (1879) et Camille Pelletan (1880).
Des sources, largement inexploitées jusqu’ici, permettent de découvrir ou de préciser les faits.
Les archives des cimetières, que Du Camp a tronquées et que Pelletan n’a pas pu consulter, celles de l’armée, de la police, des pompes funèbres permettent de rectifier quelques décomptes : dans les cimetières parisiens et pour la seule Semaine sanglante, on a inhumé plus de 10 000 corps. Auxquels il faut ajouter ceux qui ont été inhumés dans les cimetières de banlieue, qui ont brûlé dans les casemates des fortifications, et dont le décompte ne sera jamais connu, et ceux qui sont restés sous les pavés parisiens, exhumés jusqu’en 1920…

Avec cette étude implacable, Michèle Audin, grande connaisseuse de la Commune de Paris, autrice de Josée Meunier 19, rue des Juifs (Gallimard) et Eugène Varlin, ouvrier-relieur (Libertalia), rouvre un dossier brûlant.

264 pages — 10 €
Parution : 4 mars 2021
ISBN physique : 9782377291762
ISBN numérique : 9782377291779

De la même autrice
aux éditions Libertalia

 

Le , sous le titre Lieux communs sur la Commune, Mathieu Dejean (site de Là-bas si j'y suis) nous propose un entretien de 44' avec elle. Dans sa présentation, il souligne justement que, dans ce bouquin, Michèle Audin met au jour les falsifications versaillaises pour masquer le massacre des insurgés [après avoir tout fait pour tuer le plus possible de communards], et dissipe des légendes abondamment relayées par l'Histoire officielle qui —soit dit en passant— a toujours préféré commémorer des personnages comme Napoléon, fabrique d'un imaginaire collectif oblige. Ce n'est pas par accident que la colonne Napoléon, place Vendôme, fut déboulonnée par les communards, avec la participation du peintre Gustave Courbet, le 16 mai 1871. Sa démolition s'imposait...

« La Commune de Paris, considérant que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l’un des trois grands principes de la République française, la fraternité, décrète : article unique - La colonne Vendôme sera démolie.
(Décret du 13 avril 1781).

Et ce n'est pas non plus par hasard que, l'ordre rétabli, concrètement quatre ans plus tard, la colonne serait reconstruite sur ordre du maréchal royaliste et président de la Troisième République Patrice de Mac Mahon, comte de Mac Mahon et 1er duc de Magenta. Monuments et piédestaux sont le marbre des mythes et des splendeurs imaginaires qui doivent glorifier les noms des assassins et peupler l'imaginaire du peuple. Mêmes buts que les noms des rues, les livres d'Histoire, les pages de la presse libre et plurielle, les JT et j'en passe.

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— D'autres billets Candide sur la Commune :

Rétrospective Peter Watkins à Paris (2.12.2010).
Ce billet contient le film La Commune, de Peter Atkins, en deux vidéos, et un entretien avec le réalisateur enregistré en 2001.

Charonne, le 8 février 1962... et la Commune de Pignon-Ernest (lundi 8 février 2021)


— Site des Ami.e.s de la Commune de Paris 1871. Bibliographie non exhaustive.

FranceArchives.

— Sur le site de la TSR ou sur le site des Mutins de Pangée... (je vous mélange leurs infos/contenus et mes remarques) :


La Commune, par Henri Guillemin

La Commune, par Henri Guillemin par lesmutins.org sur Vimeo.
Avec la précision d’un horloger helvète, Henri Guillemin décortique la trahison des élites, la bassesse des bien-pensants, la servilité des "honnêtes gens", la veulerie des dominants tout autant que les raisons qui entraînèrent le Peuple de Paris à la faillite.

Il faut rendre aussi hommage à Henri Guillemin (Mâcon, 1903-Neuchâtel, 1992), historien incisif, hétérodoxe, passionnel et pamphlétaire, spécialiste du XIXe siècle et critique littéraire. C'était un grand contempteur et démystificateur de « l’histoire bien-pensante », grand moteur de sa révision de l'Histoire, et il faut saluer concrètement son effort de précision et de divulgation à l'égard de la Commune, qu'il exposa talentueusement, à partir de son « Salut ! » de démarrage, dans la sobriété monacale d'un studio de la Télévision Suisse Romande, en 1971, centenaire de cette épouvantable tragédie. Il était banni des télévisions française et belge, mais il put heureusement s'épanouir sur la TSR, où il disposa, entre autres émissions, des Dossiers de l'Histoire, séries de conférences sur des sujets historiques ou littéraires.

Le 21 novembre 2018, Les Mutins de Pangée lancèrent un très soigné coffret réunissant en trois DVD les 13 leçons sur La Commune de ce superbe conteur-historien, et son bouquin Réflexions sur la Commune, publié pour la première fois par Gallimard, dans la collection La Suite des temps, en 1971. Une seconde édition à l'identique était parue aux Éd. d'Utovie en 2001, qui coéditent cette 3e édition (corrigée et enrichie) avec Les Mutins.
Ce livre de 240 pages inclut également des dessins de Jacques Tardi tirés des 4 volumes de sa saga Le Cri du peuple (Éd. Casterman, premières édition de 2001, 2002, 2003 et 2004 respectivement), adaptation du roman homonyme de Jean Vautrin (Grasset 1999), qui avait à son tour emprunté le titre au journal éponyme fondé par Jules Vallès, avec des collaborateurs comme Jean-Baptiste Clément ou le proudhonien Pierre Denis, et paru pour la première fois le 22 février 1871.


Le premier des trois DVD offre en prime deux compléments. D'abord, la vidéo Henri Guillemin, par Patrick Berthier (17' - Les Mutins, 2018) ; puis Si on avait su (13', ISKRA, 1973), court-métrage d'animation de Stanislas Choko.

Henri Guillemin déroula son plan de révision de l'histoire de la Commune en 13 volets, proposés à la télévision du 17 avril au 30 octobre 1971. Il expliqua qu'il convenait d'abord de remonter à la Révolution française pour comprendre cette histoire atroce. Ces 13 séquences étaient, donc, dans l'ordre : La Révolution française - Qui est Thiers ? - La Guerre de 1870 - Le siège de Paris - L’avant-Commune - À Versailles - Ambiance à Paris (capitale assiégée) - Des gens scrupuleux (Les gens de la Commune) - La vrai France en action - À l’attaque de Paris - Le moment de vérité (La victoire des "honnêtes gens") - Le fond des choses - Lendemains.

"Ce qui m’émeut, dans la Commune, ce qui m’attachera toujours à elle, c’est qu’on y a vu des gens, à la Delescluze, à la Rossel, à la Vallès, à la Varlin (celui-là surtout, quelle haute figure, bouleversante), des hommes qui ne "jouaient" pas, qui risquaient tout, et le sachant, des courageux, des immolés. Parce qu’ils avaient une certaine idée du Bien et qu’ils y vouaient leur existence même."
Henri Guillemin, Journal de Genève, 22 avril 1965

IMAGES À TÉLÉCHARGER



— Site d'ARTE : la chaîne franco-allemande nous propose un film d'animation très récent et prodigieux...

Les Damnés de la Commune, réalisé par Raphaël Meyssan —enfant de Belleville et complice de Michèle Audin : J’avoue me sentir très proche, non des moyens graphiques utilisés, bien sûr, mais de la façon qu’a Raphaël d’aborder l’histoire, celle de « ceux qui n’étaient rien », a-t-elle écrit.
Sorti en 2019, d
isponible en ligne sur ARTE du 16/03/2021 au 19/08/2021, ce documentaire dure 88'.
Le 23 mars, Alain Constant a écrit dans Le Monde :

(...) En utilisant uniquement des gravures d’époque, mais animées grâce à des effets bluffants, jouant notamment sur la profondeur (les oiseaux volent, la neige tombe, les obus explosent, les flammes dansent…), le graphiste Raphaël Meyssan, accompagné par le scénariste Marc Herpoux, les monteurs du studio d’animation Miyu et les compositeurs Yan Volsy et Pierre Caillet, met en scène un formidable rendez-vous avec l’histoire de la Commune de Paris, si rarement exposée sur les écrans.

Auteur d’une BD ambitieuse intitulée Les Damnés de la Commune (Delcourt, 2017-2019) – trois gros tomes retraçant, à l’aide d’images d’archives, l’histoire aussi brève que sanglante des événements survenus à Paris entre fin mars et mai 1871 –, Raphaël Meyssan a travaillé de longues années pour amasser des milliers de documents d’époque. (...)

Pour adapter 500 pages à l’écran, il fallait faire des choix. La bonne idée de l’auteur est d’avoir choisi Victorine Brocher comme fil rouge de son premier long-métrage, l’un des personnages importants de sa BD et dont les Mémoires, Souvenirs d’une morte vivante, l’avaient bouleversé, dit-il. Cette mère de famille « au destin exceptionnel » s’engagera avec fougue dans la Commune de Paris, y perdra son très jeune fils puis son mari, mort au combat. Intégrant le bataillon Les Enfants perdus, échappant de peu au massacre, Victorine s’exilera en Suisse, où elle adoptera des orphelins du mouvement communard avant son retour en France, après l’amnistie de 1880.

La force de ce documentaire tient aussi aux soins apportés par l’équipe technique aux bruitages et à une bande-son (trompettes, violons) de qualité. Sans oublier un casting vocal de haute volée : tout au long du film, les voix de Yolande Moreau (Victorine) et de Simon Abkarian (le narrateur) prennent aux tripes.

A ces deux voix puissantes et parfaitement calibrées s’ajoutent celles de Mathieu Amalric (Adolphe Thiers), Fanny Ardant (la mère de Victorine), Charles Berling (Gustave Courbet), Sandrine Bonnaire (Louise Michel), Denis Podalydès (Georges Clemenceau), André Dussolier (le sauveur de Victorine) ou Jacques Weber (Victor Hugo), pour ne citer que les artistes les plus connus. (...)

La BD Les Damnés de la Commune, projet avant-coureur du film, est composée de trois tomes (Éd. Delcourt 2017-19) : À la recherche de Lavalette (8.11.2017), Ceux qui n'étaient rien (13.03.2019) et Les orphelins de l'histoire (6.11.2019). Toute la presse a plané et salué en chœur la prouesse de son délire.

Les yeux toujours pétillants de pure joie, Raphaël Meyssan explique ici d'une manière très détaillée sa démarche, d'abord pour la confection de son fascinant roman graphique, ensuite pour la réalisation d'un film pas comme les autres.

Le film démarre en 1867, lorsque l'Exposition universelle de Paris vient de fermer ses portes (le 3 novembre). Paris devient un paradis... pour les riches. Mais les loyers augmentent et les pauvres se voient repoussés vers la périphérie : ils s'entassent dans les faubourgs...
Comme l'explique Alain Constant un peu plus haut, la perspective et la voix narratrice de cette construction historique découlent des souvenirs publiés à Lausanne en 1909 par
Victorine Brocher (1839-1921), une énorme petite communarde (mesurant 1,52 m de taille) qui avait tout perdu sauf la vie. C'est la comédienne et réalisatrice bruxelloise Yolande Moreau qui lui prête sa voix sur les gravures et les dessins. Elle se présente ainsi dans le film :

« Je m’appelle Victorine et j’ai grandi dans la nuit du Second Empire. Depuis mes 14 ans, j’ai fait de nombreux métiers : j’ai été crieuse de journaux, porteuse de pain, marchande de soupe, lavandière, couturière... Je travaille 12 à 14 heures par jour pour un salaire dérisoire. J’habite au pied de la butte Montmartre avec mon mari. C’est un ancien soldat. Je ne peux compter que sur moi-même. »

Elle sera cantinière, puis ambulancière des Enfants perdus, un bataillon de fédérés...



(...) Raphaël Meyssan a adapté les trois tomes de son roman graphique éponyme, pour lequel il avait collecté des centaines de gravures dans les journaux et les livres de l’époque. De cette patiente quête d’archives − huit ans de recherches −, le graphiste et réalisateur tire un film unique, à l’esthétique et au dispositif étonnants. La caméra plonge au cœur de ces dessins magnifiques, émouvants et subtilement animés, puis zoome, scrute et caresse pour restituer cette tragique épopée dans le moindre de ses détails en une fresque prodigieuse. À mi-chemin entre Les misérables de Victor Hugo et les bandes dessinées documentaires de Joe Sacco, Raphaël Meyssan compose, en incluant le récit de Victorine, une jeune révoltée, une narration limpide qui parvient, à destination de tous les publics, à rendre fluide le chaos de la Commune. Une réussite. 

— France Culture : Thème - La Commune de Paris

— France Inter (le 18.03.2021) :  Laure Godineau et Quentin Deluermoz (Faut-il célébrer les 150 ans de la Commune ?). L'Histoire de la Commune en 6 minutes, sur ARTE, par Laure Godineau.

— Contretemps (revue de critique communiste) : La Commune au jour le jour, par l'historien Patrick Le Moal.
À l’occasion des 150 ans de la Commune de Paris, Contretemps publie du 18 mars au 4 juin une lettre quotidienne rédigée par Patrick Le Moal, donnant à voir ce que fut la Commune au jour le jour.

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Jean Ferrat : La Commune (1971)



mardi 29 septembre 2020

Juliette Gréco ne croyait pas à la mort et pourtant...

En effet, on dirait qu'elle est toujours là, on peut l'entendre, on l'entend très volontiers, voix et présence, présence et voix. Oui, faites-vous plaisir et ne ratez surtout pas ce podcast (accessible sur le site actuel de Là-bas si j'y suis) —on dirait de l'au-delà, tellement les temps sont à l'opprobre—, voix, sens, échos et musique.

Au milieu des années 1980, les auditeurs retrouvaient Daniel Mermet sur une station de radio publique, France Inter, du lundi au vendredi —en 1983-1984 entre 14h45 et 15h— avec son émission « Si par hasard au piano-bar ». Cet entretien avec Gréco eut lieu en 1984, quand les libéraux n'étaient pas encore omnipotents et que l'on pouvait encore discuter dans les média ; les gens n'étaient pas forcément frappés d'écholalie, les formules et leurs tendances n'avaient pas encore enseveli la musique et la chanson, la radio était une compagnie incontournable... Un pur régal. Merci Mermet (et ses pairs).


JULIETTE GRÉCO dans l’émission de Daniel Mermet « Si par hasard au piano bar » (1984) [PODCAST : 59’20]

« À part chanter, que faites-vous dans la vie ? » « L’amour. »

Là-bas, si j’y suis. Le

(...)

En 1984, sur France Inter, j’étais à la recherche de mon père, Charlie, musicien volage et baroudeur. Il était quelque part, mais où ? Et qui était-il au juste ? L’émission s’intitulait « Si par hasard au piano bar », réalisée par l’excellent Gilles Davidas. Chaque jour, un invité, artiste ou voyageur, venait me parler de Charlie, mon père. Juliette Gréco l’avait rencontré au temps de Saint-Germain-des-Prés. Une occasion de parler de lui (un peu) et d’elle (surtout) qui avait fait de sa vie un roman. Trente six ans après nous avons retrouvé cette émission dans les archives. Voici la preuve que la mort n’effacera jamais sur le sable les pas des amoureuses insoumises.

Daniel Mermet

 

Elle est toujours là, mais en même temps, les journaux signalent que Juliette Gréco est décédée ce dernier mercredi 23 septembre, à 93 ans.
À cette occasion, de mémoire, L'INA se rappelle son interprétation de "Si tu t'imagines", chanson de Queneau/Kosma. Et combien je déteste l’usage profane de ce mot de muse (lire ci-dessous) appliqué à une souveraine de la liberté, de la vie et des inflexions bouleversantes...

 

Juliette Gréco s'est éteinte ce mercredi à l'âge de 93 ans. La chanteuse a interprété de nombreux poètes dont Raymond Queneau et son célèbre poème "Si tu t'imagines".

Le 13 juillet 1962, dans l'émission Gros plan, Juliette Gréco interprétait Si tu t'imagines, un poème de Raymond Queneau sur l'impermanence de la jeunesse, mis en musique par Joseph Kosma et créé par Juliette Gréco en 1947 sur les conseils Jean-Paul Sartre.

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Ce texte, à l'instar du "carpe diem" latin appelle à profiter de la jeunesse, qui comme les roses, ne dure qu'un instant. Queneau s'amuse dans ces strophes par une liberté de ton et d'écriture. Cette liberté si chère à la muse de Saint-Germain-des-Prés et qu'elle contribuera largement à diffuser à travers son répertoire.

Si tu t'imagines, si tu t'imagines, fillette fillette,
Si tu t'imagines xa va xa va xa va durer toujours
La saison des za saison des za saison des amours
Ce que tu te goures, fillette fillette, ce que tu te goures.
Si tu crois, petite, si tu crois ah ah que ton teint de rose
Ta taille de guêpe, tes mignons biceps, tes ongles d'émail
Ta cuisse de nymphe et ton pied léger.
Si tu crois xa va xa va xa va durer toujours
Ce que tu te goures, fillette fillette, ce que tu te goures

Les beaux jours s'en vont, les beaux jours de fête
Soleils et planètes tournent tous en rond
Mais, toi, ma petite, tu marches tout droit
Vers c’que tu vois pas ; très sournois s'approchent
La ride véloce, la pesante graisse, le menton triplé
Le muscle avachi... Allons, cueille cueille, les roses les roses
Roses de la vie et que leurs pétales soient la mer étale
De tous les bonheurs, de tous les bonheurs.
Allons, cueille cueille, si tu le fais pas

Ce que tu te goures, fillette fillette, ce que tu te goures


Dans un entretien avec Grégoire Leménager —publié par Le Nouvel Observateur (nº 2451, le 27 octobre 2011)—, Michelle Vian, première femme de Boris Vian, livrait des souvenirs du Saint-Germain-des-Prés du temps des zazous, ces jeunes oiseaux de nuit, élégants et pétulants, qui adoraient les livres et le jazz...

Saint-Germain-des-Prés

« On a fait Saint-Germain en y important le jazz. Comme il y avait des gens très intelligents qui fréquentaient le café de Flore, les Deux-Magots et Lipp, c’était un carrefour formidable. Boris et moi y allions pour retrouver l’équipe des «Temps Modernes», Sartre et les autres.
Quand on voulait du jazz, on allait au Lorientais l’après-midi, puis on continuait au Tabou. Je surveillais les entrées avec Anne-Marie Cazalis et Juliette Gréco, nous étions les psychologues de service. Les types qui ne nous plaisaient pas, on leur disait «Vous n’entrez pas». Mais on laissait entrer des types qui n’avaient pas un rond quand ils étaient intéressants, c’est-à-dire quand ils avaient un livre sous le bras: on exigeait des livres. Les étrangers aussi, on les acceptait. A condition qu’ils soient un peu littéraires. C’est comme ça que le Tabou s’est formé, peu à peu. C’était ouvert et c’était fermé. On ne laissait pas entrer n’importe qui, et en même temps, les gens qui entraient étaient n’importe qui. Je crois qu’on y voyait les types sympas.
C’étaient Anne-Marie Cazalis et Juliette Gréco qui avaient trouvé, rue Dauphine, ce café qui fermait très tard parce qu’il était fréquenté par les types des Messageries. Gréco avait eu l’idée de demander leur cave. Il n’y avait pas de salle pour les zazous, c’est pour ça qu’ils sont allés dans les caves. Ce n’est pas seulement à cause du bruit, c’est parce qu’il n’y avait rien. Les types ont dit d’accord. Il a fallu enlever le charbon, c’était humide, dégueulasse. Cazalis et Gréco ont entraîné là ceux qui, les premiers, ont fait le Tabou ; c’est-à-dire Merleau-Ponty et Queneau. »



vendredi 3 avril 2020

On est là ! (Confiné.e.s mais révolté.e.s, on n'oublie pas)

O Freunde, nicht diese Töne!
Sondern laßt uns angenehmere anstimmen
und freudenvollere.

(Ô amis, pas de ces accents !
Laissez-nous en entonner de plus agréables,
Et de plus joyeux !)
Friedrich von Schiller, Ode à la joie


Le baratin du moment, ce sont les intuitions des gardes des institutions pour la circonstance.
Le blabla de toujours.
Grenouillages de requins.
Un culot surdimensionné, indicible.
C'est à gerber sans retenue.



Nous lisons sur revolutionpermanente.fr :
"Une catastrophe prévisible !", un médecin urgentiste accable le gouvernement sur BFM-TV.
[Il s'agit de Christophe Prudhomme ; prenez le temps, s'il vous plaît, de l'écouter, ça vaut la peine]
« A l'issue de la crise, il faudra que les responsables passent à la caisse ». Le médecin urgentiste et porte-parole de l'association des médecins urgentistes de France, Christophe Prudhomme accuse le gouvernement et sa gestion catastrophique de la crise en mettant en lumière l'écart entre les discours ministériels et présidentiel face à la réalité du terrain.
L'écart est si sidéral qu'un être humain normal finirait la cervelle écartelée. Mais ils sont l'ignominie même. Ils l'ont tellement intériorisée à coups de mensonges...
Cette caste barbare et impitoyable ferme des dizaines de milliers de lits d'hôpital depuis 20 ans. Ils savaient. Et ils continuaient à détruire l'hôpital (et ça tue), comme tous les services publics, comme les retraites, car ils n'arrêtent pas de bosser pour la sacrée Finance et ce ne sont pas les preuves qui manquent ; lisez Pascal Marichalar attentivement :
(...) Le 28 février est publié le rapport crucial de l’OMS sur ce qui a été fait en Chine. Il montre que seule une mobilisation de « tout le gouvernement » (all-of-government) et « toute la société » (all-of-society) permet de vaincre l’épidémie. On se souviendra sans doute longtemps du fait que le lendemain, le samedi 29 février d’une année bissextile, le premier ministre Édouard Philippe a décidé de détourner un conseil des ministres « exceptionnel dédié au Covid-19 » pour annoncer l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution afin d’adopter sans vote la réforme des retraites. Alors que l’OMS démontrait l’urgence de l’action collective et solidaire face à une pandémie bientôt incontrôlable, le gouvernement s’est dit que le plus urgent était de profiter de la dernière fenêtre de tir pour faire passer son projet de loi tant décrié.
Lorsque le temps de la justice et des comptes sera venu, il nous faudra comprendre comment nous en sommes arrivés à la situation actuelle : une pénurie absolue de masques, ne permettant pas de protéger convenablement les soignant.es qui sont au front – qui sont infecté.es, et infectent à leur tour –, bien trop peu de tests de dépistage (ce qui semble avoir été une décision assumée, y compris aux temps où l’épidémie était encore balbutiante en France, et n’est pas une fatalité en Europe, comme le montre l’exemple de l’Allemagne), et finalement la décision de dernier ressort de confiner toute la population pour une période indéterminée, une arme non discriminante qui est terriblement coûteuse en termes humains, sanitaires (santé mentale) et économiques.

Pascal Marichalar, le 25 mars 2020, sur La Vie des Idées.

Et les Français sont confinés mais pas forcément cons, in fine.
Il y a belle lurette, un prof de mon adolescence nous fit écrire une composition sous le titre à quoi bon les balcons ? :





Rico Rossignol - Chansonnette confinée et révoltés des balcons et des fenêtre



Jolie Môme - Chansonnette révoltée


Si nous voulons arrêter d'avoir à gerber toutes nos tripes, vivement, qu'ils gerbent de là ! Mais nous aurons un sacré boulot devant, celui de retourner leur monde.

Un Boléro de Ravel en confinement avec les musiciens de l'Orchestre National de France

L'après-midi du lundi 30 mars 2020, Radio France, à travers ses stations France Musique et France Inter, a mis en ligne une belle initiative musicale. Il s'agit d'une vidéo où une cinquantaine de musiciens de l'Orchestre National de France jouent à distance le Boléro de Maurice Ravel (1875-1937).
Chacun chez soi, avec sa partition, mais tous ensemble pour offrir l’œuvre du répertoire la plus diffusée dans le monde, ce Boléro de Ravel de confinement. Chaque musicien s’est enregistré dans son salon, le tout a été mixé et assemblé par les techniciens de Radio France.
Si l'ordre du jour est la distance, la musique semble capable de s'envoler et de nous rapprocher, et quoi de mieux que le Boléro envoutant de Ravel pour mettre du baume au cœur !

En espérant que ces quelques notes de Ravel, universelles, vous apporteront un peu de chaleur et de réconfort.

Crédits :
Les musiciens de l'Orchestre National de France
Arrangements - Didier Benetti
Réalisation - Dimitri Scapolan


Pour en découvrir davantage [Source : France Musique] :




Pour aller encore plus loin...

France Culture : Les paradis (fiscaux) des droits d'auteur du Boléro ou une saga très Offshore.

mercredi 25 mars 2020

Manu Dibango : La Javanaise

Emmanuel N'Djoké Dibango, mondialement connu comme Manu Dibango, était un grand saxophoniste et chanteur camerounais de jazz que j'aimais beaucoup. Il était né le 12 décembre 1933 à Douala et nous a quittés hier, mardi 24 mars 2020 (date aussi du décès d'Albert Uderzo, le dessinateur d'Astérix et Obélix), à Melun, Seine-et-Marne, des suites du coronavirus. On l'avait hospitalisé le 18 mars.
« Il rendait les gens heureux ».
Hommage.





La Javanaise était le premier extrait de la face A de son album en vinyle Live' 91, édité en 1991, enregistré au festival Printemps de Bourges, le 30 avril 1991.
Le disque comportait des compositions de Manu Dibango excepté bien entendu cette Javanaise, que nous devons à Serge Gainsbourg, et la première pièce de la face B, Duke in Bushland, de Duke Ellington.

L'INA vous propose une autre version en direct de La Javanaise (cliquez sur le lien ci-contre). C'était en 1992, dans l'émission de Michel Field, Le cercle de minuit.

Dans une nécrologie de Josiane Kouagheu, que publie aujourd'hui le quotidien Le Monde Afrique, on peut lire, entre autres témoignages, celui de l’écrivain Arol Ketchiemen. Profitons-en pour rappeler la variété des rythmes populaires camerounais :
« Manu Dibango était le patriarche de la musique camerounaise. Il a eu le mérite de s’exercer à la pratique de la majorité des rythmes camerounais : makossa, bikutsi, assiko, mangambeu [la danse traditionnelle de Bangangté], bolobo… Manu Dibango a surtout été une école », souligne M. Ketchiemen, rappelant que son orchestre a accueilli et révélé plusieurs grands noms de la musique nationale.

lundi 2 mars 2020

Manuel de chansons manuthématiques

Une époque, j'ai beaucoup joui des historiettes et des personnages de Frank Margerin ; je me rappelle surtout Lucien, le rocker à la banane, et son évolution. En classe, on a lu, par exemple, des extraits de Lucien se met au vert, Les “Anti-Noël” notamment. Puis il a créé un autre soi-disant héros, Manu : d'abord L'insupportable Manu (1990), puis L'abominable Manu (1991). Mais l'Histoire, la grande Histoire a été plus forte que lui et, en matière de Manus insupportables, voire abominables, elle en a créé un de particulièrement atroce, comme on n'en fait pas en BD. En fait, je ne l'appelle jamais Manu, vu son sinciput plaqué de hargnosités jupitériennes ; je tiendrais plutôt à le désigner de l'oxymore polysémique Macron le Micro, micro micro. D'autant qu'on nous en mettra un autre, lorsqu'il sera définitivement usé, car ce sont la classe pour laquelle il travaille et ses structures qui commandent*, pas la divinité apparente et apparemment obnubilante. En fait, il est déjà bien cramé. Du coup, on remarque que le nombre de dupes n'est pas tellement élevé en France.
Donc, les étoiles filent, le régime demeure, au moins pour l'instant. Ce que deux ans sont longs, longs, combien ils semblent éternels. Au point qu'il y a un petit chansonnier (recueil de chansons) destiné à traîner dans la boue celui qui s'y vautre volontiers. Et parmi toutes ces compositions satiriques, il y en a qui partagent la source : Renaud.
Hélas, ça fait longtemps que Renaud Séchan, chargé à plusieurs sauces, y compris le prestige, a été phagocyté par le régime, mais heureusement, la rage de ses meilleurs chansons a échappé à cette vampirisation ; elles font aujourd'hui, pour ainsi dire, leur chemin, assez en marge de leur créateur. Quant à moi, "Manu" n'en faisait pas précisément partie, mais elle avait un titre incontournable, trop bon pour ne pas en profiter, et a été reprise ces derniers temps par plusieurs indigné.e.s qui en ont adapté les paroles pour la circonstance. Petit florilège...

Le 27 juin 2018, Agnès Bihl lança en vidéo sa version Ça va, Manu ?, sur l'air de Renaud :

Elle explique : "Ca va Manu? Petite chanson écrite à l'arrache hier, rien que pour toi mon Manu... Pour te remercier du Glyphosate, des violences policières, des futures obsèques du service public et de l'humiliation d'un gamin de 15 ans... entre autres... c'est cadeau!"


Également en juin 2018, sous un titre vianesque, Manu (M. le Président), Lionel Thura a composé ces paroles et réussi cette interprétation sur l'air de Renaud :

La "leçon" infligée par Macron au jeune Joris ne se limite pas à un rappel de courtoisie. Le plus révélateur est ce retour permanent sur une vision de la méritocratie otage de l'économie (réussite = gagner sa vie), avec sa cohorte de dérives libérales… et morales…


Le 8 décembre 2018, sur la même mélodie et sous le titre Eh Manu tu fous l'camp ?!, Franck Laurent proposait cette parodie pour rire jaune, couleur du moment :



Le 23 janvier 2020, lors d’un concert en direct, au Cirque Phénix, en soutien aux grévistes contre le projet de réforme des retraites, Agnès Bihl présentait une nouvelle version de son Ça va, Manu ?
C'était une soirée organisée par la CGT spectacle. De nombreux chanteurs et humoristes se produisaient sur scène, Agnès Bihl commence son interprétation à la minute 1h09'45'' de l'enregistrement ci-dessous :



Aide à la compréhension :
Hé Manu, rentre chez toi, t’es trop plein d’arrogance
Et pour un chef d’État, tu frôles l’indécence
Si tes petits copains déboursaient leurs impôts
Au lieu de s' planquer dans leurs paradis fiscaux
Ça ferait des retraites pour les retraité.e.s
Je sais que tu trouves ça bête, mais bon, ça peut aider
Oh Manu, démission, là y’a saturation
Rien n’est bon dans le Macron, sauf pour les grands patrons

Monsieur le Président, s’il te plaît, va mourir
Monsieur le méprisant, tu mens comme tu respires
Les violences policières, non, ça n’existe pas
Que d’ailleurs Castaner, c’est la mère Thérésa
De Rugy continue de te prendre pour un Dieu
Quand tu nous pisses dessus, BFM dit qu’il pleut
Allez, casse-toi, Manu, cette fois, la coupe est pleine
On t’a tous assez vu, c’est la fin de ton règne

Arrête un peu Manu tes grands airs à la con
Va traverser la rue, c’est la seule solution
Avec un peu de chance, ils embauchent au Mac Do
Ça change de la Finance et d’ailleurs pour info
Tu verras que c’est marrant de ne même pas gagner
Le prix du carburant pour aller travailler
Allez, Manu, ciao, tu manqueras à personne
Sauf, bien sûr, Monsanto, Google et Amazon

Manu dans la vraie vie, y a pas que des milliardaires
Du dimanche au samedi, y a tous ceux qui galèrent
Ceux qui n’ont pas de quoi faire bouillir la marmite
Ceux pour qui les fins de mois commencent à peine le 8
Tous ceux qui ont la dalle et qui osent se plaindre
Alors que les aides sociales coûtent un pognon de dingue
Allez, Manu, va-t’en, maintenant, c’est urgent
Dégage, fous le camps… il faut te le dire comment ?


Allez Manu, casse-toi... ouste !... casse-toi !... casse-toi !!!

En voici la version studio, en ligne depuis le 6 février 2020 :

Ça va manu ? · Agnes Bihl. Album : Il était une femme. ℗ Un Week End A Walden / Signe Particulier.

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*
Monde Macron ou à propos de traverser la rue/travailler et posséder :

 El Roto - El País, le 23 janvier 2020.

samedi 18 janvier 2020

Radio France, Opéra Garnier, Comédie française.. en lutte. Va pensiero

Qu'est-ce qu'un camouflet ? Et un sourire jaune et sibyllin ? Une sibylle, peut-elle ne rien voir venir et en avoir gros sur le chœur ? Attendez, on vous montre...

Caisse de grève pour les grévistes de Radio France, sur Le pot solidaire (Contre le plan de casse de la Radio de Service Public, une grève des personnels a débuté lundi 25 novembre 2019).
Pétition de soutien sur change.org.
8 janvier 2020 : [La présidente-directrice générale de Radio France] Sibyle Veil veut présenter ses voeux aux salariés de Radio France, au 37e jour de grève contre un plan "stratégique" de casse de Radio France (baisse de budget de 60 millions d'euros et 299 suppressions de postes)
La Sibylle a toujours annoncé la fin des temps, c'est son rôle —maintenant, PowerPoint à l'appui. Il faut imaginer les salariés de Radio France heureux. Avant qu'ils ne scandent à pleins poumons le message concret pour l'occasion, Sibyle, ton plan, on n'en veut pas !, le Chœur de la station, qui doit perdre un tiers de ses effectifs, avait réussi une interprétation vraiment émouvante d'un historique chant de résistance, Le Chœur des esclaves, de l'opéra Nabucco (1842), de Giuseppe Verdi, comme on le fait ces derniers temps devant les chantres de la modernité —des tarés surévalués et gonflés à bloc, des fossoyeurs de la vie sur l'autel du Veau d'Or, qui rend vache—, y compris Berlusconi :



Nabucco — Riccardo Muti contre les coupes sombres au budget de la Culture

Refuser d'écouter les porte-paroles et censeurs de la prédation la plus dévergondée est nécessaire, mais pas suffisant. Il faut unir nos forces pour aller plus loin. Dunque, se volete unirvi anche voi, lo facciamo tutti insieme! Faison-le tous ensemble ! A tempo però!
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P.-S. - Publié sur le site de Là-bas si j'y suis, voici un texte de Daniel Mermet, daté du 30 décembre 2019, au sujet de la grève de Radio France :

Radio France, en finir avec une confiscation

Au bout de quatre semaines, la grève a été suspendue à Radio France [1]. La direction n’a rien concédé sur son plan de 299 suppressions d’emplois. Pour la présidente de Radio France, Sibyle Veil, l’amie de promotion d’Emmanuel Macron lorsqu’ils étaient ensemble à l’ENA, cette agitation est vaine puisqu’il n’y a pas d’alternative. D’ailleurs, cette grève qui s’en soucie ? Dans le fracas social qui secoue le pays, cette mobilisation est passée au deuxième plan. Si les antennes furent silencieuses avec seulement quelques rediffusions imposées par les directions pour contourner la grève, tout cela aura eu peu d’échos. Quelques banderoles, une tribune dans Le Monde [2], une pétition en ligne [Pétition : la radio publique en danger]. La routine en somme...
En écoutant d’un peu plus près, il se pourrait que cette grève ne ressemble pas aux autres et que la banquise commence à craquer sous les pieds des pingouins qui nous gouvernent.
Radio France ne cesse de pavoiser sur ses records d’audience et sur l’attachement de ses millions d’auditeurs quotidiens, dont plus de 6 millions chaque jour pour France Inter. On aurait pu en effet attendre un important soutien de leur part face à ce plan social qui s’accompagne d’une réduction de budget. Il ne s’agit pas là d’un simple ajustement comptable, mais bien de la même politique qui, depuis des années, démantèle systématiquement tout ce qui relève du secteur public afin de « baisser les impôts et assurer la relance ». Mais cette vieille entourloupe pour favoriser les privatisations trompe de moins en moins de monde. On connaît les résultats. Dans les récentes manifestations, on a vu fleurir une inscription : « on a compris ». Santé, éducation, transports, la détérioration des services publics est la préoccupation majeure du pays. Et même, pour la première fois, une majorité de Français disent préférer une amélioration des services publics quitte à payer davantage d’impôts [3].
EN LIRE LA TOTALITÉ
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Par ailleurs, aujourd'hui 18 janvier, environ 200 personnes de tous les corps de métier de l’Opéra et de la Comédie-Française ont offert gratuitement un concert et un spectacle de danse (Le lac des cygnes) sur les marches de l'Opéra Garnier. Son parvis était occupé par une foule de passants et de touristes, mais aussi de grévistes. La culture en danger ? La culture dominante est un danger ou, plutôt, un fléau.

mardi 1 octobre 2019

Un inédit de Miles David (1957)

Grâce à la rédaction de l'INA et ses contenus éditoriaux, nous avons eu vent d'un délice pure joie...


L'INA nous explique :
C'est un trésor qui vient de refaire surface. Considérées comme perdues, ces images sont les plus anciennes connues de Miles Davis en train de jouer sur un plateau de télévision. La séquence de 1957 montre le trompettiste à la tête du quintette français avec lequel il venait d’enregistrer la musique du film "Ascenseur pour l’échafaud" de Louis Malle.

Au Clair de la lune : une émission mythique enfin retrouvée

Filmée le 7 décembre 1957 par Jean-Christophe Averty pour la Radiodiffusion-télévision française (RTF), cette émission de variétés tournée au studio des Buttes Chaumont réunissait dans un étonnant décor lunaire des artistes aussi variés que Miles Davis, Juliette Gréco, les ballets guinéens de Keïta Fodeba, ou encore les chanteurs Paul Braffort et Giani Esposito.
Diffusée le 25 décembre 1957 dans le cadre d’un programme de Noël, cette émission était réputée irrémédiablement perdue, et n’était jusqu’alors connue qu’à travers un reportage photo réalisé sur le plateau de tournage. Retrouvé à l’occasion d’une opération d’inventaire au Centre de conservation de l’INA à Saint-Rémy-l’Honoré (Yvelines), le film 16 mm original a été immédiatement numérisé pour être mis en ligne sur le site Ina.fr, permettant ainsi au public de redécouvrir ces images pour la première fois depuis leur diffusion, il y a près de soixante-deux ans.

Les plus anciennes images connues de Miles Davis au monde

Séjournant à Paris pour quelques semaines, Miles Davis avait réuni autour de lui une formation française de haut vol composée de Barney Wilen au saxophone ténor, René Urtreger au piano, Pierre Michelot à la contrebasse et Kenny Clarke à la batterie. Dans la nuit du 4 au 5 décembre 1957, ce quintette entre dans la légende en enregistrant la bande originale révolutionnaire d’Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle, référence incontournable tant dans les domaines du jazz que de la musique de film. Filmées deux jours plus tard seulement, ces images sont non seulement les seules à montrer ce quintette à l’œuvre, mais encore les plus anciennes connues de Miles Davis en train de jouer sur un plateau de télévision. Répartis dans deux cratères lunaires, les musiciens y interprètent une variation sur le thème Dig, composé par le saxophoniste Jackie McLean.
Rédaction Ina le 04/09/2019 à 16:07. Dernière mise à jour le 06/09/2019 à 10:17.
Art et Culture

samedi 9 mars 2019

Samba-enredo da Mangueira em homenagem a Marielle Franco

Je viens de voir, le 6 mars, à Madrid, Jean-Marie-Gustave Le Clézio. Interrogé sur l'importance de son indignation dans sa littérature, il rebondit illico sur la violence machiste contre les femmes : ce fut l'exemple immédiat qu'il trouva pour évoquer un sujet majeur heurtant sa conscience morale.
Puis, hier, 8 mars, j'ai été témoin d'une manifestation féministe. Elle était énorme, festive, bourrée d'humour, d'imagination, et fermement déterminée contre le patriarcat —associé au clergé, aux machos et aux patrons.

Cibeles, Madrid, le 8 mars vers 20h/ALBERTO CONDE

Mais je voudrais oublier pour un instant le français et le castillan, et avoir recours au portugais, au portugais de la Escola de Samba da Mangueira, comme hommage à la lutte des femmes à l'occasion de ce dernier 8 mars, vu d'ailleurs qu'on est dominé.e.s, plus que jamais, par l'innommable. Et profitons pour donner une nota dez especial para a Cacá Nascimento, pura delícia. Viva a Mangueira per semper (mesmo sabendo que o para sempre, sempre acaba), bem-vinda Cacá Nascimento e vamos là com a revisão da História ! 
"Brasil, chegou a vez de ouvir as Marias, Mahins, Marielles, malês... Brasil, meu nego, deixa eu te contar a história que a história não conta..."


O samba-enredo da escola de samba Estação Primeira de Mangueira para 2019 será em homenagem à Marielle Franco, vereadora do Rio de Janeiro assassinada a tiros no dia 14 de março no Rio, junto com o motorista Anderson Gomes. A escolha ocorreu na madrugada deste domingo (14.out.2018) na quadra da escola, na zona norte do Rio de Janeiro. "História para ninar gente grande", o samba campeão da Mangueira (escola campeã do Carnaval 2019), é de autoria de Deivid Domênico, Tomaz Miranda, Mama, Marcio Bola, Ronie Oliveira e Danilo Firmino.
Brasil, chegou a vez
De ouvir as Marias, Mahins, Marielles, malês
De ouvir as Marias, Mahins, Marielles, malês...

Brasil, meu nego
Deixa eu te contar
A história que a história não conta
O avesso do mesmo lugar
Na luta é que a gente se encontra

Brasil, meu dengo
A Mangueira chegou
Com versos que o livro apagou
Desde 1500
Tem mais invasão do que descobrimento

Tem sangue retinto pisado

Atrás do herói emoldurado
Mulheres, tamoios, mulatos
Eu quero um país que não está no retrato
Brasil, o teu nome é Dandara (1)
E a tua cara é de cariri
Não veio do céu
Nem das mãos de Isabel, a liberdade
É um dragão no mar de Aracati


Salve os caboclos de Julho
Quem foi de aço nos anos de chumbo
Brasil, chegou a vez
De ouvir as Marias, MahinsMariellesmalês

Mangueira, tira a poeira dos porões
Ô, abre alas,
Pros teus heróis de barracões

Dos Brasis que se faz um país de Lecis, Jamelões
São verde e rosa as multidões
__________________
(1) Marcelo D'Salete écrit en annexe d'Angola Janga, son excellente et très documentée BD sur l'histoire de la résistance du Quilombo de Palmares (Éd. Veneta, 2017), à la page 422 :
(...), uma personagem feminina popular na narrativa oral sobre os mocambos da serra é Dandara. Uma líder importante na obra ficcional de Cacá Diegues, o filme Quilombo, de 1984. Entretanto, essa personagem não é mencionada pelos principais pesquisadores sobre os mocambos da Serra da Barriga (Edson Carneiro, Décio Freitas, Ivan Alves Filho, Flávio Gomes, etc.). Conforme registrado por Clóvis Moura no seu Dicionário da Escravidão Negra no Brasil, o vulgo Dandará aparece em nossa história apenas na figura de um sacerdote da Revolta dos Malês em 1835, cujo nome real era Elesbão do Carmo.

mardi 11 décembre 2018

Ma plus belle histoire d'amour, par Barbara

Oui, je m'en souviens...



Du plus loin que me revienne
L'ombre de mes amours anciennes
Du plus loin du premier rendez-vous
Du temps des premières peines
Lors, j'avais quinze ans à peine,
Cœur tout blanc et griffes aux genoux [Griffes : Blessure bénigne constituée par une déchirure superficielle de la peau]
Que ce furent, j'étais précoce,
De tendres amours de gosse
Ou les morsures d´un amour fou
Du plus loin qu'il m'en souvienne
Si depuis, j'ai dit "je t'aime"
Ma plus belle histoire d´amour, c'est vous

C'est vrai, je ne fus pas sage
Et j'ai tourné bien des pages
Sans les lire, blanches, et puis rien dessus
C'est vrai, je ne fus pas sage
Et mes guerriers de passage
A peine vus, déjà disparus
Mais à travers leur visage
C´était déjà votre image
C´était vous déjà et le cœur nu
Je refaisais mes bagages
Et poursuivais mon mirage
Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous

Sur la longue route
Qui menait vers vous
Sur la longue route
J´allais le cœur fou
Le vent de décembre
Me gelait au cou
Qu´importait décembre
Si c'était pour vous ?

Elle fut longue la route
Mais je l'ai faite, la route
Celle-là, qui menait jusqu´à vous
Et je ne suis pas parjure
Si ce soir, je vous jure,
Que, pour vous, je l'eus faite à genoux
Il en eut fallu bien d´autres
Que quelques mauvais apôtres
Que l'hiver ou la neige à mon cou
Pour que je perde patience
Et j´ai calmé ma violence
Ma plus belle histoire d´amour, c'est vous

Mais tant d'hiver et d'automne
De nuit, de jour, et personne
Vous n'étiez jamais au rendez-vous
Et de vous, perdant courage,
Soudain, me prenait la rage
Mon Dieu, que j'avais besoin de vous
Que le Diable vous emporte
D'autres m'ont ouvert leur porte
Heureuse, je m'en allais loin de vous
Oui, je vous fus infidèle
Mais vous revenais quand même
Ma plus belle histoire d´amour, c'est vous

J´ai pleuré mes larmes
Mais qu'il me fut doux
Oh, qu'il me fut doux
Ce premier sourire de vous
Et pour une larme
Qui venait de vous
J´ai pleuré d´amour
Vous souvenez-vous ?

Ce fut un soir, en septembre,
Vous étiez venus m'attendre
Ici même, vous en souvenez-vous ?
A vous regarder sourire
A vous aimer sans rien dire
C'est là que j´ai compris tout à coup
J'avais fini mon voyage
Et j'ai posé mes bagages
Vous étiez venus au rendez-vous
Qu'importe ce qu'on peut en dire
Je tenais à vous le dire
Ce soir je vous remercie de vous
Qu'importe ce qu'on peut en dire
Je suis venue pour vous dire
Ma plus belle histoire d´amour, c'est vous

mardi 6 novembre 2018

La Chanson de Craonne

Propaganda was developed and refined by Edward Bernays 
in the 1910s to help the Wilson administration sell WWI to a
skeptical public. (...) The distinction between political and 
commercial propaganda is based on intent, not method. Its use
by Woodrow Wilson (above) is instructive: a large and vocal
anti-war movement had legitimate reasons for opposing
the U.S. entry into WWI. The goal of Bernays and Wilson
was to stifle political opposition.
Rob Urie, 29/10/2018, counterpunch



C'est grâce à une initiative pour commémorer le centenaire de la fin de la I Guerre mondiale à Tournon-Saint-Martin, dans l'Indre-et-Loire, et à l'opposition d'un directeur académique que j'ai eu vent de La Chanson de Craonne (prononcez « crâne »), chanson singulière, et du cas qu'elle représente. Encore un cas de morts PAR la France, par la patrie...

Récapitulons. C'était en 1917. Sur la mélodie d'une vieille chanson sentimentale très populaire, Bonsoir, m'amour, éclata une chanson de la France que nous adorons, genre Fuenteovejuna, anonyme, universelle, composée pour crier non ! et dire ses quatre vérités à messieurs les gros, les actionnaires des vies des autres, les cannibales mangeant les vies —pas les corps— des autres. Une chanson hymne de révolte qui serait interdite jusqu’en 1974. Et que d'aucuns veulent toujours censurer.
Ça se comprend, car une chanson comme celle-ci se compose et se chante quand les purotins, les sacrifiés se rebiffent contre l'obéissance aux gros et contre le sacrifice pour le fric des gros, ce qui constitue une dangereuse leçon éternelle, comme celle de Frelinghien, comme celle de Boris Vian. Et il faut barrer les idées que ce genre de leçon pourraient donner aux élèves, le but de l'école étant le contraire.

Quant aux poilus de la chanson, le bilan des représailles qu'ils eurent à endurer fut cruel : cette fois "la répression touch[a] quelque 30 000 mutins ou manifestants, d'où 3 427 condamnations, dont 554 à mort" (Cf. Wikipédia).

En souhaitant que toutes les troupes de damnés se refusent à avancer à leur détriment, j'en profite pour rendre mon hommage à Marc Ogeret, qui nous a quittés en juin 2018.





Quand au bout d'huit jours le r'pos terminé
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile
Mais c'est bien fini, on en a assez
Personne ne veut plus marcher
Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots
Même sans tambours, même sans trompettes
On s'en va là-haut en baissant la tête

Refrain :
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme
C'est à Craonne sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
Nous sommes les sacrifiés

Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve
Soudain dans la nuit et dans le silence
On voit quelqu'un qui s'avance
C'est un officier de chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer
Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes

Refrain

C'est malheureux d'voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire
Si pour eux la vie est rose
Pour nous c'est pas la même chose
Au lieu d'se cacher tous ces embusqués
F'raient mieux d'monter aux tranchées
Pour défend' leur bien, car nous n'avons rien
Nous autres les pauv' purotins
Tous les camarades sont enterrés là
Pour défendr' les biens de ces messieurs là

Refrain :
Ceux qu'ont l'pognon, ceux-là r'viendront
Car c'est pour eux qu'on crève
Mais c'est fini, car les troufions
Vont tous se mettre en grève
Ce s'ra votre tour, messieurs les gros
D'monter sur le plateau
Car si vous voulez faire la guerr'
Payez-la de votre peau

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D'autre part, le 26/10/2018, nous avions appris par Thomas Wieder, correspondant du Monde à Berlin, que d'autres voix de poilus duraient toujours...
Quelques-uns des 2 000 enregistrements de prisonniers de guerre français en Allemagne durant la Grande Guerre vont sortir des archives de l’université Humboldt.
Cliquez sur le lien pour en savoir plus.

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À propos de la I Guerre Mondiale

14-18 : “On croit mourir pour la Patrie, on meurt pour des industriels (où s'avère que les grands poissons bouffent les petits).
Par Investig'Action, sur Vimeo


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Mise à jour du 8/11/2018 :

— Chronique de Florence Aubenas à Craonne, sur le Chemin des Dames (pour le quotidien Le Monde) :

Centenaire du 11-Novembre : « Je les sentais là, tous ces morts sans sépulture »

Un reportage de Daniel Mermet de 1997 pour Là-bas si j'y suis.
— Daniel Mermet : Ni Pétain, ni aucun !
     Extrait :
(...) Le chauvinisme a servi à détruire le profond mouvement social du début du 20eme siècle. Dans les neufs premiers mois de la guerre, 500 000 petits français furent tués. Par consentement ? Pour que la France reste la France ? Oui, celle de Nivelle, de Foch, de Mangin, de Pétain, des banques et de la grande industrie, et du monde politique à leur service, c’est à dire le monde de Macron, le beau monde avec du sang de pauvre sur ces gants blancs, le beau monde qui porte l’entière responsabilité de ce massacre, le beau monde criminel. « Un massacre entre des gens qui ne se connaissent pas au profit des gens qui se connaissent et ne se massacrent pas » disait Paul Valéry. Est-ce là, une manière de voir a posteriori, après la bataille en somme ? Non. En 1915, depuis la prison où elle était enfermée pour incitation à la désobéissance, Rosa Luxembourg écrivait dans son journal :
« La guerre entre les nations est venue imposer la lutte des classes, le combat fratricide du prolétariat, massacre d’une ampleur sans précédent. Ces millions de morts, neuf sur dix sont des ouvriers et des paysans, c’est une guerre inédite, industrielle, déclenchée au nom du nationalisme mais menée pour la domination des marchés. Cette guerre ouvre en vérité la voie à la mondialisation du capital, à la conversion de toute richesse , de tout moyen de production en marchandise et en action boursière. Elle transforme les êtres en matériel humain. C’est l’avenir d’un socialisme humaniste que cette guerre est en train de détruire ».
Nous, nos héros, nos résistants, sont les 15 000 qui désertèrent chaque année, ce sont d’abord les mutins, les milliers de mutins qui mirent la crosse en l’air, les 3 700 qui furent condamnés, les 953 fusillés pour l’exemple, nos héros sont aussi les mutilés volontaires et tout ceux qui fredonnaient la chanson de Craonne, quitte à se faire casser les dents à coups de crosse. Oui, ceux là « se battirent pour que la France reste la France ». La nôtre. Celle de Georges Mermet, mon père. Pas un héros non plus celui là, mais « de la viande », une de ses expressions quand il nous racontait le Chemin des Dames, la Somme, l’Italie, « On était de la viande ». Né en mai 1897, mon père, apprenti orfèvre de Belleville, mobilisé au début de 1916 fut de tous les fronts et de toutes les blessures jusqu’au bout. Éventré, brûlé, traumatisé, il n’a pas fait ça pour votre France monsieur Macron. (...)
Là-bas si j'y suis : Extraits du film « Howard Zinn, une histoire populaire américaine »