Au cours de notre voyage en Normandie, au mois de mai 2016, nous réservâmes une demi-journée pour
découvrir Le Havre.
Photo prise par Ángeles de la Horra, participante au voyage. Merci Ángeles !
Le groupe sur l'Avenue Foch, qui mène à la mer, vers l'Ouest.
Cet axe est la limite Nord du Quartier Moderne projeté par l’architecte Auguste Perret.
C'était le 21 mai. À 9h00, départ de Rouen pour Le Havre (90 kms). Jean-Marie, notre chauffeur de la veille, assurait encore la conduite et nous lui devrions quelques bons éclaircissements ; il était cauchois, comme Guy de Maupassant, et justement, on allait traverser le vaste plateau du Pays de Caux, verte paume où soufflent forts les vents, ce qui contraint les fermes à s’entourer de hautes murailles végétales. Ce sont les clos-masures, ou cours-masures, des prairies quadrillées par des alignements de hêtres ou d’autres espèces —éventuellement frênes— plantées sur un talus d’un mètre de hauteur. Un étranger comme moi les aurait simplement appelés « bocages ». La masure est la demeure.
Le paysage montrait aussi des champs de lin, typiques de ces climats humides et relativement tempérés à la fois. Alors verts, il aurait fallu les contempler au début de l’été, à la mi-juin, par exemple, quand ils bleuissent. Cela est dû à l’éphémère apparition des fleurs de lin. C’est alors que ces fibres atteignent leur taille maximale, un mètre, peut-être 1,20 m. Puis les tiges jaunissent et le lin est arraché, non fauché, au mois de juillet. Enfin, c’est le rouissage :
ça rouit (dit-on, ou
rouillit, selon écrivent d’aucuns) de juillet à septembre pour faciliter l’extraction des fibres.
Le Robert illustre ainsi le terme :
« Le rouissage se fait en immergeant les tiges dans l'eau, ou en les exposant à la rosée, à la chaleur humide ».
Linfrance explique :
C’est avec l’alternance de la pluie et du soleil que le lin va commencer à rouillir, les micro-organismes présents dans le sol vont agir sur les tiges de lin. Le liniculteur doit faire très attention de ne pas laisser trop rouillir le lin sous peine d’avoir des fibres de trop mauvaise qualité. Il doit les laisser également suffisamment de temps pour que lin puisse être teillé par la suite. Cette étape peut durer de 2 semaines à 3 mois en fonction des conditions climatiques.
Le car avançait toujours : des pommes de terre à foison. Puis des champs verts de lin à nouveau. On annonça ensuite l’
abbaye de Valasse, élégante abbaye cistercienne.
À 8 kms environ du Havre, changement radical d’orographie : pendant presque 700 mètres, on survole un affaissement pas trop large du terrain au relief accidenté —que colonise un bois touffu— grâce au moderne et imposant viaduc de Rogerville, en béton précontraint, qui fait partie de l’autoroute A29 et fut mis en service en 1996. Techniquement, c’est un pont en poutre-caisson, structure idéale pour ce genre de structures courbes.
Planète-tp en fait l’éloge sur son site :
La recherche architecturale sur cet ouvrage de l’autoroute A29, a été poussée très loin :
• les piles biaises à profil variable rappellent ici les arcs-boutants des cathédrales gothiques.
• Pour réduire l’emprise de l’ouvrage, les deux tabliers sont décalés en niveaux, et partiellement superposés.
• les larges encorbellements des tabliers sont supportés par des bracons en béton.
Sans délai, sur notre gauche, nous commençâmes à voir les raffineries pétrochimiques de Total. Ainsi que de jolis wagons rouillés.
À 10h00, enfin, Le Havre et, trente secondes après, le Stade Océane, toujours à gauche. Le HAC y joue. On aurait dit une gigantesque bouée gonflable bleue. Ou un radeau gonflable bleu... C'est là que nous avons rappelé aux voyageurs l'histoire des bombardements de septembre 1944.
Si la Première Guerre mondiale avait pour l'essentiel épargné les constructions de la ville, la Seconde Guerre mondiale causa de terribles dévastations. Mis à part les 132 bombardements alliés subis au cours de la guerre, ce furent les pilonnages britanniques début septembre 1944, surtout les 5 et 6, préparatoires de l'imminente
Opération Astonia, qui entraînèrent les destructions les plus massives. Le 12 septembre, on libéra une ville meurtrie et rasée. On peut, donc, imaginer le choc brutal éprouvé sur tous les plans par les havrais survivants (vies humaines, habitations, paysage, environnement, monuments, mémoire...) : trop de ravages et de traumatismes simultanés, y compris et notamment pour les enfants...
Les enfants, on les oublie trop souvent quand on raconte l'Histoire, que ce soit au Havre ou à Gaza, mais cette fois-ci, un film tente de retracer leurs pas en ce temps de guerre 1940-45.
En effet,
« A la recherche des enfants du Havre. L’enfance en temps de guerre 1940-1945 » est un nouveau
webdocumentaire —réalisé par
Cécile Patingre et les élèves d’établissements scolaires du Havre— relatant
l’histoire des enfants havrais mis à l'écart des bombardements nazis peu avant le début de l'Occupation ou évacués sur ordre des Allemands, car «
dès 1942, ils prescrirent l'évacuation de populations dites inutiles
de certains quartiers du Havre, dont les enfants de 6 à 14 ans ».
Cécile Patingre recueillit, durant près d’un an, le témoignage de certains parmi ces petits Havrais qui se retrouvèrent
seuls, loin de chez eux, sans trop comprendre pourquoi.
Ce projet s’inscrit dans le cadre de
Normandie Impressionniste et
bénéficie du soutien de la ville du Havre, du Conseil Départemental de
Seine-Maritime et de la DRAC Normandie. Il fut
présenté le 16 juin 2016 au théâtre de l'Hôtel de Ville du Havre.
Cette production audio-visuelle est riche de témoignages, archives administratives, images, dessins, films et textes explicatifs. En voici son introduction...
À LA RECHERCHE DES ENFANTS DU HAVRE
L'enfance en temps de guerre 1940-1945
Une enquête historique webdocumentaire
C'est un récit manquant de l'Histoire du Havre, celui de milliers d'enfants exilés de leur ville pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour être préservés des bombes ou soumis aux ordres de l'occupant. Ils sont partis, parfois loin, souvent sans leurs parents. Voici leur expérience, singulière et universelle, d'une enfance en temps de guerre.
Sa
vidéo d'introduction...
Et voici ces deux grands sujets :
À propos des témoignages qu'elle recueillit au Havre pour la confection de son webdoc, leur obtention et leur nature, Cécile Patingre, la réalisatrice, a donné des éclaircissements très intéressants à
lehavre.fr :
- lehavre.fr : Vous avez donc arrêté les gens dans la rue ?
C. P. : Exactement. Dès que je croisais
quelqu’un qui me semblait avoir l’âge requis je l’arrêtais « Bonjour
Madame, bonjour monsieur, je réalise un documentaire
sur l’évacuation des enfants pendant la guerre etc… ». Les langues se
sont déliées : soit ils avaient personnellement vécu l’expérience, soit
ils m’orientaient vers des personnes qu’ils connaissaient… Tout à
commencer comme ça. La ville du Havre m’a également aidé en postant sur
ses réseaux sociaux un appel à témoin. En l’espace de 2 jours plus de 40
personnes avaient réagi, notamment des jeunes qui m’invitaient à
prendre contact avec leurs grands-parents, leur oncle, etc. Il y a eu un
engouement assez fort. Enfin, le bouche à oreille qui a également
merveilleusement fonctionné. On a ainsi récolté ainsi une soixantaine de
témoignages !
- lehavre.fr : Vos témoins ont-ils parlé facilement ?
C. P. : C’est une bonne question car pour la
plupart des personnes, ils n’en avaient jamais parlé à quiconque. Pour
la plupart, c’était la première fois qu’ils revenaient sur cet épisode,
souvent douloureux. Les gens prenaient conscience, durant l’entretien,
qu’ils n’en avaient jamais parlé. Ils n’avaient jamais mis de mots sur
ce moment de leur vie. Il y a eu beaucoup de larmes durant ces
entretiens. C’est un traumatisme pour beaucoup d’entre-deux. Certains
n’ont pas vu leurs parents pendant près de 4 ans ! L’émotion remontait à
la surface durant ces entretiens parfois éprouvants puisqu’ils duraient
environ 1 h 30.
- lehavre.fr : Je suppose que sur l’ensemble de ces entretiens, certains vous ont particulièrement marqués ?
C. P. : Les témoignages étaient tous très
poignants. Je me rappelle particulièrement de celui d’un monsieur qui,
alors qu’il devait partir 6 mois, est resté 4 ans en Algérie sans la
moindre nouvelle de ses parents. Lorsqu’on lui a
annoncé qu’il devait retourner au Havre, ce monsieur ne voulait plus
rentrer « mes vrais parents, ce sont ceux avec lesquels je vis depuis 4
ans » justifiait-il. C’était bouleversant ! L’enfant s’était attaché à
ceux qui prenaient soin de lui à ce moment.